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Séance 1F12. Revenir sur son travail
Guillaume Apollinaire (1880-1918), de son vrai Guillaume de Kostrowitzky, est considéré comme l’un des poètes les plus importants du XXe siècle. Il devient célèbre en 1913 avec la publication d’Alcools, un recueil de poèmes composés entre 1898 et 1913. En 1911, Apollinaire est arrêté pour recel : l’un des amis, Géry Piéret, lui a offert de petites statuettes qu’il a en fait volées au Louvre. Suite au vol de La Joconde en août 1911, la police enquête sur Piéret et découvre les statuettes volées chez Apollinaire. Ce dernier est incarcéré pendant six jours à la Prison de la Santé. Cette expérience va le marquer profondément.
D o c 1 . « A l a s a n t é » , d e G u i l l a u m e A p o l l i n a i r e :
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I
Avant d’entrer dans ma cellule Il a fallu me mettre nu Et quelle voix sinistre ulule Guillaume qu’es-tu devenu
Le Lazare1 entrant dans la tombe Au lieu d’en sortir comme il fit Adieu Adieu chantante ronde Ô mes années ô jeunes filles
II
Non je ne me sens plus là Moi-même Je suis le quinze de la Onzième2
Le soleil filtre à travers Les vitres Ses rayons font sur mes vers Les pitres
Et dansent sur le papier J’écoute Quelqu’un qui frappe du pied La voûte
III
Dans une fosse comme un ours Chaque matin je me promène Tournons tournons tournons toujours Le ciel est bleu comme une chaîne Dans une fosse comme un ours Chaque matin je me promène
Dans la cellule d’à côté On y fait couler la fontaine Avec les clefs qu’il fait tinter Que le geôlier aille et revienne Dans la cellule d’à coté On y fait couler la fontaine
IV
Que je m’ennuie entre ces murs tout nus Et peint de couleurs pâles Une mouche sur le papier à pas menus Parcourt mes lignes inégales
Que deviendrai-je ô Dieu qui connais ma douleur Toi qui me l’as donnée Prends en pitié mes yeux sans larmes ma pâleur Le bruit de ma chaise enchainée
Et tous ces pauvres cœurs battant dans la prison L’Amour qui m’accompagne Prends en pitié surtout ma débile raison Et ce désespoir qui la gagne
V
Que lentement passent les heures Comme passe un enterrement
Tu pleureras l’heure où tu pleures Qui passera trop vitement Comme passent toutes les heures
VI
J’écoute les bruits de la ville Et prisonnier sans horizon Je ne vois rien qu’un ciel hostile Et les murs nus de ma prison
Le jour s’en va voici que brûle Une lampe dans la prison Nous sommes seuls dans ma cellule Belle clarté Chère raison
Guillaume Apollinaire, « A la santé », Alcools, 1913

Apollinaire, premier jet du poème « A la santé », manuscrit disponible sur le site Gallica : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b52505641f/f69.item.zoom
Apollinaire travaillait continuellement ses poèmes. Le « premier jet » était écrit sous l’inspiration, il le laissait quelque temps de côté. Reprenant ensuite son texte pour impression, il le remaniait, raturait, biffait, élaguait1, changeait souvent plusieurs fois de titre. Décidé à réunir les poèmes en un volume, il composait la maquette avec des pages de revue, des fragments de manuscrits, les modifiant à nouveau. Sur épreuves2, il les travaillait encore, allant parfois jusqu’à bouleverser complètement l’ordre initial des strophes, le découpage des vers, recherchant des cadences3 nouvelles avec un souci constant d’unité et de perfection.
Marcel Adéma, Guillaume Apollinaire le mal-aimé, 1952
1. Élaguer : raccourcir, enlever ce qui est inutile. 2. Épreuves : dernière étape avant l’impression définitive d’un livre. 3. Cadences : rythmes.
A . L ’ é c r i t u r e : u n l o n g t r a v a i l :
1. Présentez les 3 documents et expliquez pourquoi, selon vous, ils ont été regroupés dans ce dossier.
2. Quelles différences et points communs voyez-vous entre le premier jet du poème « A la santé » (document 2) et sa version définitive (document 1) ?
3. Dans le document 3, Marcel Adéma dit qu’Apollinaire « travaillait continuellement ses poèmes » : comment cela se traduit-il sur le document 2 ?
B . A n a l y s e d u p o è m e :
1. Quel évènement de la vie d’Apollinaire se trouve à la genèse de ce poème ? Quels sont les éléments du texte qui nous permettent de le comprendre ?
2. Quels sont les différents sentiments exprimés par Apollinaire dans ce poème ? (Justifiez vos réponses grâce à des éléments du texte)
3. En vous aidant du mémo ci-dessous, quelles figures d’analogie pouvez-vous repérer dans ce texte ?
M é m o : l e s f i g u r e s d ’ a n a l o g i e :
Les figures d’analogie ont toutes pour objectif d’établir une ressemblance entre deux éléments : un comparé et un comparant.
• La comparaison est une figure de style qui rapproche clairement le comparé et le comparant au moyen d’un outil de comparaison : « comme », « tel », « semblable », « sembler », « ressembler », « paraître », etc… Exemple : « Il est lent comme une tortue. »
• La métaphore est une comparaison, mais sans outil de comparaison. Exemple : « C’est une tortue ce type ! »
• La personnification attribue des caractéristiques humaines à une chose ou à un animal : Exemple : « Le soleil riait dans le ciel. »
E x e r c i c e 1 . D a n s l e s c o m p a r a i s o n s c i-d e s s o u s , i d e n t i f i e z l e c o m p a r é , l e c o m p a r a n t e t l ’ o u t i l d e c o m p a r a i s o n :
1a. Je suis dévoré de comparaisons, comme on l’est de poux. (Flaubert)
1b. Son regard est pareil au regard des statues. (Verlaine)
1c. J’ai vu passer dans mon rêve - tel l’ouragan sur la grève, - d’une main tenant un glaive et de l’autre un sablier, ce cavalier. (Verlaine)
1d. La terre est bleue comme une orange (Éluard)
1e. Et je m’en vais au vent mauvais qui m’emporte, deçà, delà, pareil à la feuille morte. (Verlaine)
E x e r c i c e 2 . I n d i q u e z s i l e s e x e m p l e s c i-d e s s o u s s o n t d e s c o m p a r a i s o n s , d e s m é t a p h o r e s o u d e s p e r s o n n i f i c a t i o n s :
2a. Cet homme est à l'automne de sa vie.
2b. Les feuilles dansent dans le vent.
2c. Elle a les cheveux blonds comme les blés.
2d. Le poète est semblable au prince des nuées.
2e. La rue assourdissante autour de moi hurlait.
2f. Je suis un vieux boudoir plein de roses fanées.
2g. La bouilloire chantait dans la cuisine.
2h. Tu es le soleil de ma vie.
2i. La vie ressemble à un chemin.
E x e r c i c e 3 . D a n s l e s m é t a p h o r e s s u i v a n t e s , d i t e s q u e l e s t l e c o m p a r é , q u e l e s t l e c o m p a r a n t , e t q u e l l e e s t l a s i g n i f i c a t i o n d e c e t t e m é t a p h o r e .
3a. Je ne regarderai ni l'or du soir qui tombe... (Victor Hugo)
3b. Ma jeunesse ne fut qu'un ténébreux orage. (Charles Baudelaire)
3c. Un gros serpent de fumée noir (Guy de Maupassant)
3d. Adolphe essaie de cacher l'ennui que lui donne ce torrent de parole. (Honoré de Balzac)
3e. Mon cœur continue à brûler (Jules Supervielle)