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Roger Diener, architecte de la ville
–portrait Chaque mois, immobilier.ch vous propose le portait d’architectes qui font rayonner la Suisse à l’étranger. Retour sur le parcours du discret Roger Diener, encensé pour sa mise en relation des bâtiments avec leur contexte.
Parmi la longue liste des architectes dont le nom résonne au-delà de nos frontières, Herzog & de Meuron, Bernard Tschumi, Mario Botta mais aussi Diener & Diener y figurent. Ce dernier, plus discret, se veut moins connu du grand public mais s’est taillé une place de choix dans les rues de Bâle, d’Allemagne ou encore d’Autriche. Portrait de Roger Diener, le bâtisseur qui s’appuie sur l’histoire pour l’ancrer dans la modernité urbaine. Tout commence par un héritage. Celui de son père, Marcus Diener (1918-1999), lui-même architecte établi, qui lui transmet alors la passion de l’architecture. Né en 1950 à Bâle, le jeune Roger prend immédiatement exemple sur celui-ci qui, de par sa conception de logements, bureaux, magasins et Le siège social de l’entreprise Swiss Re salles de cinéma, aura largement contribué à l’identité à Zurich (2008-2017). moderne de la ville. Suivant les traces de son père, Roger Diener se forme d’abord à l’École polytechnique fédérale de Zurich, avec notamment l’architecte suisse de renom Luigi Snozzi, célèbre pour ses constructions en béton apparent. Puis, à peine fraîchement diplômé, Roger Diener n’hésite pas une seconde et rejoint l’agence de son père en 1976, avant de s’associer définitivement à lui quatre ans plus tard en renommant le cabinet Diener & Diener Architectes. Riche de quarante années d’expérience, le bureau d’architecture constitue déjà à l’époque l’un des plus compétents de Bâle mais Roger voit plus grand. Si à ses débuts, Roger effectue ses premières armes sur un petit nombre de projets, c’est tout en douceur que, aidé de ses futurs associés (parmi eux Dieter Righetti ou encore Andreas Rüedi), il prend ensuite la totalité des commandes. L’équipe porte alors un nouveau regard sur la ville et sur les moyens de la compléter. Une vision qui séduit au-delà des contrées helvétiques. Si bien Extension du musée de la ville d’Aarau (2007-2015).

que cette deuxième génération du cabinet historique acquiert rapidement une dimension internationale. En 1998, Diener & Diener Architectes, avec Roger à sa tête, installe un bureau à Berlin et multiplie les réalisations en Europe.
NOUVELLE CONCEPTION DE L’URBAIN
Pour ce faire, Roger Diener, avec ses équipes, propose une vision novatrice de l’architecture tout en arborant un design sobre. Ses premiers projets, des opérations de complexes résidentiels construits à Petit-Bâle et dans la vallée de StAlban, dans le contexte historique sensible des rives bâloises du Rhin, sont immédiatement perçus comme des démonstrations. Diener & Diener Architectes développe ainsi une typologie de bâtiments mettant en relation l’histoire architecturale de la ville avec la modernité. «Nous sommes convaincus qu’une conception d’un plan d’urbanisme ou d’un projet architectural ne peut se développer sans s’enraciner solidement dans la mémoire d’une ville. C’est notre volonté: imbriquer le lieu et le temps dans un design», revendique le cabinet. Le contexte dans lequel se situe un édifice se veut dès lors une priorité dans ses missions. Cela s’exprimera notamment au travers des extensions conçues pour des bâtiments comme le Mémorial de la Shoah à Drancy (France) ou l’aile est du musée d’histoire naturelle de Berlin. Tout en définissant constamment de nouveaux types de constructions, il s’attaque à des projets chargés d’histoire, son processus de conception visant à établir une corrélation entre l’ouvrage de construction et la cohésion sociale de la ville. Une façon de faire qui permettra de dénouer certaines réalisations conflictuelles, comme celle de l’annexe contemporaine prévue pour l’historique

La tour Markthalle, résidentielle et commerciale, à Bâle, réalisée entre 2007 et 2012.
Le projet «DAHEIM et Zwiebacki» dans le canton de Lucerne. Schweizerhof de Lucerne. Face aux tensions entre visionnaires et défenseurs du patrimoine, la proposition de Roger Diener réussit à faire taire les critiques. La transformation du lieu achevée en 2000 est l’exemple du style et de la méthode de Diener & Diener Architectes, s’imposant finalement dans le quartier historique comme une évidence. Roger Diener montre également ses talents de concepteur sur des bâtiments de bureaux et de recherche, s’illustrant avec le siège social du Groupe Bâloise, le laboratoire du campus Novartis à Shanghai, le siège social de Swiss Re à Zurich mais aussi la Maison Davidoff à Bâle. Ses services seront demandés pour l’élaboration de plans d’urbanismes afin de restructurer les zones industrielles d’ABB à Baden, du port de Malmö en Suède mais aussi, en 2011, du quartier Grosselin de la Praille à Genève. Une demande résolument diversifiée de son travail qui s’étendra jusque sur l’île de Java, à Amsterdam, à Vienne ou encore à Rome.
UNE CARRIÈRE LOUÉE PAR SES PAIRS
Mais alors comment expliquer que ce cabinet soit si peu mis en avant auprès du public? Tout simplement car Roger Diener se veut discret et s’éloigne des éloges. Une reconnaissance qui le met mal à l’aise. Ses réalisations seront malgré tout largement reconnues par ses confrères tout au long de sa carrière. Il est invité à enseigner à l’Université d’Harvard, aux Universités de Vienne, Cambridge, Amsterdam et Copenhague, à l’École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) de 1987 à 1989, puis à celle de Zurich de 1999 à 2015. Une passion de l’enseignement qui le mène d’ailleurs à cofonder en 1999 le «Studio Basel» avec Jacques Herzog, Marcel Meili et Pierre de Meuron, un laboratoire expérimental développé pour diversifier les manières de former à l’architecture. De nombreux prix viennent également garnir son palmarès méconnu du grand public. Tant à l’étranger, avec la Grande Médaille d’Or de l’Académie d’Architecture de Paris ou la Médaille d’Or Heinrich Tessenow à Hambourg, que sur le sol suisse, avec le prix Meret Oppenheim et le prix culturel du canton de Bâle-Ville. Ce dernier étant une véritable consécration pour l’architecte qui sera le premier à recevoir cette récompense. En effet, il aura fallu 47 attributions au Prix de la Culture du canton de Bâle-Ville avant que l’architecture ne soit finalement prise en compte. Roger Diener préside à présent des jurys de grands concours internationaux et se veut un membre actif de la Commission fédérale pour la préservation des monuments depuis 2013. Sur tous les fronts, le bâlois ne chôme pas et du haut de ses 72 ans, il n’a vraisemblablement pas encore fini de façonner nos villes et leurs histoires.