SOS Colo

CLAIRE RENAUD

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CLAIRE RENAUD

TŕŕƭƙƥƑîƥĿūŠƙɰēĚ ¬ƥěƎĺîŠĿĚ ¤ƭċĿŠĿ

Aux amis mamiens qui font la vie belle, Camille, Paul, Guillaume et Pauline. À Charlotte, Êvidemment.

CHAPITRE 1

Ce que peut annoncer un mail – Mes sœurs, silence, j’ai une annonce à vous faire.

Le silence, sœur Gertrude, prieure du couvent des Marguerites, grande femme austère et sèche qui a le sourire rare, n’a pas à le demander. Il règne en maître sous la voûte de la grande salle à manger où chaque sœur, vingt et une exactement, mange sa soupe en faisant le moins de bruit possible.

– Mon frère, Hervé de Montalembert, prêtre dans le diocèse de Chambéry et directeur de la colonie du SacréCœur-de-Jésus, m’a envoyé un mail.

– Chouette ! s’exclame sœur Eulalie en tapant des mains.

– Tempérez votre enthousiasme, sœur Eulalie ! Vous n’êtes pas au théâtre, que je sache ! la coupe sœur Gertrude.

Sœur Eulalie est une jeune novice de vingt-cinq ans qui prononcera ses vœux définitifs l’an prochain. C’est la joie de vivre incarnée : légère, blonde, avec de grands yeux bleus, elle chante en épluchant les légumes, elle danse en 7

Les drôles de péripéties de soeur Eulalie

passant le balai et parle à tout bout de champ. Un vrai rayon de soleil. Mais sœur Gertrude s’arrache souvent les quelques cheveux qui demeurent sous son voile avec cette jeune recrue par trop bavarde et enthousiaste.

– Donc, un étrange mal s’est répandu sur la colonie du Sacré-Cœur-de-Jésus, et les moniteurs tombent comme des mouches, reprend sœur Gertrude sur un ton dramatique.

– Ooooh, s’inquiètent plusieurs sœurs en se signant.

– Les symptômes pourraient faire penser à une sorte de grippe, nuance sœur Gertrude, pas mécontente néanmoins de son petit effet.

– Ouf ! disent les mêmes sœurs en se signant à nouveau.

– Oui mais voilà, mon frère a besoin de remplacer ces moniteurs malades, et il ne trouve personne. C’est pourquoi il m’a contactée.

– Je ne vois pas le rapport, intervient sœur Thérèse.

On peut pas l’aider, votre frère, on reste ici, dans la clôture.

Sœur Thérèse est une sœur un peu bourrue, qui a son franc-parler. C’est une vraie force de la nature, large et tout en muscles, et les sœurs du couvent sont bien contentes de l’avoir quand il s’agit de déplacer des meubles lourds ou de déboucher un évier. Sœur Thérèse 8

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a en effet son CAP de plomberie, et c’est en installant une douche qui s’est soudainement déclenchée au-dessus de sa tête (c’est elle qui le raconte) qu’elle a enfin décidé de répondre à l’appel de Dieu qui lui envoyait des signes et des litres d’eau depuis un petit moment. Maintenant, elle exerce ses talents au couvent des Marguerites. Elle a tendance à tutoyer tout le monde, mais aucun robinet ne lui résiste, et quand elle est à la chapelle, elle peut tranquillement laisser déborder sa prière et son amour pour Dieu.

– Eh bien justement, vous auriez l’autorisation exceptionnelle de sortir pour aller porter secours à cette colonie en détresse. Qui est volontaire ?

– Moi, moi, crie sœur Eulalie en levant haut la main.

– Sœur Eulalie, évidemment, je m’en doutais, soupire la prieure. Qui d’autre ?

Les sœurs piquent toutes du nez dans leur assiette de soupe. Elles se trouvent bien là où elles sont et n’ont pas du tout envie de quitter leur couvent.

– Moi, je m’y colle ! finit par dire sœur Thérèse. On va pas laisser la p’tiote toute seule, elle va faire n’importe quoi !

Thérèse fait un clin d’œil à Eulalie. Ces deux-là s’apprécient depuis longtemps.

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– Très bien, très bonne idée, merci beaucoup, sœur Thérèse, dit sœur Gertrude en s’inclinant. Il m’en faudrait une troisième. Allez, allez, qui se dévoue ?

Nouveaux plongeons de nez dans les assiettes de soupe de toutes les sœurs.

– Bon, je vais devoir choisir, alors, annonce sœur Gertrude. Sœur Isabelle, tenez !

Un murmure d’étonnement monte de toutes les bouches.

Sœur Isabelle ! La plus timide, la plus silencieuse, la plus pieuse de toutes ! En colonie ! L’intéressée en reste bouche bée, rouge comme une écrevisse.

