La prophétie d'Ulysse - Tome 1 - Le réveil du monstre

David Pouilloux

LE RÉVEIL DU MONSTRE

Design de couverture : SKGD-Création Illustration de couverture : Matthieu Martin Direction : Guillaume Arnaud Direction éditoriale : Sarah Malherbe Édition : Estelle Mialon, assistée de Vanessa Canavesi et Barbara Mateos Composition : SKGD-Création Crédit pictogramme colonne grecque : ©NEGOVURA/Shutterstock Correction : Catherine Rigal Direction de fabrication : Thierry Dubus Fabrication : Julia Mirenda © Fleurus, Paris, 2020, pour l’ensemble de l’ouvrage. www.fleuruseditions.com ISBN : 978-2-2151-7441-7 MDS : FS74417 Tous droits réservés pour tous pays. « Loi n° 49-956 du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse, modifiée par la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011. »

David Pouilloux

LE RÉVEIL DU MONSTRE

Je dédie ce roman à mon père. À ma fille Anna et à mon fils Gaspard.

CHAPITRE 1 Papa pas là Mon vélo roulait sur les gravillons du chemin qui menait à l’endroit le plus laid du monde : ma maison.

Nos voisins, des éleveurs de poules, surnommaient cette ancienne ferme « la maison de l’horreur ». C’est simple : on aurait dit que les bâtiments avaient subi un bombardement. Les toits en ardoise étaient défoncés.

Même les murs semblaient malades.

Autour de la maison, ce n’était pas mieux. On avait un jardin, mais d’anciennes machines agricoles finissaient d’y rouiller parmi les ronces. Quelques arbres

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poussaient ici et là – des cyprès, l’arbre des cimetières.

Le pire, c’étaient les marais puants et les bois derrière chez nous. Ils auraient fichu la frousse à Dracula. Même le facteur n’osait plus venir.

Difficile d’imaginer qu’une famille normale habitait dans cette baraque aux allures de maison hantée.

D’ailleurs, ce n’était pas le cas. Car ma famille n’avait rien de normal.

J’aurais adoré m’enfuir d’ici et aller vivre au soleil, dans un endroit bercé par le ronronnement de la mer.

Je n’étais pas le seul : je sais que ma mère rêvait secrètement qu’une météorite s’écrase sur notre maison.

Mais mon père refusait catégoriquement de déménager. D’abord, il prétendait qu’on ne risquait rien, par rapport aux météorites. Des forces prétendument surnaturelles nous protégeaient. Je crois qu’il ne plaisantait pas. Ensuite, il faut dire aussi que c’est lui qui avait choisi cette maison. Il la trouvait parfaite. Pour lui, parfait, ça voulait dire que personne ne viendrait fourrer son nez dans ses affaires. Papa avait des secrets que j’ai mis longtemps à découvrir, mais qui ont bouleversé mon existence.

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Comble de l’ennui, je n’avais pas le droit de révéler où j’habitais. À l’école primaire, je n’invitais jamais mes copains à venir jouer. « Si quelqu’un te demande où tu habites, même si c’est ton meilleur ami, ne lui dis pas la vérité. C’est une question de vie ou de mort, Ulysse. » Je n’ai compris que très récemment pourquoi mon père tenait ce genre de propos alarmistes.

La seule chose que je pouvais confier, c’est que notre maison était située à cinq kilomètres d’un village quelconque, à environ une heure et demie de Paris.

En rentrant du collège, ce fameux jour où tout a déraillé, je m’attendais à trouver papa dans son bureau.

Mais il n’était toujours pas revenu de son voyage en Égypte. Il aurait dû prendre l’avion dimanche… on était mercredi.

De son côté, maman n’était pas encore revenue du travail. Si elle avait été là, elle m’aurait sûrement conseillé de ne pas m’inquiéter. Andros Kostas – mon père – était le champion olympique des absences inexpliquées. Il était très occupé et pas très bien organisé. À son travail, il avait reçu le surnom de M. Mytho. Pas parce qu’il racontait des mensonges à tout bout de champ ! Mais

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parce qu’il était calé en mythologie grecque. Un des plus grands archéologues de notre époque, à vrai dire.

En réalité, toutes les mythologies l’intéressaient. Il accompagnait ses collègues – sa « Communauté », comme il l’appelait – un peu partout dans le monde.

