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la presse en a parlé

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Point de côté

Point de côté

Des phrases courtes, qui vont à l’essentiel. Un mal-être tangible.

C’est fort et poignant. la revue des livres pour enfants

C’est un livre qui cogne, qui dérange parfois. Les mots sont justes, pudiques mais implacables. On lit le livre d’une traite, tant le destin de Pierre nous prend à la gorge. Un très bon roman. le télégramme

Un texte sans compromis et finalement plein d’espoir. lecture jeune

Une remarquable réussite littéraire pour ce premier roman qui ne laissera personne indifférent. libbylit

Un premier roman d’une grande sensibilité sur le délicat « temps des possibles ». page des libraires

ROMAN ILLUSTRÉ 8-12 ANS LE CLAN DES CABOSSÉS

TOME 3. DO YOU SPEAK ENGLISH?

Jo Witek, illustré par Walter Glassof

“Faire des bêtises, rigoler ou sauver le monde”, telle est la devise de ce groupe de copains pas comme les autres. Une nouvelle aventure où l’amitié finit par l’emporter.

Alice reçoit sa correspondante anglaise. L’arrivée de Kelly Newton, une insupportable petite princesse super connectée, va sérieusement chambouler les habitudes du Clan des Cabossés. À part Alice, personne ne parle vraiment l’anglais dans la bande. Pourtant, Arthur et Manuel tombent rapidement sous le charme de la jolie Anglaise et même Jessie, si réticente au début, nit par la trouver sympathique. Le comble c’est qu’Alice se retrouve mise à l’écart par ses propres amis. En fait, Kelly se montre odieuse avec elle, joue un double jeu et dupe tout le monde. Pour sauver le clan et continuer à s’amuser, va-t-il falloir se débarrasser de Kelly ? À moins que derrière ses provocations la petite Anglaise ne cache un lourd secret, qui fasse d'elle aussi… une cabossée ?!

POINTS FORTS :

• Un récit rythmé et plein d’humour, au doux parfum des vacances. Un grand bol d’air iodé.

• Une série qui aborde avec légèreté des sujets difficiles comme l’exclusion et le regard des autres, et l’importance d’accepter nos différences.

• Jo Witek est une autrice phare du catalogue d’Actes Sud jeunesse, dont le succès critique et public se confirme titre après titre.

D S 8 Ans

GENRE : Chronique / Tranche de vie, Humour.

THÉMATIQUES : Vacances ; Amitié / Bande ; Correspondant.e / Langue étrangère ; Angleterre.

JO WITEK écrit pour la jeunesse et a reçu de nombreux prix littéraires francophones. Depuis 2012, elle a signé une quinzaine de titres chez Actes Sud jeunesse. Derniers parus : Les Errantes, J’ai 14 ans et ce n’est pas une bonne nouvelle. Elle vit dans le sud de la France, à Pézenas.

qu’elle vienne ici. Elle débarque demain et va gâcher mes vacances. Atterrissage prévu à 15 h 30. J’ai des parents nuls !

Elle s’appelle Kelly Newton. Les trois copains échangèrent un regard d’incompréhension et, dans un même mouvement, se rapprochèrent de leur amie qui s’était mise, comme l’agaçante mouche, à tournoyer autour d’eux dans la pièce.

– C’est pas ma faute. Vraiment. Je ne savais pas. Elle devait venir plus tard à Paris cet hiver. Et la voilà qui arrive. Vous allez me détester. Me laisser. C’est normal. Elle ne fait pas partie du clan. Il va falloir… elle sentit la chaleur d’une main dans la sienne. Arthur avait accouru pour la retenir et il la priait de rester avec eux. Il accusa par ailleurs Jessie d’agir comme une reine justement et en parfaite commandante. bises sur les joues pour dire bonjour et au revoir c’est tellement français ; la mauvaise humeur du serveur au bar de l’aéroport tellement français ; les boulangeries à tous les coins de rue tellement français ; le repas du soir trop riche et long tellement français ! Et au dîner, dès l’arrivée du plateau de fromages, Kelly avait carrément quitté la table sans en demander l’autorisation.

