7 minute read

» Véhicules de lutte contre l’incendie par aérosols

Géo Trouvetou met le turbo

Les Russes aiment ce qui est imposant et tapeàl’œil. Que ce soit sur la route ou lors d’interventions. C’est pourquoi ils ont inventé l’extincteur turbo, une symbiose entre char et moteur à réaction. De nos jours, les véhicules lourds de lutte contre l’incendie par aérosols font partie de la flotte de bon nombre de corps de sapeurspompiers d’entreprise.

Advertisement

Quand ça tourne vraiment mal, il ne faut pas lésiner sur les moyens. Par exemple, lors d’incendies de grande envergure qui ne se laissent pas maîtriser avec des moyens conventionnels. Et c’est exactement ce qui s’est produit dans l’Oural, où les Russes eurent l’idée géniale de monter le turboréacteur d’un avion de chasse sur le châssis d’un char pour éteindre le feu avec une incroyable quantité d’eau et une énorme pression du vent. « L’extincteur turbo » était né !

L’extincteur turbo de « Schwarze Pumpe »

L’un des premiers extincteurs turbo fabriqués hors Russie vit le jour en 1980, à l’institut des sapeurs-pompiers de Heyrothsberge, sur la base d’un camion à traction intégrale ADK-70 et d’un turboréacteur soviétique Klimow WK-1. Deux des véhicules de lutte contre l’incendie ont été mis en service en 1982, par le service des bâtiments industriels du combinat de gaz « Gaskombinat Schwarze Pumpe ». L’un d’eux, désormais installé sur un châssis de camion MAN à cabine fermée, est encore utilisé par les pompiers de la centrale électrique au lignite de Schwarze Pumpe, et rend aussi de grands services dans la lutte contre les incendies de forêt.

»Les sapeurs-pompiers d’entreprise de la centrale « Schwarze Pumpe » font confiance à cet extincteur turbo équipé d’un turboréacteur russe Klimow WK-1 et d’un châssis de camion MAN.

Big Wind, la star de la guerre du Golfe

En 1990, soit dix ans après les ingénieurs de la RDA, des inventeurs hongrois ont développé « Big Wind », le véhicule sur roues – pardon, sur chenilles – de lutte contre l’incendie par aérosols. Ce monstre télécommandé, créé sur la base d’un char T-34, dispose de pas moins de deux turboréacteurs MIG-21 et de six lances à incendie d’un débit de 830 litres par seconde. Ce qui représente suffisamment de puissance pour avoir pu éteindre la plupart des presque 1 000 puits de pétrole incendiés intentionnellement au Koweït durant la guerre du Golfe (1990 et 1991) ! Ce succès fit la renommée mondiale de l’extincteur turbo « Big Wind ».

Une expérience onéreuse

Ce succès contraria les Russes et les Allemands. En effet, de mai 1991 à juillet 1993, ces derniers ont commandé à l’entreprise nationalisée « Erdöl-Erdgas Gommern », sise à Neubrandenbourg, la construction de « Hurricane », un véhicule de lutte contre l’incendie par gaz doté d’un turboréacteur MIG-21MF et d’un châssis de char T-55A. Mais le développement de cet engin, qui a coûté 750 000 euros de subventions au ministère fédéral pour la culture et la recherche, dura bien trop longtemps. Le véhicule, qui est exposé aujourd’hui au Musée allemand des sapeurs-pompiers à Fulda, reste donc une expérience hors de prix.

BASF

» Les sapeurs-pompiers de l’usine BASF de Ludwigshafen disposent de deux extincteurs turbo Zikun, tous équipés de deux turboréacteurs d’Alphajet.

» Le robot de pompiers LUF 60, construit en Autriche, est utilisé à travers le monde par un grand nombre de corps de sapeurspompiers, mais aussi par les sapeurs-pompiers d’entreprise de l’usine automobile de Skoda en République tchèque.

Plus grand, plus lourd et russe Véhicule de lutte contre l’incendie par aérosols des sapeurs-pompiers d’entreprise

Pendant ce temps, les Russes continuaient de développer leur extincteur turbo. En 2010, le constructeur Pozhtechnica présenta, au salon Interschutz, le véhicule MRU GVT-150 basé sur une pelle sur chenilles et doté d’un mono turboréacteur. Il peut être commandé depuis la cabine conducteur ou via une télécommande. Encore plus imposant, est le char pompier T-80 développé par la société Omsktransmash. Cet engin pèse 60 tonnes, dispose d’une citerne à eau de 25 000 litres et de lances à incendies ultra puissantes d’une portée de 100 mètres. Quelques exemplaires sont utilisés depuis 2016 par l’armée russe partout où il existe un risque d’explosion. Selon le constructeur, ce véhicule de pompiers, qui est probablement le plus sûr au monde, est en mesure de protéger ses trois membres d’équipage de l’explosion d’une ogive de 152 mm à une distance de seulement cinq mètres. Les Allemands ne furent pas les seuls à insister, ils construisent de nos jours les meilleurs véhicules de lutte contre l’incendie par aérosols sur camions. Ces engins sont parfaits pour circonscrire les incendies dans l’industrie chimique, pour le refroidissement et le verrouillage d’installations de production, pour condenser les gaz et lors de gros incendies de végétation, c’est pourquoi ils sont très prisés par les sapeurs-pompiers d’entreprise. C’est ainsi que les pompiers de l’usine BASF de Ludwigshafen disposent de deux extincteurs turbo fonctionnant avec des réacteurs d’Alphajet un avec et un sans couronne d’orientation à 180 degrés. Les véhicules, dont les lances à eau déversent respectivement jusqu’à 6 000 et 8 000 litres par minute, ont été construits par la société Zikun, qui a également fourni des engins similaires aux sapeurs-pompiers des usines Bayer, BASF Antwerp et Wacker Chemie (Burghausen, Nünchritz et Charlestone/Tennessee USA).