Comme d’habitude, je me suis installé dans la cuisine pour prendre mon goûter et faire mes devoirs. J’ai ouvert mon livre de géographie, et c’est là que ça a commencé. Mes yeux se sont posés sur les contours de la Grèce, puis ont obliqué vers le sud, l’Égypte. Aussitôt, ma gorge s’est serrée. J’avais un mauvais pressentiment.

Quelque chose de grave était arrivé à mon père.

Dans ma tête, j’ai listé les différents scénarios envisageables : a) Il s’était noyé dans une grotte sous-marine (ou il avait chuté du haut d’une falaise) ; b) Une énorme colonne de pierre l’avait écrasé (ou bien il avait été piqué par un scorpion) ; c) Son 4 × 4 était tombé dans un ravin (ou alors son bateau s’était brisé contre des récifs) ; d) Une avalanche de rochers l’avait enseveli (et si des sables mouvants l’avaient avalé ?).

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Quoi qu’il en soit, c’était une tragédie. Mais il y avait pire encore comme hypothèse : et si son absence avait quelque chose à voir avec la Prophétie ?

Depuis quelques années, papa me répétait qu’il faisait tout pour éviter qu’une certaine Prophétie se réalise.

– Le monde court à la catastrophe, Ulysse. Si la Prophétie s’accomplit, ce sera la fin de l’humanité, tu m’entends ?

D’après maman, papa avait une légère tendance à exagérer. Ça l’amusait de m’effrayer avec ses histoires à dormir debout. Moi, je n’étais pas d’accord avec cette façon de voir les choses. Mon père n’était pas un menteur. Même dans ses récits les plus fous, il y avait quelque chose de vrai.

La Prophétie était bien réelle, j’en étais sûr. Mais je n’avais aucune information fiable à ce sujet.

– Trop de gens pensent que les choses sont gravées dans la pierre, Ulysse. C’est faux. On peut agir sur notre avenir. On peut changer le cours de l’histoire. C’est une question de volonté et de bravoure.

Mon père parlait toujours comme ça, avec passion et détermination. Mais dans ses yeux, je percevais de

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la crainte. Pour lui ? Pour nous ? Aucune idée. Il n’empêche que je sentais qu’une menace se rapprochait.

Parfois, j’avais l’impression d’être concerné de très près par cette Prophétie. Par exemple, j’avais remarqué que mon père s’inquiétait de plus en plus à l’approche de mes treize ans. Treize ? Ce nombre avait-il une importance ? L’embêtant, c’est que j’allais fêter mon anniversaire dans une semaine, le 21 mars.

Après avoir achevé mes devoirs, j’ai fait cuire du riz et j’ai sorti du frigo les restes d’un rôti de dinde. La moutarde formait des croûtes sur le rebord du pot ; je me suis dit que ça irait quand même. Ma mère, Hélène, est arrivée au moment où je finissais de mettre la table, vers 19 h 30. J’avais dressé trois couverts, au cas où. Elle m’a souri et m’a embrassé, l’air fatigué.

Elle avait beau n’avoir que quarante ans, ce soir-là, ses traits tirés lui en donnaient dix de plus. Je lui devais mes cheveux blonds et mes yeux noisette, et aussi mon nom de famille, Moreau. En revanche, c’est papa qui avait choisi mon prénom. Mes parents tenaient à ce que ma double nationalité soit respectée : j’étais à la fois grec et français, je m’appelais Ulysse Moreau, et c’était cool.

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Maman venait de finir sa tournée d’infirmière à domicile. Son travail consistait à soigner les petits vieux de la région, et surtout à les rassurer en leur disant que tout allait bien. Elle avait un don pour ça.

– Toujours pas de nouvelles de papa ? ai-je demandé.

– Non. Il a dû perdre son téléphone, ou le casser.

Ne t’inquiète pas, Ulysse. Ça lui est arrivé mille fois.

J’ai observé son expression quand elle a dit ça. Trois jours de retard et elle restait zen. Comment faisait-elle ?

– Rappelle-toi quand il est allé au Pérou… On n’a pas eu de nouvelles de lui pendant dix jours, a-t-elle continué. Idem l’année dernière en Norvège, avec son collègue Lars Andersen. Silence total pendant presque trois semaines. Monsieur était prisonnier des glaces.

– Tu crois qu’il sera de retour pour sa conférence ? l’ai-je interrogée.

– Ah ! J’avais oublié ça.

Mon père devait présenter ses dernières découvertes au musée du Louvre le lendemain. La conférence s’intitulait : « Les monstres sont parmi nous ». Pour rien au monde il n’aurait manqué ça.