– Stop ! hurla Jessie tout en se plantant devant elle les bras en croix. Calmetoi, ma vieille, ou tu vas faire une crise cardiaque !

– Ici personne n’est le chef ou la cheffe ! lui rappela-t-il. On est un clan démocratique, donc on va voter pour prendre notre décision tous ensemble.

Jessie bouda un peu pour la forme mais nit par se rallier au vote unanime pour l’intégration temporaire de Kelly Newton chez les Cabossés. C’était la seule façon d’aider Alice et de lui permettre de s’amuser un peu, à condition bien sûr que ses parents acceptent qu’elle vienne jouer avec eux. Et pour ça, tous décidèrent d’être sympas avec la correspondante, a n qu’elle se sente bien dans le clan. Pas de vagues. Pas d’embrouilles. C’est ce qui fut décidé.

– Do you speak English ? leur demanda Alice au sourire retrouvé.

– Moi non, répondit sèchement Jessie. Je suis d’accord pour accueillir cette Kelly, mais comptez pas sur moi pour faire des efforts en anglais. Je ne connais que deux mots, de toute façon, et ce sont des insultes, ça ferait mauvais genre !

– Sorry, but I hate smelly cheese1 ! avaitelle lancé dans une grimace théâtrale, avant de ler dans sa chambre en se pinçant le nez.

Alice en fut choquée, mais son père lui rappela qu’il existait pas mal de différences culturelles entre la France et l’Angleterre, dont la cuisine, le rituel des repas et cette façon dans certaines familles anglaises de

1. “Désolée, mais je déteste le fromage qui pue.” poster des ots de SMS sur son téléphone high-tech.

– Donnez-moi ton numéro de phone ! lui demanda-t-elle dans un français approximatif.

– Je n’ai pas de téléphone, sorry, Kelly, no phone, lui précisa Alice, gênée.

Sa réponse eut le mérite d’attirer l’attention de l’Anglaise, mais le regard qu’elle lui lança ne laissait pas de place au doute. Elle la prenait pour une extraterrestre.

– Unbelievable ! jugea-t-elle, les yeux écarquillés.

C’était peut-être “incroyable”, mais c’était la réalité. La sienne en tout cas, alors, pour ne pas passer pour une totale ringarde, Alice choisit de faire porter le chapeau à ses parents. C’était leur faute, après tout, si elle n’avait ni portable ni ordinateur personnel. L’usage des écrans était très réduit chez elle, c’est ce qu’elle expliqua à Kelly.

– Oh, je souis désolée pour vous, compatit la lle, faisant l’effort de s’adresser à elle en français. Tous les parents sont si cruels ici ?

Elle avait l’air touchée et sincère. Alice en pro ta pour se rapprocher et s’asseoir avec elle sur le lit.

– On ne dit pas “cruels”, mais “sévères” et, quand on est jeune, on se tutoie en

Le drapeau britannique ottait à l’arrière de la Jessie’s Rosalie. C’est Arthur qui l’avait chipé sur un navire du port de plaisance, en n, “emprunté”, comme il tentait de l’expliquer à Jessie qui le traitait de voleur.

– Je le rapporterai ce soir à son propriétaire, se défendit-il.

– C’est pas beau de voler.

– Je le remettrai à sa place… il n’y verra que du feu, ce vieux capitaine anglais ! Il ne le sort presque jamais son ra ot et ça fera plaisir à Kelly. approche décontractée. Il s’avança vers Kelly avec un sourire charmeur et effectua devant elle une étrange révérence. Les béquilles en mains, sa posture ressemblait davantage à un départ de ski en haut des pistes qu’à une salutation élégante. d’un roi ?” 38

– Prendre sans demander, c’est voler ! lui cria-t-elle.

– Tu me fais marcher, là ? interrogea Arthur que Jessie commençait sérieusement à agacer.

– Yes ! af rma la petite peste dans un sourire mutin puis, sans transition, elle revint au sujet du jour. Au fait, les gars, vous avez révisé votre English ? Comptez pas sur moi pour vous aider. J’ai fait mon max, là.

