Guide du bien vivre à bord - Comment parer à toute situation

Michel Bazile

Guide

du bien vivre à bord

Comment parer à toute situation mal de mer • sommeil • repas mauvais temps • mésentente

L’ensemble des témoignages présentés dans ce guide ont été collectés par l’auteur sur une période de près de quarante ans auprès de plaisan­ ciers de rencontre, de coureurs au large et de stagiaires et formateurs des Glénans ainsi que de l’École Nationale de Voile et des Sports Nautiques. Qu’ils soient remerciés pour leur participation indirecte à ce travail.

4

Sommaire Préambule........................................................................................6 — Quand naviguer voulait dire : survivre !.......................................................... 7 — Bien vivre à bord en plaisance....................................................................... 8

Les points cardinaux de la navigation de plaisance.................................................................................. 11 — La plaisance................................................................................................. 12 — La mer.......................................................................................................... 15 — Le bateau...................................................................................................... 20 — L’équipage.................................................................................................... 31 — Le projet de navigation................................................................................. 45

Écueils et récifs........................................................................59 — Le mal de mer.............................................................................................. 60 — Le mauvais temps........................................................................................ 70 — La mésentente à bord.................................................................................. 80 — Et quand vient la déplaisance...................................................................... 93

Le vade-mecum du bien vivre à bord.................................97 — Être chef de bord.......................................................................................... 98 — Fluidifier..................................................................................................... 104 — Se ressourcer............................................................................................. 109 — Prendre du plaisir en naviguant !............................................................... 124 Bibliographie.................................................................................................. 126

Les points cardinaux de la navigation de plaisance

Le bateau

20

SANS BATEAU, PAS DE MARIN !

Chaque bateau de plaisance est à la fois le dépositaire et le continua­ teur de cette incroyable aventure humaine qui consiste à fabriquer des machines navigantes. Il est un condensé des innovations et des solu­ tions ingénieuses du génie maritime. N’oublions jamais à quel point nous sommes redevables, pour nos navigations, de tous les acteurs connus et anonymes d’une immense lignée de constructeurs.

SANS MARIN, PAS DE BATEAU !

Comme tout être humain, chaque marin est porté par ses rêves, sa part d’audace, son grain de folie, ses envies, son ambition. C’est cette énergie qui le pousse à vouloir partir en mer ! Bien entendu, il a aussi sa part d’angoisse, son lot de peurs, ses inquiétudes, la prescience de ses limites et ses éclairs de lucidité.

La première concrétisation du rêve et des craintes sera toujours un bateau. Outil multifonctionnel par excellence, il résultera inélucta­ blement d’un compromis. Pour bien vivre à bord de son bateau, il faut savoir le choisir, l’équiper, l’aménager et l’utiliser.

BIEN CHOISIR SON BATEAU Le bateau : une machine multifonctionnelle Flotter, naviguer à toutes les allures, être rapide dans les calmes, endurer le mauvais temps, être adapté à l’amarrage, au mouillage, au stockage à terre. Offrir un cadre de vie à l’équipage pour qu’il navigue, s’y repose, s’y nourrisse, en mer comme au port ; pour qu’il puisse se laver,

dormir, se regrouper, s’isoler, se chauffer. Créer de l’espace pour tous et un coin pour chacun. Produire et stocker de l’énergie et la consommer avec parcimonie… telles sont, parmi d’autres, les fonctions d’un bateau.

Les combinaisons entre les différents paramètres qui constituent un bateau sont multiples. Au final, même pour la machine de course la plus extrême, un compromis acceptable doit être trouvé entre des avantages recherchés, des fonctions incontournables et des inconvé­ nients assumés. Et dans ce cas-là, le danger est grand de rechercher un mouton à cinq pattes qui risque d’aboutir à un bateau mal équi­ libré, vulnérable et finalement inapte à la navigation.

Pour bien vivre à bord, il faut un bateau où s’équilibrent les fonction­ nalités essentielles à la vie en mer.

Caractéristiques fonctionnelles d’un bateau

MANIPULATION ET GARDIENNAGE • Facilité d’amarrage • Facilité et fiabilité sur mouillage • Capacité d’échouage • Grutage et stockage à terre • Manipulation sur remorque, sur parking ou garage personnel

MANŒUVRABILITÉ • Ergonomie du cockpit : déplacement, confort, protection, visibilité à partir du poste de barre, accès aux informations de navigation • Équipements du cockpit : choix, types et position des winchs, des taquets, des commandes de voiles, du moteur et du pilote • Gréement et voilure : enrouleurs, lazy-jacks et lazy-bag, prise de ris, balancine et hale-bas, tangon, bout dehors • Équipements spécifiques pour les appareillages et les arrivées : taquets, chaumards, davier, manipulation de l’ancre et des aussières, pare-battages, gaffes

21

Écueils et récifs

Méditation et pleine conscience En mer, avec le début du mal de mer, les pensées fugitives de scènes de vie à terre remontent très vite à l’esprit. Si elles s’incrustent dans le psychisme, c’est toute la vie terrienne avec ses processus de rééqui­ libration qui se réinstalleront. En d’autres termes, c’est le mal de mer garanti.

