1 Voyages à Terre Sainte - Couleurs, nuances et images

A t e l i e r

d ’ é c r i t u r e l ’ U P T S

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animé par Jocelyne Vignal

Voyages à Terre Sainte Couleurs, nuances et images

Dimanche 10 février 2013, à Terre Sainte

Illustrations : 1ère de couverture : aquarelle de Dominique Escande 4e de couverture : photo de Robert Jeannard Mise en page : Robert Jeannard

"Un acte est créateur quand il est porteur de sens et de tendresse pour soi"

Couleurs Lecture du Testament de Vieira Da Silva (en annexe 1) Rappel de Synesthésie (émission Sur les épaules de Darwin, France Inter) Balade à Terre Sainte, recueil des couleurs, une boîte de pastel, de crayons, un pliant et un chapeau…

Retour : à Terre Sainte, j’aime, je recueille, je goûte… synesthésie…

Nuances Balade dans les rues, choisir une maison qui attire, qui émeut, qui repousse, qui inquiète, et rentrer en empathie avec elle.

Débuter le texte par le second vers de du poème de Jacques Prévert : Dans ma maison vous viendrez d'ailleurs ce n'est pas ma maison je ne sais pas à qui elle est........ (texte intégral en annexe 2) D'ailleurs marque que l'esprit envisage un autre aspect des choses, introduisant donc une restriction ou une nuance nouvelle.

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SOMMAIRE Auteurs Dominique Escande

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Marie Héry

7

Robert Jeannard

9

Geneviève Kowalewski

11

Cristine Marrec

13

Patricia Masolo

15

Corine-V Parolaï

17

Michèle Touaticolombier

19

Jocelyne Vignal

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Écrits collectifs : Haïkus

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Annexes Dans ma maison (Jacques Prévert)

27

Testament (Vieira da Silva)

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Dominique Escande

5

À Terre Sainte À Terre Sainte, pas de terre de Sienne, l’italienne ocrée, mais des murs jaune de Naples tout de même. Le sol ici grisonne, comme les hommes qui partent sur leurs longues barques pêcher les poissons qui les nourriront. Ciel assurément azuréen. Côté terre : bleu éthéré. Côté mer, les nuages font paraître la ligne d’horizon plus bleue et l’océan plus horizontal encore.

Le blanc-éclair, violent, s’impose et s’oppose aux mauves profonds, salutaires des ombres. Une multitude de verts secrets, dorés, noircis, fumés, rouillés, jaunis accrochent les feux du soleil pour filtrer cette profusion de lumière brutale. Dessous, des bancs de pierre si vieille qu’elle part en poudre grise, mêlée à une ancienne peinture rouge, basque peut être, fatiguée, usée. Là les femmes attendent le retour de leur tendre amour créole.

Dominique Escande

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D’ailleurs  « D’ailleurs ce n’est pas ma maison, trop de boulot, si, si trop de boulot ! Et puis comme ça d’entrée sur la rue ! Non !  D’accord, il y a un jardin derrière. Oui ! Et magnifique en plus.  Oui, en friche, c’est vrai. Mais tu as vu les palmiers au fond ?

Somptueux, non ?  Et la vue ! La Vue ! La mer en face ! L’Océan indien à cinq mètres, tu imagines !  Tu as remarqué que le carrelage était intact ? Si, regarde ! Ça au moins, y a pas à le refaire ! Oui, il y a des lianes sur le dernier mur debout, j’ai vu comme toi …  Les moellons sont un peu imbibés d’humidité, non ? Ou je rêve ? Tu me diras, c’est plutôt la maison « courants d’air » pour l’instant !  T’as vu, c’est Bouissou qui va la reconstruire. Je lui souhaite bien du courage ! Quel boulot ! Enfin ce n’est pas ma maison ! »

Marie Héry

Déambulations.

J'y passe à vélo parfois et je regarde toujours avec envie cette petite plage.

Aujourd'hui j'ai vu autrement......

