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a) La régie directe
a) La régie directe
En France, les collectivités territoriales disposent d’un pouvoir discrétionnaire pour choisir le mode de gestion (public ou privé) des services publics. Avant de présenter les différentes possibilités de gestion des services précédemment cités, il faut prendre en compte la législation française qui fixe les règles des gestions financières qui encadrent ces services. Tout d’abord, selon l’article L2224-11 du Code général des collectivités territoriales (CGCT) : « Les services publics d'eau et d'assainissement sont financièrement gérés comme des services à caractère industriel et commercial ». 9 Ce qui soumet donc les collectivités territoriales gestionnaires de ces services publics au respect de l’article L.2224-1 du CGCT : « Les budgets des services publics à caractère industriel ou commercial exploités en régie, affermés ou concédés par les communes, doivent être équilibrés en recettes et en dépenses ». 10 Cet article se poursuit par le suivant, article L2224-2 du CGCT qui énonce : « Il est interdit aux communes de prendre en charge dans leur budget propre des dépenses au titre des services publics visés à l'article L. 2224-1 ».11 Ce dernier article de loi sous-entend que les budgets des services publics d’eau et d’assainissement doivent être financés essentiellement par leurs usagers et non par des recettes fiscales de la collectivité délégante, sauf dérogations. Chaque usager, y compris les collectivités territoriales et l’état, doit participer au financement du service.
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Aussi, il existe trois modes de gestion qui régissent les services publics d’eau et d’assainissement, et qui prennent source selon deux idées, la première étant une gestion publique, la deuxième une gestion privée. Les trois modes de gestion sont synthétisés par le tableau suivant.
9 Citation du Code général des collectivités territoriales, Article L2224-11. URL : https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006390360/ 10 Citation du Code général des collectivités territoriales, Article L.2224-1. URL : https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006390339/ 11 Citation du Code général des collectivités territoriales, Article L2224-2. URL : https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000023268854/
La régie simple ou directe (impossible sauf préexistante avant 1926 – article L.2221-8 du CGCT)
La régie dotée de la seule autonomie financière (article L2221-11 et suivants CGCT) La régie dotée de l’autonomie financière et de la personnalité morale (article L.2221-10 CGCT) La concession de service public, concession de service ou concession de travaux sous forme : - D’affermage (exploitation) - De concession (exploitation + travaux) - De régie intéressée
Le marché de prestations de service (mais alors constitution d’une régie)
Figure 17 : Tableau de synthèse des modes de gestion des compétences « Eau et Assainissement » en France. Source : Base de données IRH Ingénieur conseil 2021. Réalisation IRH Ingénieur conseil.
Ainsi, il existe la gestion en régie, la gestion par concession (nommée DSP) et la gestion en régie avec prestation de service. Nous détaillerons d’abord la gestion de ces services publics d’eau et d’assainissement en régie. Trois formes de régie sont identifiables comme le démontre la figure 17, néanmoins, la régie dite simple ou directe n’est plus envisageable par son article de loi : « Les communes qui avaient des régies municipales avant le 28 décembre 1926 ont la faculté de conserver la forme de la régie simple ou directe en vigueur à moins qu'elles ne préfèrent accepter les dispositions du présent chapitre ». 12 Il sera donc davantage expliqué la régie dotée de la simple autonomie financière, et la régie comportant cette même caractéristique, s’ajoutant à celle-ci la personnalité morale.
D’abord, commençons par la gestion en régie dotée de la simple autonomie financière. Elle peut être définie comme un organisme individuel, intégré dans la personnalité morale de la collectivité territoriale qui l’a créée. Cette forme de gestion publique, dispose d’un budget propre et distinct du budget de la collectivité territoriale dont elle émane.
Cette régie se compose en premier lieu de son Président, représentant légal de la régie et ordonnateur, il peut aussi tenir le rôle de Directeur de cette même organisation ou le nommer. Puis la régie se compose du Conseil Communautaire et du Conseil d’Exploitation, dont les missions sont différenciées dans le tableau suivant.
