AVANT-PROPOS AVANT-PROPOS
Il y a dix ans, quand j’ai commencé à me poser des questions autour de la sexualité, j’ai dû éplucher des articles, lire des bribes de livres aux titres douteux, engager des conversations avec mes amies, poser des questions, et apprendre à parler de sexe comme on peut parler de n’importe quel sujet.
Je ne comprenais pas que la sexualité puisse être douloureuse « la première fois », je ne comprenais pas l’injonction à la pénétration, ni pourquoi personne ne parlait de bisexualité, de lesbianisme, d’homosexualité. Je ne comprends toujours pas pourquoi on nous informe si peu sur nos corps, comment la majorité des gens ignorent la diversité des clitoris, les formes multiples des lèvres ou encore ce que signifient l’odeur et la couleur des pertes blanches. J’étais tellement effrayée par cette « première fois » qui était censée me « percer » que je m’étais juré de ne jamais faire de sexe avec qui que ce soit, pour lutter contre cette injustice qui voulait le sexe plaisant pour les hommes, mais pas pour les femmes. J’avais décidé de refuser la souffrance. Je ne trouvais aucune logique dans la romantisation d’une sexualité qui faisait tant souffrir les femmes.
Comme vous sûrement, j’ai évolué dans un monde où tout ce qui touche au sexuel est perçu comme négatif et honteux. Parler de sexe simplement reste complexe. Chaque mot en lien avec la sexualité renvoie à toute une strate culturelle, sociale, religieuse, historique, familiale… recouverte d’un tabou si fort que nos bouches se tordent à leur moindre évocation et qu’on préfère souvent rester dans le silence. Les interrogations pressantes de nos
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enfants, nos problématiques personnelles qui ne trouvent pas d’écho, cette voisine qui a l’air si libérée sexuellement nous ramènent rapidement à cette honte qui bouillonne au fond de nous. Et ce n’est pas qu’une problématique personnelle : le musèlement est entretenu par le collectif. Tous ces discours qui peuvent paraître anodins ont condamné des souffrances au silence : « c’est dans votre tête », « les petits pénis font des mauvais coups », « force-toi un peu, ça reviendra »… Nous évoluons dans une société « sex negative », c’est-à-dire une société qui considère que le sexe nous salit, nous objectifie et qui ne conçoit pas les sexualités en dehors des normes hétérosexuelles. Notre rapport au sexuel est donc forcément complexe, à moins d’un petit travail d’introspection. Ne vous sentez pas coupable. Tout le monde rencontre des challenges dans sa sexualité, même celles et ceux qui n’en ont pas l’air.
Le sexe, ce n’est jamais uniquement du sexe ; en découvrant ma sexualité, j’ai découvert un nouveau langage de l’amour. Partager un moment sexuel avec quelqu’un, c’est communiquer, se faire entendre, rester à l’écoute, accorder du temps, de la tendresse, de la proximité, développer une connexion émotionnelle ; réduire le sexe à du sexe, c’est passer à côté de toute une partie de soi. On peut très bien cultiver sa sexualité comme un langage de l’amour. Ce n’est pas parce que c’est sexuel que c’est impur ou intéressé par définition. Il y a un don de soi énorme dans la sexualité. Lâcher prise, faire confiance, se confier sur l’oreiller, se laisser toucher après un trauma, jouir, être vulnérable… Le sexuel ouvre parfois des espaces formidables d’expression de soi. C’est en partant de ce constat que j’ai commencé à vouloir toujours plus de connexions sexuelles qualitatives, bien loin de mes considérations d’adolescente complètement biaisées par la société.
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J’ai alors compris quelques faits importants que je vous partage :
• Le sexe doit être plaisant pour tout le monde.
• Si ça fait mal, c’est sûrement que c’est mal fait.
• Vous n’êtes pas solo face à vos problèmes.
• Vos compétences sexuelles ne sont pas limitées à vos mensurations.
• Le sexe, c’est bien plus qu’une rencontre entre deux organes génitaux.
