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Des lieux et des contextes – Organigramme Emmaüs

Rencontres et portraits – Des singularités comme ressource pour la communauté
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A la fin du repas, Vanessa nous présente Léa, la stagiaire carrière sociale. On s’installe dans le salon pour échanger un peu avec elle. Emmaüs, c’est différent de ses autres stages. C’est une rencontre moins formelle avec les gens, des situations plus compliquées à gérer, il faut s’adapter, ca demande beaucoup d’investissement et puis il y a une relation plus intime avec les compagnons.
Alexandre est un jeune arménien de 21 ans. Si aujourd’hui il pourrait être comme nous, étudiant, Alex ne parvient pas à obtenir des papiers français. Même s’il réside en France depuis maintenant 17 ans, il est bloqué dans une situation où il doit rester en France mais ne peut ni y étudier, ni y travailler. Alexandre est conducteur pour les livraisons et les ramasses à Emmaüs. Il vient d’arriver à Nantes et ne s’est pas encore fait beaucoup de connaissances, mais il aime aller dans le centre ville pour aller à la salle et sortir le week-end.

Christophe, un belge d’une quarantaine d’année, compagnon depuis 3 ans chez Emmaüs, par intermittence. Il passe depuis 3 ans les 6 mois d’hiver ici, l’été il travaille en tant que saisonnier. Il a choisi de venir à Emmaüs : « si tu veux, tu peux toujours te démerder », et s’il n’y a pas de place, il peut trouver un autre endroit où aller. C’est un choix de vie plutôt qu’une solution de secours. Il a choisi cette vie, de ne pas avoir de maison, de ne pas être fixé à un endroit, d’être libre de partir quand il veut. Il semble très indépendant, et maintenant, il a sa voiture dans laquelle il peut dormir. Il veut partir d’Emmaüs d’ici quelques semaines. Il n’est pas considéré tout à fait comme les autres compagnons. Son poste favori à Emmaüs, c’est le jardinage, et il aime écouter du reggae : « ça ramène du soleil, même quand il pleut ».


Une des responsables de la communauté Emmaüs 44. Elle croit fermement aux valeurs transmises par l’Abbé Pierre, à la métaphore du carreau cassé. Intarissable sur Emmaüs, son histoire, ses compagnons, son fonctionnement, elle a vécu dans une vingtaine de communautés pour faire sa formation. Elle croit en ce qu’elle fait et au sens profond de son combat : « Vous avez vu comment ils ont la tête haute maintenant. » Affectueusement nommée « la cheffe » pour certains, elle se définit plus comme « une maman ».

Décidée à reprendre des études de psychologie, elle est stagiaire à Emmaüs pour étudier les relations entre les compagnons et les clients. « C’est vraiment pas facile pour les compagnons quand les clients essayent de négocier, ils ne savent pas comment réagir ».



Vincent est coordinateur terrain, «Un bien grand mot» se defend-il. Son rôle est de garantir la collaboration entre les personnes qui travaillent sur le site pour assurer le bon fonctionnement de l’activité de vente. «Enfin mon travail, c’est surtout de l’humain !» Vincent est assez polyvalent, mais il avoue avoir un faible pour l’aatelier musique/cinéma. Derrière la porte de taule résonne des sons de raggae. «Tester l’état des CD, c’est la meilleure partie du boulot !»

Rencontres et portraits – Des singularités comme ressource pour la communauté

Habiter, vivre, travailler … – L’individuel et le collectif, langages pour l’appropriation




















Logement collectif, Partie des femmes. Logement collectif, Partie des hommes.

Espaces communs et Administratifs






Espace de pause, du passage, beaucoup d’intéractions mais les personnes ne s’installent pas vraiment.
Espace du repas, lieu de rencontre et d’échange entre les différents acteurs de la communauté.
Questions
Question 1
Le temps est-il la ressource essentielle à la naissance de l’hospitalité dans la communauté Emmaüs ?
Question 2
Le modèle de la communauté Emmaüs est-il reproductible à une plus grande échelle ?
Le luxe du temps ?
Question 1
A Emmaüs l’accueil est inconditionnel et sans limite de durée. Tant que les compagnons respectent les règles de la communauté leur place est assurée. Le temps n’est plus une menace. Et au fur et à mesure du temps, la confiance mutuelle, la responsabilisation, l’estime de soi se fabriquent peu à peu, à travers différentes interactions. Les bénévoles, les salariés, les clients et les compagnons travaillent par transmission réciproque d’expériences et de savoir-faire. Ce qui permet aux compagnons de se sentir utiles, de trouver sa place dans la communauté, de se projeter ici où ailleurs. Le temps passe et les accueillis deviennent les accueillants. Les tous jeunes compagnons sont formés à des postes spécifiques. Ils deviennent alors responsables du bon fonctionnement de la communauté. Les différents moments partagés au sein de la communauté lors des repas, des soirées ou des week-end permettent de créer une forme d’intimité qui lie les compagnons entre eux par la force du vécu. Le temps est-il donc la ressource essentielle à la naissance de l’hospitalité dans la communauté Emmaüs ?
«On est chez eux» -Une bénévoleChacun a son stand comme chacun a sa chambre : une appartenance à une entreprise, à une communauté qui prend son sens dans la durée.


