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Paul Beaupè

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Chapitre 1

Une lettre de papy

Où l’on commence par ouvrir la porte, pour ensuite ouvrir un paquet, puis un autre, puis un autre, puis un autre, et où l’on finit par ouvrir une enveloppe. Où l’on se demande si la clé est bien celle du mystère, où l’on suit la piste, et où l’on finit comme on a commencé : en ouvrant une porte.

Ce matin, le facteur a sonné. C’est très rare que le facteur sonne. Il lui faut une bonne raison, au facteur, pour sonner, une très bonne raison. Soit il est poursuivi par Karl, le berger allemand qui habite trois maisons plus loin, et alors 5

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là, le facteur cherche un refuge pour sauver le fond de son pantalon. Soit c’est la fin de l’année, alors il cherche à nous refiler un de ces calendriers avec des photos de petits chats, de dauphins ou de maisons sous la neige ; mais, comme il y a des feuilles dans les arbres et qu’il fait jour le matin quand je me lève, ce n’est pas la saison des calendriers. Soit c’est pour un « recommandé », une de ces lettres que les parents ouvrent en se demandant ce qu’ils ont bien pu faire au Bon Dieu pour mériter cela, un peu comme le jour de remise des bulletins de notes. Soit, dernière possibilité, c’est un paquet ! Et ce matin, c’en est un ! Un colis de papy…

Papy, c’est le papa de maman, un ancien marin. Il est veuf depuis longtemps et il vit en Bretagne. Depuis sa lointaine contrée, il a pris l’habitude de nous envoyer des colis toujours plus étonnants les uns que les autres.

Aujourd’hui, le paquet est de taille moyenne, d’un poids moyen. Il ne sent rien : ni le fromage qui va exploser, ni le bouquet de roses. Il ne fait aucun bruit, pas plus « tic-tac » que « miaou ». C’est un colis normal. Et avec papy, c’est quand tout a l’air normal qu’il faut le plus s’inquiéter.

– Allez, ouvre !

Avec les colis de papy, il y a une tradition : c’est celui qui a ouvert au facteur qui a le droit d’ouvrir le paquet. Et ce 6

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matin, c’est maman qui a ce privilège. Mais comme elle peut le faire quand elle veut, tant que c’est avant le coucher du soleil, elle en profite et nous fait enrager. Papy a dit que, si jamais on ouvrait un colis après que le soleil a disparu à l’horizon, il pourrait se passer des choses terribles, des choses incroyables ! Les profs de français de la terre entière pourraient se mettre à ne parler que chinois, les otaries pourraient toutes émigrer au Sahara, les nuages pourraient refuser de pleurer, les cadeaux de Noël pourraient se perdre en chemin, les chocolats de Pâques fondre en route, des araignées martiennes pourraient débarquer, les brocolis devenir obligatoires à la cantine, les chamallows grillés avoir un goût de langue de bœuf, et toutes les interros de maths tomber le lundi matin… Papy prétend même qu’Alex, mon frère, pourrait devenir intelligent. Bref, ce serait la fin du monde !

Au déjeuner, maman n’a toujours pas ouvert le paquet ; au café, le colis est clos, fermé, scellé, hermétique ; au goûter, l’ambiance à la maison est la même qu’à la NASA juste avant l’atterrissage de la première fusée sur la Lune.

Il y a de l’explosion dans l’air. Nous tournons autour du paquet comme des lions autour d’un McDo !

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– Bon, OK, je l’ouvre ! Mais avant, je crois que je vais aller faire…

– Non !!

Tous les gosiers de la famille se sont ouverts en même temps dans un cri de désespoir intense !

– Non, tu ouvres tout de suite !

Alors maman a obéi, ce qui n’est pourtant pas dans ses habitudes ; normalement, c’est plutôt elle qui donne les ordres.

Elle déchire un papier qui emballe une boîte en carton, ouvre la boîte dans laquelle il y a… une autre boîte ! Avec papy, on a l’habitude de ce genre de blague, alors personne ne s’étonne vraiment. Quand maman ouvre la sixième boîte qui était cachée dans la cinquième, elle-même dans la quatrième et… mais bon, là je crois que vous avez compris, on commence à trouver que la blague a assez duré. Au final, arrive la huitième boîte : elle est toute petite, très joliment décorée. Maman soulève le couvercle et, à l’intérieur, il y a une enveloppe, et dans cette enveloppe, une clé.

