Interview

Vanessa Schmitz-Grucker

La fragance des beaux jours pourrait bien s'appeler La Belle Le Parfum! Dans un flacon et un package dont seul Jean-Paul Gauthier a le secret, l'elixir est signé Quentin Bisch qui a bien voulu répondre à nos questions sur les femmes et les parfums!

J'aime l'idée d'innover, de chercher ailleurs pour amener quelque chose de surprenant, qui ferait bouger les lignes, qui surprendrait. Le parfum est avant tout une œuvre d'art et l'art doit nous émouvoir, nous décaler, nous embarquer. Les ingrédients seraient alors inattendus, nouveaux, twistés. Je pense aux bois, aux notes salées, à l'aquatique à l'heure du gourmand, aux structures habituellement réservées au répertoire masculin que l'on décalerait. Et qu'on ne se méprenne pas, je ne dis pas de créer un parfum masculin pour femmes. Plutôt de franchir des lignes habituellement inamovibles pour créer de nouvelles féminités. Prenez l'exemple de la chemise oversize d'homme portée par une femme: je trouve qu'il n'y a rien de plus féminin!

C'est un univers très spécifique où coexistent des opposés, des paradoxes, d'où sa grande richesse. Jean-Paul Gaultier, c'est un univers de fantasmes, de couleurs, c'est le spectacle permanent, la flamboyance, le scandale, mais c'est aussi toujours chic, haute couture, élégant. C'est à la fois populaire et haute couture. C'est à la fois hypersexualisé -il pousse les codes du masculin et du féminin à l'extrême- et pourtant totalement fluide, ouvert, tout est permis.

L'un des plus beaux terrains de jeu et d'expression. C'est la liberté qu'autorise Jean-Paul Gaultier qui est très inspirante pour un parfumeur. Plus que jamais on a envie de pousser les limites, jouer avec les codes, renverser les paradigmes. C'est donc chaque fois un privilège et un grand bonheur de recevoir un nouveau brief. Du genre qui vous obsède, vous tient éveillé la nuit. On a envie de tout donner et de se dépasser pour Gaultier. Enfin, j'ai un attachement personnel après 7 créations ensemble, 4 en cours de développement…

La femme du 21eme siècle est un espoir, j'espère même une promesse: celle de la liberté et de l'affirmation. J'entends l'égalité entre tous et la possibilité d'être sans contrainte. Chaque siècle a vu le statut de la femme évoluer, et ce dernier, à l'heure bien installée de la mondialisation me paraît stratégique et décisif. On peut toujours se retrancher derrière des murs et des frontières et se contraindre via des systèmes et des normes construites, mais le bruit court, partout, et il va être de plus en plus difficile à étouffer. Le bruit fou que font la liberté et la possibilité d'être soi.

Avez-vous eu la chance de déguster Le Grand Cru Vanille de la Pâtisserie des rêves? Créé par Philippe Conticini, c'est une ode à la vanille! Un gâteau de vanille, dans tous ses états: sucrée, salée, fumée, grillée. Car la gousse de vanille déploie en vérité un royaume de facettes, on va de l'impression sucre vanillé que nous connaissons tous jusqu'à des inflexions cuir, presque fumé, animal même! J'ai eu un choc gustatif et dès lors me suis mis en tête de recréer cette symphonie d'arômes en parfum. J'ai cherché un contrepoint à cette vanille et l'idée d'un quartier de poire verte s'est imposée. La Belle Le Parfum c'est donc le plaisir total, régressif, assumé, d'une gourmandise haute couture: une gousse de vanille délicieuse et sensuelle contrastée par la fraîcheur juteuse d'un éclat de poire. Nous l'avons ensuite travaillé à deux avec Sonia Constant.

Il s'agit de la version "Parfum" de La Belle. J'avais envie de marquer davantage la vanille dans son côté gousse et d'amplifier ses facettes charnelles. On est plus que jamais dans une vanille haute couture! Une fragrance délicieuse avec beaucoup de caractère, les muscs et le vétiver viennent renforcer sa sensualité. Je crois que c'est un parfum dans lequel on voudra se lover, comme une seconde peau pleine de rondeur. C'est aussi un parfum enivrant, opulent, une signature forte.

Aux hédonistes, aux gourmandes, aux séductrices. À toutes celles qui vivent pleinement chaque instant comme si c'était le dernier.