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Introduction
AVANT-PROPOS
Dries Van Haut
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Administrateur délégué de Van Haut NV Président de Sigma
Alors que l’an dernier je me demandais surtout combien de temps tout cela allait encore durer, nous n’avons aujourd’hui toujours aucune réponse claire à cette interrogation et il s’y est même ajouté une autre question : « A quoi d’autre allons-nous encore être confrontés ? »
En ce qui concerne la pandémie au coronavirus, en Belgique, les restrictions sont pratiquement toutes levées. Hormis le port du masque obligatoire dans le secteur des soins et dans les transports en commun, il n’y a pratiquement plus aucune restriction dans nos activités quotidiennes. Mais il ne faut toutefois pas perdre du vue ce dicton de la peau de l’ours qu’il ne faut pas vendre avant de l’avoir tué. Il y a eu des précédents au cours des dernières années où nous pensions avoir terrassé la bête avant qu’elle ne revienne sous une forme légèrement différente pour frapper plus fort encore. Le récent confinement de la ville de Shanghai illustre parfaitement mon propos. Nous n’en sommes pas encore revenus au ‘business as usual’, ce dont sont responsables certains facteurs complémentaires.
Le tremblement de terre provoqué par la pandémie au covid-19 a en effet été suivi de plusieurs répliques sérieuses. En premier lieu, le porte-conteneurs Evergiven qui a obstrué pendant des semaines le Canal de Suez et perturbé toute la navigation mondiale de conteneurs. Ensuite la catastrophe provoquée par la décision de Vladimir Poutine de mener ce qu’il a lui-même qualifié ‘d’opération militaire spéciale’ en Ukraine. Conséquence : la forte hausse des prix, qui était déjà une réalité, s’est mue en une véritable flambée. Des matières premières et composants en passant par l’énergie et les denrées alimentaires jusqu’au coût salarial : rien n’échappe à la spirale à la hausse. En Belgique, l’inflation atteint le sommet jamais vu de 8,31 % en mars et avril de cette année.
Par conséquent, tout augmente dans des proportions considérables. En raison de la perturbation des chaînes d’approvisionnement, les délais de livraison sont devenus interminables et imprévisibles. Elle a bon dos l’Ukraine car tout à coup, une foule de produits semblent désormais provenir de là. D’accord pour l’acier, quoique, car soudain tous les types et toutes les formes d’acier viendraient d’Ukraine. En Italie, le prix des pâtes explose parce qu’apparemment le blé des authentiques pâtes italiennes vient d’Ukraine. Les faisceaux de câbles qui transmettent les signaux électriques des voitures et machines trouveraient également leur origine dans ce pays en guerre. Et on peut continuer ainsi encore longtemps. Immanquablement on se pose la question de la véritable provenance principale de ces produits ; ne serait-ce pas plutôt l’œuvre de quelques petits malins qui profitent de la situation pour gonfler leurs prix. Quoi qu’il en soit, impossible de ne pas mettre la main au portefeuille.
La hausse des prix et l’allongement des délais de livraison ont par ailleurs poussé nos clients à passer massivement commande. Cela se remarque déjà aux chiffres de 2021 que nous présentons. Avec comme conséquence que les carnets de commande débordent déjà pour les livraisons prévues en 2022. Toutes ces incertitudes nous plongent dans l’ignorance quant aux dates de livraison. Cette surchauffe du marché me fait hélas penser avec effroi à 2008 lorsqu’après une période de flambée des prix, d’allongement des délais de livraison et de carnets de commande débordants, le château de carte s’était brusquement effondré. Aujourd’hui j’entends bon nombre de mes collègues observer : « Oui, mais la situation actuelle est différente de celle de la crise de 2008… ». Certes ils sont raison, mais moi je vois toutes les similitudes avec la situation à cette époque. Tandis que la guerre combinée à la hausse des prix pousse les investisseurs à serrer le frein, il se pourrait que les clients annulent leurs commandes. Si cet effet s’autorenforce, nous verrons arriver des machines trop coûteuses en trop grande quantité dans nos stocks, avec toutes les conséquences qui s’ensuivent. Espérons donc qu’on n’en arrive pas là mais je conseillerais quand même de faire preuve d’une certaine vigilance. Dans les chapitres suivants, vous trouverez une illustration détaillée des réalisations de notre secteur en 2021. Et bien que nous ayons déjà affirmé par le passé que l’argent ne pousse pas sur les arbres, force est de constater qu’en 2021 il n’en a pas manqué. Alors que nous pensions ne pas pouvoir faire mieux, toutes les catégories de machines ont fait des étincelles et battu quelques records. De manière générale, les deux sections ont terminé l’année sur des chiffres plus élevés que jamais.