– Bbbien… vvvenue, Ke, Ke, Kelly, lui dit-il. Alice pensa à ce moment que tout était chu. Kelly allait fuir à jamais les Cabossés, qui n’avaient rien d’un groupe de rockeurs branchés, mais plutôt d’une bande d’éclopés. Pourtant, contre toute attente, la lle releva le nez de son smartphone et offrit à Manuel un franc sourire.

– Merci, Manou, lui répondit-elle, avant de poursuivre en anglais. You are like the King George the Sixth, he stuttered as well. Have you ever seen that movie, The King’s Speech1 ?

– Elle est partie faire du shopping, je crois, lui répondit Alice, dépitée.

Jessie soupira, Arthur soupira, Alice soupira. Manuel, lui, attrapa ses béquilles avec entrain et leur proposa d’accompagner Kelly jusqu’à la boutique.

– Moi, jjj’ai pas pé… pé, pédalé.

Rrreposez-vous !

Alice lampa goulûment quelques gorgées de grenadine pour se calmer, avant de sauter à son tour de la rosalie et de s’élancer à toute vitesse derrière son copain. Hors de question qu’elle laisse Kelly semer la pagaille dans sa bande. – Je dois la surveiller ! leur hurla-t-elle et, sans autre explication, elle les planta là. Arthur et Jessie échangèrent un bref regard d’incompréhension. Leur copine avait l’air de leur en vouloir alors que, de leur côté, ils avaient l’impression que la visite s’était bien passée. En garant la voiture à pédales, ils se félicitèrent même sur le “super circuit touristique en Jessie’s Rosalie ” qu’ils avaient mis au point pour l’occasion. Ils se voyaient déjà proposer leur visite guidée à l’office du tourisme en échange d’un peu d’argent de poche. En attendant, ils tout à fait différente. On les nommait les “faux amis”. Il ne fallait pas s’y tromper. Et la gentillesse de Kelly envers Manuel, qu’elle appelait Manou, était à son avis exactement la même chose : une fausse amitié ! Une embrouille pour créer des jalousies et une sale ambiance au sein de sa bande. Alice en était persuadée, Kelly se jouait de ses copains et le pire c’était que tous semblaient envoûtés par son charme démoniaque. Alice ne pouvait pas leur en vouloir car après tout c’était elle qui leur avait demandé de bien l’accueillir. D’ailleurs, à peine arrivés dans la boutique, Arthur et Jessie rent leur possible pour faire rire Kelly. Jessie se mit à empiler des dizaines de chapeaux de paille sur sa tête jusqu’à former une tour de Pise qu’elle tenta ensuite de ne pas se faire s’écrouler. Quant à Arthur, il utilisa les deux expressions françaises favorites de Kelly, “j’adore” et “c’est tellement français”, pour commenter toutes les découvertes qu’il faisait dans la boutique, touchant à tout, dépliant les piles de vêtements, se lançant dans une sorte de show digne d’un styliste branché. – J’adore, disait-il, j’adoooore !

Un bon choix, que cette galère pour résumer la journée, pensa Alice. Elle n’était pas du tout en phase avec l’impression générale du groupe sur cette première journée.

– Ça s’est bien passé, lui t remarquer Arthur, alors que Kelly s’était mise à l’écart pour répondre à un appel d’Angleterre.

– Ouais, elle est très sympa pour une Anglaise, jugea Jessie en croquant dans son cornet de glace choco-pistache. Peutêtre même qu’on va bien se marrer avec elle.

– C’est vrai, elle est tttop… Ke, Ke, Kelly ! surenchérit Manuel, absolument conquis.

Alice faillit craquer, pro ter de cet instant de répit pour avouer à ses copains que la lle les avait sans doute manipulés, qu’elle était odieuse avec elle, mais elle s’abstint. À la place, elle leur offrit un frêle sourire.

– Tu es certaine que ça va, Alice ? Tu as l’air bizarre aujourd’hui, lui t quand même remarquer Arthur.

