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Portrait Dan Lewkowicz
par Sandrine Houta portrait Lewkowicz Dan
Il est l’homme derrière les venues en Israël d’Anne Sinclair, Michel Fugain, les Rita Mitsuko, Michel Drucker, Muriel Robin et Michèle Laroque.Sasociété de production Live Stage, est a la tête de nombreux spectacles et pièces de théâtre. Focus sur Dan Lewkowicz, qui se dévoile un peu plus sur son parcours.
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Que retiens-tu de cette année durant laquelle le spectacle vivant a été fortement impacté ?
Passé le choc d’un arrêt total et brutal de l’activité, nous avons en priorité du gérer les annulations et les reports de tous nos spectacles. Ensuite, nous nous sommes attachés à maintenir un lien fort entre nos artistes en France et nos spectateurs ici. Quand est arrivé l’heure du premier confinement, notre volonté a été d’essayer de trouver comment mettre un peu de baume au cœur durant cette période si anxiogène. C’est par nos réseaux sociaux, et avec le soutien de nombreux artistes de la scène française, que nous avons diffusé quotidiennement des pastilles artistiques allant de l’humour à la chanson, en passant par des lectures et des visites de musée. Face à la solidarité et au soutien intense du public franco-israélien, nous avons été confortés dans notre envie de ne pas baisser les bras. Ainsi, chaque fois que l’occasion s’est présentée, nous avons tenté de remonter des spectacles contre toute raison. Comme quoi, quand la passion l’emporte, rien n’est inatteignable.
Tu es devenu l’un des producteurs francophones de spectacles en Israël les plus prolifiques et respectés. Ainsi depuis 4 ans, humblement tu contribues à l’essor de la culture française en Israël. Quel bilan en fais-tu ?
Tellement positif ! La satisfaction de faire découvrir au public franco-israélien le meilleur de la scène française me procure une immense joie. Je découvre un public avide de rencontres, ouvert et tellement réceptif, qu’il nous est donné la chance d’explorer toute la diversité culturelle française. Quant au côté français, faire découvrir notre pays à des artistes, principalement non juifs, et qui viennent pour la première fois, et faire en sorte qu’ils repartent éblouis par cette expérience, me rend fier, car si je peux changer, ne serait-ce qu’un regard négatif en un regard positif, j’aurais le sentiment d’apporter ma petite contribution au rapprochement entre ces 2 pays.
Tu ne viens pas du domaine du spectacle, ni de la production. Qu’est ce qui a été la motivation pour créer Live Stage ?
Certes, la production de spectacles vivants m’était inconnu, cependant, je co-produisais depuis de nombreuses années des films en France. À la suite de mon Alya, j’ai eu l’envie de continuer à profiter du meilleur de la scène artistique française. Si j’avais ce désir, c’était probablement que de nombreux olims l’avaient aussi. Fort de mon passé d’entrepreneur, j’avais trouvé là mon prochain défi : combler ce vide.
Quelles sont les qualités nécessaires et les compétences professionnelles à avoir pour faire le métier de producteur en Israël ?
Beaucoup de ténacité, de rigueur et d’humilité face au caractère piquant mais tellement attachant des Israéliens. Mais par-dessus tout, l’envie incessante d’être dans le partage et la générosité. Être producteur, c’est être dans l’obligation de se remettre en cause, d’être sans cesse confronté à des formes différentes de contenus et de styles, il faut donc une disponibilité constante, beaucoup de diplomatie, de patience et de détermination. Bref, ça demande une très grande diversité dans le travail. Mais c'est surtout une grande richesse de rencontres et d’échanges.
Ta dernière pièce « Le visiteur » a dû être reportée à septembre 2022 en raison des restrictions deconfinement. Faites-vous face à des demandes de remboursement ou si contraire constatez-vous une fidélité de vos spectateurs ?
Nous avons bien entendu, eu quelques demandes de remboursement, mais en grande majorité, en acceptant d’attendre, les gens nous ont soutenu et même encouragé !



