Sports équestres et hippiques

Je ne mesurais pas, avant de prendre la plume, à quel point tous les chevaux sont liés génétiquement, et dépendants historiquement les uns des autres. Sans cheval de guerre et de travail, pas de cheval de sport.

Sans pur-sang arabe, pas de pur-sang anglais. Sans le cheval, qui l’a porté pour conquérir le monde et a tiré les pierres qui ont construit les villes, l’homme ne serait pas cet être dominant et sûr de sa force. Sans l’influence de l’homme, le cheval serait resté un animal assez petit, commun physiquement, galopant sur telle ou telle steppe.

Peut-être sa survie serait-elle menacée, au même titre que celle d’autres grands mammifères, et il n’aurait jamais gagné les Jeux olympiques. Mais voilà, l’homme et le cheval se sont rencontrés, et ont maintenant des siècles de vie commune. C’est l’histoire d’amour passionnelle entre le cheval et l’homme que ce livre raconte.

Céline Gualde a la particularité d’être à la fois journaliste spécialisée dans les courses et les sports équestres, et éleveuse de chevaux en Normandie. Ce livre, très personnel, est le fruit de son expérience « multifacettes » du cheval.

SPORTS ÉQUESTRES & HIPPIQUES

SPORTS ÉQUESTRES & HIPPIQUES

CÉLINE GUALDE

LE CHEVAL DANS TOUS SES ÉTATS

SPORTS

ÉQUESTRES & HIPPIQUES CÉLINE GUALDE PRÉFACE DE KAMEL BOUDRA

978-2-36602-591-0 39€

COUV CHEVAL POUR PDF HD 26 07 2017.indd 1

26/07/17 10:40

Sommaire

Préface Introduction Chapitre I La genèse L’histoire de l’équitation Le cheval au service de l’homme Chapitre II Le cheval contemporain Le pur sang anglais Le trotteur français Le selle français Les techniques de reproduction moderne Chapitre III À grand spectacle, bel écrin !

Les courses de plat La course d’obstacles Le trot Les sports équestres Conclusion Bibliographie

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Préface

UNE VIE DIFFÉRENTE Le cheval est au service de l’homme depuis toujours.

Il a fait la guerre, a travaillé dans les champs, les mines.

Il fait aujourd’hui du sport, accompagne certains dans des randonnées, parfois dans des contrées lointaines et des endroits inaccessibles sans lui.

Mais le cheval impose à ceux qui l’aiment et le respectent une vie bien différente de celle qu'ils auraient eue sans cette passion.

C’est le cas pour Céline Gualde : même si elle imagine maîtriser son existence, c’est l’équidé qui en décide.

Alors qu’elle est diplômée d'une école de journalisme, puis travaille pour divers médias dont France 3, L'Équipe TV et Canal +, elle remet tout en cause, décide de devenir paysanne et de passer, pour y parvenir, les examens nécessaires.

Une fois le diplôme en poche, elle rêve de créer un haras.

Céline fut ma rédactrice en chef à Equidia, la chaîne du cheval. Elle était d’une exigence souvent excessive car son besoin de précision était sa seule motivation.

Jessica Ro

driguez

Un jour enfin, elle a décidé de quitter Paris et embarqué homme et enfants dans la région du haras du Pin. Il est vrai que c’est un pays d'élevage de chevaux, mais assez reculé tout de même... Comme d’habitude Céline a crié sa devise « qui m’aime me suive », et la tribu n’a pas eu d'autre choix que de s’expatrier.

Elle aime le cheval dans sa globalité.

Du pur-sang au cheval de trait, elle a d’ailleurs élevé les deux.

Pour signer un ouvrage comme celui-ci, il fallait cette connaissance, cette culture générale exceptionnelles. Il fallait tout lire, tout savoir, tout comprendre pour ensuite le transmettre.

C’est chose faite avec ce livre.

Kamel Boudra

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LA GENÈSE

Le mot « harassant » vient-il de « haras » ? Non, et pourtant…

Cette question d’étymologie m’a été posée par une amie, alors que je lui racontais mes aventures d’éleveuse. J’ai jugé la théorie plausible, tant la réalité pourrait lui donner raison !

P

eu d’animaux d’élevage demandent autant d’attention que les chevaux, du moins chez les mammifères. Non seulement un cheval mange chaque jour et peut s’avérer difficile à manier, mais il a en plus tendance à mourir facilement et à se blesser plus fréquemment les dimanches et les jours fériés…

durant la journée. Leur instinct de proie leur commande de se cacher et de faire vite. Un poulain bien portant naît en quelques minutes, il est debout et tète dans l’heure qui suit sa naissance.

La façon simple de gérer les choses serait de déclencher les poulinages. Mais le genre équin ne s’y prête pas. « Un poulain, quand il est cuit, il sort ! » me disait un éleveur chevronné. La gestation d’une jument dure généralement onze mois, mais varie en réalité de 320 à 360 jours. Déclencher la mise bas, afin qu’elle coïncide avec les heures de travail d’un salarié par exemple, présente plus de risques que d’avantages. Les poulains dont on précipite la naissance sont souvent dysmatures, leurs poumons ne sont pas bien finis, le colostrum de leur mère n'est pas assez riche. Il est impensable de prendre de tels risques dans les élevages de chevaux présentant une certaine valeur.

Le déclenchement du poulinage n’y est pratiqué qu’en cas d’indication vétérinaire bien précise. Donc, l’éleveur attend, et adapte sa vie familiale à ses juments.

