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Connaissez-vous May Picqueray ?
Daniel Sauvaget
La récente réédition des mémoires de May Picqueray remet dans l’actualité une militante libertaire dont il a été question dans les médias - en 2018, lors de la diffusion sur la chaîne Arte d’une ambitieuse série TV, Les Rêves brisés de l’entre-deux-guerres1. Il s’agit d’une vaste fresque s’étendant sur les années 1918-1939 réalisée par Frédéric Goupil et Jan Peter rediffusée récemment (2021) sur une autre chaîne. Le scénario qui s’appuyait sur la vie réelle de plusieurs personnages a permis de retrouver la personnalité originale de Marie-Jeanne Picqueray, dite May (1898-1983).
May Picqueray est née à Savenay, dans une famille rurale, les Leray. Dans les chapitres qu’elle consacre à son enfance, elle évoque les vacances passées chez sa grandmère dans le hameau de l’Angellerais, à quelques kilomètres de Savenay sur la route de SaintÉtienne deMontluc. Situé sur les hauteurs qui dominent la route et la voie ferrée, et plus loin la plaine et l’estuaire, le lieu dit est aujourd’hui bien plus peuplé, et on ne voit plus le moulin dont son oncle s’occupait, détruit depuis les bombardements de la dernière guerre.
Sa mère, mariée très jeune à 18 ans à peine, avait quitté la ferme de ses parents pour la ville. Son père, convoyeur postal, passait beaucoup de temps dans les trains, et ses enfants le voyaient peu. Nommé à Châteaubriant, il avait installé la famille dans une maison située sur la route de Martigné. C’est l’époque où May fréquente une école tenue par les sœurs de SaintVincent de Paul.
1 - Ouest-France du 11 septembre 2018 a attiré l’attention de ses lecteurs sur la vie de May, rappelant sa naissance et son passage dans la région.
Le père muté à SaintNazaire, la famille s’y installe. Marie Jeanne y fréquente l’école publique et traîne sur le port malgré les interdits maternels et les punitions ; c’est là qu’elle assiste, un jour, à l’embarquement d’un convoi de prisonniers enchaînés à destination d’un bagne Outre Mer spectacle qui, dit elle, l’a profondément marquée malgré son jeune âge, et qui a nourri des sentiments de révolte qu’elle exprimait déjà dans le cadre familial. Dans une vie marquée tout d’abord par des déplacements incessants, SaintNazaire fut une halte qui lui permit de se cultiver très jeune par la lecture et d’obtenir son certificat d’études à l’âge de 11 ans, en 1908 1909.
Sa mère décide alors de la « placer », comme on disait, chez un commerçant de Penhoët, pour lequel elle faisait des livraisons. Une institutrice qui l’avait prise en amitié à l’école et qui l’avait soutenue dans sa scolarité propose alors de la prendre à son service pour s’occuper de son fils de 5 à 6 ans qui nécessitait une surveillance constante, car il souffrait d’épilepsie. La famille émigre au Québec, où le couple aide May à obtenir le bac.