– C’est juste que j’étais stressée par cette première rencontre… Ça va. Merci, vous avez assuré !

Quand Kelly eut terminé son appel téléphonique, elle les rejoignit sur la rosalie. Cette fois, la lle t quand même l’effort de pédaler comme les autres. Elle avait l’air pliaient en quatre pour leur hôte, qui se donnait des allures de princesse. D’ailleurs, lors du dîner, Kelly se t un plaisir de leur raconter que son arrière-grandmère américaine avait été dans sa jeunesse très copine avec la célèbre actrice Grace Kelly, devenue par la suite princesse de Monaco, et que c’était pour cette raison que ses parents l’avaient prénommée Kelly. En général les parents d’Alice n’étaient pas du genre à s’ébahir devant les stars de la royauté ou du show-business, ils préféraient adorer les intellectuels ou les scienti ques, mais pour valoriser la jeune lle, ils ne cessaient de répéter “awesome”, c’est-à-dire “incroyable”, “super”.

“Awesome”, c’est aussi ce que répondit Kelly, quand Jeanne lui demanda comment s’était passée la balade avec les copains de sa lle.

– Awesome ! They’re amazing and funny. “Super, ils sont géniaux et amusants.”

C’est à peu près tout ce qu’Alice saisit de la conversation, parce qu’ensuite Kelly accéléra son débit et l’échange se poursuivit à trois dans un parfait anglais. Alice était complètement larguée et personne ne semblait s’en émouvoir. Ses parents ne se donnaient même plus la peine de lui traduire ce qu’elle ne comprenait pas. En les observant dialoguer librement avec une

– Alice, tu veux que je vous accompagne pour voir si les jeunes sont d’accord pour vous intégrer à la partie ? lui demanda sa mère.

– Non ! hurla-t-elle. C’est bon, maman… J’y vais !

Elle en la son short et quitta à toute vitesse le Coco Beach, laissant Kelly cavaler derrière elle. Elle marcha droit devant sur le sable brûlant, imaginant ce que diraient ses copains s’ils la surprenaient avec Pedro et sa clique. Kelly la poussait à trahir ses amis. Kelly se réjouissait de son malheur. Kelly la toisait avec arrogance, alors Alice osa franchement lui poser la question. Elle voulait en avoir le cœur net.

– Ça va durer longtemps ton petit jeu ?

– As long as it takes!

Alice ne cessait de regarder sa montre. Le temps lait et il ne lui restait que quelques minutes pour convaincre Jessie de l’accompagner au Club de la plage, c’est-à-dire à l’endroit qu’elle détestait le plus au monde. Pas facile. Les mots se coincèrent de nouveau dans son larynx.

– J’ai besoin de toi, Jess, lui dit-elle et… je vais te demander un truc dingue… un super service. Ne hurle pas, mais… voilà, il faut que tu m’accompagnes au Club de la plage.

– Ah non, pas au club des débiles ! hurla

Jessie, avant de baisser d’un ton pour ne pas se faire davantage remarquer. Impossible, ma vieille. J’ai mes limites.

– Je sais que tu détestes Pedro, mais Kelly a fait exprès de me demander de l’accompagner là-bas, juste pour m’embêter, parce qu’elle sait qu’on ne les fréquente pas, justement.

– OK, j’ai compris. Elle veut que tu nous trahisses, c’est ça ? Satanée Anglaise ! persi a Jessie, avant d’accepter de l’aider.

Alice eut envie de lui sauter au cou, de l’embrasser, de la prendre dans ses bras, mais elle se retint. Jessie détestait les effusions de sentiments. Alors elle se contenta d’un sourire de gratitude. Les deux amies dans l’autre camp. Le ballon au second échange alla se perdre hors du terrain. Deux points. La balle de match revint à Kelly, qui de nouveau utilisa son smash puissant et ciblé. Le ballon vint frapper la cheville d’Alice avant de rouler à terre. Trois points, manche et match pour l’équipe de Kelly Newton. La lle poussa des cris de joie sous les applaudissements des autres joueurs. Elle offrit une puissante accolade à Jessie, qui ne put s’empêcher derrière son dos de grimacer. Cela t sourire Alice qui se frottait la cheville. Le ballon avait cogné fort. m’empêche pas de la comprendre. Vous voulez une preuve ?

