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Pierre Poivre et la Fréta
Pierre Poivre
et le jardin de la Fréta
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Encore un lyonnais trop mal connu dont pourtant nous fêterons le tricentenaire de sa naissance cette année. Bien que grand voyageur, il passa une grande partie de sa vie entre Lyon où il naquit et mourut et la commune de Saint-Romain-au-Mont d’Or dans le Val de Saône où il avait tant de plaisir à se retrouver en famille.
Pierre Poivre (1719-1786) est né rue Grenette sur la presqu’île lyonnaise. Il effectue ses études en Val de Saône avant de passer sa vie à voyager pour étudier le commerce, les plantes utiles qui le passionnent et les mœurs des nombreux pays visités. Il possédait une propriété dénommée La Fréta à Saint-Romain-au-Mont d’Or où il séjourna longuement avec son épouse et ses trois filles et où il finira sa vie. Décédé à Lyon il est actuellement enterré à la Basilique d’Ainay et l’on peut dire ainsi sans crainte de se faire contredire que bien qu’ayant voyagé dans le monde entier « il coche toutes cases » du vrai lyonnais. Si son nom figure toujours sur quelques voies de la Métropole, ainsi que son buste au Palais de la Bourse, à Saint-Romainau-Mont d’Or tout près de son ancienne propriété de La Fréta une plaque commémorative fixé au mur d’enceinte témoigne de son passé en ces lieux.
Jardin des pamplemousses (Île Maurice) Un grand voyageur sur le continent asiatique
Pierre Poivre fut tout à la fois un horticulteur, un botaniste, un agronome, un missionnaire et un administrateur colonial français. Il parti en mission d’évangélisation en Chine mais se passionna plutôt pour le commerce et principalement l’agriculture et la botanique. Toutefois ce qui retient plus l’attention furent ses voyages vers l’Inde en contournant le Sud de l’Afrique et en remontant la côte Est pour nous faire découvrir principalement les îles connues aujourd’hui sous les noms d’île Maurice, île de la Réunion et îles Moluques. Alors qu’il se trouve sur l’un des bateaux de la Compagnie française des Indes orientales son bateau est attaqué par les britanniques. Dans les combats il perdra une main, ce qui le handicapera plus tard. Le climat de ces îles chaud et humide était propice au développement de plantes spéciales qu’il allait nous faire connaître. Il découvrira la noix de muscade et le clou de girofle, deux épices qu’il décide d’acclimater sur l’Isle de France (l’île Maurice) dans le cadre de ses voyages avec la Compagnie des Indes orientales, créée par Colbert en 1664. Puis de 1766 à 1772 il est nommé intendant des îles de France et de Bourbon (l’archipel des Mascareignes dont font partie les îles Maurice et de la Réunion) par le Ministre de la Marine le Duc de Praslin.

