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La Lettre de l'économie sociale n°1770

LIBERTÉ, ÉGALITÉ,FRATERNITÉ EN SANTÉ

C’est parce que « la capacité à accéder à des soins et bénéficier d’une prise en charge des dépenses de santé dépend trop, aujourd’hui, de la situation personnelle sociale et économique de chacune et chacun », ainsi que l’écrit Gérard Raymond, président de France Assos Santé, que l’organisation a fait paraître, le 11 janvier, sous le titre de « Tous unis pour notre santé », ses « 20 propositions pour améliorer la participation des usagers au système de santé ».

Parmi les 20 propositions, certaines devraient rencontrer l’assentiment général (du moins en parole). Pour d’autres, rien n’est moins sûr. Elles sont réparties en trois « valeurs », qui font référence à la devise de la République : « la Liberté en santé », qui « passe par une émancipation de chacun grâce à l’éducation à la santé »; « l’Égalité en santé », qui « exige un accès enfin équitable et juste au système de santé » ; « la Fraternité en santé », qui « appelle un système de santé profondément humaniste et solidaire ».

La liberté

Concernant la liberté, France Assos Santé préconise, afin de « permettre à chacun dès le plus jeune âge d’adopter les bonnes pratiques », de « lutter contre les fausses informations », de « rendre chacun acteur de sa santé » (par l’élargissement de l’étiquetage Nutriscore, par exemple) et d’instaurer une « taxe santé sur les produits nocifs pour la santé » tels que le tabac et l’alcool. Plus originale semble l’idée de « développer les bonnes pratiques des professionnels de santé en recueillant l’avis des patients sur la qualité » des soins apportés et aussi sur « le comportement des professionnels ». Selon le document, cela « se fait aux États-Unis ou dans les pays scandinaves depuis les années 2000 ». Toujours en matière de liberté, est mise en avant l’offre de « consultations de prévention gratuites en santé physique et mentale aux moments-clés de la vie ». Ce qui est, aujourd’hui, « le plus souvent le fait de mutuelles », indique l’association. Ce qui, ajouterons-nous, tend à démontrer l’utilité de ces dernières (voir plus bas). Est promu, également, le fait de rémunérer les « professionnels de santé au forfait plutôt qu’à l’acte » ; une très vieille idée jamais vraiment mise en application à la suite de l’opposition de nombre de médecins. Il est vrai que France Assos Santé ne le demande que « chaque fois que c’est possible ».

L’égalité

En matière d’égalité, on remarque tout d’abord le retour de l’idée de « grande Sécu », qui semblait plus ou moins abandonnée (voir La Lettre n° 1769 pour l’un des derniers épisodes). En effet, afin d’instaurer « l’égalité des droits », France Assos Santé « défend un régime unique de Sécurité sociale et plus solidaire » qui prendrait « en charge à 100 % toutes les dépenses de santé, sans diminution du panier de soins et avec suppression des dépassements d’honoraires ». L'association constate, tout d’abord, que ce projet « fait débat ». Ce qui est incontestable. Pour autant, France Assos Santé, tout en reconnaissant que « le reste à charge moyen des ménages français est parmi le plus bas d’Europe », juge qu’il existe de très fortes disparités et que « certaines catégories de personnes accusent des restes à charge très élevés (personnes âgées, personnes handicapées, personnes malades chroniques) ». En particulier, le taux de couverture en complémentaire santé ne serait, selon ce document, que de « 88 % pour les populations les moins aisées » (contre 95 % pour la population générale). Bref, France Assos Santé estime que le système actuel est « illisible et inégalitaire ». Pour elle, cependant, l’instauration d’une « grande Sécu » n’aurait de sens que si la possibilité de dépassements d’honoraires des médecins était supprimée et si « un panier de soins digne et innovant » était maintenu. Sans être prophète, on peut supposer que la suppression des dépassements provoquerait une « bronca » du corps médical. Quant au maintien d’un panier de soins remboursé intégralement par la Sécurité sociale, l’histoire montre que cette dernière s’est régulièrement déchargée sur les complémentaires de certaines dépenses. Outre cette idée de « grande Sécu », est proposé, afin de développer l’offre de soins dans des territoires sous-équipés, de créer « de nouveaux lieux de santé pluridisciplinaires ». Ce qui existe depuis assez longtemps, croyons-nous savoir. France Assos Santé réclame, en outre, « une contrainte d’installation [des professionnels de santé] dans les zones sousdotées ». Remarquons que cette idée est, également, assez ancienne. En 2009, Roselyne Bachelot, ministre de la Santé sous Nicolas Sarkozy, s’y était essayée ; sans succès à la suite de l’opposition véhémente d’une grande partie du corps médical. Le sujet revient régulièrement à la surface mais les gouvernements successifs, depuis 2009, se contentent d’incitations. Toujours en matière d’égalité d’accès, outre des moyens supplémentaires donnés à l’hôpital public, le collectif d’associations demande de « favoriser le développement de la fabrication [des médicaments] en France et dans l’Union européenne 1 ».

La fraternité

Dans le dernier chapitre, celui concernant la fraternité, France Assos Santé lance quelques pistes originales, comme la création d’un nouveau métier, celui de « référent parcours » . « Expert des pathologies du patient, ce professionnel de santé serait un facilitateur des parcours de santé complexes et, à ce titre, l’interlocuteur privilégié de tous les intervenants ». Dans le même ordre d’idée, est proposé le principe de « développer l’intervention de patients partenaires auprès des personnes malades dans les services de santé ». En matière de « fraternité entre générations », il faudrait « garantir par un financement solidaire la prise en charge de la limitation d’autonomie ». Il s’agit, en fait, de ce que l’on nomme le 5e risque de la Sécurité sociale, qui reste à développer. Enfin, afin de rapprocher « les populations isolées et/ou démunies » de l’offre de soins, France Assos Santé, demande que des moyens « soient donnés aux collectivités locales pour mettre en place des permanences médicales et/ou des équipes médicales mobiles ». Autre préconisation, celle de « développer les usages du numérique en santé [mais avec] un accompagnement humain [pour ceux qui en sont exclus] ainsi qu’une alternative physique ». Une conclusion s’impose : ces « 20 propositions » (toutes ne sont pas citées ici) vont du « banal » au « déjà essayé sans succès » mais en passant par le « très intéressant » . Il n’en reste pas moins que, ainsi que le dit Gérard Raymond, elles « s’inscrivent dans les valeurs fondamentales de notre société. Valeurs qui unissent et engagent les citoyens pour un système de santé plus solidaire et humaniste ». France Assos Santé espère que les candidats aux présidentielles « sauront s’en inspirer pour faire progresser la démocratie en santé, dans l’intérêt de tous et pour la sauvegarde de notre système de santé ».

Voir les 20 propositions de France Assos Santé sur France-assos-sante.org.

1. Ce sujet a été abordé dans les n° 1745 et 1747 de La Lettre. Les avis « autorisés » (de personnalités de l’ESS) divergent sur l'intérêt d’une telle proposition.

Jacques des Courtils

France Assos Santé

France Assos Santé est une organisation de référence pour représenter et défendre les intérêts des patients et des usagers du système de santé. Sa mission est inscrite dans le Code de la santé publique. Forte d’un maillage territorial de 18 délégations régionales, elle anime un collectif de plus de 80 associations nationales et de plusieurs centaines d’associations régionales qui agissent pour la défense des droits des malades, l’accès aux soins pour tous et la qualité du système de santé.

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