– Tu as vu comme elle m’a agressée pendant le jeu ? murmura-t-elle à Jessie, venue la rejoindre.

À leurs mines circonspectes, elle comprit qu’ils l’exigeaient. Alors elle la vers La Galère et demanda au serveur du bar-restaurant, un ami de sa mère, s’il pouvait lui prêter son téléphone.

– Cinq minutes, pas plus ! S’il te plaît ! C’est pour épater mes copains, le pria-t-elle.

Amusé, l’homme lui con a son smartphone. Ni une ni deux, Jessie se mit à effectuer sa recherche sur internet. Pour faire plaisir à Manuel, elle choisit de leur montrer la bande-annonce originale du lm sur le roi bègue. Elle tendit le téléphone à Manuel et Arthur, puis ferma les yeux avant de leur demander de lancer la vidéo. Eux pouvaient lire les sous-titres en français, elle n’entendait que les dialogues en anglais et 96 musique techno à te rendre sourd. Pourtant, elle sut réunir son courage et grimper la première dans l’un des véhicules à l’arrêt. Alice et Arthur l’imitèrent, se retrouvant tous les deux dans une voiture rouge. Quant à Manuel, à cause du plâtre et des béquilles, il occupa les deux sièges de la troisième auto. En un clin d’œil, les Cabossés étaient dans la place ! Prêts et excités comme des puces. Seule Jessie se rendit compte que Kelly s’était retrouvée toute seule devant la piste, complètement déboussolée et sourde aux appels tonitruants que crachait le haut-parleur.

– Attention, attention, rejoignez vos voitures, ça va démarrer !

D’un petit signe, elle lui t signe de la rejoindre.

– Merci. Je ne connais pas tout ça ! avoua Kelly en prenant place aux côtés de Jessie.

– C’est parti ! lança l’animateur. Et les voitures démarrèrent pour des tours de pistes avec carambolages. Alice, qui avait pris le volant, se t un plaisir de foncer sur l’auto de Jessie et Kelly. Paf ! Un premier choc qui surprit tout le monde. Alice la timide, qui avait détaché ses cheveux, prenait sa revanche. Dans des cris d’excitation, la course-poursuite commença. Jessie

Elle leur proposa même de leur offrir le tour avec son argent de poche et, sans attendre leur réponse, elle commanda au guichetier les cinq billets. Impossible de faire demi-tour sans perdre la face. Et Jessie, qui avait tant investi pour prouver à Kelly que les Cabossés n’étaient pas des gamins, accepta les billets, qu’elle redistribua aussitôt à ses copains. Il fallait y aller, plus le choix. C’est le cœur au bord de l’explosion et main dans la main qu’Alice et Jessie montèrent dans le premier wagon, suivies du reste de la bande. Le manège démarra dans un silence de plomb. Tous sursautèrent au “Bienvenue dans le train de l’enfer” et au rire sarcastique qui s’ensuivit. Le manège accéléra avant de s’engager dans un tunnel obscur. On entendit des cris de lles et de garçons bientôt recouverts par des bruits 110 sursautèrent de nouveau quand une sonnerie de message retentit sur le téléphone. C’était Kelly qui venait de leur répondre. après tout, ils avaient traversé de sacrées aventures au cours de cette journée. Kelly, en tout cas, fut très touchée par ses mots. Elle se releva pour lui offrir un hug, cette étreinte chaleureuse que les Britanniques comme les Américains préfèrent en général aux bises sur la joue tellement françaises. Une preuve de camaraderie, qu’elle donna ensuite à chacun des membres des Cabossés. Elle termina sa tournée de câlins par Alice, qu’elle serra longtemps dans ses bras. Si longtemps qu’Alice, toute chamboulée, ne put retenir ses larmes et ses excuses. Elle aussi à cause de la décision de ses parents l’avait prise en grippe dès son arrivée à l’aéroport. Et elle s’en voulait à présent. Elles s’en voulaient tellement toutes les deux.

