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Couple franco-allemand : énergie ou armement ����������������������������������������

Couple franco-allemand : énergie ou armement, Berlin fait souvent chambre à part

Le couple franco- allemand.

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Le Conseil des ministres franco-allemand prévu le 26 octobre à Fontainebleau a donc été reporté sine die. Du côté de l'Élysée et de la Chancellerie fédérale, des incompatibilités de calendrier entre les différents ministres ont été évoquées. Évidemment, la raison est plus sérieuse. « On a jugé ensemble que nous avions besoin d'un tout petit peu plus de temps pour atterrir sur des choses ambitieuses, qui soient à la hauteur des enjeux du moment », a depuis expliqué la présidence française à l’AFP. La vérité est qu’en moins d’un an, la guerre en Ukraine a secoué plusieurs fondements sur lesquels repose l’Union européenne. La France et l’Allemagne ont dû en très peu de temps réviser leur approvisionnement et leur politique énergétiques, tenter d’amortir les conséquences de l’inflation mais aussi revoir leurs politiques de défense et de sécurité.

Dans une atmosphère de « sauve-quipeut » les deux pays et leurs partenaires luttent pour garantir à leur population une couverture énergétique suffisante pour l’hiver. Les Français sont confrontés à des problèmes de centrales vétustes et d’alimentation électrique. Les Allemands se retrouvent soudainement coupés d’un gaz russe dont ils ont plus qu’abusé. Dans ces conditions, le tandem franco-allemand a assuré une coopération minimum en ce qui concerne l’aide militaire et financière à l’Ukraine. Mais sur d’autres dossiers, la coordination a fait gravement défaut et les désaccords se sont creusés surtout dans l’énergie et l’armement.

Sur l’énergie, Berlin et Paris ont certes réussi à signer en septembre dernier un accord d’entraide énergétique, les Allemands se tenant prêts à livrer du courant à la France pendant que les Français modifiaient le pipeline qui relie les deux pays pour pouvoir envoyer, si besoin, du gaz en Allemagne. En revanche, la décision unilatérale de l'Allemagne, le 29 septembre, de créer un « bouclier énergétique » de 200 milliards d’euros a fortement déplu à la France comme à de nombreux pays européens. Ce plan, que seule l’Allemagne peut s’offrir, risque en effet de créer un déséquilibre entre les entreprises et citoyens européens. Par ailleurs, les deux capitales ne sont pas du tout d’accord sur la manière de réduire la facture énergétique des Européens et de contrôler les prix du gaz. Ils se divisent notamment sur la question d'un plafonnement du prix du gaz utilisé pour produire de l'électricité. Un dispositif de ce type est déjà appliqué en Espagne et au Portugal, où il a permis de faire chuter les prix. Plusieurs pays dont la France demandent l'extension de ce mécanisme, dit « ibérique », à l'échelle de l'UE. Mais l'Allemagne s'y oppose, ainsi que plusieurs pays nordiques, dont le Danemark et les Pays-Bas. Berlin estime que faire baisser artificiellement le prix du gaz nuirait à l'objectif de sobriété énergétique, en incitant à consommer plus. Enfin, Berlin négocie avec l’Espagne les conditions de la relance du projet de gazoduc Midcat, qui permettrait d’envoyer du gaz de l’Espagne vers l’Allemagne en passant par la France. Mais Paris n’est pas intéressé et refuse la discussion.

Pourtant, les désaccords franco-allemands dans le domaine de l’énergie, ne sont rien en comparaison du feu qui couve dans le domaine de l’armement. La guerre en Ukraine et l’agression russe ont renforcé l’évidence que les pays de l’UE devaient être militairement mieux équipés et plus actifs. Ce qui passe par une coopération renforcée, mais aussi une réunion des capacités et des armes. Or, les ambitieux projets d’armement franco-allemands que sont le Système de combat aérien du futur (SCAF) ou le Système principal de combat terrestre (MGCS) n’avancent guère. Les entreprises et les gouvernements se disputent sur le leadership technologique et industriel des projets ou encore sur les conditions d’exportation.

Par ailleurs, pris de court par l’agression russe, les Allemands ont pris conscience du sous-équipement de leur armée. Ils veulent désormais mettre les bouchées doubles. Ils ont créé un fonds de 100 milliards d’euros pour l’armement et ne veulent plus attendre pour s’équiper.

Ceci ne joue pas du tout en faveur de la coopération franco-allemande dans le domaine. L’Allemagne a ainsi choisi il y a peu d’acheter des avions américains F-35 pour remplacer ses vieux Tornado dans le dispositif de dissuasion nucléaire de l’Otan. Berlin vient aussi d’opter, avec 4 autres pays, pour le système de défense antiaérienne israélien Dôme de fer, alors que la France développe un système similaire avec les Italiens. Soit une série de signaux qui augurent mal de la suite.