Je vois ce blanc crémeux de l'écume ce marron boueux du creux des vagues ce vieux-rose tomette des murets qui appellent à s'asseoir ce gris terreux du sable ce gris-bleu du ciel voilé au lointain ce gris-noir des rochers que l'eau lustre sans cesse ce vert -bleu de la mer pareille et changeante ce vert pisseux des vieilles murailles ce vert émeraude du feuillage des banians séculaires ce bleu profond des volets ce bleu flashy et arrogant de certains toits ce bleu fané des murs qui enserrent des jardinets fleuris ces verts, ces bleus, ces gris ces couleurs anciennes, engluées de nostalgie ce village assoupi face à la mer qui seule semble vivante.

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Marie Héry

D'ailleurs ce n'est pas ma maison Cette petite case aux volets marron, aux lambrequins rouillés, rue Croix des Pêcheurs.

Elle semble à l'abandon, et pourtant non, le chat sur la fenêtre, cette dame qui me regarde, un immense palmier assombrit la courette ainsi qu'une tonnelle de vigne 8 marronne et folle, une jolie plante à fleurs blanches monte haut vers le ciel, le barreau est entrouvert, plusieurs vieilles boîtes de conserve débordent de pervenches roses et blanches et s'alignent sur le muret fatigué, quelques mangues pendent encore telles des boules de Noël à des branches effeuillées.

Tout est calme, comme hors du temps pas de musique, seule la mer au loin.

Mais pourquoi l'ai-je regardée, pourquoi me suis-je arrêtée, moi qui aime le propre, le net, l'aéré?

Peut-être que cette ombre et cette fraîcheur m'ont paru accueillantes---mais non ce n'est pas ça.

Cette maison m'en rappelle une autre, celle de ma mémé, là-bas dans les Landes, une maison toute simple, toute vieillotte, toute fleurie il y avait un chat aussi, une tonnelle, et ma grand-mère si chaleureuse, jamais surprise à notre arrivée, quittant vite son grand tablier, avançant des chaises, ouvrant une boîte de gâteaux, offrant le café, oui c'est ça, cette petite case – c'est comme une petite nostalgie de mon enfance.

Robert Jeannard

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Terre Sainte, ce dimanche-là Luminosité ambiance carte postale, vacances balnéaires et souvenirs d’enfance Chaleur dont on s’abrite à l’ombre des banians L’écume des vagues capte et renvoie la lumière de jour comme de nuit Blanc éblouissant phares anti-brouillard Bleu clair azur adouci par le voile des nuages Gris-blanc-noir des rochers, des pierres des digues et des jetées Près du rivage, marron clair de la mer boueuse après les grandes pluies Vert incongru du phare, et cet orange de la rouille bavant sur le blanc Bleu sombre du pantalon jean mouillé du pêcheur à la ligne Et au loin ce point rouge drapeau interdisant la baignade sur la plage de Saint Pierre.

Robert Jeannard

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Ce ne sera jamais ma maison Un cancer dans ce quartier créole que cette villa cubique à la Le Corbusier ! Combien de cases traditionnelles a-t-on rasées pour la construire ? À part une voiture rouge garée dans une allée du jardin et deux poubelles vertes CIVIS, aucune vie. Les volets sombres de bois vernis sont tous fermés, la pelouse attend d’être tondue. La souche béante d’un cocotier abattu par le vent attend d’être arrachée. Un puits désaffecté qu’on n’a pas osé reboucher est recouvert d’une grille rouillée.

Tout est clean, triste, réglementaire. Cette maison n’est pas une maison.

Des services municipaux fantomatiques l’ont stérilisée : l’Office Municipal du Développement Agricole et Rural, une bibliothèque annexe en sommeil dont le panneau retourné n’est visible que de l’intérieur et tel un transformateur électrique, le parallélépipède du Poste de Relèvement du Service des Eaux.

Dans un rayon de soleil, cadeau inattendu, un bouquet de dattes-fleurs.

Geneviève Kowalewski

Les couleurs : À Terre sainte, ce sont les bleus qui me détendent ; le bleu du ciel à peine teinté,

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le blanc bleuté des nuages transparents, le bleu profond qui marque l'horizon, le bleu terreux des troubles cycloniques parsemé du bleu lave argenté des rochers façonnés par la mer.

