26
La harpe de mélodie.
italien de Chantilly, cette pièce n’est conservée que dans un traité théorique manuscrit copié partiellement à Pavie (aujourd’hui à Chicago, Newberry Library Ms. 54.1) ; cela pourrait suggérer un lien avec les Visconti. De plus, des oeuvres de Senleches apparaissent dans plusieurs sources italiennes du début du XVe siècle, issues du même environnement culturel. Valentine, fille de Gian Galeazzo, jouait de la harpe, et, en 1389, un sonnet signé du poète de cour Francesco di Vanozzo faisait l’éloge de cet instrument. Dans le manuscrit de Chicago, la copie de La harpe de mélodie affecte la forme d’une harpe ; une banderole enroulée autour de la colonne donne, sous forme de rondeau, les indications nécessaires à l’exécution du canon. Une clef à accorder représentant une main est accrochée à la harpe par un cordon. Le dessin réaliste de cette harpe, avec la chanson notée à l’intérieur, correspond aux images présentes dans le texte du virelai. Le cinquième vers évoque par exemple la ‘vision’ de l’harmonie et, plus bas, le poète assure qu’il va composer sa chanson dedans li, à l’intérieur de la harpe. Cette formulation relève à l’évidence du domaine spatial. Les notes sont placées sur des lignes (les cordes de la harpe) groupées en portées de neuf ou dix lignes ; les interlignes sont vides. Bien que ce virelai soit manifestement associé à la harpe, Prudenzani mentionne que La harpe de mélodie a été jouée sur un organetto. Il était donc possible d’exécuter une musique vocale sur un instrument dont le choix restait relativement libre. Dans cet esprit, le présent recueil offre une interprétation instrumentale de La fiamma del to amor, de Ciconia. Quant à des morceaux comme Constantia, extrait du Codex Faenza, ou l’estampie Isabella, peut-être composée à l’occasion du mariage de Gian Galeazzo Visconti avec Isabelle de France, il faut sans aucun doute y voir des pièces instrumentales. La Chansoneta tedescha tenore ressemble aux basses danses des siècles suivants ; l’épithète « tedescha » pourrait s’expliquer par la présence, dans l’Italie de cette époque, d’un grand nombre d’instrumentistes allemands. NICOLETTA GOSSEN, CRAWFORD YOUNG