De passionnée par la sexo, je suis devenue éducatrice sexuelle, parce que tout ce que j’ai appris fait sens lorsque je le transmets. Je nous souhaite un monde dans lequel enfants et ados auront autant de facilité à dire « non » qu’à dire « oui ». Pour y arriver, il faut leur montrer que nous, les adultes, allons prendre soin d’elles et eux et peut-être même leur offrir ce que nous n’avons pas eu.
La collection « Sexplorer avec Masha Sexplique » reprend les grandes interrogations sexuelles et affectives modernes sous forme de livres concis et faciles à lire. Un livre, une problématique, des réponses concrètes ! Des spécialistes de la vie psycho-sexuelle vous offrent des ouvrages détaillés et qualitatifs, car tout le monde mérite une vie sexuelle épanouissante. Nos livres sont pensés pour que vous ayez un apport théorique ainsi que des exercices concrets à mettre en place dès maintenant. Le sexe, c’est comme la pâtisserie, pour s’améliorer, il faut pratiquer !
Il ne me reste plus qu’à vous souhaiter… une belle sexploration !
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COMPRENDRE ET ÉCOUTER SES DÉSIRS
Maintenant que nous avons fait un petit tour théorique de la question du désir, je voudrais que nous nous penchions ensemble sur le désir qui importe le plus : le vôtre. Yass, people !
Comme nous l’avons vu précédemment, nos désirs sont un cocktail élaboré à partir des souvenirs et des expériences vécues, de la culture familiale, sociétale et de leurs interdits et conceptions (voir p. 43). Cela veut dire qu’il y a autant de sexualités qu’il y a d’êtres humains sur la Terre. Votre sexualité est différente de celle de votre voisin·e, de celle de votre sœur, de celle de votre mère et de la mienne. Bref, vous avez l’idée.
La sexualité ne fonctionne pas comme un copié-collé, car nous ne sommes pas de simples machines. Nous sommes bien plus complexes que cela, et c’est tant mieux ! Si vous voulez vous faire du bien et embrasser une sexualité épanouie, alors n’ayez pas peur de penser la sexualité, de la mettre en doute, d’ouvrir des portes, d’en refermer certaines et de vous engouffrer dans d’autres.
Le but de cette partie du livre est de partir en exploration, baluchon sur le dos, bâton à la main, à la recherche de ce qui vous fait vibrer, de ce qui vous excite, mais aussi de ce qui vous bloque. Alors, allons-y !
→ EXERCICE : COLLER L’OREILLE À LA PORTE DE SON EXCITATION
Passons à la pratique. L’objectif de cet exercice est de se rendre compte des éléments qui pourraient être excitants pour vous, qui pourraient stimuler votre désir. Il est assez simple à réaliser. Vous pouvez le faire en solo et éventuellement proposer à votre partenaire de faire de même, avant de mettre vos résultats en commun.
Soyez honnêtes, ces résultats vous appartiennent et ils vous aideront grandement dans votre exploration. Vous pouvez sauter les questions auxquelles vous ne savez pas répondre pour y revenir plus tard. Cet exercice est inspiré du livre Je jouis comme je suis d’Emily Nagoski (Leduc.s Éditions, 2021).
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Avant de répondre à ces questions, je vous invite à vous isoler dans un endroit où vous vous sentez bien et où l’on ne vous dérangera pas. Vous pouvez également vous isoler en écoutant de la musique instrumentale au casque. Respirez une dizaine de fois profondément, et ouvrez vos écoutilles : écoutez votre corps et votre esprit qui vous parlent ! Chaque phrase sera interprétée et traitée par votre cerveau. Essayez de lui tendre l’oreille.
Consigne : prenez un crayon de papier et une feuille à part. Pour chaque affirmation ci-dessous, notez votre intérêt ; 0 pour « cela ne m’excite pas du tout » et 10 pour « cela m’excite/pourrait beaucoup m’exciter ». Les réponses peuvent être réelles ou hypothétiques. N’hésitez pas à noter d’autres choses qui ne seraient pas mentionnées dans l’exercice. La piste est à vous !
