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À Montreuil, la Maison des femmes
from Cosmos-2023#1
by IFP-Paris
Dans ce havre de paix féministe, on accueille des victimes de violences conjugales. Modèle unique en France, la Maison des femmes de Montreuil se distingue par une prise en charge plurielle qui rassemble assistantes sociales, juristes ou encore auxiliaires de police.
Sur le trottoir en face de la Maison des femmes de Montreuil, au PMU, un petit groupe d’hommes guette les va-etvient. L’un mange des pistaches et jette ses coques en direction de la vitrine de l’association, où trône un portrait de sa fondatrice, Thérèse Clerc. Sous son voile vert, une jeune femme scrute quant à elle le rideau de fer bardé de noms de féministes et de révolutionnaires. Elle demande d’une voix timide : « Ce n’est pas ouvert aujourd’hui ? » Il est 14h30 quand Roselyne Rollier, la directrice, apparaît dans son pull tricoté aux couleurs vives. « On est fermé à cause de la grève. Mais entre, assieds-toi », s’exclame-t-elle. Habituellement, les permanences ont lieu les mardi et jeudi de 14h à 18h. Auprès d’elle, Nina* l’aide à ranger et à préparer le repas qu’elles n’ont pas eu le temps d’avaler. Elle n’est pas bénévole mais victime. Sur tous les murs de la pièce, des messages d’encouragement féministes entourent les femmes qui passent la porte. « Je ne peux pas me résoudre à refuser quelqu’un », confie la présidente de l’association, en faisant du café.
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En France, on trouve une dizaine de Maison des femmes. La toute première, à Paris, a vu le jour en 1981 en pleine deuxième vague féministe. Depuis 2016, celle de Montreuil s’illustre par un fonctionnement inédit, inspiré du modèle canadien : les victimes sont accueillies par un groupe de femmes (juristes, avocates ou encore assistantes sociales) afin d’apporter un suivi complet. L’atout de ce dispositif, permettre l’accès à tous les interlocuteurs nécessaires sur place. Et depuis sa création en 2000, c’est une cinquantaine de victimes qui passe le seuil de la porte à chaque permanence. Autour d’une grande table, elles peuvent directement engager des démarches sociales et juridiques pour sortir des violences. Ici, la directrice en voit de toutes sortes. « Des coups et blessures psychologiques, des violences économiques, du cyberharcèlement et même du chantage sur les enfants », raconte-t-elle. En moyenne, le suivi des femmes dure entre un et trois ans. « On n’a pas attendu #MeToo. D’ailleurs pour les femmes victimes de violences conjugales, ça n’a pas changé grand chose. »
Double vitesse
Le système de la Maison des femmes est bien rodé et Roselyne Rollier connaît ses dossiers. Maya* passe sous la grille devant la porte. Elle est accompagnée d’un homme. C’est par le bouche-à-oreille qu’elle a connu
Roselyne Rollier, directrice de la Maison des femmes l’association. Elle ne parle qu’un dialecte africain, son accompagnateur l’aide à franchir la barrière de la langue. Roselyne Rollier la conseille pour sa plainte à l’encontre de son exconjoint. Sans même se comprendre, leurs regards expriment bien plus que leurs mots. Peu à peu, Maya retrouve le sourire en s’installant dans les cana-