Et quand je me retourne côté village, ce sont encore les bleus qui captent mon attention, le bleu gris tôle qui sent l'abandon de la vieille case inhabitée avec ses volets rouillés, le bleu azur délavé de la boutique où le créole s'impose, le blanc coupé du bleu nuit qui ouvre l'appétit du « marin bleu » Mais aussi quelques taches vives, l'ocre jaune pour la beauté, tiens j'aurais choisi un violet, le rouge délavé de la grande maison, tiens j'aurais choisi du gris ou du vert, le marron gris torsadé des banians qui monte solide et redescend plus fragile pour finalement s'ancrer au sol, le vert émeraude tacheté d'orangé des feuilles, protecteur du soleil ou de la pluie ;

Geneviève Kowalewski

D'ailleurs.

D'ailleurs ce n'est pas ma maison, ce n'est pas ma boutique non plus, enfin ce n'est plus ma boutique! Ce n'est plus non plus mon lieu de rencontre des Réunionnais, mais c'est la case qui me l'a fait découvrir.

D’ailleurs c'est sa couleur qui m'a attirée en premier, ce bleu si vif à l'époque, avec ses volets oranges, qu'est ce qui pouvait se cacher à 12 l’intérieur ? Et cette petite dame chinoise qui apparaissait parfois dans l'embrasure?

D'ailleurs il faudra que je m’arrête, que je découvre ce qui se cache derrière ces volets. Ça y est, je me décide, je rentre par la plus grande porte, il fait sombre, c'est un bar, une boutique comme dit créole. Une « band dalons » commence à me serrer la main, je me plie à la coutume un peu inquiète, je ne comprends pas vraiment ce qu’ils me disent mais ce n'est ni agressif, ni « moukateur ». Je demande alors un Perrier à la petite dame chinoise qui me donne sans commentaires un COT que je n'ose pas refuser.

Je retournerai d'ailleurs plusieurs fois à la boutique et demanderai alors une DODO que je boirai en face, sous les banians en regardant le soleil se coucher.

Avec les années le créole m'est devenu plus familier, la dodo aussi et je me suis hasardée à commander «un cari poulet sauce grand-mère» et j'ai même osé demander qu'est ce qu'il y avait dans la sauce, la chinoise plus bavarde m'a alors expliqué dans son français bien à elle : « Ici chaque famille créole nana son sauce grand mère et que la sienne c'est chinois là ».

D'ailleurs à une période je m'étais habituée à la « band dalons » et les échanges accompagnés de dodo, de rhum, de goyavelet étaient souvent bruyants. Ça fait plusieurs années d'ailleurs que je ne me suis plus arrêtée à la boutique bleue, mais maintenant je ne crains plus d'acheter ma baguette, mon journal et de boire une dodo aux boutiques de mon quartier « Monvert-les-Hauts, Monvert-les-Bas, mon verre lé vide ».

Cristine Marrec À Terre Sainte, dans l’instant, côté mer J’aime la mer lavandière qui fait mousser en vagues mes angoisses J’aime ce jaune canari et son rire invisible qui pêche dans le bleu J’aime le sans issue de l’humble route grise et de son phare vert qui pleure 13 des larmes de rouille ocre J’aime au loin le blanc rose gris du ciel qui s’enfuit tout content vers l’audelà mauve de l’horizon J’aime les doigts de sorcières vertes entre les pierres noires de mes doutes J’aime le jaune brûlant du soleil qui me caresse le dos Et puis par dessus tout, les blancs qui respirent entre les couleurs de cette aquarelle, points en suspension dans le temps incolore et intangible…. À Terre Sainte, dans l’instant, dans l’instant, côté terre : Je caresse le vert du toit qui ondule sous la rouille Je cajole l’humide de gris si triste qui ronge le blanc pisseux du mur oublié de tous J’apprivoise la griffe transparente du temps en mal de trace, je la trouve si belle… À Terre Sainte, dans l’instant, côté rue : Je recueille le toit petit gris qui danse et brille dans le soleil, deux fils noirs ombrent son dos de clair obscur La gouttière retient en vain toute cette lumière qui coule Au mur, entre deux portes brunes closes, la maison dort encore, Pepsi bleu et rouge arrache en douceur ses couleurs, tandis qu’Orangina épluche son fruit bleu taché de blanc Un chat noir passe, les yeux verts pleins de rêves de souris grises…