Dans un haras, la période de la naissance des poulains est la plus passionnante, la plus grisante et la plus harassante. On vit alors au rythme de ces juments au ventre lourd, dont on attend qu’elles poulinent, guettant le moindre indice qui pourrait nous indiquer quand la chose se produira. Nos poulinières ont autorité sur nous. Elles sortent de leur box le matin en chaloupant des hanches, avec la nonchalance de Vénus africaines. Leur regard mi-fier mi-endormi tombe sur l’humain qui termine sa garde avec un brin d’ironie : « Tu as encore veillé pour rien ! » De fin janvier à mi-mai, à toute invitation reçue, l’éleveur répond invariablement : « Avec plaisir si je n’ai pas une jument qui se prépare ! » Et le matin du dîner, il décommande : « Je suis désolé, elle cire ! » L’apparition de petites chandelles de lait au bout des mamelles est l’un des signes précurseurs du poulinage. On sait que ce sera pour la nuit prochaine, ou celle d’après… Il est rare que les juments mettent bas

L'ESSENCE DU MÉTIER D'ÉLEVEUR La saison des poulains débute généralement dans un grand enthousiasme, en janvier. Et plus ou moins rapidement, on en vient à attendre sa fin avec cette forme particulière d’impatience qu’engendre l’épuisement. Car la naissance du poulain n’est pas le dernier plan du film : il faut lui prodiguer des soins, surveiller ses aplombs, l’éduquer. Dans le mois suivant sa naissance, sa mère est saillie à nouveau, sur plusieurs cycles de chaleurs si nécessaire, jusqu’à ce qu’elle soit de nouveau pleine.

Les petits camions de chevaux biplaces des éleveurs courent alors le bitume, pour mener les femelles à l’étalon. On ne décide pas non plus du jour ni de l’heure d’une saillie : elle doit correspondre à l’ovulation de la jument. C’est son cycle ovarien qui détermine l’emploi du temps de l’éleveur, et non l’inverse.

La gestation des poulinières est suivie, selon l’époque où elle débute, durant trente ou soixante jours, avec des échographies régulières. Dans les élevages de pur-sang, une saison de reproduction bien gérée et sans « poisse » se termine rarement avant la fin mai. Et à cette époque-là le monde de l’élevage dans son ensemble a les yeux cernés.

Mais enfin, faire naître des poulains, c’est l’essence même du métier d’éleveur. Le petit qui tombe dans la paille incarne des générations de sélection génétique, des heures de réflexion quant au choix de son père, un investissement financier et, surtout, un espoir considérable.

La corvée de fumier, qui se répète quotidiennement, est l'une des tâches les plus rébarbatives au haras. Yan Lerval

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Louvisy dans la barre d'échographie, où les juments poulinières sont installées pour leur suivi gynécologique.

Leur foal est toujours placé devant elles. Ici, une fille de Turgeon, destinée aux courses d'obstacles. Yan Lerval

LA GENÈSE

L’équitation classique est, au départ, une affaire de nobles. Ils envient à l’Espagne son « genêt », un cheval élégant et dont les allures sont idéales pour la pratique du dressage. DR

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La longue lignée des écuyers français L’équitation de tradition française est inscrite au Patrimoine culturel immatériel de l’Unesco depuis 2011. Aujourd’hui incarnée par le Cadre noir de Saumur, elle est un reflet de l’histoire de France et le fruit de siècles d’évolution.

L’

équitation française doit beaucoup à un roi… espagnol, Ferdinand II d’Aragon, dit le Catholique. À la toute fin du xve siècle, il décide de reconquérir Naples, qui est sous domination française. Dans son armée, les cavaliers montent des « genets d’Espagne » – des chevaux andalous, assez légers, réactifs et très maniables. Face à ces « anguilles », les chevaliers français, protégés par leur armure lourde, sont juchés sur des chevaux épais, eux-mêmes alourdis d’une armure.

Ces destriers sont forts, mais lents et peu maniables. Ils savent foncer droit devant eux, provoquant des chocs frontaux à la brutalité effrayante souvent illustrée dans les tournois spectaculaires de chevalerie. Mais ils ne peuvent ni tourner court, ni réagir promptement. L’armée de Ferdinand d’Aragon défait en une poignée d’années celles de deux rois de France, Charles VIII puis Louis XII. La dernière humiliation infligée par l’Espagne est la bataille de Cérignole, du nom d’une petite ville du royaume de Naples, en 1503. L’armée française est organisée d’une façon médiévale, avec à son avant-garde deux mille cavaliers lourds.

L'armée espagnole sous le commandement de Gonzalve de Cordoue. DR

DES CHEVAUX LÉGERS ET RAPIDES L’armée espagnole, commandée par Gonzalve de Cordoue, le « Gran Capitán », comprend mille arquebusiers qui forment sa première ligne.

Huit cents cavaliers légers sont à l’arrière-garde. Gonzalve de Cordoue, connaissant le penchant des Français pour la charge de la cavalerie lourde, décide de les attirer vers ses arquebusiers retranchés derrière des fosses et des clôtures. La cavalerie espagnole simule une charge mais bat en retraite rapidement, incitant la cavalerie française à se lancer à sa poursuite. Les Français tombent dans le piège et se précipitent vers l’ennemi jusqu’à arriver à portée de tir des arquebusiers et de l’artillerie.

La cavalerie légère de Gonzalve de Cordoue entre alors en action et met les Français en fuite. Ferdinand de Navarre est sacré roi de Naples en 1504.

Portrait de Gonzalve de Cordoue.

DR

Les armes à feu font aussi leur apparition, et rendent moins décisif le combat « de contact ». Il faut désormais être en mesure d’aller vite, de charger puis de se replier prestement : la rapidité prévaut sur la force.

Le genet d’Espagne, ce joyau, fait rêver en France et en Italie. Partout, on cherche à affiner les races locales, en les croisant avec des chevaux orientaux, de type barbe ou arabe. L’allégement progressif confère de nouvelles aptitudes aux chevaux et rend possible une autre équitation, plus élaborée, mais qui reste globalement d’une grande brutalité : on 29

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N’est pas trotteur qui veut Le nombre de naissances de trotteurs a vite bondi en France, passant de 1 621 en 1960 à un peu moins de 11 000 en 2015, avec un pic à plus de 13 000 poulains enregistrés dans les années 1990.

C’est bien plus de chevaux que le monde des courses en France ne peut en absorber. En comparaison, 5 163 pur-sang sont nés sur notre sol en 2015. Or le marché du trotteur, contrairement à celui du galopeur, reste très hexagonal.

P

our tenter de limiter cette surproduction, la SECF a édicté des règles excluant de la reproduction bon nombre de juments aux performances en course insuffisantes. De la même façon, une poulinière est bannie si ses poulains ne montrent pas assez de qualité sur les hippodromes. Ces mesures sont contestées car elles n’ont pas démontré de réelle efficacité, des poulains ayant parfois couvert d’une gloire posthume leur mère réformée.

En 1969, le système des « qualifications » a été mis en place, également pour juguler le nombre de chevaux arrivant sur le marché. Pour obtenir le droit d'être engagé en course, le trotteur français doit d’abord passer un test, consistant à couvrir une distance de 2 000 mètres, au trot attelé ou monté, à une vitesse minimale.

Les poulains trotteurs doivent réussir un « examen de passage » chronométré pour avoir le droit de courir. DR

La réduction kilométrique imposée dépend de l’âge du cheval et de la période de l’année pendant laquelle le test est effectué. Ainsi, un poulain de 2 ans devra parcourir les 2 000 mètres à une vitesse minimale de 1’ 21” 50 au kilomètre à l’attelé, et 1’ 21” 00 au monté, s’il passe le test de mai à octobre. S’il est présenté aux qualifications plus tard dans l’année, le « chrono » exigé sera un peu plus serré.

MOINS D’UNE CHANCE SUR DEUX DE SE QUALIFIER Lorsqu’un trotteur se qualifie au trot monté, il n’a le droit de participer à des courses que dans cette discipline. Quand un cheval connaît une interruption de carrière, suite à une blessure par exemple, il doit être requalifié pour pouvoir courir de nouveau.

Le test des qualifications est un gros stress pour l’éleveur, car un poulain qui ne le réussit pas doit être réformé des courses. Quel que soit le destin du cheval à ce moment-là, le rêve de son naisseur prend fin…

Un cheval peut être présenté aux qualifications autant de fois qu’on le souhaite, mais les entraîneurs, pour des raisons économiques, s’encombrent rarement d’élèves récalcitrants. De petits miracles se produisent toutefois : le difficile Oyonnax n’a réussi à se qualifier qu’à sa huitième tentative. Son premier entraîneur avait déjà jeté l’éponge. Le second, Vincent Brazon, a eu raison de s’entêter, puisque Oyonnax a remporté le prix d’Amérique 2010 !

Un poulain trotteur français a statistiquement moins d’une chance sur deux de se qualifier. Seuls 41,4 % des trotteurs nés en 2012 ont réussi l’examen, ce qui est dans la moyenne de ces vingt dernières années. ♦ Il ne suffit pas de naître trotteur pour avoir le droit de participer à des courses officielles.

Bruno Vandevelde

Voltigeur de Myrt conjugue carrière sportive et métier d'étalon.

Trois de ses grands-parents ont remporté le prix d'Amérique. Bruno Vandevelde

ÉTALONS PERFORMERS

Le recours à l’insémination artificielle chez les trotteurs permet aux mâles bien nés d’exercer en même temps leurs talents de cheval de course et de reproducteur. Il en va de même pour les étalons de sports équestres. Les entraîneurs de trotteurs ont très souvent, en parallèle, une activité de centre d’insémination, sur un site proche de leur écurie. Les cracks y sont conduits pour que leur sperme soit prélevé, quatre à six fois par semaine, de mi-février à mi-juillet. La pratique encourage les phénomènes de mode, un étalon star des hippodromes en remplaçant rapidement un autre dans le cœur des éleveurs. Plus de 500 étalons trotteurs officiaient en 2015, pour un total de 15 600 juments.

Chez les pur-sang, qui ne saillissent qu’en monte naturelle, un « entier » (cheval non castré mais ne saillissant pas) ne peut devenir étalon qu’à l’issue de sa carrière de courses.

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Xavier Leredde et le chef de race Papillon Rouge.

Collection X. Leredde

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Le SELLE FRANÇAIS Un savant cocktail

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LE CHEVAL CONTEMPORAIN

Le majestueux Jalisco, fort, souple, doté d’une tête distinguée, ce qui n’était pas très courant chez les selles français de son époque, et de magnifiques tissus.

ARPH

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Almé, Galoubet, Baloubet : la lignée en or du selle français À grand champion, belle histoire ! Les cracks, comme les stars de cinéma ou les leaders charismatiques, ont rarement des parcours de vie sans relief.