– C’est nul, elle n’est même pas en or ! dit Alex.

– Et puis elle est trop petite pour être celle d’un palais de princesse ! marmonne Charlotte.

– Brrrllllllllrrllrlrl ! concluent Aude et Basile.

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– Il y a aussi une lettre, dit maman en montrant un papier plié en tout petit et tassé au fond de la minuscule boîte.

– Mais où ton père peut-il bien trouver un papier aussi fin ? demande papa en regardant maman déplier la feuille qui, peu à peu, devient très grande. Décidément, ton père est plein d’insoupçonnables ressources.

Une fois la lettre bien à plat, maman en commence la lecture. « Mes chers petits-enfants et enfants moins petits, voilà qui, du paradis, devrait vous ouvrir la porte.

Signé, Papy ! » – Et la suite ?

– Y a pas de suite, Brune, c’est tout ce qu’il y a d’écrit !

– Quoi !? Mais c’est de l’arnaque ! Du vol ! Remboursez !

Escroc !

Alex est aussi en pétard que ses cheveux au réveil !

– T’es idiot, on ne peut pas te rembourser quelque chose que t’as pas payé ! Ça serait du vol ! Charlotte lui répond sans lever le nez, tout en fouillant les boîtes vides qui étaient les unes dans les autres. Ça y est ! J’en étais sûre ! HaaaaHaaaaa, c’est qui la plus forte ? C’est Charlotte !

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Et dans sa main, triomphale, elle tient une autre lettre de papy, le même papier, tout fin tout fin, plié en tout petit, et qui était caché dans le fond d’une des boîtes.

– Vas-y, lis !

– « Et filez tout droit, passez devant l’antre du monstre sans vous arrêter ! » – C’est tout ?

– Ben oui, patate, c’est tout ! Pourquoi je m’arrêterais en route si j’avais la suite ?!

– Parce que la patate, c’est toi, que tu ne comprends rien à rien et que, d’abord, tu serais capable de faire ça rien que pour m…

– Stooooooop ! Stop ! Fini ! The end ! Basta ! Halt !

On range les armes ! On sort les cœurs et les drapeaux blancs, on s’embrasse, on fait la paix et on arrête tout de suite de se disputer pour rien !

Papa s’est mis juste à temps entre Charlotte et Alex ; la Troisième Guerre mondiale vient d’être remise à plus tard !

– Là, une autre !

Et maman de lire : – Bien que n’étant pas de papier, c’est dans la boîte que se trouve le sésame.

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Alors chacun se met à fouiller les boîtes un peu trop vite laissées de côté. Même Vivaldi, le chat, est de la partie : du museau ou de la griffe, il cherche, il ne sait pas quoi, mais il cherche. Au bout de cinq minutes, nous avons deux papiers supplémentaires, deux phrases toutes aussi mystérieuses que les deux précédentes : « Adieu le quinze, bonjour le onze. » « Quand derrière vous, vous aurez votre présent, c’est en filant sur la droite que vous verrez votre futur. » Papa et maman se regardent en souriant. Ils ont l’œil qui rigole, à croire qu’ils ont compris un truc qui m’échappe, et ça, je déteste !

– Alors ? dit papa.

– Alors ? dit maman.

Alors on n’a rien compris du tout ! On est dans le brouillard total ! Papy vient de nous perdre définitivement : nos cerveaux ressemblent à des hamsters dans des roues, ils tournent, tournent, mais font du surplace. Nous allons être obligés de reconnaître notre défaite devant papa et maman ! Papy nous a eus ! C’est l’humiliation.

– Alors, facile !

Tous les regards se dirigent vers Charlotte qui vient de parler…

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Mais avant de savoir ce qu’elle a découvert, je crois qu’il est temps de filer au chapitre deux !

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Chapitre 2

Qui est qui ?

Où l’on prend deux secondes pour se souvenir de qui est qui, qui fait quoi, qui est où, et où l’on est. Où l’on n’apprend rien que l’on ne sache déjà, sauf si c’est la première fois que l’on croise les Saint-Arthur, mais où l’on peut quand même en profiter pour se rafraîchir la mémoire.

Avant d’aller plus loin, il convient de faire un point sur ceux dont les noms ont déjà été prononcés au chapitre un, mais aussi, afin de faciliter la suite, de vous présenter ceux qui vont débarquer dans les chapitres suivants. Ne vous 13

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inquiétez pas, je ne serai pas longue, et je suis sûre que vous allez tout comprendre.

