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NOTE D’INTENTION

La matérialité représente le caractère de ce qui est matière, mais sait-on comment elle évolue, comment elle se transforme, comment s’opère son éternelle métamorphose sous l’effet inéluctable du temps ?

Notre approche du thème de la matérialité de la ville nous a amené à interroger l’effet du temps sur l’architecture. En effet, la matérialité évolue sans cesse; les façades lisses et éclatantes des bâtiments tout juste émergés du chantier laisseront vite place à des murs fissurés et à des revêtements décrépis. De vitres brisées, en briques écroulées sur le sol, l’architecture fera place à la ruine, irrémédiablement.

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Émerge alors une problématique : Comment la figure de la ruine peut-elle être le miroir de notre propre condition ?

L’observation du cycle de la vie du bâtiment, et de l’altération progressive de sa matérialité, nous a amène à des réflexions philosophique sur la condition humaine. En effet, si l’architecture est matière, et donc, soumise au passage du temps, nos corps le sont aussi. Architecture et humanité sont ainsi vouées à la même décadence.

En érigeant l’architecture en personnage principal du récit, notre film en fait un miroir tendu vers le spectateur. Il s’inscrit dans la tradition artistique des vanités, ces oeuvres d’arts proposant des représentations allégoriques de la mort pour démontrer la vacuité des passions et des activités humaines « Vanitas vanitatum et omnia vanitas » (vanité des vanités, tout est vanité) .

Le développement d’une réflexion sur la mort ne pouvant se faire sans prendre en compte l’approche mystique proposée par les religions, le choix du titre est issue de la liturgie chrétienne. « Momento homo, quia pulveris es et in pulverem reverteris » (souviens toi, homme qui tu es né poussière et que tu redeviendras poussière), cette phrase issue de la bible, traduit les paroles de Dieu condamnant Adam et Ève à la mortalité après les avoir chassés du jardin d’Eden. L’image de la poussière, appréhendée à la fois comme notre origine et notre destinée, nous a semblé un bon moyen de faire le lien entre l’organicité de nos corps et la minéralité de l’architecture. Tout est poussière et tout retournera à la poussière. Deux questions émergent alors : d’où venons nous et que se passe t-il après la mort ?

La principale référence cinématographique ayant inspirée notre production est le film Decasia : The State of Decay de Bill Morrisson, produit en 2002, au travers duquel le cinéaste utilise la matérialité de la pellicule pour illustrer le rôle du temps sur la dégradation de la matière et évoquer la dimension cyclique du temps et de l’univers. Dans une même dynamique, notre démarche créative cherche à se nourrir d’éléments filmiques préexistant, essentiellement des pellicules super 8 déjà utilisées, et de les recycler dans une production nouvelle.

Nous avons donc pris le parti de nous saisir de l’opportunité du travail sur pellicule pour proposer une interprétation graphique de l’effet du temps sur la matière. En effaçant et en retravaillant des images de pellicule déjà utilisées, nous souhaitons souligner le caractère évanescent des souvenirs et la vanité de nos existences. Par la rotation des bobines du projecteur, le défilement des images évoque la fuite irrémédiable du temps. Les images de la vie se sont effacées, seules restent la projection abstraite de formes et de couleurs sur la matière.

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