12 Citation du Code général des collectivités territoriales, Article L2221-8. URL : https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006390251/
Conseil Communautaire Conseil d’Exploitation
Approuve les plans et devis afférents aux constructions neuves ou reconstructions, travaux de première installation ou d’extension ; Délibère sur les catégories d'affaires pour lesquelles le conseil communautaire ne s'est pas réservé le pouvoir de décision ou pour lesquelles ce pouvoir n'est pas attribué à une autre autorité par le CGCT ou par les statuts.
Autorise à intenter ou soutenir les actions judiciaires, à accepter les transactions ;
Vote le budget de la régie et délibère sur les comptes ; Est obligatoirement consulté par le Président sur toutes les questions d'ordre général intéressant le fonctionnement de la régie. Peut procéder à toutes mesures d'investigation et de contrôle.
Règle les conditions de recrutement, de licenciement et de rémunération du personnel ;
Fixe le taux des redevances dues par les usagers de la régie. Présente au Président toutes propositions utiles.
Figure 18 : Compétences du Conseil Communautaire et du Conseil d’Exploitation dans une régie. Source : IRH Ingénieur conseil et Article R2221-63 et Suite du CGCT, et Article R2221-72 du CGCT. Réalisation BOISSAC Francis mai 2022.
De plus, la régie dotée de la seule autonomie financière exige un budget annexe et une trésorerie séparée. En cas de lancement d’un marché (travaux, mission de fournitures, mission d’exploitation), cette forme de gestion en régie ne nécessite pas la création d’une Commission d’Appels d’Offres (CAO), puisque les appels d’offres sont portés par la Collectivité territoriale. Ainsi, la création d’une régie dotée de la seule autonomie financière permet à la Collectivité d’exercer en personnalité propre les missions de gestion du service public sans recourir à un délégataire.
Il vient ensuite, la régie dotée de la personnalité morale et de l’autonomie financière. Elle se compose du Président de la régie (aussi Président du Conseil d’Administration) qui en nomme le Directeur auquel seront attribués les rôles du représentant légal et de l’ordonnateur. Cette organisation, se caractérise par un Conseil Communautaire, dont les taches se définissent de la même manière que celles énoncées pour la régie avec la seule autonomie financière (cf. figure 18). Contrairement à la précédente forme de régie, le Conseil d’Exploitation est remplacé par un Conseil d’Administration (composition fixée par les statuts, pas seulement des élus), le tableau suivant en résume ses missions.
Le Conseil d'Administration
Délibère sur toutes les questions intéressant le fonctionnement de la régie ;
Autorise le représentant légal de la régie à intenter une action en justice ;
Peut donner délégation au représentant légal pour prendre toute décision concernant la préparation, la passation, l’exécution et le règlement des marchés de travaux de fournitures et de services ;
Décide des acquisitions, aliénations ou locations de biens immobiliers ;
Vote le budget de la régie (il s’agit d’un budget autonome).
Figure 19 : Rôle du Conseil d’Administration en régie. Source : IRH Ingénieur conseil et Article L2122-22 du CGCT. Réalisation BOISSAC Francis mai 2022.
Puis, concernant le sujet financier, la régie dotée de la personnalité morale et de l’autonomie financière exige un budget annexe et une trésorerie séparée, de même que la précédente. Cependant, en cas de lancement d’un marché (travaux, mission de fournitures, mission d’exploitation), cette forme de gestion en régie prévoit obligatoirement la création d’une CAO. Finalement cette forme de régie se définit comme la création d’un Etablissement public autonome et doté de la personnalité morale, sur lequel la collectivité territoriale exerce son contrôle, et reste l’autorité organisatrice.
Si les collectivités territoriales s’illustrent comme l’acteur le plus légitime et fondamental de la gestion en régie, nous montrerons que d’autres acteurs interviennent et collaborent à leurs côtés.
La Police de l’eau
Les bureaux d’étude
Les entreprises privées spécialisées
Les collectivités territoriales
Les Agences de l’eau L’ARS
L’ONEMA
Figure 20 : Les principaux acteurs de l’eau et l’assainissement en France. Source : BOISSAC Francis, Enjeux territorialisés de la gestion de l’eau en France, 2021, 64 pages. Réalisation BOISSAC Francis mai 2022.