– Qu’est-ce qu’elle dit ? Elle est où ? interrogea Alice qui s’était remise à entortiller son collier autour de son index.

Jessie, sans lui répondre, posta un autre SMS. Il y eut un échange intempestif de messages entre les deux lles avant que leur copine daigne en n leur donner des nouvelles de l’Anglaise.

– Bon, elle nous attend au QG, leur annonça-t-elle.

– Dans notre QG ? s’étonna Alice. Comment elle l’a trouvé ? Juré que je ne lui en ai jamais parlé !

– Elle n’était pas loin de l’ancienne boutique de souvenirs, je l’ai guidée, leur expliqua Jessie calmement.

– Mais le QG est notre lieu secret ! s’offusqua Arthur. On s’était juré que seuls les Cabossés pouvaient y mettre les pieds.

– Je sais, les amis, mais elle n’avait pas l’air bien. Elle a dit qu’elle avait peur, qu’elle ne savait pas où aller. Elle m’a demandé de l’aide. Sa réponse était… comme un SOS.

– C’est la joie ici ! lança Jessie, elle aussi très émue.

– Pas besoin, jugea Jessie, avec tous les déménagements qu’elle a connus, c’est clair qu’elle est une cabossée !

– Ma problème ? poursuivit Kelly qui tenait à respecter les règles. Ma problème, c’est que… je ne parle pas bien ta langue : le français !

Kelly avait de l’humour en plus ! En n ils la découvraient, en n ils l’acceptaient parmi eux les bras ouverts. La cérémonie d’intronisation de Kelly Newton en véritable cabossée pouvait commencer. Alice emprunta une des béquilles de Manuel pour adouber Kelly tel un chevalier. Jessie fut en charge de la traduction du cérémonial et tous proposèrent à Manuel de s’occuper du discours. Une première fois pour lui. Un grand honneur que lui faisaient les Cabossés. Une chance, pensa-t-il, une opportunité que lui offraient ses copains. Avec eux, rien à prouver, il se sentait bien et c’est en pensant au roi George VI qu’il se lança après une grande inspiration. de temps. Sur ces sérieuses considérations, la bande quitta l’ancienne boutique de souvenirs à toute vitesse et le cœur léger, ce qui en anglais se dit : light hearted. De belles journées de camaraderie attendaient les membres du désormais Clan international des Cabossés, et tous comptaient bien en pro ter.

– Kkke… Kelly Newton, tu fais désormais pa, pa, partie du Clan des Cabossés. Notre devise : Faire des bêtises, rigoler ou sauver le monde. Bienvenue !

Tome 1 Tome 2

Juin 2023 • 1er OFFICE

Roman illustré 8-12 ans dès 8 ans

• 144 pages • Ill. intérieures noir et blanc

• format : 14 x 20 cm • broché •

ROMAN ILLUSTRÉ 8-12 ANS LE CLAN DES CABOSSÉS

TOME 1. PETITE PESTE

Jo Witek, illustré par Walter Glassof

Le clan des cabossés : une bande irrésistible de quatre gamins un peu spéciaux, ou comment l'amitié rend plus fort !

Tous pour un, un pour tous !

Jessie n’est pas le genre de lle à s’embarrasser de formules de politesse. Elle est irrévérencieuse, insupportable, bref une vraie peste˙! Il faut bien admettre qu’elle voit souvent clair dans le jeu des autres, mais les vérités toutes crues balancées en pleine gure, les gens n’aiment pas ça. Pourtant, cet été-là, à Valras-Plage, Jessie arrive à se constituer une petite bande d’amis, tous attirés par son culot, sa franchise et son espièglerie. C’est Le Clan des Cabossés, dont le quartier général est une ancienne boutique de souvenirs, point de départ de leurs folles virées à bord d’un quadricyle à pédales, la fameuse rosalie des plages. Leur amitié de plus en plus forte permet à Jessie de dévoiler le douloureux secret qu’elle cache derrière ses provocations.