Cristine Marrec

D’ailleurs ce n’est pas ma maison, et c’est pourquoi j’en rêve tant.

Au numéro 5 de La Croix aux Pêcheurs, cette maison pousse juste au 14 milieu de l’escalier qui monte cette ruelle étroite et silencieuse, sans voiture ni vélo, jusqu’à cette vierge bleue au regard tourné vers le port.

Cette maison m’attire irrésistiblement, car de sa terrasse haute bordée d’un balcon en bêton kitch bien exposé aux alizées, elle scrute la mer, par delà la pelote noire des fils électriques qui, d’ailleurs, me ravit : enfin un peu de désordre et de vie dans cette carte postale !

Quant à sa terrasse basse, elle médite à l’abri du vent sur son absence de vis à vis et d’ailleurs, des pots d’épines du christ protège son esprit zen de toute intrusion intempestive.

Les toits des voisins sont proches et bruissent de leur intimité ; le soir, la solitude doit se peupler de leurs amours, de leurs disputes, de leur musique.

J’aime qu’elle prête cette oreille aux autres.

Sur le mur latéral, sa fenêtre claustrophobe et myope regarde le mur d’enceinte, et comme un sourcil, un rebord en carrelage gris la protège de la pluie. À l’arrière, un minuscule jardin de curé plein d’épices et une porte secrète par laquelle on peut s’en enfuir ou y pénétrer.

Elle est magique, cette maison, et le restera d’ailleurs, car elle ne sera jamais ma maison, quelqu’un a obtenu un permis de démolition, aussi pourrai-je en rêver longtemps encore.

Patricia Masolo

Couleurs de Terre Sainte Propice à la méditation ou à la prière peut-être, TERRE SAINTE ?? Riche15 en couleurs et en arômes : il suffit de laisser son cerveau les associer … pas facile… je préfère les odeurs aux couleurs.

Un petit bout de plage entre deux banians sert d’écrin à ma rêverie iodée.

D’abord omniprésente la mer outre mer insuffle un parfum d’aventure, accru par la silhouette de ce voilier du même ton qui sort du port et donnes à la carte postale des vapeurs de sel, de marées.

Le ressac gris clair, jaune doré du ressac sous jacents s’immerge dans les racines terreuses, charbonneuses du banian.

Ce paysage maritime est troué par le rouge carmin, pétard, de ce phare pose au milieu de l’anse et par l’orange mandarine aussi agressif qu’acidulé d’une grue au loin.

La plage regorge de baies rouges, rondes comme des cerises, d’algues spongieuses comme le cœur des amendes amères.

Tristement un mur fait face à la mer, d’un gris crayeux, pas ce gris anthracite des rochers volcaniques de la plage mais seulement tagué et usé !

Deux teckels « bourbon » m’offrent la chaleur de leur robe fauve et noir…

Je suis devant une cheminée imaginaire : les buches crépitent, rougeoient…Mais je rêve, je suis partie ailleurs au pays d’autres couleurs, d’autres odeurs !!

Patricia Masolo

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D’ailleurs, ce n’est pas ma maison…

D’ailleurs, ce n’est pas ma maison, et c’est bien dommage car elle me plait, flanquée sur un tertre rocheux « contemplant » la mer, cachée en partie par les volutes des bougainvilliers rouge sang.

Abandonnée car trop venteuse, trop sensible à l’assaut des cyclones ??

Secrète et béante, car juste une fenêtre est ouverte : par le vent ou par un habitant ??