Le cheval de sport français doit énormément à l’étalon Ibrahim (1952), que nous avons déjà évoqué.

S

i on ne devait citer qu’un de ses fils, ce serait Almé, né en 1966 de la jument demi-sang girondine, elle-même fille du pur-sang Ultimate.

Almé a vu le jour dans le sud de la Manche, chez Alphonse Chauvin. Il fut acheté « sous la mère », donc au sevrage, par le grand marchand Alfred Lefèvre, qui le revendit à 3 ans à un cavalier amateur, Frederick Lorimer Graham. Entrepreneur américain mais vivant en France, Graham avait une quarantaine d’années et un niveau modeste d’équitation. Sur les terrains de concours, le style de son cheval et ses capacités, manifestement sans limites, étaient une véritable attraction. Et puis Almé était beau, tout simplement et absolument beau. Bai, d’une prestance sans pareille, il avait une longue liste en tête et quatre petites balzanes. Son regard, calme et doux, mais si ferme, en disait long sur son intelligence. Le fils d’Ibrahim, bien plus chic que son père, avait une aura irrationnelle. Après l’avoir croisé, on n’oubliait jamais ce cheval.

Almé débuta, en parallèle à la compétition de saut d’obstacles, une timide carrière d’étalon. Il était méconnu, et dans l’ombre d’un autre mâle officiant dans le même haras : Sans Souci, vainqueur du Grand Prix d’Aix-la-Chapelle en 1971 avec Marcel Rozier. À l’issue de sa première année de monte, Almé n’eut que sept poulains… mais l’un d’entre eux était le fantastique Galoubet !

Almé fut ensuite exploité en compétition par Michel Parot et Bernard Genest, et attaqua avec succès les Grands Prix à 1,50 mètre. Sa réputation grandit petit à petit, et il eut un peu plus de succès en tant qu’étalon : quinze poulains nés en 1974, dont le futur vainqueur de la Coupe du monde I Love You, puis 36 en 1975, parmi lesquels le chef de race Jalisco B : le bel Almé donna donc des cracks à chaque génération, malgré le faible nombre de juments qu’il rencontra.

Le chef de race Almé et son adorateur, Bernard Le Courtois, qui le fit revenir en France. Collection BLC

Almé à son retour en France. Collection BLC

En 1974, à 8 ans, il fut exporté en Belgique : la première étape d’un long parcours international. Léon Melchior, le sulfureux magnat du stud-book Zangersheide, l’acquit pour un prix record à l’époque : 550 000 euros. Et encore Fred Graham, le propriétaire d’Almé, pensait-il l’avoir simplement loué ! L’affaire s’était faite dans un restaurant, le contrat griffonné sur un bout de nappe...

Elle se conclut devant les tribunaux, et Léon Melchior obtint gain de cause.

Almé était à lui. Il saillit en Belgique de nombreuses juments européennes, devenant un père de mères fantastique. Sa petite-fille Ratina Z, championne d’Europe, du monde et championne olympique, gagnante de la finale coupe du monde, est considérée comme la jument du xxe siècle.

Almé fut ensuite vendu à l’équivalent des Haras nationaux hollandais, et resta aux Pays-Bas jusqu’en 1983. Cette année-là, il fut opéré d’une hernie inguinale et amputé d’un testicule. Les Pays-Bas le réformèrent, et l’étalon de 17 ans fut revendu au marchand belge François Mathy.

Un journaliste français passionné d’élevage, Bernard Le Courtois, décida de tout faire pour ramener Almé en France. Il avait 31 ans, et pas un sou !

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À GRAND SPECTACLE, BEL ÉCRIN !

Longchamp, un temple qui se métamorphose Dimanche 27 avril 1857, il y a foule à Longchamp : c’est jour d’inauguration pour le bel hippodrome. Il est lové en bord de Seine, à l’emplacement précis d’une ancienne abbaye royale détruite durant la Révolution.

Longchamp, rendez-vous des élégantes… Roger Viollet

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C

eux qui ont voulu le voir naître, dont le duc de Morny qui a obtenu de la ville de Paris cet emplacement de rêve, comptent sur Longchamp pour offrir aux courses un succès populaire. Le gazon de sa piste est d’un vert tendre, salué par de longues tribunes de bois et de plâtre qui semblent lui faire une haie d’honneur. Elles sont pleines à craquer. Tout ce que Paris compte de gens bien nés, de belles dames et de journalistes est là et joue des coudes : pensez, on attend l’empereur Napoléon III et son épouse Eugénie ! Et le grand-duc Constantin de Russie, frère de l’empereur Alexandre II, est annoncé lui aussi ! Au centre de l’hippodrome, de l’autre côté de la large piste, une foule hétéroclite s’agite. Ces gens-là n’appartiennent pas à la bonne société, ils n’apercevront que de très loin l’Empereur, mais qu’importe : pour rien au monde ils ne céderaient leur place !

Du côté du peuple, il n’y a pas de tribune : on s’assoit par terre ou sur des pliants. Les plus aisés restent dans leur voiture hippomobile, ce qui leur permet de voir loin, tout de même, par-dessus la foule. On entend des rires, des éclats de voix, des musiciens. Et lorsque les chevaux entrent en scène pour la première fois, une grande clameur les impressionne. Ils piaffent et secouent l’encolure.

