10 minute read

La femme dans l’Art

Souvent déifiées, représentées en héroïne durant la Préhistoire et l’Antiquité, les femmes ont su inspirer des œuvres emblématiques dans l’Histoire de l’art.

La représentation des femmes est le fait d’inspirations profondes. Symbolisant tantôt l’élégance, la poésie, la grâce, ou encore la sensualité, cette figure féminine revêt de nombreux aspects.

Advertisement

PAR ORLANE KIEFFER

LA FEMME DANS LA PRÉHISTOIRE

Vénus, authentique inspiration artistique, la déesse grecque de l’amour et de la beauté fut une véritable muse pour les artistes.

Dès la préhistoire, la Vénus de Willendorf relate les atouts du corps féminin : les formes sont adipeuses pour montrer la fécondité.

Taillée dans du calcaire oolithique, cette statuette de couleur ocre se caractérise par une silhouette plutôt rondelette. Ces œuvres sont à la fois le résultat de l’observation parfaite d’un corps humain, mais elles ont aussi été arrangée afin de rendre ses formes plus harmonieuses. La tête penchée, sans visage ni pied mais avec une abondante chevelure bouclée, la Vénus a été représentée de manière très détaillée par l’apparition des différents muscles et de ses atouts féminins.

LA FEMME DANS L’ANTIQUITÉ GRECQUE

Statue mythique de l’Antiquité Grecque : la célèbre Vénus de Milo.

Cette sculpture grecque datant de la fin de l’époque hellénistique semblerait représenter l’incontournable Déesse de l’amour et de la beauté.

Du haut de ses deux mètres, la Vénus montre son importance aux yeux des Grecs et leur vision de la femme parfaite.

Une représentation à demi nue parfaitement proportionné, une jolie poitrine, un torse modelé par une ligne blanche et les muscles abdominaux apparents.

Hormis son corps idéal, le visage de la Vénus présente une femme aux traits fins par son nez droit, de petits yeux enfoncés, une bouche à la lèvre inférieure charnue et à peine ouverte. L’expression de son visage montre une femme calme.

Ainsi entre cette représentation et celle de La Vénus de Milo nous pouvons noter que la femme charnue et aux formes harmonieuses de la Préhistoire laisse place à une femme aux abdominaux dessinés et aux atouts féminins dévoilés.

La Vénus de Milo

La longue période de l’Antiquité semble marquée par l’omniprésence de la représentation du corps féminin. En effet, modèle privilégié des artistes, le corps féminin se fait le support de développements théoriques, tant religieux que profanes. En Grèce, les femmes sont très souvent utilisées au rôle de la reproduction. Cependant, les déesses, nymphes et ondines sont les exceptions à la règle, en effet elles deviennent de véritables allégories. La femme connait au cours du temps une idéalisation les plaçant en tant qu’héros ou actrice principale des récits épiques de l’époque. C’est pourtant sous les traits féminins des Victoires, comme celle de Samothrace, que les Grecs nous lèguerons l’image d’une féminité virile. La Victoire de

Samothrace représente une femme ailée – la déesse Niké-, drapée d’un tissu fin et d’un chiton qui descend jusqu’aux pieds. Cette déesse incarne la volupté, la puissance et paradoxalement la légèreté dû au drapé de sa robe. Aussi aérienne que meneuse, elle fait indiscutablement, comme d’autres sculptures emblématiques, l’objet d’un culte. Également allégorie d’une victoire militaire, cette femme célèbre le triomphe d’un roi grec inconnu.

Victoire de Samothrace

LA FEMME À LA RENAISSANCE

A partir de la Renaissance, ce n’est plus seulement le corps de la femme qui est représenté par les peintres mais également leur attitude et leur quotidien en tant que femme.

Elles deviennent des modèles de bonne épouse et de femme au foyer, ces tableaux ont pour objectif de montrer le « bon exemple » et à influencer les femmes de la Renaissance. Les portraits de dames nobles contribuent à mettre fin au monopole de l’image de la femme liée à la religion. Elles sont en général représentées avec un petit chien de compagnie ou une hermine endormie qui symbolise une sexualité apaisée dans le mariage.