Par contre, le véhicule équipant les sapeurs-pompiers de l’entreprise chimique Evonik de Worms est construit différemment. En effet, ces derniers travaillent avec le « Turbo Hydro Jet Box » de Dicosy, proposé pour la première fois en 2015 au salon Interschutz. Sur son site de Rheinfelden, près de Bâle, Evonik, comme d’autres sapeurs-pompiers d’entreprise, fait le choix d’un extincteur turbo Zikun.

Robots de lutte contre l’incendie par aérosols

Les robots télécommandés de lutte contre l’incendie par aérosols, tels que le véhicule de soutien d’extinction LUF60 du constructeur autrichien Rechner, fonctionnent de la même manière que les grands chars anti-incendie. Le LUF60 se déplace sur des chenilles, il diffuse une quantité maximale de 3 000 litres d’eau ou de mousse par minute et projette le mélange à une distance de 90, respectivement de 35 à 70 mètres (selon le type de mousse). Cet engin compact est utilisé par les sapeurs-pompiers d’entreprise et les sapeurs-pompiers publics, tels que les pompiers de la « Stützpunktfeuerwehr Küssnacht SZ ».

Véhicule de lutte contre l’incendie par aérosols : compact, pour les incendies de forêts et micro

Présenté comme une « arme polyvalente pour les sapeurspompiers », le constructeur Magirus a développé, en coopération avec le groupe TechnoAlpin, spécialisé dans les canons à neige, l’AirCore, l’homologue allemand du LUF 60. Construit sur la base d’une turbine haute puissance orientable à 360 degrés et pivotant de –20 à +50 degrés, cet engin d’extinction est disponible en plusieurs modèles : d’une part le modèle avec châssis de fourgonnette (Iveco Daily par exemple), d’autre part « l’AirCore TAF35 » équipé d’un châssis à chenilles et d’un bouclier de déblayage, en plus d’un dispositif de traction ferroviaire spécialement adapté pour les pompiers ferroviaires.

Le Magirus FireBull, présenté en 2020, a, quant à lui, été spécialement conçu pour la lutte contre les feux de végétation. Basé sur le châssis PowerBully de la société Kässbohrer Geländefahrzeug AG, ce véhicule développe une puissance de 310 CV, a une profondeur de gué de 1,40 mètre, une capacité de montée de 60 pour cent et d’inclinaison de 40 degrés, une citerne d’eau de 10 000 litres et une turbine anti-incendie. Ce qui rend ce véhicule de lutte contre l’incendie par aérosols tellement extraordinaire, c’est sa faible pression au sol de 300 g/cm2 et ce, malgré un poids total maximal de 30 tonnes – ce qui l’empêche de s’enfoncer dans les terrains bourbeux.

Magirus

» Le véhicule de lutte contre l’incendie par aérosols, AirCore TAF35, peut être monté sur une fourgonnette, comme ici avec un châssis à chenilles ou un dispositif de traction ferroviaire. ▲

» Quelques chars pompiers T-80, de la société Omsktransmash, sont en service au sein de l’armée russe depuis 2016. ▼ Le LUF Micro, le plus petit de ce type d’engins est minuscule comparé au FireBull. Il ne mesure en effet que 1,25 mètre de long, ne pèse que 550 kg, se déplace sur des roues et trouve facilement sa place dans tout tonne-pompe plus grand. Et, il est en mesure de produire 2 000 litres de vapeur d’eau par minute avec une pression de 16 bars et ses lances projettent, rien de moins, que 20 litres à la minute. Le canon d’extinction « Alpha Wolf R1 », développé par la société Alpha Robotics Germany, a pratiquement les mêmes caractéristiques. Il est équipé d’un moteur électrique non polluant et avec ses 15 km/h, il est considéré comme extrêmement rapide et dispose d’une réputation de « couteau suisse » au sein des LUF Micro. Car, en plus d’un canon à eau, ce véhicule de 1,67 mètre de long de 1,23 mètre de large, de 850 kilogramme, doté de 7 caméras (dont 4 à capacité IR) et de 12 projecteurs LED à haute performance, peut en plus être équipé d’un treuil, de supports à griffes, d’un spectromètre Raman et d’un bras robotique.

Constructeur

This article is from: