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DISCUSSION AVEC ROBIN DECOURCY ET FLORENT CHIAPPERO
Hospital Nature
Samedi 17 juin 2023 de 16h à 21h
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Parc départemental de Saint-Pons dans le cadre des Nuits des Forêts 2023
BdG : De quelle manière abordez-vous votre enjeu commun du « soin » dans cette phase d’esquisse d’une Hospitalité?
FC : Dans cette idée du soin il y a je crois un terme qui nous relie, qui est pour moi en tant qu’architecte l’étape première, c’est le diagnostic. Une partie de mon travail consiste à orienter ce moment-là vers la relation avec les personnes plus que vers l’expertise. Ça nous parle à tous deux car on y voit de l’observation, de la discussion et ça induit la guérison. Par contre on a aussi un vrai décalage entre nous, car Robin avec sa pratique d’artiste va chercher ou révéler des besoins, des ressentis, des modes d’expression qui sont très différents de ce dont je me mets à l’écoute d’habitude.
RD : Par exemple, on est l’un et l’autre super intéressés par la garde à cheval, parce que ce sont les usagers et acteurs principaux du parc de Saint-Pons, mais aussi parce que ce sont des personnes qui prennent soin d’animaux. Ils ont tous les jours des gestes qui ne sont pas que monter les bêtes, ils les coiffent, les font boire. Moi j’aimerais que ces gardes puissent partager ces gestes-là, se rendre compte à quel point ils sont importants pour les chevaux, pour eux mais aussi pour toustes celles et ceux qui sont là. D’habitude je parle plutôt d’enquête mais avec un projet qui s’appelle Hospital nature, c’est sûr que diagnostic c’est plus probant ! Dans ce terme j’y entends ce qui est déjà là, comprendre et ressentir pour ne pas surajouter inutilement. Ça c’est un truc problématique tant dans l’architecture que dans le spectacle, on est dans des systèmes de surproduction. Le diagnostic nous permet plutôt de voir comment on va se contextualiser, faire écho aux problèmes qu’on identifie avec les acteurs comme les gardes, mais aussi avec les non humains. C’est comment on rend audibles les douleurs, celles dont peuvent témoigner les usagers mais aussi celles qui sont portées par l’eau, la terre, ou encore les femmes qui ont vécu dans ce monastère et dont la source porte la mémoire. C’est pour ça aussi que je trouve très importantes les légendes.
FC : Aujourd’hui on parle beaucoup de réparer la ville, et on se demande de plus en plus si en tant qu’humain chaque intervention ne relève pas plutôt de la dégradation, du vivant mais aussi des histoires que portent les lieux, qu’on étouffe trop souvent à coup de mauvais enrobés et de lampadaires…
RD : Il y a un truc qui me plaît beaucoup dans l’idée de Hospital nature c’est qu’on se dit qu’il y a des lieux à réparer, qui sont blessés, et en allant vers ça je suis sûr qu’en fait on va « se réparer », se réparer soi-même. C’est une forme d’inconscience mais qui a un effet miroir. Il y a toute une société qui se retrouve à s’éveiller au drame écologique, et lorsqu’elle agit elle se rend compte elle-même qu’elle est malade dans son système, et même ceux qui font le mieux. J’aime à ce propos mettre en avant cette question de qui soigne qui et de comment on fait.
FC : Ce ne sont pas les espaces qui ont des problèmes, ça reste les gens. Il faut que les personnes souhaitent guérir. Tu peux écouter quelqu’un, trouver ce qui ne va pas et lui proposer une solution mais il n’y aura guérison que s’il a envie de la porter avec toi. Il faut trouver l’accord car si tu prescris et que l’autre n’est pas d’accord, ça ne peut pas fonctionner. En regardant comment Robin met les corps en relation, ça va me permettre de mettre l’architecture dans cet endroit-là, mais je ne sais pas encore comment.
RD : Pour l’instant, on se regarde en parallèle. Le 17 juin on va faire une expérience, on est curieux l’un de l’autre, de comprendre ce que l’un appelle partition, l’autre maquette. On s’amène des formes de provocations nécessaires, on se renvoie des images de nos histoires et la rencontre sera ici passionnante.
FC : Ce qui va être intéressant aussi pour la suite, c’est que dans ce parc qui accueille un monument historique, à cause de la réglementation, on a seulement le droit d’être là. Les usages habituels qu’on projette dans les installations d’un parc sont très réduits. C’est contraignant mais ça peut nous obliger à approfondir ça veut dire quoi être là, et à assumer l’idée d’une construction-geste qui met en relation les corps, pour prendre soin des lieux et prendre soin de nous.