D’ailleurs, pour les remercier de cette fidélité, nous leur offrons 15% de réduction sur les billets qu’ils achèteront pour l’un de nos prochains spectacles. Par leur patience et leur solidarité, ils nous ont prouvé que nous avions créé une jolie communauté de spectateurs autour de nous !
On dit souvent que faire venir des stars en Israël coûte excessivement cher et qu’il y a un autre but à cela. Est-ce une « mission » que de faire venir des artistes - souvent pour la première fois - pour qu’ils découvrent une société différente de ce que les médias pourraient montrer ?
Bien sûr, et c’est là une des façons d’exprimer mon sionisme. En France, les médias véhiculent bien trop souvent une image négative d'Israël. J’avais envie de faire évoluer les mentalités, et les artistes sont de merveilleux porte-paroles pour ça ! Ils ne repartent jamais directement une fois le spectacle joué. Je les emmène visiter le pays, de Jérusalem la ville sainte pour 3 religions, aux rives spectaculaires de la mer morte en passant par la beauté du désert de Judée ou en leur faisant gouter à la vie nocturne Tel Avivite, je leur fais découvrir toutes les facettes et richesses de ce pays. Quand ils repartent d’ici, les artistes deviennent nos meilleurs ambassadeurs. C’est un petit milieu que celui du spectacle, le bouche à oreille est notre allié.
As-tu rencontré des difficultés à convaincre certains artistes de venir jouer en Israël ?
Oui, certains ont des à priori très ancrés sur notre pays ! Ils craignent aussi qu’une partie de leur public Français ne leur tourne le dos. Ils ont souvent tout à perdre et peu à gagner à venir jouer ici. Mais je suis maintenant bien rodé depuis 4 ans, et j’ai trouvé les arguments qui les ont convaincus de venir. Aujourd’hui, la vraie difficulté est de jongler avec les agendas des artistes. Comme je ne sélectionne que les meilleurs spectacles, et pour le théâtre, principalement les pièces récompensées aux Molières, il est très difficile de trouver une période où ces spectacles ne sont pas joués dans toute la France. Et puis, il y a le volet financier, je déplace les mêmes équipes qu’en France pour s’assurer d’un spectacle identique. Je prends tout en charge : avion, hôtel, restaurant, pour souvent une représentation unique, ce qui forcément, a un coût...
Tu reviens en force pour cette saison. Quelle est la programmation de Live Stage ?
Un tourbillon de grands spectacles dans des domaines très variés. On démarre avec Stéphane Freiss, qui vient nous faire la lecture du chef d’œuvre de Romain Gary, La promesse de l’aube. Puis, nous accueillerons Delphine Horvilleur, pour un Conversation avec, ou comment passer un moment unique avec l’une des figures de la communauté juive. Place ensuite au théâtre avec La Machine de
Turing, une pièce exceptionnelle qui a obtenue
4 Molières, et qui raconte l’incroyable destin du mathématicien anglais qui a brisé le code secret de l’armée allemande pendant la seconde guerre mondiale. De la musique avec un concert de Michel Fugain. Michel Drucker viendra nous jouer son nouveau spectacle, 4 ans après son triomphe ici. Théâtre encore avec Le Visiteur d’EricEmmanuel Schmitt, là aussi, une pièce extraordinaire, qui rencontre déjà un immense succès parisien. Et puis quelques surprises, mais on ne peut pas tout vous dévoiler !
Tu es un amateur de théâtre, quelles ont été les pièces qui t’ont le plus marquéeset que tu aurais aimé faire venir ?
Pour le moment, j’ai été comblé. Il y a peu de pièces que je n’ai pas pu faire venir. Edmond d’Alexis Michalik qui a remporté 5 Molières et réuni presque 1 million de spectateurs reste ma grande frustration. Des décors pharaoniques et plus de 14 comédiens sur scène rendent, au-delà de compliqué, la production de cette pièce mais on continue de travailler sur ce projet.
Tu as innové avec un nouveau genre de spectacle en produisant « conversation avec … ». Après Anne Sinclair, Michel Cymes, quel sera le prochain invité ? Et Comment cette idée est-elle venue ?