Je sais bien que ce n’est pas très poli de commencer par soi-même, mais comme c’est moi qui raconte l’histoire, je crois que c’est quand même le plus simple. Alors, pour ceux qui ne me connaissent pas, je suis Brune. Attention, ce n’est pas ma couleur de cheveux, c’est mon prénom, même si, en vrai, c’est aussi ma couleur de cheveux !

J’ai onze ans, je suis en sixième et je crois que j’ai une vie plutôt chouette !

En fait, j’aurais une vie parfaite si je n’avais pas un frère qui se nomme Alexandre, dit Alex, dit Al ! Il a neuf ans, il est en CM1 et il est le pire des meilleurs frères qui soient !

Quand il est là, il m’énerve, quand il n’est pas là il me manque, et ça m’énerve qu’il me manque ! Il a toujours des idées, des bonnes assez souvent, des curieuses quelquefois, mais aussi, et ce n’est pas rare, des idées qui semblent venues de nulle part et qui auraient mieux fait d’y rester.

Il y a aussi Charlotte, ma sœur : elle a sept ans, elle est en CE1. Elle se débrouille régulièrement pour avoir plus raison que moi, ce qui est très énervant. Depuis quelque temps, elle semble ne plus vouloir grandir et passe sa journée à discuter avec Georges, un ours en peluche qui, 14

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d’après elle, serait un savant génial, un cosmonaute, un champion de karaté, et sans doute un espion au service du roi des ours, mais ça, elle ne le dit que tout bas pour que Georges ne l’entende pas.

Ensuite il y a les jumeaux. Maman déteste qu’on les appelle comme ça, « ils ont des prénoms »… Donc ensuite, il y a Aude et Basile. Ils ont débarqué il y a un peu plus d’un an, sans crier gare, le soir de Noël. Ils sont encore assez peu doués pour parler aux autres, mais passent leurs journées à se parler entre eux. Ils sont encore assez peu doués pour marcher, mais sont les champions du monde du cent mètres à quatre pattes !

Et puis, bien sûr, il y a papa et maman !

Maman, c’est Juliette, mais surtout, maman, c’est maman ! Pour vous la décrire, c’est simple : vous prenez tous les gens que vous connaissez et que vous trouvez incroyables, extraordinaires, formidables, super-forts, extra-bons, ultrachics, férocement élégants, immensément intelligents, miraculeusement gentils ; vous les mélangez, vous multipliez par deux leurs qualités, et voilà ! Vous avez maman ! Sinon, elle travaille dans une banque où elle jongle avec les millions comme les otaries du cirque le font avec des ballons, mais là, ça ne fait rire personne.

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Papa, il écrit des histoires pour les enfants, il les dessine aussi. Il skie comme une vache, mais ce n’est pas très grave, car on n’habite pas à la montagne.

Dans la famille, il y a encore papy, que vous connaissez déjà pour ses courriers étonnants, et qui est le papa de maman.

Il y a aussi grand-père et grand-mère, Guy et Huberte : ce sont les parents de papa. Lui est un ancien médecin qui taquine le violon et continue à nous soigner ; elle, elle est peintre à ses heures et fait les crêpes comme personne.

Et puis il y a les cousins : Lola, qui s’appelle Camille et a le même âge que moi, Victor, qui est quasi le jumeau d’Alex, et Lucas qui a cinq ans. Ce sont les enfants d’oncle Jérôme, grand frère de papa et prof de maths, et de tante Isabelle, sa femme, qui est prof de français.

Il y a aussi oncle Stan, petit frère de papa, qui a épousé Charlotte.

Du côté de maman, il y a tante Claire, qui sait tout sur tout, surtout sur les sujets auxquels elle ne connaît rien, et oncle Arthur, qui est religieux et débarque de temps en temps dans sa grande robe marron pour jouer sur la console des cousins, ou faire des gaufres à la maison.

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Voilà, vous connaissez tout le monde, ou presque. Ah non, j’oubliais ! À la maison, il y a aussi Mozart, mon cochon d’Inde, qui est très mignon et un peu dur de la feuille. Et Vivaldi, notre gros chat roux ; il est nouveau à la maison, c’est lui qui nous a trouvés pendant une balade en famille sur les routes de Saint-Jacques, mais ça, c’est une autre histoire. Pour les autres, vous les découvrirez au fur et à mesure.