Vos pensées deviennent alors autant de points d’ancrage qui freinent l’amarinage. Une autre façon de lâcher prise, qualifiée aujourd’hui de méthode de pleine conscience, consiste à laisser vivre et passer ses pensées et ses sensations ; il s’agit ni de les arrêter, ni de les maîtriser, mais au contraire de les laisser passer et flotter comme passent les nuages dans le ciel.

Vous pouvez vous exercer dans toutes les situations qui ne requièrent pas d’attention et de concentration. La position allongée sur votre couchette est idéale, mais être bien calé dans le cockpit ou le carré convient aussi. Vous n’avez qu’à laisser se dérouler le film de vos pensées. Le bateau et la mer étant de grands stimulateurs de l’ima­ gination, vous allez peut-être vivre de grands moments tout en vous amarinant.

Démarrer la navigation en douceur et progressivement L’amarinage est toujours un moment de vulnérabilité. C’est aussi le temps où l’équipage s’accoutume au bateau en complétant la prise en main par la réalisation de toutes les manœuvres de base et le contrôle des équipements essentiels du bateau. Pour toutes ces raisons, il est indispensable de démarrer en douceur et d’avoir une montée en puis­ sance progressive sur plusieurs jours.

Veiller au confort et au bien-être des équipiers Il appartient au chef de bord et aux équipiers expérimentés de veiller au bien-être des personnes néophytes. Le tableau suivant en rappelle les points essentiels.

66

Clés pour le confort des équipiers

INDICATEUR DU MAL DE MER

EFFETS

CONSEILS

Froid

Le milieu marin expose au vent, à l’eau et au froid. C’est avec les premiers symptômes du mal de mer et l’engourdissement qui l’accompagne que le froid saisit

Prévoir des vêtements adaptés dès le départ de la navigation ou à chaque évolution le nécessitant

Faim

L’activité sur un bateau est constante et la consommation d’énergie qui en découle est importante. Être correctement alimenté est fondamental et c’est encore plus vrai si le risque de nausée est présent

• Ne jamais partir à jeun • Se nourrir de façon équilibrée • Avoir des en-cas toujours disponibles sous la main • Des aliments faciles à ingérer et à réchauffer comme de la soupe, des purées, des pâtes sont très utiles

Frousse

Le facteur émotionnel joue un rôle clé dans l’émergence du mal de mer

Que ce soit par le choix du programme de navigation, la manière de naviguer et l’accompagnement des néophytes, tout doit concourir à maintenir un haut degré de confiance dans le déroulé de la navigation

67

Écueils et récifs

Fatigue

Conséquence directe du froid, de la faim, de la navigation mais aussi du travail inhérent à l’amarinage. L’épuisement est un vecteur aggravant du mal de mer

Le plus dur dans les premières heures en mer est de pouvoir se reposer à l’intérieur du bateau. Le programme de navigation, le rythme ainsi que l’assistance des équipiers expérimentés sont des éléments à prendre en compte

Soif

Conséquence directe du mal de mer, toute déshydratation doit être considérée avec soin et attention. D’autant plus que le malade est pris de nausée

• Toujours avoir de l’eau buvable accessible dans les différents lieux de vie du bateau.

• Prévoir une consommation personnelle moyenne de 2 litres par jour

NE PAS CONFONDRE AMARINAGE ET MAL DE MER L’amarinage est une période transitoire de 2 à 3 jours maximum dans laquelle les organismes s’adaptent au bateau. S’il n’est pas toujours possible d’éviter que des symptômes de mal de mer s’y manifestent, ceux-ci doivent rester transitoires et surtout ne pas devenir chroniques.

Rappelons que toute situation de mal de mer doit être surveillée avec attention. Car, si celui-ci devient chronique et s’installe en profondeur, il peut, en plus des souffrances qu’il occasionne, mettre en danger la santé du patient. Toute forme de mal de mer chronique doit donc être traitée comme une pathologie sérieuse. Un changement de route, un retour à terre ou une demande d’assistance doivent être anticipés et faire partie des solutions à mettre en œuvre.

68

Par ailleurs, s’il existe une infime minorité de marins qui n’ont jamais besoin de s’amariner, à l’inverse, une autre minorité souffre chroni­ quement du mal de mer. À ces personnes, nous conseillons de mettre en pratique les conseils formulés. En plus des méthodes explicitées dans ce texte, il existe aussi un ensemble de médicaments qui agissent sur les symptômes du mal de mer et permettent d’en franchir les caps difficiles. À ceux qui souhaitent y recourir, le meilleur conseil est de se rapprocher de son médecin traitant.

QUE FAIRE EN CAS DE MAL DE MER CHRONIQUE ?

En cas de mal de mer aiguë, le malade est non seulement en souffrance physique mais il peut aussi souffrir de détresse psychologique.

Prendre soin du malade : • le sécuriser dans une couchette ; • veiller à ce qu’il n’ait pas froid ; • assurer une présence et une surveillance constante à ses côtés ; • lui donner à boire (eau, eau sucrée, sirop) ; • le nourrir avec des soupes, des purées, des compotes faciles à ingérer.