Le vainqueur de la première course, c’est Éclaireur : nom très symbolique pour un coursier qui ouvrit la voie à des milliers de ses congénères, dont un certain nombre de cracks inoubliables. Longchamp et ses courses attiraient au xixe et jusqu’à la fin du xxe siècle une foule considérable : régulièrement plus de 40 000 personnes, lit-on dans Les Courses de chevaux en France , paru en 1890.

Le Grand Prix de Paris, créé à Longchamp en 1863, était, avant la Première Guerre mondiale, la course la mieux dotée au monde, et la seule ouverte aux chevaux venus de l’étranger. Outre la dotation, un objet d’art était offert au vainqueur par l’Empereur lui-même. Aujourd’hui, l’épreuve réservée aux 3 ans se court toujours à Longchamp, mais le 14 juillet et non plus en juin. En 1901, on pouvait lire dans la revue La Vie au grand air : « Qui n’a pas vu Longchamp un jour de Grand Prix n’a rien vu : de tous côtés, de mille routes qui conduisent à l’hippodrome, arrive une foule compacte et serrée. Fiacres, landaus, cabriolets, ducs,

Le projet du nouveau Longchamp, dont l’ambition est de donner aux courses une nouvelle jeunesse, a été confié à l’architecte Dominique Perrault.

France Galop

phaétons, mail-coaches, tapissières se succèdent sans interruption et, au milieu des voitures bondées, vendeurs de programmes, crieurs de journaux, courent en s’époumonant à offrir leur marchandise. On est tout d’abord surpris, ahuri, bousculé, écrasé au milieu de cette masse… Mais la cloche a sonné, annonçant l’ouverture de la réunion, le galop d’essai de la première épreuve de la journée. À nos places ! »

UN NOUVEAU DÉPART L’hippodrome a bien entendu connu des heures moins heureuses : bombardé en 1870, il est rénové, puis sert de terrain d’aviation et de parc à bestiaux durant la Première Guerre mondiale. Le 5 avril 1943, Longchamp est de nouveau bombardé, le jour de sa réouverture, mais sa structure n’est pas endommagée. Il est muni de nouvelles et immenses tribunes en pierre dans les années 1960. Puis, peu à peu, son aura s’estompe. Les épreuves qui s’y disputent sont toujours aussi prestigieuses, mais la foule fait défection. Le spectacle des courses, concurrencé par tant d’autres et qui n’a jamais été remis au goût du jour, séduit moins le public. Longchamp et les courses de plat ne sont pas les seuls touchés, car la crise est générale. Mais l’hippodrome parisien est le vaisseau amiral de la société mère des courses, France Galop, qui ne veut pas le voir sombrer. Elle décide de lancer une vaste opération de rénovation, très contestée dans le microcosme du galop alors que le Pari Mutuel Urbain (PMU) a essuyé une baisse de 4,7 % des enjeux en 2016, et France Galop un déficit de plus de 33 millions. Le projet, que d’aucuns qualifient de « pharaonique », baptisé « le nouveau Longchamp », est budgété à 131 millions d’euros.

L’architecte choisi est Dominique Perrault, père de la bibliothèque François-Mitterrand à Paris. L’idée est de rendre l’hippodrome plus convivial, plus fonctionnel et plus modulable, et d’y favoriser les paris.

Le nouveau Longchamp a été pensé comme une vitrine resplendissante pour des courses qui y retrouveront, espérons-le, un public. L’ancien hippodrome a fermé au lendemain du prix de l’Arc de Triomphe 2015, pour une réouverture prévue fin 2017. ♦

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À GRAND SPECTACLE, BEL ÉCRIN !

Le parcours mythique du Grand Steeple-Chase de Paris À sa création en 1874, le Grand Steeple se dispute sur 6 400 mètres, avec 22 obstacles.

Cette distance sera modifiée plusieurs fois au fil de temps, dans un sens ou dans l’autre.

Les chevaux ont eu à couvrir jusqu’à 6 900 mètres en 1924 et 1925.

Le calme avant la tempête, sur la rivière des tribunes, large de 5,5 m. Bruno Vandevelde

L

e Grand Steeple-Chase moderne, dont la 138e édition s’est tenue le 21 mai 2017, est une course de 6 000 mètres, avec 23 obstacles à franchir, certains d’entre eux se passant plusieurs fois. Il est doté de 850 000 euros, dont 352 500 au vainqueur.

La particularité du parcours de steeple d’Auteuil est la grande diversité de ses obstacles, bien plus variés dans leur construction que ceux du Grand National de Liverpool par exemple. Certains d’entre eux ont été créés en même temps que l’hippodrome.

Les chevaux qui courent le Grand Steeple sont expérimentés. Le dressage puis l’expérience leur ont appris à « décoder » les difficultés. Ainsi, ils savent que les obstacles verts sont des haies naturelles qui peuvent se traverser, alors qu’il faut se méfier des noirs, plus épais et plus rêches, et surtout des blancs, qu’ils doivent franchir sans les toucher. Avec le temps, les chevaux apprennent à s’économiser et à produire un effort minimal en fonction du profil de l’obstacle. Le jockey, qui « sent » son cheval, préférera l’arrêter en cours de route s’il considère qu’il manque de ressources face à un parcours aussi éprouvant. ♦

N1,70o 3 : Le Bull Finch mètre de haut sur 3,20 mètres de large. C’est une haie de bruyère encadrée de deux barres blanches posées au sol de chaque côté. Les chevaux peuvent brousser au travers.

o 5 deethautNo sur15 : La rivière des tribunes N1 mètre 5,5 mètres de large. Une haie d’appel précède la rivière

en elle-même, qui comme son nom l’indique est située en face des tribunes.

