
6 minute read
FEMMES ET SALONS LITTÉRAIRES
Lorsquelavoixdesfemmess'imposedanslasociété
L'IMPACT DU SAVOIR SUR LE FÉMINISME
Advertisement
C'est au XVIIe siècle dans la capitale française que les salons littéraires voient le jour, ces lieux qui faisaient autrefois l'objet de réunions entre artistes ou savants. C'est là que les intellectuels se consacrent à des échanges littéraires, scientifiques et artistiques Mais au sein de ces salons, les femmes même non éduquées, avaient acquis une certaine notoriété et participaient alors à la vie de ces derniers pour apprendre et s'instruire, notamment lors des débats philosophiques tenus dans ces lieux d'échanges intellectuels.
Au XVIIe siècle, la femme qui fréquente les salons littéraires s'émancipe donc de son rôle conventionnel attribué par la société contemporaine et manifeste alors un intérêt pour la littérature, la politique, les sciences ou bien même l'art, si bien qu'elles feront entendre leurs voix et s'imposeront sur la scène littéraire de leur époque. Mais peut-onalorsparlerdefemmes «savantes»?Pouvons-nous réellementparlerdesprémicesduféminisme?
CONTRAINTES PAR LEUR GENRE : LES FEMMES DANS LA SOCIÉTÉ DU XVIIE SIÈCLE
Au XVIIe siècle, le genre féminin est considéré comme imparfait et comme le genre le plus faible En effet, quel que soit son rang social, la femme se doit de toujours paraître parfaitement entrtenue et doit esquisser un sourire constant sur son visage afin de se plier aux exigences masculines. Par ailleurs, où qu'elle naisse et à n'importe quel âge, la femme subit constamment l’assujettissement de son père, de son mari ou même des membres du clergé lorsqu'elle entre au couvent
De plus, elles ne reçoivent jamais, sauf cas exceptionnels, d'éducation convenable basée sur les lettres et les arts. C'est pourquoi celles-ci travaillent aux champs, vendent les récoltes en ville tout en s'occupant quotidiennement des tâches ménagères de leur foyer En revanche, seules les femmes provenant d'un milieu aisé peuvent avoir une chance de recevoir une bonne éducation Par exemple, Madeleine de Scudéry et la Marquise de Sévigné ont rédigé des ouvrages qui leur ont permis d'obtenir l'estime des hommes et de se faire reconnaître comme des figures littéraires de l'époque, bien que leurs travaux aient souvent été négligés par les critiques liées à leur sexe Le XVIIe siècle reste néanmoins le siècle de l'essor de l'influence de l'élite féminine, qui inspire le respect et la considération.
Le rôle le plus important pour une femme est son rôle de mère En effet, après s'être mariée avec un homme, le plus souvent lors de mariages arrangés, la femme se doit à tout prix d'avoir un enfant pour assurer la descendance mais également pour accomplir son devoir religieux et social. Par ailleurs, les mariés cherchent souvent à avoir des garçons pour qu'ils puissent travailler À cela s'ajoutent les conditions sanitaires dans lesquelles les femmes accouchent, ce qui accentuait le risque de la perte de
LES SALONNIÈRES : LES FEMMES QUI ONT FAÇONNÉ LA CULTURE LITTÉRAIRE
Les « salonnières » étaient auparavant très respectées et participaient également aux réunions afin de s'éduquer C'est à la demande de la marquise de Rambouillet que naît en 1608 le premier salon littéraire : l'hôtel de Rambouillet, surnommé « la Chambre bleue » Ce salon a exercé une grande influence sur les moeurs de la société et sur la littérature durant la première moitié du XVIIe siècle, jusqu'à la mort de son hôtesse Il a réuni de nombreuses personnalités de son époque, telles que Richelieu, Mme de Sévigné, Madame de La Fayette, Corneille ou encore Molière, quand bien même celui-ci a critiqué maintes fois la préciosité dominante au sein de ce salon
Portrait de Mme de Sévigné par Claude Lefèbvre, huile sur toile (vers 1665) l'enfant à la naissance, et donc elles sont dans l'obligation d'avoir beaucoup d'enfants