CORPS
• Se sentir belle/beau ou sexy.
• Se sentir propre, juste après une douche.
• Sentir bon.
• Se sentir en bonne forme physique.
• Se sentir fatigué·e.
• Se sentir détendu·e.
• Se sentir stressé·e, speed
• Se sentir désinhibé·e (relaxation intense, alcool, drogue).
CONTEXTE
• L’obscurité.
• Des lumières chaudes et tamisées.
• Un endroit qui fait appel aux sens (odeurs, textures...).
• Se sentir en contrôle de la situation.
• Se sentir en contrôle de son partenaire.
• Se sentir contrôlé·e par la situation et/ou par son partenaire.
• Un endroit familier (chez soi, par exemple).
• Un endroit inhabituel.
• Avoir la certitude qu’on ne sera pas dérangé·e.
• Risquer d’être surpris·e.
• Être dans le quotidien et le confort d’une routine.
• Être en week-end, en vacances, hors du quotidien et des habitudes.
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PRATIQUES
• Prendre du plaisir solo et se masturber.
• Utiliser un support d’excitation (films, audios...).
• Faire l’amour lentement, avec tendresse.
• Faire l’amour de manière brutale et passionnelle.
• Sentir l’excitation monter et se retenir de jouir.
• Être contraint·e par des liens et/ou par son partenaire (dans le cadre d’une relation consentie).
• Faire l’amour avec plusieurs personnes à la fois.
• Inclure des jeux de rôles.
• Se regarder dans les yeux.
• Se regarder dans un miroir (en solo ou à plusieurs).
• Les rapports sans pénétration.
• Le sexe oral.
• Le sexe anal.
• Une stimulation clitoridienne (par soi ou par autrui).
• Une stimulation clitoridienne douce.
• Une stimulation clitoridienne vigoureuse.
• De nouvelles pratiques sexuelles.
RELATION À L’AUTRE
• Voir que son ou sa partenaire prend du plaisir.
• Ressentir l’exclusivité dans la relation à l’autre.
• Son ou sa partenaire garde une part de mystère et cultive un jardin secret.
• Les mots d’amour pendant le sexe.
• Les mots crus pendant le sexe.
• L’amour démontré au quotidien et pendant les rapports.
• Une intimité physique au quotidien (câlins, caresses, baisers...).
• Une relation à distance.
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PAS DE DÉSIR : QUELQUES PISTES À EXPLORER
Depuis quelque temps, je n’ai plus de désir sexuel, plus aucune envie, et je ne sais pas comment faire pour que ça revienne. Pouvez-vous m’aider ?
Je peux vous aider, oui. En revanche, je vais avoir besoin d’un peu plus d’informations. L’idée, ici, c’est de commencer à investiguer, en cherchant les causes de la baisse de désir, notamment grâce à des questions et des outils, mais c’est vous qui découvrirez vos propres solutions.
Cela se fait en plusieurs étapes, on interroge :
→ L’ÉTAT DU DÉSIR : depuis combien de temps a-t-il baissé ? Est-ce une baisse ou a-t-il toujours été ainsi ? Est-ce un désintérêt ? Avezvous encore des idées ou des envies sexuelles, sans que cela ne se transforme en actions ? Votre désir a-t-il baissé doucement, avec le temps, ou à la suite d’un événement ou d’une période particulière ?...
