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Le profil des djihadistes
Les djihadistes, en arabe al-mudjâhidûn, ne sont pas propres au monde contemporain. Si tous les djihadistes actuels ne maîtrisent pas forcément les concepts théoriques évoqués précédemment, Benjamin Hodayé souligne ci-dessous une adhésion forte chez certains à une lecture littéraliste des texte religieux (Coran et Sunna) et à des références médiévales. Au-delà de la théorie, l’idéologie djihadiste implique une mise en action au quotidien, l’obéissance à une forte orthopraxie et à un ordre moral exigeant. Le djihadisme devient alors un mode de vie à part entière dont nous pouvons retrouver la source dans les premiers livres médiévaux consacrés au djihad, comme celui du savant Ibn al-Mubârak (736-797). Dans ses ouvrages consacrés au djihad ou encore à l’ascèse (zuhd), on voit l’apparition d’une première forme de justification de la violence par la religion.
Selon Ibn al-Mubârak, pour obtenir la récompense divine du martyre, il ne suffisait pas de simplement mourir au combat contre les ennemis de l’Islam, mais il fallait aussi suivre un cheminement spirituel exigeant jusqu’à la mort. Le volontaire de la foi devait faire preuve d’endurance (sabr) dans sa foi et sa pratique. Surtout, son intention (niyya) devait uniquement viser la « face de Dieu » (wajh Allâh), et non les louanges des hommes ou l’obtention de biens matériels. Ainsi émergea un modèle de piété très rigoureux dans l’hagiographie des djihadistes médiévaux : le djihadiste mourant au combat pouvait même être condamné à l’Enfer si ses intentions n’étaient pas suffisamment pures.
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Ibn al-Mubârak était animé par un fort désir d’imiter le Prophète. La communauté originelle des Compagnons devait être reformée sur les frontières de l’Islam par l’engagement volontaire dans l’armée et par la recréation de cercles de disciples-soldats dont l’émulation du lien confrérique devait les pousser à reproduire les prouesses militaires du Prophète. Ibn al-Mubârak aspirait lui-même à être un exemple à imiter. Les notices hagiographiques à son sujet insistent sur sa force personnelle et la maîtrise de ses émotions, autant de vertus censées permettre au combattant du djihad d’intérioriser les normes prophétiques.
Une fois que le volontaire de la foi parvenait à atteindre une intention pure, c’est-à-dire à ne désirer que la récompense divine, il accomplissait le niveau ultime du djihad, conçu par Ibn al-Mubârak comme une force unifiant l’individu, la communauté (umma) et Dieu. Le martyr musulman était désormais perçu comme celui qui pouvait « voir » Dieu dans l’au-delà, sans aucun intermédiaire, dans une sorte d’unification mystique avec le Tout-Puissant.
Eva Janadin