Quelle échelle ?
Question 2
Le modèle des communautés est un système complexe sous tous les aspects. En effet, à Emmaüs, la communauté est basée sur la relation entre le travail et le logement. Certaines questions se posent alors : Jusqu’où le mode de fonctionnement des communautés Emmaus est-il efficace ? Quelles en sont les faiblesses ? Cela pourrait-il s’appliquer à une plus grosse échelle ? Et si ce n’est pas possible, est-il envisageable de songer à de nouveaux modèles basés sur les valeurs d’Emmaus mais transposées à de nouvelles formes de communauté ?
Nous nous sommes posé beaucoup de questions après notre découverte de la vie en communauté à emmaus. L’organisation du travail, de la vie en commun, du partage des espaces, comment tous ces aspects sont-ils coordonnés? Ce qui nous a le plus interpellé ça a également été le fait de savoir si le fonctionnement serait possible à une plus grande échelle? En effet, nous avons pu constater de la qualité des interactions a Emmaus. Tous les compagnons semblent communiquer entre eux avec une certaine proximité. Avec les amis il s’est également instauré des relations égalitaires. Nous pouvons donc nous poser la question de savoir s’il serait possible d’avoir de telles qualités dans une communauté comptant une plus grande population? Mais également le principe même d’Emmaus, le principe de récupération d’objets, est-il transposable indéfiniment? ou y a-t-il une limite ? Il n’y a pas une solution unique, mais une question intéressante serait de savoir s’il est possible de transposer ce modèle à d’autres formes de communauté? Peut être en transposant les valeurs à une autre forme. Un compagnon nous a parlé d’une solution qui ressemblait à cette idée : un projet de ferme pédagogique communautaire.
« Changement de Cap est une aventure qui s’inspire des expériences et des valeurs humanistes d’Emmaüs et de l’agroécologie. C’est une alternative collective par l’accueil inconditionnel dans la sobriété heureuse et la reconnexion au vivant. »
«Ils ont un projet de ferme communautaire pédagogique en Ardèche, j’aimerais bien voir ce que ça donne !»

Comment interpréter le symbole du «carreau cassé» pour tenter de comprendre l’esprit de la communauté d’Emmaüs ?
L’Abbé Pierre impose depuis sa création, la présence symbolique d’un carreau cassé dans toute les communautés Emmaüs. Pour lui, il remémore aux compagnons le message de «Toujours continuer à écouter ce qui se passe à l’exterieur». Il est aujourd’hui catalyseur des esprits de la communauté. Nous avons choisi de croiser les ressentis de chacun, sur ce que ce symbole nous évoque.
Berangère : Il symbolise la dimension intemporelle de la communauté. Il concentre les esprits pour rappeler de toujours considérer l’existence de l’autre, de la coexistance des communautés. C’est regarder à travers ce carreau pour comprendre que l’on n’est pas seul. Il recueuille des interrogations universelles qui nous fraternisent.
Benjamin : C’est l’image de vivre avec nos moyens. Ce n’est pas parce que la vitre est cassée qu’on ne peut voir à travers. C’est une manière de reconsidérer notre situation et notre statut dans la société. Il délivre une pensée positive qui qualifie la communauté de perfectible, pour toujours évoluer dans le progrès humain.
Clara :
Hugo : J’y vois un echo à la famille, comment gérer la distance avec elle. Il semble difficle d’entretenir la relation avec l’exterieur, et avec ceux qui nous rattachent à elle. Il y a une ambiguïté entre les rapports fraternels que l’on crée avec les personnes de la communauté et ceux qu’on continue ou pas de cultiver avec l’exterieur. Ce symbole du carreau exteriorise ce sentiment bipolaire entre le dedans et le dehors.
Vincent : Il m’évoque une image dure, sacralisant la communauté à une cassure. Il est difficile de rattacher les individualités et les personnalités de la communauté à une représentation de fissure. Il existe une multitude d’histoires toutes singulières. Ces divergeances complexes et humaines sont à mon sens quelques peu dramatisées sous cette bannière du carreau brisé.
Elsa : Il interroge le besoin d’un symbole pour la communauté. Il semble réducteur de qualifier le visage d’Emmaüs. La vison du public exterieur sur la communauté est vital car elle fait vivre celle-ci. Ce symbole nourrit le dialogue entre une petite société dans une plus grande. Il pose les responsabiulités mutuelles qu’il y a autour de la communauté et le regard qu’on porte sur elle.
La divergeance de point de vue laisse transparaître l’éclectisme de la communauté. Ces visons exterieures cherchent à cerner comment des individualités différentes peuvent coexister au sein d’une collectivité commune. A travers ce symbole, la considération d’Emmaüs est relative puisqu’elle ne dépend que de sa transparence humaine. La comprendre revienst à comprendre chacun de ses acteurs pour révéler le collectif.
Médiagraphie
Les chiffoniers d’Emmaüs , Robert Darène, 1955.
Human flow , Ai Weiwei, 2016. Eldorado , Laurent Gaudé, 2006.
L’errance, Raymond Depardon, 2000.
Ardèche : Un nouveau lieu de vie pour Emmaüs, France Bleu, 2015.