Cependant, c'est à cette époque que les es-prits féminins s'éveillent et se mettent en mar-che pour une lutte acharnée pour l'acquisition de leur égalité avec les hommes C'est notamment dans les salons littéraires que ces idées sont exposées tout au long du siècle
RÉVOLUTION FÉMININE : LES SALONS LITTÉRAIRES, AU-DELÀ DE L'IMAGE ORDINAIRE DE LA FEMME
Le seul lieu où les femmes réussissent à s'affranchir du rôle traditionnel qui leur est assigné, c'est au sein des salons littéraires En effet, on entend souvent dire que les salons sont le lieu d'une « culture féminine », voire du « paradis des femmes » Elles ne se contentent plus d'être des mères ou des épouses, elles constituent désormais le pivot du savoir littéraire du XVIIe siècle
Dans la société aristocratique de l'Ancien Régime, les salons littéraires sont le lieu idéal d'affirmation du rôle culturel accordé aux femmes. Alors que le monde académique ou les institutions politiques officielles ne leur accordent aucune place, ces salons leur permettent de jouer un rôle culturel, social, voire politique
En effet, en tant que maîtresses de maison, celles-ci jouissent de prérogatives incontestées et d'une relative liberté Elles peuvent encourager, recevoir les écrivains ou les artistiques qu'elles apprécient ou encore animer et diriger les conversations Les femmes possèdent ainsi le pouvoir d'influer et d'orienter les idées de la société du XVIIe siècle C'est le début de l'affirmation des femmes dans le monde intellectuel et dans une société dominée par les hommes, les débuts de ce qu'on appelle aujourd'hui le féminisme.
Un courant de pensée important se développe à la même époque : il s'agit de la préciosité, mouvement dans lequel les femmes ont un rôle central Le terme « précieuse » définit alors la femme parisienne de haut rang social dont les manières sont extrêmement raffinées et dont les sentiments sont très délicats. À l'origine mélioratif, ce terme a pris une connotation péjorative en raison du raffinement des précieuses souvent considéré comme excessif et superflu. La préciosité a tout de même eu un impact marqué sur la vision portée sur les femmes dans le milieu littéraire, comme le démontrent Les Précieuses ridicules ou Les femmes savantes, deux comédies du célèbre dramaturge Molière discutant du thème de la préciosité La préciosité se développe surtout dans les salons, où la réunion d'aristocrates entraîne l'emploi d'un langage et de manières très raffinés ; c'est par ailleurs là où elle est le plus discutée
MARQUISEDERAMBOUILLET,«LAGRANDEMARQUISE»
Malgré une affirmation certaine des femmes dans le savoir, les changements restent minimes. Les salons sont des espaces relativement clos, et les femmes y gardent un rôle qui demeure toujours traditionnel. En effet, elles continuent à être contraintes de se conformer aux normes de la bienséance féminine : entre discrétion et modestie, mais aussi refus de l'érudition Leur rôle dans les salons ne va pas plus loin que la sociabilité mondaine, et cela reste un dérivatif à leur faible rôle dans la vie intellectuelle publique Ainsi, ce semblant de liberté ne permet pas d'échapper au discrédit qui touche le savoir féminin Au contraire, les ambitions intellectuelles sont jugées peu conformes à l'image de la femme du XVIIe siècle C'est notamment ce que l'on peut constater avec la stigmatisation et le ridicule autour du mouvement des Précieuses Nous pouvons prendre l'exemple de Molière ou Boileau qui critiquent la préciosité, comme une façon de rappeler les limites de la liberté des femmes.
Les salons littéraires sont le fruit d'une volonté d'affirmation du « genre faible » dans le savoir alors réservé au genre considéré comme dominant, un grand pas pour les femmes savantes, bien que le chemin vers l'égalité reste encore long. L'impact que ces figures féminines ont eu n'est alors pas négligeable, d'autant plus qu'elles ont façonné la littérature de leur temps et continuent d'inspirer les générations d'écrivain d'aujourd'hui
De son nom de jeune fille, Catherine de Vivonne est une aristocrate italienne mariée au marquis de Rambouillet, Charles d'Angennes Celle-ci demeure d'une santé fragile ne lui permettant pas de se déplacer dans Paris Elle choisit plutôt d'attirer du beau monde dans son hôtel Aidée de sa fille, elle reçoit ses invités de marque dans la fameuse « Chambre bleue » : c'est ainsi que naît le premier salon littéraire Quand bien même la marquise de Rambouillet n'est pas une femme de lettres, elle est toutefois une femme savante qui parle plusieurs langues et qui porte de l'intérêt aux lettres et aux arts Appelée par ses invités « la Grande Marquise », elle inspire le respect et a notamment charmé le poète Malherbe, qui l'a surnommé Arthénice. Les hommes ne sont pas les seuls invités, puisque de nombreuses femmes y sont conviées, comme Madame de Sévigné et Madame de La Fayette, des jeunes filles issues de grandes familles bourgeoises ou des Précieuses.

MADAME DE SCUDÉRY, LA REINE DE LAPRÉCIOSITÉ

Madeleine de Scudéry, née au début du XVIIème siècle, est une romancière française, réputée pour avoir été une des plus grandes salonnières et figures de la préciosité En effet, son rôle dans l’animation du salon littéraire de l'hôtel de Rambouillet, lui a forgé sa réputation puisqu’il est au centre de la vie intellectuelle de la noblesse française au XVIIème siècle
Connue également sous le surnom de la « Sapho du faubourg Saint-Ger-main » , en l’honneur de la poétesse grecque Sappho, elle cherche à être l’égal de l’homme notamment au travers de ses écrits Elle publie de longs romans-fleuves dont Le Grand Cyrus et Clélie, tous deux en dix volumes, au sein desquelles elle développe ses personnages et les fait évoluer Elle y développe également la vie marquée par la préciosité et décrit la société, les personnes, leurs comportements dissimulés derrière la fiction C’est notamment cela qui explique le succès de ses œuvres, sans oublier le style élégant de l’auteure et ses idéologies défendant l’égalité des genres
Habituée de l'hôtel de Rambouillet, elle crée son propre cercle littéraire en 1652 dans le marais, rue du temple D’autres figures féminines majeures de l’époque, telle Madame de Sévigné le fréquentent Son salon donne le ton de la préciosité notamment avec le concept de «samedi de Mademoiselle de Scudéry » très apprécié par les visiteuses de ce salon.