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Une cuillère originaire de Suisse romande
Si la réputation de la petite entreprise de Christophe Vagnières doit beaucoup à la cuillère éponyme (ici un échantillon de ce qu’il propose à sa clientèle), il a depuis développé un service de livraison à domicile qui a rencontré un franc succès depuis sa création le printemps dernier.
Focus Une cuillère à la saveur artisanale
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Depuis qu’il a créé Spoon et cætera en 2010, Christophe Vagnières a régulièrement étoffé sa gamme. Il a aussi lancé ce printemps un service de livraison à domicile.
TEXTE
Patrick Claudet
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Durant l’été, certains l’auront peut-être aperçu sur un catamaran ou lors d’une soirée en Lavaux. Après le semi-confinement et l’arrêt total de ses activités au printemps, la belle saison a permis à Christophe Vagnières de renouer avec son métier et ses clients. C’est ainsi qu’à fin juin il était sur un catamaran appareillant de Genève, et à bord duquel il a concocté à la minute quelques-unes de ses spécialités maison. Au menu: burger Spoon à l’encre de seiche et filet de perche du Léman, pinxtos gravelax de saumon bio au panko et perles de citron caviar, brocheton au chasselas avec écrasé de pommes vitelotte, caille de Porrentruy au sésame et miel d’acacias tessinois ou encore cœur de filet de bœuf du Simmental au Diolinoir et polenta à la truffe. De quoi ravir la quinzaine de participantes, tout comme il a fait le bonheur de la centaine de convives participant à un récent afterwork durant lequel il a cuisiné des plats accompagnés de champagne Drappier.
Sans le masque noir qu’il a arboré à chacune de ces occasions, Christophie Vagnières aurait presque pu penser que la parenthèse du coronavirus était close. Sauf que ce n’est pas encore le cas, et que ses af-
Chez Christophe Vagnières, on trouve des cuillères de toutes les formes imaginables.
faires n’ont pas encore retrouvé le niveau d’avant la crise, à l’instar de nombreux autres opérateurs de la branche.
C’est pourquoi il a profité des quelques semaines durant lesquelles les établissements publics ont été contraints de fermer pour diversifier ses activités. «En quelques jours, j’ai mis sur pied un service de livraison à domicile. L’annulation de tous les événements prévus ce printemps a été le déclic, mais j’y pensais depuis quelque temps déjà», explique le Saint-Preyard né dans une famille de libraires, et dont le grand-père n’était autre que Jean-Pierre Payot. S’il a eu lieu dans un délai court, le lancement de ses →

Spoon Burger, takoyaki ou pintxos, tels sont quelques-uns des produits proposés par le cuisinier vaudois qui puise son inspiration dans ses nombreux voyages.
«La qualité de nos produits nous a permis de fidéliser non seulement une clientèle privée mais aussi de nombreuses enterprises.»
Christophe Vagnières, créateur de Spoon et cætera
activités de livraison n’a pas été improvisé. «J’ai construit une plateforme de toute pièce en veillant à ce qu’elle soit à la fois conviviale et facile d’utilisation. En arrière-plan, je me suis aussi arrangé pour que chaque vente déclenche une commande de matières premières chez mes fournisseurs, qui sont tous des artisans de la région, de manière à ce que la procédure soit aussi automatisée que possible.»
Opérationnelle depuis mai, la plateforme a d’abord connu une phase pilote d’un mois. Une manière pour Christophe Vagnières de s’assurer que l’interface fonctionnait et que le produit répondait à la demande. Le bilan? «Positif. Sans faire la moindre publicité, nous avons rapidement enregistré une trentaine de commandes par jour. Puis le volume a continué de progresser à un rythme régulier.» La particularité de l’offre est qu’elle joue la carte de la proximité, aussi bien en termes de produits que de zone de chalandise. «Nous couvrons en effet une région volontairement restreinte, qui va grosso modo de Buchillon à Echandens, ce qui nous permet d’entretenir une relation privilégiée avec notre clientèle. Cette proximité est importante, car nous pouvons ainsi expliquer en détail la manière dont il faut régénérer nos menus, qui sont servis dans une assiette à compartiments écologique, sans polycarbonate ni Bisphénol A, et qui peut être mise au four ou au micro-ondes. La cuisson des aliments, de son côté, a été adaptée pour tenir compte du fait que les clients réchauffent le plat à domicile, ce qui a nécessité une série d’essais qui ont occupé une partie de notre primptemps.»