Dans ce tableau, la femme est également signe de fécondité.

Van Eyck représente dans son tableau La chambre des époux Arnolfini une véritable sérénité au sein d’un couple et d’un foyer.

La Chambre des époux Arnolfini de Van Eyck

La Renaissance est une période des plus riches en ce qui concerne la femme dans l’art. C’est en effet en 1485 qu’apparaît la seule et unique Naissance de Vénus de Sandro Botticelli.

Celle-ci révèle au grand jour un corps de femme nu, mystérieux et occulte.

Cette œuvre monumentale s’attelle à reprendre le mythe de l’arrivée de Vénus à Chypre. Ici, cette déesse, offerte dans son plus simple appareil, se transforme en symbole d’amour, de beauté et surtout de pureté.

La Naissance de Vénus de Botticelli

Sa pudeur est à peine dissimulée par sa longue chevelure blonde qui ne masque que partiellement ses courbes féminines. Son visage semble las, presque inhabité ou teinté d’une douce mélancolie.

La saison du printemps est omniprésente dans cet œuvre, en effet à la droite de Vénus, il y a une Heure toute de fleurs vêtue qui s’appréte à revêtir la déesse d’une cape rose parsemée de violettes. C’est aussi un symbole de fertilité et de vie que souligne l’exubérance florale. Les nombreuses fleurs qui composent sa tenue renvoient à la saison des amours.

La Liberté guidant le peule d’Eugène Delacroix

LA FEMME AU XIXÈME

Au fil du temps et des courants artistiques, la femme représente davantage une forme réelle ; les peintres mettent l’accent sur sa personnalité propre.

L’Impressionnisme et le Réalisme, deux mouvements de la seconde partie du XIXème siècle, font scandale en utilisant le nu dans des situations réalistes et non plus pour des scènes mythologiques.

Le XIXe siècle s’ouvre, les femmes apparaissent en tant que modèles révolutionnaires, notamment la liberté tel que la célèbre œuvre d’Eugène Delacroix La Liberté guidant le peuple.

Dans l’œuvre d’Eugène Delacroix, la femme est une transfiguration de la liberté retrouvée, la République, en cette période historique des Trois Glorieuses.

La Liberté est sans conteste le centre du tableau. Elle est incarnée par une femme du peuple, portant le fameux bonnet phrygien adopté par les révolutionnaires depuis 1789, et incarnant le peuple. Elle est vêtue d’une robe jaune, dont la manche droite est tombée dans l’action et révèle ainsi sa poitrine, ce qui lui donne tout son côté allégorique et antique, le drapé à la grecque renforçant ce sentiment.

Son profil au nez droit rappelle lui aussi la statuaire classique grecque que l’on a pu voir ultérieurement avec La Vénus de Milo. Ce profil ancré dans l’héritage classique l’éloigne donc des autres visages du tableau, elle est ainsi unique parmi le peuple en marche.

Cependant, des détails la rapproche du peuple : son aisselle d’abord, dont on aperçoit la pilosité, ce qui a d’ailleurs choqué les critiques de l’époque. Le second détail a toute son importante : la Liberté tient dans la main gauche un fusil à baïonnette d’infanterie, de 1816, ce qui la rend résolument moderne et incluse dans le combat, véritable meneuse

La femme du peuple est ainsi devenue allégorie de la République.

Lors du XXème siècle, nous découvrons un tout autre style de peinture : le cubisme.

Picasso, jeune peintre espagnol va dévoiler en 1907 l’une des œuvres les plus réputées de l’art moderne : Les demoiselles d’Avignon.

Cinq femmes nues se présentent à nous dans une ambiance totalement déstructurée pour choquer et stupéfaire son publique.