– Mon chéri, tu veux y aller ? a soupiré ma mère.

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– Oui. – Il est hors de question que tu sèches les cours, Ulysse.

– Mais… maman… s’il te plaît.

Elle m’a regardé droit dans les yeux.

– Tu n’as pas de contrôles, demain ?

– Si. Un en maths et un en géo.

– C’est bien ce que je pensais. La discussion est close, donc. Et chasse-moi cet air angoissé de ton visage ! Ton père va bien, je te le promets.

– Je sais, mais…

– Tu le verras demain soir, quand il rentrera de Paris.

Allez, viens manger !

Je suis allé me coucher vers 21 heures après avoir débarrassé la table. J’ai relu mes cours dans mon lit, écouteurs sur les oreilles. Une heure plus tard, maman est venue me dire bonne nuit et j’ai éteint. Pourtant je n’avais aucune envie de dormir. Pour deux raisons.

La première ? J’avais un poids sur la poitrine à cause de papa. La seconde ? Comme tous les soirs, au-dessus de ma chambre, les rats s’étaient mis à courir dans le grenier. J’entendais leurs couinements. Ils se battaient.

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Ah ! si seulement on avait eu un chat. Il nous en aurait débarrassés vite fait ! Mais maman était contre.

– Les chats sont des tueurs en série, ils massacrent tout ce qu’ils trouvent, répétait-elle. Je ne veux pas qu’un matou transforme le jardin en cimetière.

Moi, je trouvais que notre jardin ressemblait déjà à un cimetière.

Tout à coup, pour une raison étrange, les rats ont arrêté leur ballet. J’ai fermé les yeux et je me suis blotti sous ma couette. Enfin tranquille !

Sauf que là, j’ai entendu une voix.

– Ulysse, réveille-toi…

C’était une voix masculine, mais pas celle de mon père. Un inconnu se cachait-il dans ma chambre ? Non, impensable. Si ça se trouve, j’étais déjà en train de rêver.

– Ulysse, réveille-toi…

Je ne rêvais pas. J’ai commencé à flipper. J’ai fouillé l’obscurité à la recherche d’une silhouette humaine, j’ai tendu l’oreille pour écouter si le parquet craquait. Mais non.

– Ulysse, j’ai un message pour toi…

– Qui est là ? ai-je crié.

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– Va au musée, a ajouté la voix, et trouve mon épée.

Mon cœur piquait un sprint dans ma poitrine.

J’avais caché une batte de base-ball sous mon lit, au cas où un rat viendrait grignoter mes orteils. C’était le moment ou jamais de m’en servir.

– Qui est là ? ai-je répété en tâtonnant le sol à la recherche de ma batte.

– N’aie pas peur, Ulysse, je ne te veux aucun mal.

Ton arme de mortel ne te servira à rien contre moi.

– Je veux vous voir ! ai-je exigé.

La batte avait roulé loin sous mon lit. D’une main tremblante, j’ai fini par trouver l’interrupteur de ma lampe de chevet. La pièce s’est éclairée.

Il n’y avait personne. C’était l’homme invisible !

Mon cœur a fait un bond sous mes côtes. Des gouttes de sueur ont perlé sur mon visage.

– Navré, mais je ne peux être là en chair et en os avec toi, a dit la voix.

– Qui êtes-vous, à la fin ? ai-je hurlé, persuadé que ma dernière heure était arrivée.

– Je suis Hermès, le messager des dieux de l’Olympe.

Et je suis pressé, évidemment.

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J’ai écarquillé les yeux. J’étais en train de devenir dingue.

– Tu n’es pas fou, Ulysse, a repris la voix. Je suis bien le messager des dieux. La preuve !

Brusquement, un objet a surgi dans les airs et a atterri sur mon lit. Une sorte de parchemin enroulé, attaché par un ruban rouge. Je l’ai déployé. Il était de la taille d’un mouchoir en papier. En haut à gauche, deux serpents s’enroulaient autour d’une baguette. Le caducée, un des symboles d’Hermès.

– Prends le parchemin et observe-le attentivement ! a ordonné la voix.

Tout en m’exécutant, je me suis fait cette réflexion : « C’est quoi ce truc ? » Et sous mes yeux se sont écrits ces mots : C’est quoi ce truc ? « Nom d’un chien ! », me suis-je dit. Cette nouvelle phrase s’est inscrite à la suite de l’autre.