Il y a des gens dont le parcours de vie est si exceptionnel, qu’on a juste envie de les écouter nous raconter leur vie et leurs souvenirs. Un peu comme se retrouver à la fin d’un diner entre amis, et laisser la place aux confidences. C’est en voyant Al Pacino au théâtre de Paris, où Il évoquait son enfance, ses débuts, sa carrière, ses amitiés que l’idée m’est venue...C’est ainsi que, dès mon retour en Israël, je me suis mis à travailler pour créer un spectacle en forme de conversation face à un public.


Grâce au talent de Michael Larrar, psychiatre, qui accompagne notre invité sur scène, c’est un succès incroyable. Rien n’est écrit, rien n'est répété. Et c’est justement de cette spontanéité, que jaillit toujours un moment magique, hors du temps. C’est une soirée unique qui est proposée aux spectateurs, c’est pourquoi il est impossible de le faire 2 soirs avec un même invité. On accueille prochainement Delphine Horvilleur, car qu’on partage ou non sa vision du judaïsme, on est évidemment curieux de mieux connaitre cette personne au parcours atypique et de comprendre son cheminement. Il est indéniable que celle qui représente aujourd’hui une partie de la communauté juive de France est une personne brillante qui véhicule des valeurs fortes.
Comment choisis-tu la programmation ? Vois-tu beaucoup de productions en France, ou est-ce les producteurs français qui te sollicitent ?
J’ai la chance de voir beaucoup de spectacles et d’assister à de nombreux festivals. Je ne retiens en moyenne qu’un spectacle sur 10. Théâtre, concerts, humoristes, la diversité et la découverte de choses nouvelles sont deux de mes principaux choix de programmation…. J’essaye aussi d’allier mes gouts et ceux du public pour proposer le meilleur des spectacles qui se jouent en France.
Selon toi, y a-t-il une différence entre le public en France et les francophones en Israël ?
Une différence énorme ! La chaleur et l’enthousiasme du public en Israël est unique au monde. Tous les artistes qui sont venus m’ont avoué ne pas avoir eu de spectateurs aussi chaleureux depuis bien longtemps. Ce qui les émeut énormément. La plupart des gens savent bien qu’ils sont partie prenante du succès de notre mission. Ce n’est qu’avec des salles pleines que nous avons les moyens de leur faire visiter notre pays. C’est grâce à tous les spectateurs qui sont dans la salle, qu’on réussit ensemble à changer l’image d’Israël.
Tu as co-produit des films en France, quels sont tes projets cinéma à venir ?
Actuellement je travaille sur un énorme et passionnant projet qui réussit à concilier les liens que j’ai tissé entre la France et Israël ces dernières années. En m’associant avec Joann Sfar et Mediawan, le leader européen de l’audiovisuel, nous allons adapter certaines de ses BD en série. Nous allons utiliser le savoir-faire mondialement reconnu des séries Israéliennes pour porter ses œuvres à l’écran. Ce sont donc des scénaristes, des metteurs en scène et des comédiens Israéliens qui vont travailler avec cet incroyable auteur français !
En quelques mots, pour conclure, si tu devais décrire l’homme derrière le nom Dan Lewkowicz, tu dirais … ?
Un homme passionné et avide de rencontres. Ce nouveau métier m’a permis de découvrir des personnes magnifiques, tant du côté des artistes que du côté des spectateurs. Quand on décide de changer de vie, il y a toujours cette appréhension de l’inconnu, pour moi, ça a été une vraie révélation. Être un pont entre 2 cultures qui m’étaient chères, m’a permis de trouver ma place ici, en Israël, sans pour autant renoncer à tout ce que j’aimais de la France. Il n’y a rien de plus enrichissant et gratifiant que ces rencontres humaines et ces moments magiques qui se produisent à chaque spectacle… N’est-ce pas là l’essence de la vie ?
LIVE STAGE www.LiveStage.show Réservations : www.LiveStage.show ou 03.966.41.08