Le mystère plane sur son occupation mais fière comme une goélette sur une mer déchaînait faisant fi de la houle elle ne peut sombrer, elle résiste !

Car elle se doit de vibrer à nouveau de des cris des enfants, des marins tirant les voiles, pour que ce bateau fantôme vive.

J’aimerais tant la visiter, en percer les mystères, devenir la « princesse » de ce navire perdu !

Le rêve, l’imaginaire remplirait les absences de ceux que l’on a aimés et qui se sont aimés dans ce havre énigmatique !

Corine-V. Parolaï 17

Couleurs de Terre Sainte Terre Sainte, c’est d’abord le gris-moellon de ceux qui la bâtirent, de rien, le gris-bleu barreau des portails de récupération, le gris-bleu filet de ceux qui peinèrent jour et nuit et s’arrachèrent les mains à tirer le poisson.

C’est aussi le vert-de-grisé, le blanc cassé, les bruns rouillés des tôles peu à peu amassées.

C’est le végétal jaune et vert des modestes cours où les femmes ont cuisiné au feu, élevé marmailles et volailles, et sué pour survivre en attendant leurs hommes cuits par le soleil et le sel.

Et c’est enfin le rouge, le rouge Saint Expédit, le rouge du sang et de la foi naïve des populations qui ont fait le sol que nous habitons.

Corine-V Parolaï

Corine-V. Parolaï

D’ailleurs

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« D’ailleurs, ce n’est pas ma maison ! » Ce n’est pas une maison, d’ailleurs : c’est un groupe de maisons.

Ce n’est pas un groupe de maisons, d’ailleurs, c’est un groupe de murs. Et de toits.

Il n’y a pas de fenêtres, et pourtant il y a là la plus belle vue que l’on puisse trouver.

Sur l’océan.

Il y a des fentes, des regards, des meurtrières grillagées. Ce sont des maisons aveugles.

C’est propret. Ça m’intrigue. Je n’ai jamais vu ce qu’il y a à l’intérieur. Ça n’est jamais ouvert.

Sur les façades, ils ont fixé des photographies en noir et blanc.

Des photos de ce qu’il y a peut-être à l’intérieur, d’ailleurs.

Michèle Touaticolombier

Terre Sainte, c'est du bleu royal dilué dans du blanc et une pointe de jaune de Naples, C'est aussi du gris argent mélangé au vert émeraude, une nuance de blanc pour casser le rivage et délimité la plage de l'océan, 19 C'est aussi des bruns chauds colorés de rouge safrané délavé par le soleil éclatant, C'est aussi l'ocre jaune pâli par le soleil et les embruns, le vert sombre ou s'égayent quelques pointes de noire opposé au rouge brique des toits et des murs colorés des maisons, Terre Sainte, c'est aussi ce petit village de pêcheurs disparus aujourd'hui, occupé par des bobos réunionnais, Mais Terre Sainte, c'est aussi des petites ruelles éclaboussées de soleil ou le blanc et le bleu gitane se concurrencent, C'est aussi quelques petites maisons créoles qui se battent pour exister encore et encore avec leurs lambrequins fanés, Le vert cinabre et l'ocre jaune des palmiers s'opposent au vert émeraude des jacquiers, Au milieu de cette floraison de couleurs, la mer gronde inlassablement écrasant sur le rivage des vagues qui se meurent languissantes, léchant de leur couleur goutte d'eau les pieds des baigneurs alanguis sur la plage, C'est aussi, la digue dont la couleur chocolat est devenue gris délavé par le soleil si présent qu'il en devient fatiguant, Terre Sainte, c'est aussi les gens souriants aux visages ravinés par le soleil, aux petites maisons collées les unes aux autres où le moindre souhait, le moindre soupir s'entend par les voisins, Terre Sainte, c'est aussi ce petit cardinal vermillon sur la rambarde en bois où les blonds dorés se confondent avec les siennes clairs et foncés, C'est aussi cette promenade qui longe le rivage où les créoles observent la mer irisée de bleu, vert et or s'étalant à perte de vue sous leurs yeux mélancoliques rêvant de terres lointaines souvent inaccessibles pour eux.

Michèle Touaticolombier

« D'ailleurs ce n'est pas ma maison » Elle est là au coin de la rue Croix des Pêcheurs, toute petite, nichée dans la verdure, violette des belles de nuit et rose, des lauriers, Elle est petite et douillette, un nid d'oiseau, 20 D'ailleurs ce n'est pas ma maison, Je la regarde sur le trottoir d'en face, Elle m'interpelle, m'intrigue. Que cache-t-elle, amour ou désamour ?

- un grand père noueux, fripé, brûlé par le soleil et la mer naviguant toute une vie sur l'océan et ayant enfin trouvé son havre de paix ?

- une grand-mère toute seule veuve de marin de pays lointains attendant patiemment la mort au milieu de ses fleurs ?

- un vieux couple plus prêt du bon dieu car le chemin mène à la croix jubilée ?

Et dedans, que trouve-t-on dedans ?

- 1 table ou plus personne ne vient partager le repas dominical ?

- 1 grand fauteuil où le corps affaissé trouve enfin le repos ?

Et tous les mystères dont j'entoure cette maison si pimpante.

Pourquoi cette impression de plénitude et de bonheur alors que derrière je ne sais ce qu'il s'y passe ?

Pourquoi toutes ces questions?

D'ailleurs ce n'est pas ma maison.

Jocelyne Vignal 21

Couleurs À Terre Sainte ce matin du 10 février 2013 le vert lumière se pose à la cime des banians Moi je reçois le rouge sombre d’un mur pour pardonner aux douleurs Le gris bleu mordoré de l’océan souillé pour l’épreuve de la fragilité Le vert véronèse et la rouille du phare échassier pour la bienveillance Le bleu lourd de pensées du 67 pour l’attente de l’idée Le blanc lumineux de l’écume pour l’éternité qui se cogne à l’ici Le blanc crayeux des coraux qui installent la plage pour la mort apaisée Le vert lagon de la tôle pour ‘ce toit où marchent des colombes’

Jocelyne Vignal

Nuances D’ailleurs ce n’est pas ma maison alors qu’importe que tu ne sois pas venu.

Elle est au 7, à mi-chemin d’une volée d’escaliers qui se termine au pied 22 d’une croix blanche près d’une vierge bleue.

J’aurais aimé habiter un 7, il y a des allures de cavalier, d’épées et de toitures dans ce chiffre.

Cette maison du 7 n’est que douceur et attention : fleurs épanouies, feuillages drus, rien de sec, rien de fané, un berceau, une nacelle.

D’ailleurs aurions- nous pu engranger ici nos tourments, nos criailleries, nos rires, nos jouissances si près des voisins trop proches ?

Entre la maison et la rue le terrain est si étroit qu’on ne pourrait y tracer une marelle, mais nous n’avons jamais eu d’enfants pour sauter à cloche pied en poussant un caillou noir ou un corail blanc, pour ouvrir le portillon et s’échapper vers la mer, d’ailleurs nous n’avons jamais aimé les enfants.

Au-dessus de cette maison s’entrecroisent, se tressent, s’élancent multitude de fils électriques, téléphoniques, ils se fixent à trois poteaux, trois mâts pour ce petit navire fixé à sa terre fleurie.

Cette maison aux volets de nuit se clôt sur son ombre rose, d’ailleurs les rêves n’ont pas besoin de liberté.

Écrits collectifs : haïkus

Haïku : poème japonais en 3vers, 5/7/5 syllabes Des mots qui évoquent : une saison/un lieu/une émotion.

Papier qui tourne en aveugle pour les ouvert pour le dernier, lu par le suivant.

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deux premiers,

Chaleur moite et grise Oh ! dans la chambre noire Ce désir absent Glace bleutée Le Grand Sud est-il sauvage ?

