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Santé humaine, santé animale et santé environnementale sont indissociables

Par Suzanne Blanchet, réd. a.

La pandémie de COVID-19 nous a fait prendre conscience que la santé humaine dépend en grande partie de la bonne santé des animaux. L’inverse est aussi vrai, le tout sur fond de santé environnementale. Le concept « Une seule santé » met l’accent sur le fait que ces trois types de santé ont une incidence les uns sur les autres.

Étant à la fois épidémiologiste de la santé humaine et médecin vétérinaire, la Dre Hélène Carabin est bien placée pour faire la promotion du concept « Une seule santé ». Cette approche existe depuis longtemps, mais elle se trouve de plus en plus souvent sous les projecteurs, notamment à cause des enjeux liés à la COVID-19 et aux changements climatiques. Ces derniers continueront de croître, si chacun s’en tient à des habitudes qui menacent la santé planétaire et, par conséquent, celle des êtres vivants qui l’habitent.

Dans un texte qu’elles ont cosigné sur le blogue The Conversation, la Dre Carabin et la Dre Caroline Kilsdonk, médecin vétérinaire et bioéthicienne, expliquent en s’appuyant sur plusieurs sources internationales qu’environ les trois quarts des maladies infectieuses émergentes chez les humains sont d’origine animale. Les auteures soulignent que cette pandémie nous a forcés collectivement à nous rendre compte que la santé humaine n’est pas indépendante de celles des animaux et de l’environnement. « Il faut se rappeler que l’être humain est un mammifère, insiste la Dre Carabin. Il n’est donc pas une exception dans le règne animal quant à sa physiologie et à son anatomie ainsi qu’aux processus pathologiques qui l’affectent, lorsqu’il vient en contact avec un agent infectieux ou chimique. Les zoonoses vont d’ailleurs dans les deux sens. Par exemple, de nombreux chats ont attrapé la COVID-19 des humains avec qui ils vivaient. »

La biodiversité est une des meilleures façons de diluer la présence d’agents infectieux.

— Dre Hélène Carabin

« Normalement, un pathogène a une espèce de prédilection, ou quelques-unes, poursuit la Dre Kilsdonk, mais lorsqu’il y a déséquilibre dans l’écosystème, certains virus acquièrent une meilleure capacité d’infecter les humains. Au lieu de le faire accidentellement, ils le font alors sur une base plus fréquente ; ensuite, les humains se contaminent les uns les autres. C’est ce qu’on appelle le saut d’espèce. »

Le saut d’espèce est rarement une bonne nouvelle

Le virus de l’immunodéficience humaine, ou VIH, est un exemple de transmission d’un virus entre un animal et un être humain, puis entre humains. Il en va de même pour la mpox, encore appelée « variole simienne » jusqu’à tout récemment. Le virus de cette maladie est très bien adapté aux écureuils, de petits rongeurs qui côtoient de très près la population en milieu urbain. « On ne sait pas s’ils ont acquis l’infection ni s’ils risquent de la transmettre à l’homme, car Montréal n’a aucun programme de surveillance, alors qu’elle est un des épicentres de la mpox au Canada, ce qui exige une certaine interdisciplinarité, notamment avec les médecins de santé publique et les infectiologues », précise la Dre Carabin.

De grands honneurs

La National Academy of Medecine des États-Unis a nommé la Dre Hélène Carabin membre de son organisation, le 9 octobre dernier. Cette nomination, considérée comme l’un des plus grands honneurs dans les domaines de la santé et de la médecine, reconnaît des personnes engagées dans la société et dont les réalisations professionnelles sont remarquables. La Dre Carabin, connue pour promouvoir et mettre en œuvre des stratégies visant l’application du concept « Une seule santé », fait désormais partie d’un groupe très restreint d’experts étrangers qui ont reçu cet honneur.

Le virus de la mpox est très bien adapté aux écureuils, de petits rongeurs qui côtoient de très près la population en milieu urbain.

L’être humain fait partie de la solution

De nombreuses interventions humaines – déforestation, étalement urbain, recours aux pesticides et aux combustibles fossiles, destruction d’écosystèmes – menacent la santé environnementale. « L’envahissement des milieux naturels a conduit à la destruction de plusieurs espèces animales, soutient la Dre Carabin. Pourtant, la biodiversité est une des meilleures façons de diluer la présence d’agents infectieux. L’être humain est responsable de la plupart des problèmes environnementaux que nous connaissons actuellement mais, heureusement, il peut aussi faire partie de la solution. » L’approche « Une seule santé » en est un exemple ; elle vise à assurer une meilleure santé aux êtres humains, aux animaux et à leur environnement. Le Groupe d’experts de haut niveau Une seule santé (One Health High-Level Expert Panel – OHHLEP) a pour objectif d’aider les nations à prévenir les menaces pour la santé mondiale. Les quatre organisations internationales qui le composent, dont les membres représentent un large éventail de disciplines dans les domaines scientifiques et politiques du monde entier, ont adopté une définition commune :

Le principe « Une seule santé » consiste en une approche intégrée et unificatrice qui vise à équilibrer et à optimiser durablement la santé des personnes, des animaux et des écosystèmes. Il reconnaît que la santé des humains, des animaux domestiques et sauvages, des plantes et de l’environnement en général (y compris des écosystèmes) est étroitement liée et interdépendante. (Source)

De nombreuses interventions humaines menacent la santé environnementale.
Lorsqu’il y a déséquilibre dans l’écosystème, certains virus acquièrent une meilleure capacité d’infecter les humains.

— Dre Caroline Kilsdonk

Cette approche tient compte de problèmes en amont qui, s’ils surgissaient sans qu’on les ait vus venir, pourraient affecter la santé des humains et celle des animaux. « C’est pourquoi les programmes de surveillance devraient être plus nombreux, conclut la Dre Carabin. Si l’être humain est un mammifère, c’est quand même lui qui a le plus de pouvoir. Nous devons donc prendre en compte les milieux dans lesquels évoluent toutes les espèces. C’est ce qui va nous sauver. Les animaux et la planète peuvent survivre sans nous, pas l’inverse. »

À gauche, la Dre Hélène Carabin, directrice du Groupe de recherche en épidémiologie des zoonoses et santé publique (GREZOSP), titulaire de la Chaire de recherche du Canada en Épidémiologie et Une seule santé et professeure titulaire à l’École de santé publique – Département de médecine sociale et préventive, de même qu’au Département de pathologie et microbiologie de la Faculté de médecine vétérinaire de l’Université de Montréal. À droite, la Dre Caroline Kilsdonk, conseillère en recherche au GREZOSP. Elle a été présidente de l’Ordre des médecins vétérinaires de 2017 à 2020. Outre son diplôme en médecine vétérinaire, elle possède un certificat en gérontologie et une maîtrise en bioéthique.

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