– Vous… vous devez faire erreur, ma mère, dit-elle si bas qu’on peine à l’entendre. Je, je, moi, dehors, en co, en co, en coco, en colonie ! Non, par pitié… bégaie-t-elle.

– On va manger de la noix de coco ? demande sœur Anne, la doyenne du couvent, qui n’entend plus très bien et sort de temps à autre de sa léthargie.

– Non, lui répond gaiement sœur Eulalie. On part en colo !

– C’est chouette, la noix de coco ! Ça nous changera des pommes, poursuit sœur Anne, bille en tête.

– Moi, en colonie, mais c’est impossible ! gémit sœur Isabelle.

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– C’est tout à fait possible, c’est même décidé, assène sœur Gertrude. Et cela va vous faire le plus grand bien !

Allez, hop ! vous pouvez aller faire vos bagages ! Vous partez dans deux heures par le train de nuit !

Sœur Germaine, assise à côté de sœur Isabelle dont les yeux sont remplis de larmes, lui tapote doucement la main.

– Ça va aller, mon enfant, si Dieu le veut.

Ces quelques mots ont l’air de rasséréner sœur Isabelle.

Après tout, si elle est envoyée là-bas, c’est que Dieu doit avoir un projet pour elle.

Mais elle est loin d’imaginer lequel…

CHAPITRE 2

Ce que peut contenir une valise Une fois dans leurs chambres, les trois sœurs tirent de sous leur petit lit de fer la valise avec laquelle elles sont arrivées au couvent. Le cœur léger, sœur Eulalie remplit sa valise rouge à roulettes, sœur Isabelle, le cœur lourd, sa vieille valise en cuir, sœur Thérèse bourre de tout son cœur son sac à dos.

Quand elles sortent de leurs cellules, toutes les sœurs sont alignées dans le couloir pour leur dire au revoir.

– Où vont-elles ? demande sœur Anne, la doyenne.

– À la montagne, sœur Anne, lui répond sœur Adélaïde.

– Au bagne ! Mais qu’ont-elles fait de mal ? s’étonne sœur Anne.

– Mais rien, rien du tout ! Elles partent à la montagne ! répète patiemment sœur Adélaïde.

– À la campagne, maintenant ? Ça change tout le temps, ma parole !

– Mais non, sœur Anne, elles vont à la montagne, comme je vous l’ai déjà dit !

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– Vraiment, en pagne ? Il ne manquait plus que ça !

Sœur Adélaïde soupire. Elle abandonne. Ça ne sert à rien. Quand sœur Anne a compris quelque chose, même de travers, elle n’en démord pas !

Sœur Eulalie avance lestement en tirant sa petite valise tandis que sœur Isabelle ploie sous le poids de la sienne.

Sœur Thérèse s’étonne : – Mais enfin, sœur Isabelle, t’as mis quoi là-d’dans ?

– Rien du tout, sœur Thérèse, tout va bien, je vous assure, balbutie sœur Isabelle.

– Laisse-moi voir ce que tu as emporté…

Sœur Thérèse attrape la valise de sœur Isabelle et l’ouvre d’un geste sûr. Ses yeux s’écarquillent.

– M’enfin, sœur Isabelle, tu as les robinets qui tournent à l’envers ?

– Mais pas du tout, pas du tout, sœur Thérèse, je ne vous permets pas. Je vais très bien, je vous remercie.

Les sœurs, curieuses, font cercle autour de la valise ouverte.

– Elle a pris une énorme statue de la Vierge ! dit une sœur.

– Et deux grands chandeliers ! dit une autre.

– Et trois vases ! renchérit une dernière.

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Les drôles de péripéties de soeur Eulalie

– Elle déménage toutes ses affaires à la campagne ! conclut sœur Anne. Mais elle a oublié son pagne !

– C’est mon coin prière, avoue tête basse sœur Isabelle. Ça me permettra de me sentir chez moi, là-bas.

Sœur Isabelle prend la statue dans ses bras et l’étreint avec ferveur.

– Je ne m’en suis jamais séparée, ajoute-t-elle d’une toute petite voix.

– Voyons, voyons, sœur Isabelle, vous n’allez pas à l’autre bout du monde mais chez mon frère, dans les Alpes ! dit doucement sœur Gertrude. Pour quelques jours seulement ! Et vous n’y allez pas seule, sœur Eulalie et sœur Thérèse viennent avec vous !

– J’ai besoin de ma statue ; sans elle, je suis perdue ! répond sœur Isabelle.

Et elle la serre encore davantage, comme si c’était une grosse peluche.

– Sœur Isabelle, vous trouverez là-bas plusieurs statues de la Vierge aussi jolies, si ce n’est plus, que la vôtre, poursuit sœur Gertrude. Mon frère en a placé une de toute beauté dans la chapelle, je puis vous le garantir.