J’ai essayé de ne plus penser. D’un coup, sous mes deux phrases, une réponse est apparue.

– C’est un parchemin de pensée, une sorte de messagerie instantanée divine. Elle nous permettra de dialoguer discrètement. Cela me demande moins d’énergie que de te parler ou d’apparaître en personne…

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– C’est fou, cette histoire, ai-je soufflé. J’ai du mal à y croire…

– Penses-tu qu’un simple mortel pourrait te jouer ce tour ? Je suis bien Hermès, le messager de l’Olympe.

Tu dois me croire, Ulysse.

Ses propos n’avaient rien d’hostile, et il avait l’air sincère. J’étais vraiment en train de communiquer avec le messager Hermès, le dieu du commerce et des voyageurs, le messager des dieux et le prince des voleurs.

– Les dieux existent pour de bon, alors ?

– Oui. Ils ont une âme, un cœur, des sentiments.

Ils peuvent prendre des tas d’apparences, être là sans être là, comme moi ce soir. Ils ont de grands pouvoirs. Mais il y a une chose qu’ils ne peuvent réaliser : accomplir une quête à la place d’un héros.

– Je ne suis pas un héros…

– Pas encore, mon jeune ami. Mais tu pourrais le devenir.

– Que dois-je faire ? ai-je demandé.

– Ton destin et celui de l’humanité sont liés à la Prophétie.

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Le Réveil du monstre

– Qui vous envoie ?

– Le Grand Patron…

Pas la peine de me faire un dessin : le Grand Patron, c’était celui de l’Olympe, Zeus. Je ne me sentais pas capable d’accomplir un truc important pour Zeus.

J’étais un petit gars de la cambrousse, un collégien anonyme perdu au milieu de nulle part dans une vie de cauchemar.

– Je peux dire non, Hermès ?

– Si tu veux affronter la colère de Zeus, libre à toi.

Moi, je la connais, cette colère. C’est celle de mon père, et je ne l’aime point.

Je n’étais pas stupide. Se fâcher avec Zeus, le mec le plus puissant de l’Univers, n’était pas l’idée du siècle.

Alors j’ai répondu : – Non, je ne veux pas affronter sa colère.

– Et tu souhaites retrouver ton père, n’est-ce pas ?

– Oui, bien sûr. Pourquoi cette question ? Il y a un rapport ?

– Hélas, oui. Plus tu avanceras dans ta quête, plus tu te rapprocheras de lui…

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La Prophétie d'Ulysse

J’avais donc raison : il était arrivé un truc grave à papa. La bonne nouvelle, c’est que j’avais au moins une piste pour le retrouver.

– Pourquoi moi ?

– Parce que tu es le fils de ton père et parce que c’est écrit. Tu es l’un des trois enfants de la Prophétie, Ulysse.

– Que dois-je faire, Hermès ? ai-je insisté.

– En premier lieu, tu dois te rendre au Louvre pour voler mon épée. C’est la première étape de ta quête.

– Je dois piquer une pièce de musée ? Mais c’est interdit !

– Tu dis ça au prince des voleurs…

– Vous allez m’aider ?

– Quelqu’un d’autre t’aidera, et éclairera ton chemin pour la suite. Quant à moi, je ferai ce que je peux pour toi quand j’aurai un peu de temps. Bonne chance, jeune héros. Je dois partir. Je suis pressé.

Il avait dit son dernier mot. Ceux que nous avions échangés sur le parchemin se sont alors envolés dans un minuscule nuage de poussière d’or.

Achevé d’imprimer en avril 2020 par Rotolito en Italie Numéro d’édition : J20058 Dépôt légal : mai 2020

Une prophétie mystérieuse.

Un destin hors du commun.

Une course effrénée contre la fin du monde…

Bienvenue dans le monde d’Ulysse !

Ulysse Moreau, quatrième 1, collège Victor-Hugo, apprend qu’il fait partie des trois enfants de la Prophétie !

Issu d’une lignée de dieux grecs, il s’allie à Kenza, descendante de Bastet, une déesse égyptienne, pour empêcher une créature monstrueuse de détruire l’Olympe, les dieux du Nil et l’humanité tout entière !

Mais le troisième enfant de la Prophétie n’a pas vraiment prévu de les aider…

David Pouilloux

Une histoire en deux tomes :

LA PROPHÉTIE D'ULYSSE

LA COLÈRE DES DIEUX

LA COLÈRE DES DIEUX

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