OBJECTIF LUNE : ON A MARCHÉ SUR LA TERRE
Trois jours d’itinérance pour cheminer dans l’entre deux
Un jour on a levé les yeux et elles étaient là. Striées de blanc et de rouge, elles balisaient le grand paysage à des dizaines de kilomètres à la ronde. Elles brillaient de leur énergie érigée. Loin et près à la fois, elles nous orientaient. À leur pied on pouvait venir manger des coquillages. Un autre jour, plus tard, on nous a dit qu’elles étaient devenues inutiles, que les cuisiniers et les coquillages aussi. On a démantelé ce jourlà les guinguettes, on a laissé les cheminées. Et plus elles nous guidaient et plus on se perdait, jusqu’à ne plus trop savoir à quoi on tenait dans tout ça, au rouge, au blanc, aux moules, aux ampoules, au passé industriel, aux futures ruines, à l’entre deux. Alors on est parti marcher avec énergie dans le grand démantèlement, sous la lune pour y explorer un peu autrement… la terre.
Durant trois jours tantôt sous le soleil et tantôt sous la lune nous partirons à la rencontre des paysages et de ses habitants. À travers divers récits ancrés dans ce territoire, nous tenterons d’éclairer à la lumière des astres nos rapports à la terre, au risque, à l’héritage et à la transformation.
Ce voyage sera une tentative de comprendre joyeusement ce qui constitue nos modernités et de travailler nos oppositions, nos contradictions de loin ou de proche, pour faire atterrir nos possibles rêves.
Il faudra aussi accorder du temps à notre subsistance et construire ensemble les lieux pour qu’ils nous rassemblent, tissés de désirs et de soin.
Objectif Lune : on a marché sur la terre est une aventure collectivement imaginée à l’occasion des 10 ans du GR2013 par le Bureau des guides du GR2013 et les artistes invité•es, en complicité avec des habitant•es qui depuis longtemps nous partagent leur sens des lieux. Nous remercions tout particulièrement Thierry Seren et les Paysans producteurs, Dora Manticello et la Caravelle, Agnès Jouanaud, Sophie Bertran Balanda ainsi que José de Demandolx pour son accueil au Château d’Agut.
Avec Nicolas Mémain, Robin Decourcy et Emeline Guillaud, Phaune Radio (Floriane Pochon et Clément Baudet), Camille Goujon, et le collectif musical Grand Huit, collectif SAFI, du Beurre dans les épinards, de Lazare Lazarus, Nelle Gevers, Clovis Deschamps Prince, Geoffroy Mathieu et Bertrand Stofleth, Olivier Bost, François Wong et Pierre Fleurence, les Musicien.nes – Sophie Azambre le Roy, Jules Beckman, Juri Caneiro, Eloïse Decazes, Adrien Nuguet.
L’équipe du Bureau des guides du GR2013 pour Objectif Lune : on a marché sur la terre, c’est : Marielle Agboton, Noémie Behr, Sébastien Castelain, Julie de Muer, Antoine Devillet, Marine Torres, Floriane Verrier. Merci également à Aurélie et Willy Le Corre.
Le vendredi 7 juillet 2023 – à partir de 16h
Nous marcherons… Dans des paysages complexes, mystérieux, beaux, effrayants et nécessaires. À partir de la gare de Lavera jusqu’au bivouac dans la Plaine de St Julien les Martigues.
Le samedi 8 juillet 2023
Nous tisserons, nous cuisinerons, nous habiterons… À l’abri du vent, entre deux massifs, entre les rivages industriels de Lavera et la carte postale de la côte bleue, dans un lieu interstitiel nous invitant au songe, dans une plaine agricole encaissée et suspendue entre mer et étang. Ici les souvenirs des rivages traversés la veille forment peu à peu un paysage collectif, et on fantasme les ruines du futur tout en habitant par nos gestes et par nos sens un peu plus profondément ces lieux qui nous accueillent. Puis nous danserons. La cour du château s’éveille et se remplit d’un orchestre inédit. Ensemble, s’initient des jeux ouverts de soins de danse, de contact de salon, puis de transe en danse. Entre les mondes nous lâchons prise et libérons la vibration collective.
Le dimanche 9 juillet 2023
Nous repartirons… Vers la mer. Une petite balade et une grande baignade en compagnie de tout le monde.