La franchir demande un saut de 7 mètres de long environ. Il est important de soigner la réception, souvent brutale, et de ne pas atterrir dans l’eau. La rivière des tribunes se franchit une seconde fois, en numéro 15, donc après la mi-course. Avec des chevaux déjà éprouvés, son passage devient encore plus délicat.

: Le gros Open Ditch N1,60o 10 mètre de haut sur 3,70 mètres de long. Il est composé d’une barrière blanche posée au sol en appel, derrière laquelle se trouve un fossé, puis une large haie verte de troènes et de genêts à travers laquelle les chevaux peuvent brousser.

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11 :deLehautmur en pierre N1,10o mètre sur 2,20 mètres de large. Un obstacle directement

inspiré des premiers steeple-chase « informels » courus dans les campagnes anglaise ou irlandaise, lorsqu’il fallait franchir les murs de séparation entre les champs.

Une barre blanche au sol matérialise la foulée d’appel. Le mur est recouvert d’une bâche en toile cirée blanche, afin que les chevaux comprennent qu’ils ne doivent pas le toucher.

No 18 : La butte en terre

Haie d’appel de 0,80 mètre, haie de sortie de 1 mètre, longueur 42 mètres.

Cette butte, encadrée par des haies de troènes, est un passage a priori sans problème, mais le cheval peut montrer des signes de fatigue et le jockey doit rester vigilant.

Il s’agit d’un obstacle assez simple, avant d’aborder 300 mètres plus loin le « juge de paix » du parcours.

Franchissement d’une haie simple à Auteuil.

Bruno Vandevelde

No 19 : Le Rail Ditch and Fence

1,60 mètre de haut sur 4,10 mètres de large. Si on devait résumer Auteuil à un seul obstacle, ce serait celui-là. Les jockeys expliquent bien l’effet impressionnant que produit ce monstre, massif et foncé, lorsqu’on s’en approche au grand galop.

Or il faut impérativement l’aborder avec des foulées ascendantes, pour pouvoir « l’avaler ». Le rail (barre au sol),ditch (fossé de 2 mètres de large derrière la barre au sol) and fence (l’obstacle en lui-même, une énorme haie sombre en bruyère naturelle large de 1,50 mètre) n’est pas « piégeur » mais il demande un saut de 5 mètres.

Comme le dit le jockey Jacques Ricou, « c’est là qu’on compte les morts et les vivants ». Car le « juge de paix » – c’est le surnom de cet obstacle – est campé en fin de parcours, à un peu plus de 1 000 mètres de l’arrivée. Les chevaux encore « frais » peuvent rêver de victoire, et ils accélèrent pour rallier l’arrivée. Pour les autres le Grand Steeple-Chase de Paris est déjà terminé… Seules les courses destinées aux très bons chevaux incluent cet obstacle.

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Le crack-jockey de plat Pierre-Charles Boudot mène une guerre permanente contre son poids.

Bruno Vandevelde

Les jockeys, ces forçats magnifiques Une fine silhouette se détache sur la piste d’Auteuil. Ce n’est pas celle d’un cheval, mais celle d’un être humain. Bien que la température soit particulièrement douce, il porte un bonnet et des vêtements imperméables. Sur l’interminable ruban vert de l’hippodrome, dont les portes ne sont pas encore ouvertes au public, David Cottin, l’un des tout meilleurs pilotes d’obstacle, fait son jogging.

L

e jockey court pour perdre du poids et être en mesure de monter en courses deux heures plus tard. Ses vêtements étanches sont destinés à le faire transpirer au maximum. Pour lui comme pour la plupart de ses collègues, le poids est un problème majeur, même si quelques-uns, bénis des dieux, peuvent exercer leur métier sans s’affamer.

David Cottin mesure 1,80 mètre et peut descendre jusqu’à 66 kilos environ. Le jockey de plat Pierre-Charles Boudot, lui aussi très grand pour sa profession, 1,73 mètre, descend jusqu’à 55,5 kilos.

Dans l’une de ses journées lambda, « PC » Boudot commence par monter des « lots », c’est-à-dire plusieurs chevaux à la suite, dès l’aube sur le centre d’entraînement de Chantilly. Puis il rentre chez lui et court sur un tapis roulant, après avoir enfilé plusieurs couches de vêtements et un bonnet. Le but est de perdre le plus de poids possible, ou plutôt d’eau, avant de partir aux courses, et d’éviter ainsi de rester trop longtemps au sauna. Si le commun des mortels apprécie occasionnellement ces étuves, les jockeys, à force de les fréquenter, ne les supportent plus. Ils y entrent comme un cheval rétif dans les stalles de départ.

Une fois sa séance de tapis roulant terminée, « PC » prend une douche, vérifie son poids, mange une pomme et part travailler. Une fois sur l’hippodrome, il devra tout de même faire escale au sauna des vestiaires pour perdre les 200 ou 300 derniers grammes récalcitrants.