– Ce n’est pas pareil !

Sœur Isabelle pleure désormais à chaudes larmes.

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– Elle a mal aux oreilles ? demande tout bas sœur Anne.

– Allez, ne t’inquiète pas ! dit sœur Thérèse en prenant sœur Isabelle dans ses grands bras. Il faut que tu laisses la statue ici, elle va pas aimer le voyage ; elle va se casser ! Et moi, j’t’préviens, j’pourrai pas la réparer : c’est du plâtre, pas de la tuyauterie, j’y connais rien.

L’argument semble porter. Sœur Isabelle desserre son étreinte. Elle n’a pas envie d’endommager la statue qu’elle aime tant. Elle la confie à sœur Adélaïde, qui l’assure qu’elle en prendra grand soin et la fleurira tous les jours. Sœur Isabelle lui donne également les chandeliers et le reste. Elle ne garde qu’un petit vase et une toute petite icône. Du léger.

Et, pour se faire pardonner, sœur Isabelle prend le sac à dos de sœur Thérèse et tente de le jeter sur son épaule. Elle tente… car elle manque de tomber à la renverse, dans les bras de sœur Eulalie.

– Mais enfin, que se passe-t-il encore ! Un peu de dignité, mes sœurs, s’insurge sœur Gertrude qui commence à se demander si ce séjour en colonie est une bonne idée.

– Votre sac aussi est très lourd, sœur Thérèse, s’étonne sœur Isabelle.

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– Mais non, mais non ! C’est léger comme un tuyau en plastique !

– Mais pas du tout, c’est plutôt lourd comme un tuyau de plomb, rectifie sœur Isabelle.

– Sœur Thérèse, veuillez ouvrir votre sac, s’il vous plaît !

Qu’avez-vous donc mis là-dedans ? coupe sœur Gertrude.

– Le nécessaire ! répond sœur Thérèse du tac au tac.

– Son nez se serre ? Mais elles sont toutes malades ! s’exclame sœur Anne.

– C’est-à-dire ? demande sœur Gertrude à sœur Thérèse.

– C’est-à-dire une scie, des tuyaux, un appareil à souder, un jeu de vingt clés, une dizaine de tournevis et les vis qui vont avec, un bon marteau et des clous, énumère sœur Eulalie qui sort un à un les outils du sac à dos de sœur Thérèse.

– Le nécessaire, c’est bien ce que je disais ! répond sœur Thérèse, têtue.

– Elle ne devrait pas partir dans cet état ! s’inquiète la vieille sœur Anne.

– Sœur Thérèse, vous n’allez tout de même pas voyager avec tout cela ! dit sœur Gertrude.

– « Cela », comme vous dites, ce sont mes outils, et un bon artisan se déplace toujours avec ses outils parce qu’il travaille avec ses outils.

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– Sœur Thérèse, vous partez là-bas pour vous occuper d’enfants et non pour refaire toute l’installation sanitaire !

– On dit ça, on dit ça, et une fois sur place, il y a toujours quelque chose à réparer, j’en mets ma main à couper à la scie dentée !

– Mon frère a un atelier avec un immense établi en chêne, un étau et des tas d’outils au mur.

L’œil de Thérèse s’allume. Mais elle résiste encore.

– Un bon artisan travaille avec ses propres outils, bougonne-t-elle.

– Et je crois même qu’il y a un chalumeau d’une puissance phénoménale.

C’est le chalumeau qui l’emporte. Thérèse sort sa boîte à outils de son sac et la laisse aux pieds de sœur Adélaïde, à côté de la statue et des chandeliers.

– Et maintenant, bon vent, mes sœurs, dit sœur Gertrude en les poussant vers la sortie, pas mécontente de les voir partir et de retrouver la sérénité de son couvent.

Dans le taxi qui les emmène à la gare, Thérèse sort des poches de sa chasuble une clé à molette, deux tournevis, une clé de 12, une pince, quelques clous, un joint, du scotch, un cutter.

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– Les outils, c’est pas que dans les boîtes à outils ! Faut toujours être prévoyante !

Elle ne croit pas si bien dire…

CLAIRE RENAUD

Les drdôeles de péripéties Quand sœur Eulalie, sœur Thérèse et sœur Isabelle débarquent à la colonie du Sacré-Cœur-de-Jésus pour prêter main forte au père de Montalembert, elles ne se doutent pas de ce qui les attend…

Des robinets qui fuient, des enfants survoltés, des randonnées en montagne harassantes et un rythme effréné… Les trois sœurs parviendront-elles à mener à bien leur mission ?

UN TRIO DE SŒURS TENDRES ET ATTACHANTES QUI VONT VIVRE UNE COLO À 100 À L’HEURE !

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