Un changement de cap pour préserver son équilibre personnel
La dimension régionale de ce nouveau projet a de quoi surprendre quand on sait que Christophe Vagnières a effectué une partie
Bon à savoir:
Dès la création de Spoon et cætera, Christophe Vagnières s’est inspiré de spécialités culinaires découvertes au gré de ses voyages. L’un de ses premiers coups de cœur est le takoyaki, spécialité d’Osaka qui se présente sous la forme d’une boulette à base de poulpe cuite en moule, et qu’il propose lors de ses cocktails ou via un foodtruck logoté qui sillonne les routes. Puis sont venues les pintxos, ces petites bouchées originaires du Pays basque espagnol et que l’on trouve dans d’autres régions du pays. «Cette année, je n’ai pas pu voyager, alors je ne sais pas encore quelle sera ma nouveauté.»
de sa carrière dans de grandes structures. Avant de bifurquer vers la gastronomie, il a en effet travaillé pour une grande enseigne de l’informatique, chez qui il assurait la gestion du compte d’une multinationale helvétique. «Ma rencontre avec l’univers de l’informatique et des télécommunications a eu lieu peu après mes études en école hôtelière. J’étais en stage à Hong Kong et j’y ai rencontré un homme d’affaires chinois qui m’a fait entrer chez un opérateur téléphonique local, pour qui j’ai travaillé au Royaume-Uni et en Suisse, avant de rejoindre un grand groupe qui m’a envoyé dans plusieurs pays d’Afrique, dont le Nigeria, le Maroc et l’Afrique du Sud», énumère Christophe Vagnières. Une expérience riche à une époque où la téléphonie mobile est en pleine expansion, et qui s’est prolongée dès 1998 avec les premiers pas d’un nouvel opérateur téléphonique en Suisse. «De ces années-là, je garde en mémoire la pression constante et la poursuite d’objectifs toujours plus grands, ce qui m’a amené, en 2008, à me remettre sérieusement en question.»
C’est à ce moment-là qu’il se demande s’il n’aurait pas intérêt à changer de vie, du moins s’il entend préserver sa santé et son équilibre personnel. Mais quelle option privilégier? La réponse s’esquisse à la faveur d’une traversée maritime entre la République dominicaine et le Venezuela à bord d’un catamaran où se trouvent avec lui plusieurs de ses amis et connaissances. Tandis qu’il navigue sur la mer des Caraïbes, il se met à imaginer sa vie rêvée. Très vite, il repense à la passion qu’il a toujours nourrie pour la cuisine. «Sans être un cuisinier hors pair, j’ai toujours aimé imaginer des recettes et apprêter des produits de saison et de la région. C’est ce qui m’a convaincu de me lancer, même si je dois reconnaître qu’au début j’avais peur de ne pas être à la hauteur de la tâche.» En débarquant sur l’archipel vénézuélien de Los Roques, il a ainsi posé les bases de l’activité culinaire qu’il articulera à partir de 2010 autour d’une cuillère éponyme, sur laquelle se lovent toujours aujourd’hui ses créations.
La qualité avant tout
Après la révélation survenue dans les Caraïbles, la mise en place du projet passe par plusieurs étapes. Il faut d’abord trouver les bonnes cuillères, ce qui l’incite à chiner aux quatre coins du monde, d’où la quantité impressionnante de modèles en tout genre qui remplissent les tiroirs de sa cuisine basée à Tolochenaz (VD). Ensuite, il y a les recettes qu’il faut peaufiner, un processus dans lequel il s’engage en sollicitant l’avis de professionnels plus expérimentés que lui, et qui se base sur un produit de qualité. «Le choix de ces ingrédients a bien entendu un impact sur nos prix, mais nous n’avons jamais été tentés de rogner la qualité pour décrocher davantage de mandats. Nous voyons certes certaines affaires

Le chef privilégie le plus souvent le live cooking.
nous échapper, mais le pari est gagnant sur le long terme. La preuve: nous avons su fi déliser non seulement une clientèle privée mais aussi des entreprises, tout en lançant des initiatives originales comme le Swiss Gourmet Tour avec notre partenaire Swiss Wine Selection.»
La suite? Christophe Vagnières l’envisage avec un optimisme raisonnable. «Il y a beaucoup d’incertitudes liées au Covid-19, mais également des opportunités à saisir. Pour notre part, nous allons poursuivre le développement de notre service de livraison à domicile et réfléchir à de nouveaux produits.» •
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