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Qatar : Refuser l’esclavagisme

Selon un sondage publié par Amnesty International et rapporté par le quotidien sportif l’Equipe, 70% des personnes interrogées en France souhaitent que la FFF prenne position au sujet des droits humains au Qatar, organisateur de la prochaine Coupe du monde.

L'équipe nationale d'Allemagne en mars 2021 en signe de protestation de la situation au Qatar.

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Un peu plus de deux mois avant l'ouverture du tournoi, le résultat semble sans appel. Selon un sondage mondial réalisé par YouGov pour Amnesty International dans quinze pays, dont la France, auprès de 17 477 personnes, plus des deux tiers (67 %) des adultes interrogés souhaite que leur Fédération tienne publiquement une position sur le respect des droits humains au Qatar, qui organise la prochaine Coupe du monde (20 novembre-18 décembre). En France, ce chiffre monte à 70 %, comme en Norvège, qui avait notamment organisé un débat national, dans ses instances, sur un éventuel boycott - finalement écarté - de la compétition, au cas où sa sélection se serait qualifiée. La présidente de la NFF, Lise Klaveness, avait même défié sur le sujet les dirigeants de la FIFA et du comité d'organisation qatarien lors du congrès de Doha, le 31 mars. Le sondage d'Amnesty est une nouvelle façon d'interpeller la FFF sur le sujet, alors que son président, Noël Le Graët (80 ans), n'a jamais voulu entrer dans la polémique sur ce dossier sensible, aux contours très politiques. Après le tirage au sort du tournoi, le 1er avril, à Doha, il s'était dit « très content qu'on vienne jouer au Qatar ». « Ils ont fait beaucoup d'efforts, avait expliqué le Breton. Le pays a fait d'énormes progrès au niveau social, en instaurant un salaire minimum (qui représente l'équivalent de 270 €). On ne peut pas toujours comparer à la France, qui est une démocratie depuis longtemps. » Le coût humain - en souffrance, abus et décès - de cette Coupe du monde, la première organisée au Moyen-Orient, fait l'objet de vifs débats : des dizaines de milliers de travailleurs étrangers ont contribué à la construction des infrastructures nécessaires à l'organisation du tournoi, depuis son attribution controversée à la petite péninsule du Golfe, le 2 décembre 2010.

« Une véritable exception française » pour Amnesty « Ces 70 % de personnes qui souhaitent que la FFF prenne position (sur le respect des droits humains au Qatar), c'est un message très fort qui lui est adressé, explique Lola Schulmann, chargée de plaidoyer à Amnesty France. « Cette politique de l'autruche n'est pas tenable. De notre côté, on va continuer à maintenir la pression. Il y a une véritable exception » Une réunion, plusieurs fois décalée, avait tout de même eu lieu entre la « 3F » et Amnesty France, le 19 avril, sur ces questions. Cette étude internationale révèle également que près de trois quarts (73 %) des sondés - 71 % en France - souhaitent que la FIFA utilise les recettes générées par la prochaine Coupe du monde, qui se comptent en milliards d'euros, « pour indemniser les travailleurs et travailleuses qui ont souffert lors de la préparation de ce tournoi », écrit l'ONG. Ce chiffre s'élève à 84 % chez ceux susceptibles de regarder au moins un des 64 matches de la compétition. Cette idée prend sa source dans le mécanisme d'indemnisation des victimes mis en place après la catastrophe du Rana Plaza, en avril 2013, à Dacca, la capitale du Bangladesh ; l'effondrement de ce bâtiment, qui accueillait plusieurs milliers d'ouvriers travaillant pour les grandes marques occidentales, avait causé la mort de plus de 1 100 personnes.

Indemnisation légitime Le montant minimum de ce « fonds d'indemnisation » réclamé par Amnesty, avec d'autres organisations de défense des droits humains (campagne #PayUpFIFA, lancée en mai dernier), est de 440 millions de dollars (environ 440 millions d'euros). Amnesty International explique que la FIFA, présidée par Gianni Infantino (qui vit en partie au Qatar), lui a indiqué « étudier cette proposition » mais qu'elle n'y a « jusqu'à présent pas répondu publiquement ». Au début du mois de mai, lors d'une conférence à Los Angeles, Infantino avait lancé avec le plus grand sérieux : « Quand vous donnez du travail à quelqu'un, même dans des conditions difficiles, vous lui donnez de la dignité et de la fierté ». Le patron de l'instance mondiale avait également insisté sur l'introduction d'un salaire minimum au Qatar. Le ministère du Travail du petit émirat a déjà reconnu qu'il « restait encore du travail à faire », tout en expliquant « qu'aucun autre pays n'a fait autant de progrès en matière de réformes du travail en si peu de temps. » Le riche émirat gazier est régulièrement dénoncé par des ONG pour le