Cet après-midi-là, il doit monter cinq épreuves à Saint-Cloud. Le poids attribué aux galopeurs en compétition est fixé par les conditions de courses. Le minimum réglementaire est de 51 kilos en plat et 61 en obstacle. Les poids sont fixes dans les « courses à conditions » selon l’âge et le sexe du cheval. Dans les « handicaps », dont le principe est d’équilibrer les chances entre tous les concurrents en lestant les meilleurs d’entre eux, les poids dépendent de la valeur attribuée au cheval par les experts de France Galop. Le prix de l’Arc de Triomphe est un exemple de course dite « à conditions » : « Pour chevaux entiers et juments de 3 ans et audessus. Poids : 3 ans, 56,5 kilos ; 4 ans et au-dessus, 59,5 kilos » Le jockey montant un poulain de 3 ans devra donc peser 56,5 kilos, selle, sangle et casque compris. 1 kilo est « rétrocédé » pour le gilet de protection obligatoire. La marge tolérée n’est que de 500 grammes. À Saint-Cloud, Pierre-Charles Boudot doit monter à un petit poids, 56 kilos, pour sa quatrième course. Cela signifie qu’il devra se lester avec des plaques de plomb pour « s’alourdir » lors des trois premières épreuves. Après sa course « à petit poids », le jockey pourra enfin manger un peu ou boire.

1877 – Aquistem re expereicae post, nihilleni qui dem facium quis voloria volut liquide rnatenis ut maximus nobis et incil ma autae perchic aercitibus magnat volupta ipsam liquunt idicipit, cones. GettyImages

Portrait de famille : les jockeys au départ du Grand Steeple-Chase 2017.

Epiq séries - Bruno Vandevelde

Pierre-Charles Boudot, Cravache d’or 2016 avec le record d’Europe de succès en une année, 300 victoires, a bien failli arrêter le métier en raison de ses problèmes de poids. L’aide d’un diététicien et les efforts invraisemblables qu’il consent pour ne pas grossir lui ont permis de continuer. Le rythme effréné des courses, tous les jours, parfois sur plusieurs hippodromes à la suite, l’aide à rester « affûté ». Mais au Japon, « PC » a un jour monté sans bottes, en chaussettes, pour faire le poids.

UN T-SHIRT TROP LOURD ! À Auteuil, David Cottin, les jours – nombreux – où il a des « petits poids », ne mange pas non plus, ni ne boit. Un simple verre d’eau lui ferait prendre 100 ou 200 grammes, ce qu’il ne peut pas se permettre.

Pour tromper la faim et la soif, il suce des glaçons. Entre deux courses, ce grand garçon aux hanches saillantes s’allonge dans un coin calme du vestiaire et écoute de la musique, pour ne pas entendre son ventre.

Son équipement de jockey est le plus léger possible : 100 grammes pour le pantalon, 80 grammes pour les bottes, un faux-col car un tee-shirt serait trop lourd, et une casaque légère spécialement fabriquée pour lui. En hiver, lorsque la température descend jusqu’à 6 °C, David Cottin est habillé exactement de la même façon. Lorsqu’il fait 5 °C degrés ou moins, le code des courses autorise 500 grammes de plus, l’équivalent d’un pull.

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À GRAND SPECTACLE, BEL ÉCRIN !

La naissance des courses au trot Bold Eagle, Timoko et leurs collègues qui enflamment les tribunes de Vincennes n’existeraient pas sans l’entêtement d’un homme, Éphrem Houël du Hamel, le père des courses au trot françaises. Né en 1807, il était fils d’un officier de cavalerie de l’armée napoléonienne, devenu ensuite officier des Haras.

Gabriel Houël fait entrer son fils dans cette administration et, en 1831, Éphrem Houël prend le poste de sous-directeur du haras national de Saint-Lô.

À

cette époque les chevaux légers sont avant tout élevés pour la remonte de l’armée, mais on ne les sélectionne pas sur leurs performances, ce qu’Éphrem Houël trouve illogique. Dans son Traité des courses au trot, paru en 1842, il écrit, sûr de son fait : « L’homme est la fin première de la Création. Les animaux ont été créés pour lui, pour sa nourriture et son bien-être. Il mange du bœuf, se revêt de la laine du mouton, se fait porter sur le dos du cheval ou tirer par lui dans un char.

Il doit donc chercher le bœuf dont la viande est la plus succulente et la plus lardée de graisse, le mouton dont la laine est la plus fine et la plus longue, et le cheval ayant le plus d’action et de vigueur. Il serait peu judicieux de choisir le bœuf pour son poil, le mouton pour sa vitesse et le cheval pour sa graisse ou une vaine apparence de beauté qui n’a pour base que le caprice ou la mode. C’est pourtant de cette façon erronée que les chevaux sont jugés depuis un demi-siècle en France et dans la moitié de l’Europe. » Éphrem Houël considère, à juste titre, que les chevaux français sont mal élevés, mal dressés et bons à rien lorsqu’on les achète. « Qu’est-ce qui rend la France tributaire de l’Allemagne et de l’Angleterre pour plus de 50 millions de Francs par an ? […] C’est le non-dressage des chevaux français, et cela il faut le dire, il faut le crier sur les toits ! […] Donner aux éleveurs les moyens de faire paraître leurs chevaux et les forcer à les élever et à les dresser correctement, donner aux acheteurs les moyens de reconnaître le mérite des chevaux français : tel est le but des courses au trot. »

Des décennies de sélection, avec comme critère principal l’aptitude au trot, ont façonné le trotteur moderne. Ici, l’un des nombreux affrontements entre deux géants de Vincennes, Timoko (bonnet bleu) et Bold Eagle (dont le driver porte une toque jaune). Epiq séries - Bruno Vandevelde

Éphrem Houël est de la race des convaincus et des obstinés. Bien avant que le terme soit à la mode, il fait du lobbying. En 1834, il présente son idée de création des courses au trot à une commission d’experts, qui n’en comprend pas l’intérêt. L’officier des Haras n’a donc pas les moyens financiers de concrétiser son projet, et il enrage ! C’est alors que la providence lui envoie M. Le Magnen, négociant en vin à Cherbourg. Ce dernier considère que le commerce local manque de dynamisme. Il voudrait lancer une animation susceptible d’attirer de riches Anglais à Cherbourg, assez fortunés pour investir dans les grands crus et doper son activité internationale. Des régates, organisées en ce sens, ont été un échec. Après le lobbying, Éphrem Houël invente donc en quelque sorte le sponsoring !