La figure 20 fait état des sept acteurs principaux de la gestion des compétences « Eau et Assainissement » en France. Nous retrouvons au centre du schéma les collectivités territoriales car ce sont elles qui exercent les compétences suscitées, elles collaborent aussi avec tous les autres acteurs symbolisés en périphérie. Tout d’abord les Agences de l’eau, il en existe six (soit une par bassin hydrographique), « placées sous la tutelle du Ministère de la Transition écologique, les agences de l’eau perçoivent des redevances en provenance de tous les usagers de l’eau selon le principe du « pollueur-payeur » et « préleveur-payeur ». Chaque euro prélevé est réinvesti sous forme d’aides aux collectivités, acteurs économiques et agricoles pour financer des actions favorisant la reconquête du bon état de l’eau. »13
13 Cf. MICHELET Paul des Agences de l’eau, Les six agences de l’eau françaises. Article publié en 2020. URL : http://www. lesagencesdeleau.fr/les-agences-deleau/les-six-agences-de-leau-francaises/
Figure 21 : Les bassins hydrographiques de la France. Source : Carte d'analyse issue des données de openstreetmap, eaufrance et SANDRE, publiée sur Wikipédia en novembre 2017. URL : https://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:France-Bassins-hydro.png
L’Agence Régionale de Santé (ARS) intervient dans les processus d’analyse sanitaire de l’eau, en effet, les indicateurs P101.1 et P102.1 de l’ONEMA sont exclusifs à l’ARS or cas spécifiques, comme le montre la figure qui suit.
Figure 22 : les Indicateurs ONEMA P101.1 et P102.1 d’après un exemple tiré d’un Rapport Annuel du Délégataire. Source : Base de données IRH Ingénieur conseil 2020.

L’Office National de l’Eau et des Milieux Aquatiques est un acteur de l’eau indispensable en France, son expertise technique en la matière lui procure deux rôles essentiels, la recherche et le développement dans le secteur hydrologique principalement, mais aussi dans tous les autres secteurs liés à l’eau. De plus, il a conçu une liste minutieuse d’indicateurs réglementaires comme ceux illustrés plus haut, afin d’évaluer la performance d’un service d’eau potable ou d’assainissement (cf. Annexe 3).
Ensuite, la Police de l’eau exerce « les activités de contrôle administratif et judiciaire du respect des prescriptions édictées dans les actes administratifs d'autorisation ou de déclaration, la recherche des infractions aux réglementations dans le domaine de l'eau ». 14 « La police de l’eau est composée d'environ 600 techniciens et agents techniques de l'environnement pour cette mission. »15
14 Citation de la Préfecture du Gard. Qu’est-ce que la police de l’eau ?, article publié en avril 2019. URL : https://www.gard.gouv.fr/Politiques-publiques/Environnement/Eaux-et-milieuxaquatiques/Reglementation/Police-de-l-eau2/Qu-est-ce-que-la-police-de-l-eau 15 Citation de BOISSAC Francis, Enjeux territorialisés de la gestion de l’eau en France, 2021, 64 pages.
Puis, dans le cadre d’un passage en régie d’une collectivité suite au transfert des compétences, le bureau d’étude réalise l’état des lieux et le diagnostic des services. Il accompagne la collectivité dans la mise en œuvre du transfert sur les sujets juridiques, financiers, administratifs, organisationnels et sur le transfert du personnel. Le bureau d’étude analyse ces critères selon les trois modes de régies présentés. Aussi, il estime la main d’œuvre et les moyens matériels nécessaires, il tient compte des règles budgétaires de la nomenclature M49 (plan comptable), de l’amortissement, des besoins en fonds de roulement (emprunt à court terme), de l’investissement de démarrage de la régie (achat de stock, …), et du coût du passage du mode de gestion délégation à celui de régie.
Enfin, les entreprises privées spécialisées ont aussi un rôle à jouer : travaux, mission de fournitures, mission d’exploitation, dans l’hypothèse où la collectivité lancerait un marché. La régie ferait donc appel à un prestataire de service.