Muse envolée Cyclone menaçant La porte bleue refermée Apaisement tranquille Matin gris bleu Multicolore l’ile arc en ciel J’ai faim d’éternité

Écrits collectifs : haïkus

La mangue murit C’est midi , case assoupie Plénitude des sens 24

Ô pluie tropicale Chaleur, soleil, plage Carnage et douceur Chaleur intense dans les mousses du jardin je pleure je ris Épines de bois sec sur le fil d'étendage Où sommes-nous tombés ?

Feuilles rousse d'or Sur le sentier oublié Seule je marcherai Été d’éternité Terre Sainte ville oubliée Nostalgie de l’être aimé

Écrits collectifs : Haïkus

Jacaranda mauve Jardins créoles alanguis Cette vie enfuie 25

Dans la nuit glacée Le chemin forestier Horizon ouvert Pluie d’escargots Dans tes bras : Ô Gourmandise « Restaurant fermé ! »

Annexe 1 : Jacques Prévert Dans ma maison Dans ma maison vous viendrez D’ailleurs ce n’est pas ma maison Je ne sais pas à qui elle est Je suis entré comme ça un jour Il n’y avait personne Seulement des piments rouges accrochés au mur blanc Je suis resté longtemps dans cette maison Personne n’est venu Mais tous les jours et tous les jours Je vous ai attendue Je ne faisais rien C’est-à-dire rien de sérieux Quelquefois le matin Je poussais des cris d’animaux Je gueulais comme un âne De toutes mes forces Et cela me faisait plaisir Et puis je jouais avec mes pieds C’est très intelligent les pieds Ils vous emmènent très loin Quand vous voulez aller très loin Et puis quand vous ne voulez pas sortir Ils restent là ils vous tiennent compagnie Et quand il y a de la musique ils dansent On ne peut pas danser sans eux Faut être bête comme l’homme l’est si souvent Pour dire des choses aussi bêtes Que bête comme ses pieds gai comme un pinson

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Annexes

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Le pinson n’est pas gai Il est seulement gai quand il est gai Et triste quand il est triste ou ni gai ni triste Est-ce qu’on sait ce que c’est un pinson D’ailleurs il ne s’appelle pas réellement comme ça C’est l’homme qui a appelé cet oiseau comme ça Pinson pinson pinson pinson Comme c’est curieux les noms Martin Hugo Victor de son prénom Bonaparte Napoléon de son prénom Pourquoi comme ça et pas comme ça Un troupeau de bonapartes passe dans le désert L’empereur s’appelle Dromadaire Il a un cheval caisse et des tiroirs de course Au loin galope un homme qui n’a que trois prénoms Il s’appelle Tim-Tam-Tom et n’a pas de grand nom Un peu plus loin encore il y a n’importe qui Beaucoup plus loin encore il y a n’importe quoi Et puis qu’est-ce que ça peut faire tout ça Dans ma maison tu viendras Je pense à autre chose mais je ne pense qu’à ça Et quand tu seras entrée dans ma maison Tu enlèveras tous tes vêtements Et tu resteras immobile nue debout avec ta bouche rouge Comme les piments rouges pendus sur le mur blanc Et puis tu te coucheras et je me coucherai près de toi Voilà Dans ma maison qui n’est pas ma maison tu viendras.

Jacques PRÉVERT, Paroles

Annexes

Annexe 2 : Vieira da Silva TESTAMENT Je lègue à mes amis un bleu céruléum pour voler haut un bleu de cobalt pour le bonheur un bleu d'outremer pour stimuler l'esprit un vermillon pour faire circuler le sang allègrement un vert mousse pour apaiser les nerfs un jaune d'or : richesse un violet de cobalt pour la rêverie une garance qui fait entendre le violoncelle un jaune barite : science-fiction, brillance, éclat un ocre jaune pour accepter la terre un vert Véronèse pour la mémoire du printemps un indigo pour pouvoir accorder l'esprit à l'orage un orange pour exercer la vue d'un citronnier au loin un jaune citron pour la grâce un blanc pur : pureté terre de sienne naturelle : la transmutation de l'or un noir somptueux pour voir Titien une terre d'ombre naturelle pour mieux accepter la mélancolie noire une terre de sienne brûlée pour le sentiment de durer Vieira da Silva

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