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Chapitre 3

me ça, on déménage m o c s r ?

Alo

Où l’on sort, où l’on remonte le trottoir comme d’autres ont remonté l’Orénoque ou l’Amazone, où l’on suit Charlotte et où l’on écoute les parents, où l’on se rend compte que l’imagination n’est pas toujours un cadeau, où l’on se demande en définitive si les adultes sont les mieux placés pour prendre les décisions qui engagent une vie entière.

– Qu’est-ce qui est facile ?

– Ben, les lettres de papy ! Suivez-moi, je vous explique en chemin ! Le dernier ferme la porte et éteint la lumière, 19

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celui qui a la clé du paquet ne l’oublie pas, et on ne traîne pas derrière ! dit Charlotte en filant vers la rue.

Papa attrape Basile, maman intercepte Aude, et tout le monde sort.

– Eh ! On va où comme ça ? demande Alex.

Mais personne ne répond, car je crois bien qu’en fait personne ne sait. Nous allons vers un inconnu lointain et mystérieux, guidés par une enfant de sept ans qui ne fait pas la différence entre un lama et un rhinocéros. Demain, dans le journal, nos noms figureront en première page, à la rubrique des disparus.

– « Quand derrière vous, vous aurez votre présent, c’est en filant sur la droite que vous verrez votre futur. » Ça veut dire quitter la maison et sortir dans la rue ! Et ça, c’est fait, dit Charlotte. « Et filez tout droit, passez devant l’antre du monstre sans vous arrêter ! » Ça, c’est trop fastoche, ça veut dire qu’il faut passer devant la maison de madame Henriette. « Adieu le quinze, bonjour le onze. » Bon, alors là, c’est à la portée de n’importe quel hérisson nouveau-né : ça veut dire que nous allons quitter notre maison, le numéro quinze, pour aller habiter ici, au numéro onze ! dit Charlotte qui s’est arrêtée devant le onze de la 20

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rue de la Corde-à-virer-le-vent. « Bien que n’étant pas de papier, c’est dans la boîte que se trouve le sésame. » Puis-je avoir la clé du paquet, poursuit-elle, je présume qu’elle ouvre la boîte aux lettres et qu’à l’intérieur il doit y avoir…

Bingo ! dit-elle en sortant une nouvelle clé de la boîte. « Voilà qui, du paradis, devrait vous ouvrir la porte. » Et là, plus facile, ça serait limite insultant. Il ne reste plus qu’à ouvrir la porte de notre nouvelle maison où nous allons bien sûr emménager ! Voilà ! Quand vous avez une question, vous pouvez toujours demander ! Si c’est fait poliment, je suis prête à répondre.

Et là, j’ai détesté ma sœur. Ses petits bras croisés genre « j’avais raison », son sourire style « je vous l’avais bien dit », ses yeux plissés façon « c’est qui la meilleure »… À ce moment précis, je voudrais qu’elle se transforme en cafard, en crotte de pigeon, en épluchure de carotte ou en peau d’oignon… Mais en tout cas, en un truc vraiment nul !

De leur côté, face à la réplique de Charlotte, papa et maman ont la mâchoire qui vient de se décrocher et ­d’atterrir sur le sol ; ils sont immobiles, figés comme deux éléphants qui viendraient de se faire battre au bras de fer par une souris.

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– C’est vrai ? Je me suis tournée vers papa et maman.

On déménage ?

Il leur faut un certain temps pour retrouver leurs esprits et se remettre la mâchoire en place.

– Oui, Brune, bientôt. Mais entrez, on va vous faire visiter ! Vous allez voir, c’est super, grand, clair, spacieux…

Vous allez adorer !

Et papa et maman sont entrés dans la maison aussi excités que moi un soir de Noël au pied du sapin. Alors j’ai suivi, je suis entrée… et là, je suis passée de Noël au jour du vaccin chez grand-père.

– Ici, il y aura la cuisine, grande, avec des tas de placards modernes et pratiques, et une vue sur le jardin !

Maman est en extase devant une pièce où le dernier coup de pinceau a dû être passé pour les huit ans de Ramsès II, et où, pour l’instant, on hésiterait à faire déjeuner son copain tyrannosaure, si bien sûr on en a un.

– Là, dit papa, il y aura le salon, immense, confortable, avec un coin pour la bibliothèque et deux canapés assez grands pour s’y perdre et nager le crawl entre les coussins.