A l’écoute de mes considérations sur la situation actuelle, vous ne vous étonnerez pas que 2022 ne devrait pas être une année exceptionnelle. Mais il ne fait aucun doute qu’elle s’avérera tout à fait acceptable. Comme je viens de le dire, les carnets de commande sont remplis à ras-bord et le succès de 2022 dépendra entièrement des livraisons.
Pour l’instant, nos clients poursuivent raisonnablement bien leurs activités économiques. La construction connaît certes quelques difficultés en raison des hausses de prix extrêmes des matières premières mais cela concerne avant tout l’habitation résidentielle et la construction industrielle. Les travaux d’infrastructure – où nous trouvons surtout des débouchés pour nos machines et matériels – maintiennent un cap satisfaisant. Les pouvoirs publics tentent ainsi d’éviter que le moteur se grippe. Cependant l’épée de Damoclès nous pend sur la tête. Si les péripéties du dossier pollution aux SPFO dans les environs de l’usine 3M de Zwijndrecht provoquaient l’arrêt d’une grande partie du chantier d’Oosterweel, toute une série de machines se libérerait et nos clients ne seraient tout à coup plus demandeurs de nouvelles machines. Nous espérons que les responsables politiques trouveront une solution permettant d’éviter l’arrêt du chantier.
L’activité logistique subit bien entendu les effets de la hausse des prix des carburants. Cela se traduit surtout dans l’augmentation des coûts qu’on essaie de répercuter sur les clients. Pour l’instant, l’estimation de l’impact sur le niveau d’activité reste limitée. L’on
tient pourtant compte de tous les scénarios d’avenir possibles. Les prévisions économiques relèvent actuellement davantage d’une visite à Madame Soleil tant les incertitudes des paramètres et leurs perspectives d’évolution sont grandes. La grande inconnue d’aujourd’hui est la mesure dans laquelle l’économie risque de tomber à l’arrêt. A quel point les entreprises et les consommateurs vont-ils se serrer la vis ? La stagnation de l’économie combinée à l’inflation s’appelle stagflation. Dans les modèles économiques classiques, elle s’accompagne d’une croissance du chômage. Nous n’y sommes pas encore confrontés à l’heure actuelle. Au contraire même, les pénuries sur le marché de l’emploi sont plus profondes que jamais. Notre secteur étant principalement en quête de profils techniques, cette pénurie n’est ni plus ni moins dramatique à ce jour.
Un article duTijd datant d’octobre 2021 esquissait déjà une image bien sombre de la stagflation avec d’une part, des similitudes avec la situation juste avant la crise pétrolière des années ’70 et d’autre part, des différences. Le bureau d’études Capital Economics quant à lui avance plutôt la ‘stagflation-lite’ comme scénario probable. Bien sûr cet article a été écrit bien avant la crise en Ukraine et il est frappant de voir tout à coup fleurir le terme de stagflation dans la presse où moment où j’écris ces lignes. Les expériences du passé ont permis aux banques centrales de mieux se préparer à ce qui nous pend au nez. L’intervention de la Banque centrale américaine (la Fed), qui a soudainement augmenté pour la première fois en 22 ans le taux d’intérêt de 50 points de base pour endiguer l’inflation élevée et a en outre annoncé d’autres hausses à l’avenir, illustre bien ce propos. Prédire l’avenir semble donc plus difficile que jamais. Contrairement à l’an passé, je ne peux hélas pas affirmer que la fin du tunnel est en vue. Nous avons plongé dans un nouveau tunnel obscur dont je ne peux qu’espérer qu’il ne soit pas trop long. En conclusion, j’aimerais vous confier cette citation. Ou plutôt ces deux citations, toutes deux de lauréats du prix Nobel. Le naturaliste danois Niels Bohr avait affirmé : Prediction is very difficult, especially about the future. Notre lauréat belge du Prix Nobel Ilya Prigogine avait approfondi cette considération : The future is uncertain… but this uncertainty is at the very heart of human creativity. Laissons donc libre cours à notre créativité pour sortir du tunnel.
Dries Van Haut Président de Sigma A.S.B.L.