→ L’ÉTAT DE L’ENVIRONNEMENT : quel est votre travail ? Comment vous y sentez-vous ? Comment se déroulent vos journées, vos semaines ? Avez-vous des enfants ? Avez-vous un cercle familial, des hobbies, des passions ? Que se passe-t-il dans l’actualité ? Certains événements vous stressent-ils ?…
→ L’ÉTAT DE LA RELATION DE COUPLE (SI VOUS ÊTES EN COUPLE) : pouvez-vous décrire votre relation de couple ? Vous sentez-vous en confiance ? Formez-vous une équipe complice ? Pouvez-vous vous confier ? Vous livrer à l’autre ? Être vulnérable ? Quel est, selon vous, l’état d’esprit de votre partenaire à l’égard de cette baisse de désir ?…
→ L’ÉTAT GÉNÉRAL DE SANTÉ : prenez-vous un traitement ? Avezvous des antécédents médicaux ? Quelle contraception utilisez-vous ? Quel est l’état de votre sommeil, de votre alimentation, de votre activité sportive, de votre hygiène de vie ? Avez-vous vécu un traumatisme (pas uniquement sexuel) ? Avez-vous d’autres gênes sexuelles (douleurs, manque de plaisir ou autres) ?…
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→ L’ÉTAT DU RAPPORT AU CORPS : quelle relation entretenez-vous avec votre corps ? Est-ce que vous le voyez comme un allié ou comme un ennemi ? Ressentez-vous une connexion forte entre vous et lui ?
→ L’ÉDUCATION SEXUELLE ET LA CONCEPTION DE LA SEXUALITÉ : quelles ont été vos premières expériences sexuelles ? Comment décririez-vous votre éducation sexuelle, s’il y en a eu une ? Comment concevez-vous la sexualité ? Quels sont les mots qui vous viennent en tête ?…
→ L’ÉTAT DE LA SEXUALITÉ : comment décririez-vous votre sexualité ? Quel serait le mot que vous utiliseriez pour la qualifier ? Estimez-vous que vous ressentez du plaisir ? Est-ce que votre sexualité (hors baisse de désir) convient à l’image que vous vous en faites ?…
→ …
Les points de suspension sont importants, car ils symbolisent toutes les autres questions que je n’ai pas la place de poser ainsi que celles auxquelles je ne peux pas penser parce qu’elles sont induites par les réponses aux premières questions.
Vous pouvez commencer par répondre à ces questions en solo. Cela vous permet de réfléchir à votre sexualité et à votre désir et d’en définir les contours. Vos réponses seront une base de travail pour trouver des solutions qui vous conviennent et élaborer une stratégie. Et si vous êtes en couple, rappelez-vous que cette stratégie ne s’élabore pas en solo (oui, même si c’est vous qui avez le désir le moins prégnant des deux) : elle s’élabore ensemble.
Mon approche se fonde sur l’observation des systèmes, qui sont souvent corrélés. Chaque partie de notre environnement est importante. Il n’est pas rare que les personnes que j’accompagne soient interloquées au début, lorsque je leur parle de choses qui n’ont apparemment rien à voir avec la sexualité. Pourtant, en général, les gênes sexuelles sont souvent un symptôme, la partie émergée de l’iceberg. C’est pour cela qu’en tant que sexologue, il est indispensable de travailler en équipe avec d’autres spécialistes du domaine de la santé : médecins sexolo-
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gues, sages-femmes, gynécologues, mais aussi diététicien·nes, kinésithérapeutes, ostéopathes, psychologues, hypnothérapeutes…
Une fois qu’on a exploré et qu’on commence à vraiment comprendre le fonctionnement, le système de la personne, on peut alors commencer à mettre en place des solutions adaptées pour chacun·e. Car, spoiler alert : il n’existe pas de mode d’emploi universel. C’est pourquoi il est toujours utile de bénéficier d’un regard extérieur et objectif pour faciliter notre cheminement.
Ne pas avoir de désir sexuel, ou en avoir très peu, n’est pas toujours un « problème à régler ». Pour les personnes asexuelles, il s’agit simplement d’une orientation sexuelle caractérisée par un désir faible ou absent. Une personne asexuelle peut tout à fait être en couple et vivre une relation romantique épanouie. Attention à ne pas confondre l’asexualité avec l’abstinence sexuelle ou le célibat ! Les personnes asexuelles représentent aujourd’hui environ 1 % de la population.