Organiser sa prise en charge : • quand c’est possible, se détourner et rejoindre un port dans les meilleurs délais ; • contacter le Centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage (CROSS) ou le MRCC local par le 16 pour demander un diagnostic médical et la meilleure conduite à suivre.

Le mal de mer est une pathologie du départ, il est donc probable que vous le ressentiez encore à proximité des côtes.

69

Le vade-mecum du bien vivre à bord

Être chef de bord Dans les deux premières parties, nous avons fait le choix d’occulter les spécificités de la fonction de chef de bord. Cela nous a permis de ne pas superposer, dans le traitement de chacun des sujets abordés, ce qui relevait des équipiers de ce qui relevait du chef de bord. Si ce choix a pu vous surprendre, voire vous déstabiliser quant à l’importance de la responsabilité du patron du bateau dans la conduite de la vie à bord, ne vous méprenez pas, la fonction de chef de bord se confond avec l’ensemble des activités du bord.

DIRIGER « N’y a pas de bons ouvriers sans un bon patron ! » s’exprimait ainsi l’un des compagnons charpentiers d’un chantier naval. Dans son propos, il n’était pas question de dévaloriser les qualités de ses collègues de travail (il était lui-même employé), toutes les personnes qui travaillaient dans ce chantier étaient d’ailleurs tous des compagnons hors pair, au summum de la maîtrise de leur art. De plus, chacun d’entre eux avait non seulement les capacités, mais aussi une expérience de patron.

Non, c’est de la fonction qu’il parlait. De cette position de pilote de l’entreprise, à la fois en surplomb pour guider, en soubassement pour soutenir, et au même niveau pour partager. Cela permet aux compa­ gnons d’être totalement investis dans la réalisation de leur tâche.

C’est la même chose en mer, diriger, c’est d’abord se situer à l’échelle globale du projet de navigation. Diriger un bateau, c’est coordonner quatre domaines distincts et complémentaires : conduire et manœuvrer, se situer dans l’espace, gérer le matériel et s’occuper des équipiers, les accompagner pour qu’ils puissent donner le meilleur d’eux-mêmes.

Ces quatre domaines interagissent les uns avec les autres et la façon de les combiner dépendra à chaque fois de ce qui est à faire et des circonstances de l’instant.

98

c

« Cette traversée du Golfe de Gascogne en plein hiver a été éprouvante et les organismes étaient fatigués. Le chef de bord a été présent à chaque changement de quart. Il a passé beaucoup de temps à préparer des repas, des grogs et des cafés ; il a pris des petits tours de veille et en a profité pour anticiper sur ce qu’il y aura à faire dès l’arrivée ! »

Entre soutien aux équipiers, prise d’information, projection sur les jours suivants et communication, ce chef de bord a bien utilisé son temps.

Pour bien vivre à bord, les membres d’un équipage doivent être capables de concilier et articuler en permanence les exigences d’une organisation égalitaire puisqu’ils partagent les mêmes conditions d’existence, et celles d’une hiérarchie fonctionnelle requise par la conduite du bateau et de la vie collective. Pour cela, vous devez à la fois être fiable dans la fonction dont vous avez la charge tout en étant bienveillant vis-à-vis des autres. En d’autres termes, vous devez être solide et solidaire. C’est une des subtiles compétences indispensables à toute organisation collective que la pratique de la navigation permet d’acquérir assez naturellement. À condition toutefois de la mettre en pratique.

COMMANDER C’est la fonction centrale d’un chef de bord. Beaucoup de lecteurs de Tintin se souviennent des images du Capitaine Haddock hurlant ses ordres au travers du pont. Nombre de plaisanciers auraient du mal à s’imaginer donner ainsi des ordres à leurs équipiers/amis. Avec raison, il y a de fortes chances qu’un tel commandement s’avère totalement inefficace. Au mieux il provoquerait un grand éclat de rire parmi l’équi­ page, au pire une désertion précoce et massive.

La vraie question du commandement est la suivante : quelle action doit être réalisée ? et quelle est la meilleure façon de le faire en fonction de la situation nautique et des compétences de l’équipage ?

99

La navigation est une expérience singulière ; il est fréquent qu’elle commence dans l’enthousiasme et s’achève dans la morosité, car entre le départ et le retour, il y a l’épreuve de la vie en mer et de la vie à bord.

Météo défavorable, tensions au sein de l’équipage, sommeil perturbé, équipements défaillants, mal de mer, mauvaise gestion de l’avitaillement… tout plaisancier se doit à tout moment de surmonter des situations difficiles.

Ce guide propose d’identifier les sources de crise et de conflit et donne les clés pour pratiquer la plaisance comme un art de vivre.

Michel Bazile a été moniteur de voile et chef de base au Centre Nautique des Glénans en Irlande et en France, puis enseignant à l’École Nationale de Voile et des Sports Nautiques. Il a vécu et analysé de multiples situations relatives à la vie à bord d’un bateau de plaisance. L’étude des motivations et des comportements des plaisanciers a nourri sa réflexion tout au long de sa carrière.

14,95 € TTC

www.vagnon.fr

MDS : VA00203