Pour l’instant, le salon ressemble à… à rien, il ne ressemble à rien ! Si j’y invite une amie, elle croira que j’habite un parking souterrain.

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– Venez voir à l’étage, vous allez découvrir vos chambres.

Vous allez adorer !

– Brune ! Il faut faire hospitaliser nos parents ! Ils ont perdu la vue ! Ils ne voient plus les choses telles qu’elles sont ! J’ai peur qu’ils ne soient en train de devenir fous.

Alex s’est rapproché de moi, il me serre le bras, et sur son visage se lit la panique. Brune, je ne veux pas venir habiter ici ! Ni demain, ni jamais ! Plutôt mourir !

– Donc, les enfants, comme vous l’avez compris, nous allons bientôt emménager ici. En fait, c’est prévu pour dans deux semaines ! Papa et moi, on est tellement contents de vivre cette aventure avec vous !

Ce soir-là, dans mon lit, je pleure à chaudes larmes ! Je ne veux pas, je ne veux pas, je ne veux pas, je ne veux pas déménager ! Je me dis que si je répète cette phrase un nombre suffisant de fois, peut-être que les choses vont changer…

– Brune ? Je peux rentrer pour te dire bonsoir ?

Maman entre dans ma chambre et vient s’asseoir sur le bord de mon lit. D’habitude, j’aime bien quand elle vient comme ça, mais ce soir, je ne suis là pour personne, et

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surtout pas pour elle. Alors je ne réponds pas, je reste tournée face au mur et je fais semblant de dormir.

– Tu sais, me dit maman, j’ai bien vu que tu n’étais pas très contente à l’idée de déménager. Et que toi et ton frère, vous aviez du chagrin en visitant la nouvelle maison. C’est normal d’être un peu triste de quitter ce que l’on aime.

Mais tu verras, après quelques travaux, je suis sûre que tu seras ravie du changement. D’ailleurs, à ce sujet, il faut que tu commences à réfléchir à la couleur que tu voudras pour ta chambre. Allez, bonne nuit ma poulette.

Maman m’a embrassée et elle est partie sur la pointe des pieds, comme si elle avait peur de me réveiller, alors qu’elle savait très bien que je ne dormais pas. Comment font les mamans pour comprendre les choses avant même qu’on les dise ? Comment font-elles pour savoir quels sont les mots qu’il faut dire dans toutes les circonstances ? C’est un mystère.

– Hé ! Brune, tu dors ?

– Hein ? Heu oui, enfin, je crois… Je sais pas, je sais plus…

Ce coup-ci, je dormais vraiment quand Charlotte est entrée sans bruit dans ma chambre. Elle s’est assise au bord

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de mon lit, le menton sur les genoux, les bras autour des jambes.

– Tu la trouves comment, toi, la nouvelle maison ?

– Je sais pas, Charlotte. Je la trouve… enfin, je… Elle est assez… enfin, je veux dire que je pense que si on… enfin, que peut-être qu’on pourrait imaginer de… Mais bon, en même temps c’est difficile de se faire une vraie idée !

– T’as raison, tu sais pas ! Eh bien moi, je vais te le dire : elle est moche de chez moche de chez super-moche ! Dans le genre moche, c’est une championne du monde ! Si j’étais un rat, je refuserais d’aller y habiter ! Je ne comprends pas ce qui s’est passé dans la tête des parents ! Et puis, y a ma première communion dans pas longtemps, ils croient quand même pas qu’on va fêter ça dans ce chantier ?

– On ne peut rien y faire. Papa a dit que les cartons arrivaient demain et qu’il faudrait commencer à ranger nos affaires et à les trier. Tu sais, Charlotte, nous sommes condamnées à l’exil ! (Soupir.) Au fait, comment tu as fait pour découvrir l’énigme de papy ?

– Fastoche ! J’ai surpris une conversation des parents, l’autre soir, dans le salon. J’étais descendue emprunter du chocolat pour Georges – il est comme tous les ours : le soir, il a faim – et je les ai entendus parler du déménagement.

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Alors le reste, facile à deviner. Allez, salut Brunette, je vais me coucher !

Cette nuit-là, j’ai rêvé que j’étais une tortue, avec ma maison solidement accrochée sur le dos. Personne ne pouvait m’en chasser… Mais ce n’était qu’un rêve.

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