Absence d’ombres, de perspectives, platitude des décors, tout est fait pour heurter les spectateurs. Et c’est sans parler des formes anguleuses qui rompent les représentations académiques du corps de la femme souvent représenté de manière charnue et harmonieuse.

Le manque de réalisme se poursuit avec l’asymétrie des autres visages, Picasso ne statue pas ici un manque de compétences mais au contraire, il illustre une parfaite maîtrise de son sujet. A travers celui-ci, il fait ressortir l’aspect primitif des corps en omettant volontairement les atours féminins, la courbure des formes et le lissage des traits, qui restent très agressifs.

En dépit de toutes les critiques, Les Demoiselles d’Avignon signe une expression artistique nouvelle. Picasso ouvre la voie du cubisme et révolutionne les représentations du corps féminin en peinture. Il n’est plus question de rester strictement fidèle à la réalité des formes et des perspectives.

La femme chez Picasso a un statut particulier : elle guide ses humeurs plastiques.

LA FEMME AU XXIÈME SIÈCLE

Autoportrait au Collier d’Épines et Colibri de Frida Kahlo

A l’aube du XXIème siècle, la représentation du corps féminin a profondément évolué. L’on se défait peu à peu des schémas pourtant ancrés depuis des générations.

Outre le fait d’accueillir la vie ou encore de combler les désirs de la gent masculine, ce corps cesse d’être un corps asservi. Il se voit dénué de toute attente et pression extérieure, un corps revendiquant sa liberté d’être simplement sien.

Les femmes ont lutté pour leurs droits et les ont acquis.

Elles veulent maintenant démontrer leurs compétences dans le domaine professionnel et notamment dans l’art.

Leur modèle devient celui de la superwoman, décidée à être sur tous les fronts et parfaite sur chacun d’eux.

Enfin, bien que nous évoquions la femme représentée en art par autrui, n’oublions pas un point fondamental : la femme artiste. Dès-à-présent, les femmes se représentent ellesmêmes et entrent dans la scène artistique de manière magistrale avec le mouvement féministe.

Frida Kahlo est un exemple équivoque. Artiste peintre d’origine mexicaine, elle rejeta le rôle traditionnel de la femme, disant vouloir “voyager, étudier, la liberté et le plaisir. Tous les plaisirs”. Fille de la révolution, elle n’hésite pas à se peindre elle-même à travers des thèmes pourtant controversés tels que la sexualité. Dans son autoportrait au collier d’épines et colibri, l’artiste s’est peinte de face, en buste, le regard dans le vide.

Ce tableau va à l’encontre de tous les idéales féminins, que ce soit au travers de son mono-sourcils ou de sa moustache apparente.

Le visage aux traits fins dessinés autrefois avec un nez tout à fait droit, une peau pale sans imperfection laisse place à la réalité des yeux cernés et des rougeurs aux joues.

Depuis l’Antiquité, la femme symbolise le désir, le rêve et est un modèle esthétique privilégié, convoité, fantasmé. La femme est l’objet et l’homme est le créateur. Il y a une certaine hiérarchie décidée par la société patriarcale. Mais dans une ère où les femmes ne demandent qu’à changer la donne, elle cherche avant tout à s’affirmer et montrer la réalité de leur corps.

Ainsi, qui mieux que la femme peut faire naitre au grand jour la vérité sur sa représentation dans l’art ?

EMMA Bob : Isabel Marrant Tenue : Balenciaga

Dans leur série Fresh Meat, les photographes Julia SH et Nick Sadler emballent sous vide 5 femmes et en font des symboles critiques de notre contemporanéité. Ils détournent les normes de beauté portées par la photographie et soulignent son processus de déshumanisation. Le duo émet un regard critique sur sa profession et crée, à la lisière du beau et de l’hideux.

Julia SH et Nick Sadler mettent en barquette les normes sociales dominantes. L’eau et la glycérine renforcent l’imagerie tristement organique de ces nouvelles viandes.

https://www.youtube.com/watch?v=SBACvcRB3es

This article is from: