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Sainte Blandine (vers

162-177)

Blandine, petite esclave de la fin du iie siècle, ne compte pour rien dans la société profondément inégalitaire de l’Empire romain. Mais elle appartient à cette jeune Église chrétienne pour qui il n’y a plus ni maîtres ni esclaves, seulement des enfants de Dieu. Des enfants de Dieu bien courageux dans l’adversité…

Une esclave presque comme les autres Blandine sort de la maison, deux paniers vides à la main. Une belle journée commence ! Sous ce ciel clément, ce sera un plaisir de faire les courses pour sa maîtresse.

Malgré l’heure matinale, l’ambiance est animée au marché. La ville de Lugdunum1 est riche. Marchands et clients discutent bruyamment devant des étals débordants de produits aux mille odeurs. Ce joyeux tapage amuse Blandine qui se faufile à travers la foule, discrète et souriante. Rares sont les regards qui s’arrêtent sur elle. Ses vêtements simples révèlent sa condition d’esclave ; aussi les jeunes gens préfèrent-ils dévisager les riches passantes.

Pourtant, Blandine se sent libre, d’une liberté intérieure que nul ne pourrait lui voler.

Le secret de la liberté

– Bonjour, ma petite Blandine ! lance une voix affectueuse derrière elle.

L’esclave se retourne et son visage s’illumine. Le vieil homme qui l’a interpellée est l’évêque Pothin, accompagné de Biblis, une femme de leur communauté. Ils viennent acheter du vin pour le prochain « repas du Seigneur », cette célébration qui rythme la vie des chrétiens. On y fait mémoire du dernier repas de Jésus Christ avec ses disciples.

– Viendras-tu ce soir ? demande Pothin.

– Oui, répond Blandine, radieuse. Ma maîtresse me laisse la soirée.

Voici le secret de la liberté de Blandine. Elle appartient à la famille des chrétiens, qui se considèrent tous comme les enfants d’un même Père. À leurs yeux, il n’y a ni esclaves ni maîtres, seulement des baptisés sauvés par Jésus Christ.

Les ragots du marché

– Ils sont suspects ces chrétiens, murmure le client suivant dès que Pothin et ses deux compagnes se sont éloignés.

Le marchand de vin écarquille les yeux :

– Pourquoi ?

– Leurs réunions… il s’y passe des choses affreuses. Ils commettent des crimes que ni toi ni moi, nous ne pouvons imaginer.

Le marchand bredouille :

– Tu… tu crois ? Les chrétiens me paraissent être d’honnêtes personnes.

– Ne te fie pas aux apparences, susurre le client. Ils refusent d’adorer l’empereur. Rappelletoi les inondations de cet hiver : c’était leur faute. Ils ont fâché la déesse Cybèle. Et puis… ajoute le client à voix basse. Ils mangent de la chair humaine !

« Nous sommes chrétiens et ne faisons rien de mal » Hélas ! Les rumeurs enflent au fil des semaines. Personne ne prend le risque de défendre ces chrétiens sur lesquels on raconte les horreurs les plus absurdes. Un jour, les autorités romaines décident d’en finir avec eux. Blandine est arrêtée, avec près de cinquante compagnons. L’évêque Pothin meurt en prison, épuisé. Les autres sont torturés. Pour sauver sa vie, Biblis terrifiée assure à ses accusateurs qu’elle ne croit plus en Jésus. Mais aussitôt, elle se rappelle que la vie ici-bas n’est pas grand-chose à côté de la vie éternelle promise par Jésus. Alors elle déclare d’une voix forte :

– Ce n’est pas vrai ! Je reste chrétienne, fière et heureuse de l’être !

Maltraitée, Blandine continue à sourire, et n’a qu’une phrase aux lèvres :

– Nous sommes chrétiens et nous ne faisons rien de mal. Ses accusateurs haussent le ton :

– Bien sûr que si ! Et vous allez être mis à mort dans l’arène. Elle répète haut et clair :

– Nous sommes chrétiens et nous ne faisons rien de mal.

Beaucoup de témoins sont impressionnés et savent qu’elle dit vrai. Un jour, malgré le danger, certains oseront suivre son exemple et demander le baptême.

Dans l’amphithéâtre de Lyon, la foule est chauffée à blanc par le soleil et l’excitation.

Père, regarde cette fille : elle a mon âge, elle me ressemble…

C’est une esclave. Et chrétienne. Rien à voir avec toi.

OOOOOH ! À MORT !

Esclave peut-être, mais elle a le sang-froid d’une princesse ! Quel est le secret de sa force ?

Certains spectateurs sont furieux mais d’autres s’interrogent.

TRAÎTRES DE FAUVES !

Quel prodige !Cette fille est protégée !

C’est nul !

Si Blandine est finalement décapitée, son martyre amène de nombreux Lyonnais à la foi. L’Église de Lyon est vivante et continue à donner du fruit.

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