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Julie Carron, l’amour d’Ampère
Julie Carron, l’unique amour d’André-Marie Ampère
Ampère vient d’atteindre sa vingtième année. Il habite Lyon, où il donne leçons pour gagner sa vie, en attendant une place de professeur. Travailleur acharné et infatigable, il se lève à quatre heures, afin d’avoir le temps nécessaire pour ses études favorites. Chaque semaine, il vient passer la journée du dimanche auprès de sa mère et sa sœur, qui habitent Poleymieux. Non loin se trouve le petit village de SaintGermain, où réside une tante d’André-Marie. C’est là qu’il devait bientôt rencontrer Julie Carron, la future compagne de sa vie. La famille Carron possède à Saint-Germain une propriété qu’elle habite pendant l’été. Cette famille se compose du père, de la mère et de plusieurs enfants. L’aînée des deux filles non mariées se nomme Julie. On a retrouvé dans les papiers du mathématicien une feuille volante qui remonte à cette époque : « Elevé dans une solitude presque complète, l’étude et la lecture, qui avaient fait pendant longtemps mes plus chères délices, ils me laissaient tomber dans une apathie que je n’avais jamais ressentie, et le cri de la nature répandait dans mon âme inquiétude vague et insupportable. Un jour que je me promenais, après coucher du soleil, auprès d’un ruisseau solitaire... ».
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La page inachevée ne nous en dit pas davantage. Qu’avait-il vu auprès de ruisseau ? Un journal intime nous initie jour par jour aux heureux et naïfs sentiments du jeune homme, jusqu’au moment où il devient le fiancé de Julie Carron. Pendant un an, il multiplie les prétextes pour rendre ses visites.
Lettre à Mademoiselle Julie Carron à Saint-Germain. Dimanche, 3 mars 1799
Mademoiselle, Il m’est donc permis de vous écrire, de me dédommager un peu de la privation que j’éprouve. Ce jour qui était destiné au bonheur de vous voir, il a fallu le passer à Lyon. Je peux du moins l’employer à vous répéter que tous les jours, toutes les heures, tous les moments, mon âme est toujours pleine de la même idée. Je voudrais pouvoir exprimer mille sentiments à la fois, l’excès de mon amour, celui de ma reconnaissance, les chagrins d’une absence si longue,les transports de joie avec lesquels j’ai reçu la charmante permission que votre maman, ou plutôt ma seconde mère, vient de m’accorder, les souvenirs charmants, les images délicieuses qui m’ont consolé dans mon exil, tout se presse au bout de ma plume. Je n’en peux plus douter, j’étais né pour être le plus heureux des hommes. Les sentiments les plus purs, les plus doux, me guident à la véritable félicité que je vois chaque jour s’approcher de moi. Cette chambre, aujourd’hui déserte, sera bientôt habitée par une épouse adorée ; je pourrai lui consacrer tous les moments de ma vie ; elle sera heureuse de mon bonheur comme je le serai du sien ; la confiance, l’amitié, le pur amour se partageront tous nos moments. Ah non ! Ils ne se les partageront pas, ils règneront ensemble, mon cœur se presse à ces idées de paix et de bonheur dont je suis environné, je la verrai assise devant cette cheminée, auprès de cette table, elle me dira qu’elle m’aime !... Mais je m’égare, Mademoiselle, j’oublie que vous n’avez point fixé le terme de mes peines, que ma félicité est peut-être encore bien éloignée ; cette idée serait trop pénible si votre bonté n’en adoucissait pas l’amertume. J’espère recevoir aussi un petit talisman qui a une merveilleuse vertu pour faire prendre patience aux cœurs partagés entre l’amour et l’espérance. On n’admet dans sa composition que de l’encre et du papier, mais il ne peut être fait que par l’objet chéri du sentiment délicieux à qui je dois, depuis trois ans, tous les plaisirs et toutes les peines de ma vie. Ah, quand pourrai je voir se réaliser ce charmant espoir ? Quand est-ce qu’un mot de réponse tracé de la main de Julie viendra mettre le comble à ma félicité ? Si j’en croyais mon amour, cette lettre ne finirait jamais ; la crainte de vous ennuyer, en vous répétant ce que depuis longtemps vous savez aussi bien que moi, et l’envie d’offrir à Madame votre mère l’hommage de la reconnaissance éternelle et de l’amour filial de son cinquième enfant, me forcent à y mettre des bornes. Daignez, Mademoiselle, recevoir, avec ce charmant sourire qui m’a fait éprouver des sensations si délicieuses, l’assurance des plus tendres sentiments que le respect, l’amour, la reconnaissance, peuvent inspirer au cœur le plus passionné, au cœur de celui qui ne veut vivre que pour vous adorer et vous rendre heureuse. A.M. AMPÈRE