POINTS FORTS :

• Nouveau format semi-poche, récit court et enlevé aux accents humoristiques (mais pas que) et des illustrations intérieures : voici le premier tome d’une nouvelle série pour les 8-12 ans signée Jo Witek.

• Un récit rythmé et plein d’humour, au doux parfum des vacances.

• Une maquette aérée, avec un soin apporté à la lisibilité, et le support d’illustrations au trait vif.

• Un roman qui aborde de manière originale l’acceptation des différences, l’amitié solidaire.

D S 8 Ans

GENRE : Chronique / Tranche de vie, Humour.

THÉMATIQUES : Vacances ; Amitié / Bande ; Différences ; Humour.

JO WITEK écrit pour la jeunesse et a reçu de nombreux prix littéraires francophones. Depuis 2012, elle a signé une quinzaine de titres chez Actes Sud jeunesse. Derniers parus : Les Errantes, J’ai 14 ans et ce n’est pas une bonne nouvelle. Elle vit dans le sud de la France, à Pézenas.

Tome 2

La Presse A Aim

• “De courts romans à l’écriture vive et rythmée dans lesquels Jo Witek fait alterner humour et émotion tout en instillant une ré exion sur la di culté de grandir lorsqu’on se sent di érent, et cela sans jamais tomber dans le travers d’une démonstration trop appuyée.

Elle décrit avec jusstesse la di culté qu’éprouve un enfant à exprimer ses sentiments face au groupe, di culté qui le pousse parfois à endosser un rôle pour mieux s’intégrer. Ce clan des cabossés mérite lui aussi de faire mouche. Une lecture de vacances à conseiller aux enfants pour les inviter, à la rentrée, à voir au-delà des apparences pour mieux accepter l’autre.”

La Croix, le choix du magazine Maxi J’Aime Lire

• “Le scénario est malin, certains détails sont vraiment croustillants, et Jo Witek aborde avec aplomb la di cutlté de sroire en soi. Humour et intertinence délicieuse.”

LIRE

• “Touchant et drôle à la fois, ce roman illustré est parfait pour les vacances !”

Mordelire

ROMAN ILLUSTRÉ 8-12 ANS LE CLAN DES CABOSSÉS

TOME 2. RANGE TA PLAGE !

Jo Witek, illustré par Walter Glassof

“Faire des bêtises, rigoler ou sauver le monde”, telle est la devise d’un clan pas comme les autres. On a tous en nous quelque chose de cabossé !

Deuxième aventure du Clan des Cabossés où, cette fois, c’est Arthur qui prend les commandes. Il entraîne ses amis dans une manifestation sauvage sur la plage, avec mégaphone et banderoles, pour dire non à la pollution.

Arthur n’est peut-être pas très beau, mais il est super écolo. S’il a pris l’habitude qu’on le critique pour sa drôle de tête, en revanche il ne supporte pas qu’on se moque de la planète. Aussi, quand il va s’apercevoir de l’état de la plage, envahie de bouteilles vides, de papiers gras, de bâtons de glaces et de mégots de cigarettes, il va pousser un cri. D’habitude, il n’est pas du genre à s’énerver, Arthur, mais trop c’est trop. Si les adultes ne respectent pas la nature, pourquoi faudrait-il les respecter ? Pour préserver la mer et la biodiversité des plages, le Clan des Cabossés va chambouler la vie tranquille des vacanciers. Gare aux pollueurs. “Cabossés, plancton, moules et thon : même combat ! Un pour tous et tous pour la planète !” est le cri de ralliement de cette petite révolution verte.

POINTS FORTS :

• Un récit rythmé et plein d’humour, au doux parfum des vacances.

• Un message écologique en phase avec les préoccupations de la jeunesse, leur désir de s’engager dans des actions concrètes.

D S 8 Ans

GENRE : Chronique / Tranche de vie, Humour.

THÉMATIQUES : Vacances ; Amitié / Bande ; Pollution / Protection de l’environnement ; Révolte.