Grâce au soutien financier de M. Le Magnen et de la municipalité de Cherbourg, les premières courses « officielles » au trot se déroulent les 25 et 26 septembre 1836 sur les grèves du polygone d’artillerie de la marine. Cet hippodrome « naturel » a de la gueule, et cette première est un véritable triomphe. Il y a foule dans la cité.

Cherbourg a montré l’exemple, Caen emboîte le pas en août 1837, Saint-Lô en 1838, Rouen en 1843… Quarante-cinq hippodromes se créent en l’espace de quelques années. Les premiers temps, le mouvement est soutenu par les Haras nationaux. Mais les éleveurs de pur-sang n’apprécient pas l’émergence des trotteurs, qui prélèvent, considèrent-ils, une part de leur gâteau. À leur tour, ils font du lobbying, et les subventions des Haras nationaux pour le trot sont supprimées en 1952. L’expansion de la discipline en France subit un coup d’arrêt, mais Éphrem Houël et ses soutiens ne désarment pas.

En France, les chevaux n’ont le droit de courir que jusqu’à la fin de leur dixième année.

Le merveilleux Timoko est né en 2007.

Epiq séries Bruno Vandevelde

Incisif, l’officier des Haras écrit dans son Traité des courses au trot : « Chacun ne veut voir qu’avec ses lunettes et loin de chercher à grandir les questions et à les considérer sous toutes leurs faces, on les rétrécit à la mesure de son petit milieu, d’où on lance fièrement l’anathème sur son voisin. C’est un peu l’esprit français en toute chose. » En 1857, la Société générale des courses de Normandie est créée pour tenter de récupérer des subventions et de réamorcer l’essor du trot. Les conseils généraux de la région soutiennent l’initiative, de même que des aristocrates, grands bourgeois ou officiers. Le trotteur n’est donc pas aussi « paysan » qu’on l’imagine, même si les agriculteurs normands et mayennais se sont rapidement distingués dans son élevage.

En 1860, Napoléon III réorganise les Haras et nomme à leur tête le général Fleury, défenseur du trot. Il reste dix ans à son poste et, durant cette période, des courses au monté de mâles, destinées à sélectionner des reproducteurs, sont lancées. En Russie ou aux ÉtatsUnis, où la tradition du trot est plus ancienne et n’a pour vocation que le sport, les trotteurs courent attelés. En France, les épreuves se déroulent essentiellement au monté, puisqu’il s’agit in fine de produire des chevaux militaires. Lorsqu’on court à l’attelé, les départs des chevaux sont échelonnés, pour éviter les accidents. Le premier départ « à l’américaine », donc groupé, d’une course attelée, a lieu en 1861 à Rouen.

En octobre 1864, la Société d’encouragement pour l’amélioration du cheval français de demi-sang voit le jour, avec un siège social à Caen. Elle est reconnue par l’État comme « société mère » des courses au trot deux ans plus tard. Son premier président est le marquis de Croix, puis en 1871 le marquis Gontran de Cornulier lui succède. Ce gros propriétaire terrien dans le Calvados a donné son nom au prix de Cornulier, la plus belle course au trot monté.

À L’EXPOSITION UNIVERSELLE Dès 1864, un programme de courses pour les chevaux de 3 et 4 ans est ébauché. Mais la guerre de 1870 décime l’élevage français et, après ces ravages, il n’y a plus assez de chevaux pour alimenter les courses sur l’ensemble du territoire. La Société d’encouragement se fixe pour objectif d’en organiser à Paris. Des courses sont programmées dans le cadre de l’exposition universelle de 1878, à MaisonsLaffitte. Le spectacle est un grand succès, mais les lauriers reviennent aux trotteurs étrangers. Le Grand Prix du gouvernement, épreuve attelée, est remporté par un cheval russe. Dans la belle course au monté, le Grand Prix de l’exposition, c’est un trotteur américain qui s’impose. Léon Gambetta, futur président du Conseil des ministres, prononce un discours élogieux pour les instances du trot : « La République compte sur vous comme vous pouvez compter sur elle, parce que votre industrie est l’un des meilleurs éléments de la défense nationale. »

La société mère des courses est dotée d’une subvention annuelle de 60 000 francs, considérable pour l’époque. Souhaitant investir ces fonds à bon escient, elle se met en quête d’un hippodrome parisien.

Ce sera Vincennes, loué à la mairie de Paris, et où on trotte pour la première fois le 7 septembre 1879, après une vaste rénovation, car le site a été utilisé comme terrain militaire durant la guerre francoprussienne. L’hippodrome est encore mixte trot-obstacles à l’époque, et le restera jusqu’en 1934.

Mais les dirigeants du trot sont déçus par le peu d’engouement que suscite le nouvel hippodrome. L’élevage de trotteurs se situe pour l’essentiel en Normandie, et le voyage est long et coûteux jusqu’au plateau de Gravelle. Les champs de course normands font de l’ombre 241

À GRAND SPECTACLE, BEL ÉCRIN !

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