Le jardin des pamplemousses
C’est à cette période (17661772) qu’il crée sur l’île Maurice le jardin des pamplemousses, premier jardin botanique en zone tropicale, pour acclimater ces plantes exotiques. Ce jardin, connu des touristes du monde entier, présente une collection extraordinaire de végétaux de toutes sortes sur 37 hectares et prendra par la suite le nom de Sir Seewoosagur Ramgoolam, gouverneur général de l’île Maurice et Père de la nation mauricienne. Enfin plus tard il étendra ses plantations aux Seychelles, à l’île Bourbon (La Réunion) et même en Guyane Française. Lors d’un séjour sur l’île Maurice où nombre de lyonnais apprécie de s’y rendre pour goûter aux joies d’un hiver au soleil il ne faut donc pas rater cette visite et découvrir à l’entrée un magnifique buste de Pierre Poivre inauguré en 1993 par Monsieur Jacques Toubon alors Ministre de
la Culture et de la Francophonie.
Le commerce des épices et des plantes
Il rapporte en France non seulement la muscade et le clou de girofle, mais aussi le poivre, l’anis étoilé, le gingembre, la cardamone, le cumin, la coriandre, l’avocat et la cannelle, brisant ainsi le monopole des épices détenu par les Hollandais depuis deux siècles. Ainsi outre le muscadier et le giroflier il introduisit près de 600 nouvelles plantes très utiles et notamment les épices venant de l’Asie du Sud Est, de l’Inde, de l’Afrique et même des Antilles. Outre ces plantes alimentaires et médicinales il se passionne également pour les plantes utiles (bois de construction, cordage, fibres, vernis, parfums, colles, caoutchoucs…) découvertes sur ces arbres tropicaux, celles-ci étant utilisées pour les tâches quotidiennes des habitants de ces îles : construction d’habitations, de bateaux, de vêtements, sans oublier les plantes ornementales dont de nombreux rosiers introduits en France sous le nom de « rosiers bourbons ».
À la suite de son décès en 1786 le commerce des épices échappe à l’Europe mais est repris par les États-Unis au XIXe siècle ce qui correspond également à la période de leur déclin. Il faudra ensuite attendre le début du XXe siècle pour voir le retour des épices dans la cuisine et sur les marchés, et plus encore aujourd’hui où bien souvent la cuisine des « grands chefs » est revisitée avec des senteurs nouvelles issues de ces plantes et épices revenus à la mode.
Après les voyages, le repos au domaine de la Fréta à Saint-Romain
Revenons à Saint-Romain-auMont d’Or dans nos Monts d’Or où il passa une partie de sa vie dans sa propriété de La Fréta qu’il avait conçue formée de vergers, de vignes, de jardins anglais, français et chinois avec une multitude d’espèces d’arbres et arbustes du monde entier qu’il collectionne dans son fameux cabinet de curiosités. Il continuera ainsi sur place à acclimater ces végétaux exotiques notamment pamplemousse, citronnier, litchi, kakis, chou chinois… Sa propriété attribuée à Soufflot fut détruite suite à un glissement de terrain et il ne subsiste aujourd’hui que quelques vestiges du passé : bassin, statues notamment en partie restaurés par les propriétaires successifs des lieux qui ont souhaité y perpétuer son souvenir. Il finira sa vie en ces lieux en recevant des scientifiques et personnalités célèbres de passage dans la région lyonnaise (Rousseau, Brissot, Victor Dupont…).


Manifestations du tricentenaire
De très nombreuses manifestations ont été programmées en 2019 sur Lyon et Saint-Romain-au-Mont d’Or pour fêter ce tricentenaire. Rappelons les manifestations du 6 avril au 7 juillet au jardin botanique du parc de la Tête d’Or « Pierre Poivre un lyonnais chasseur de plantes », le 13 juin journée Pierre Poivre à l’Académie des Sciences, Belles Lettres et Arts de Lyon, les 13 et 22 juin inauguration à Saint Romain de la salle et du buste de Pierre Poivre. Citons également l’organisation d’expositions et de conférences lors des Journées du Patrimoine des 21 et 22 septembre et du 5 novembre à Saint Romain ainsi qu’un marché aux épices le dimanche 13 octobre de 10h à 17 heures avec des déjeuners épicés dans les restaurants de la commune. Ces manifestations permettront aux visiteurs de découvrir ce personnage étonnant à la vie tumultueuse, étant tour à tour navigateur, botaniste, humaniste, explorateur, missionnaire… qui restera associée aux épices.
En aparté…
Cet illustre ancêtre inspira également à nos contemporains Patrick et Olivier Poivre d’Arvor la passion du large, de l’air et du vent, fervents navigateurs journalistes et écrivains, étant précisé qu’il ajoute à son patronyme « Poivre » le pseudonyme « d’Arvor », emprunté à son grand-père maternel, Jean-Baptiste Jeuge poète et relieur connu sous le nom de plume de « Jean d’Arvor ».

Le Mont d’Or