JO WITEK écrit pour la jeunesse et a reçu de nombreux prix littéraires francophones. Depuis 2012, elle a signé une quinzaine de titres chez Actes Sud jeunesse. Derniers parus : Les Errantes, J’ai 14 ans et ce n’est pas une bonne nouvelle. Elle vit dans le sud de la France, à Pézenas.

Tome 1 Tome 3

La Presse A Aim

• “De courts romans à l’écriture vive et rythmée dans lesquels Jo Witek fait alterner humour et émotion tout en instillant une réflexion sur la difficulté de grandir lorsqu’on se sent différent, et cela sans jamais tomber dans le travers d’une démonstration trop appuyée. Elle décrit avec jusstesse la difficulté qu’éprouve un enfant à exprimer ses sentiments face au groupe, difficulté qui le pousse parfois à endosser un rôle pour mieux s’intégrer. Ce clan des cabossés mérite lui aussi de faire mouche. Une lecture de vacances à conseiller aux enfants pour les inviter, à la rentrée, à voir au-delà des apparences pour mieux accepter l’autre.”

La Croix, le choix du magazine Maxi J’Aime Lire

• “Le scénario est malin, certains détails sont vraiment croustillants, et Jo Witek aborde avec aplomb la difficutlté de sroire en soi. Humour et intertinence délicieuse.”

LIRE

• “Touchant et drôle à la fois, ce roman illustré est parfait pour les vacances !”

Mordelire

ROMAN ILLUSTRÉ 8-12 ANS COMMENT J’AI SURVÉCU À LA SIXIÈME

Marion Achard, illustré par Bruno Salamone

Entrer au collège, c’est une sacrée étape ! Taloula confie à son journal intime ses difficultés et ses joies. Un roman humoristique qui dédramatise ce passage tant redouté de l’école primaire vers le collège.

Pour Taloula, la sixième c’est nul ! Les profs sont nuls, l’emploi du temps est nul. Et puis sa meilleure amie n’est pas dans sa classe. Pire, on l’a placée à côté de Jean, un clone de son insupportable frère, qui copie sur elle. Sans parler de l’apprentissage de la gestion d’un cahier de textes, ou l’appréhension de ce travail pour la classe : créer un journal télévisé. Taloula réfléchit à plusieurs idées et finit par se décider pour un tour de magie. Sous forme d’un journal de bord, le récit du premier trimestre en sixième d’une toute jeune collégienne (elle a un an d’avance !) décrit avec humour ses rapports familiaux, ses changements d’humeur et ses premiers émois amoureux.

POINTS FORTS :

• Un texte vif, plein d’humour, pour dédramatiser l’entrée au collège.

• Le dernier opus des confidences désopilantes de Taloula – une fillette studieuse qui manie l’ironie à la perfection ! – dans une nouvelle édition totalement illustrée par Bruno Salamone.

• Plus 9 000 ex. vendus de la première édition.

D S 8 Ans

GENRE : Journal intime ; Humour.

THÉMATIQUES : Collège / Rentrée ; Journal intime ; Amitié ; Animal ; Magie.

Artiste de cirque, MARION ACHARD crée et joue ses spectacles – en France et à l’étranger – avec sa compagnie, Tour de Cirque. Depuis 2012, aux éditions Actes Sud jeunesse, elle a publié les aventures du personnage de Taloula, Un chat en travers de la gorge (collection “Lecture Solo”) et deux autres romans pour les 8-12 ans – Tumee, l’enfant élastique et Trop de chefs, pas assez d'indiens.

BRUNO SALAMONE est l’illustrateur de la série d’albums à succès Le Monstre du placard et des deux tomes de la BD Simon Portepoisse, tous écrits par Antoine Dole.

Une rentrée des classes, ça reste une rentrée des classes. Rien d’extraordinaire. En tout cas, rien à voir avec l’enfer dont m’a menacée mon frère Lucas tout l’été. Encore ce matin au petit déjeuner, il m’a dit que j’étais bien trop jeune, spéciale, et mal adaptée pour m’intégrer. Alors que pas du tout ! Tout va bien ! Et pour le moment, je ne déplore qu’un seul problème qui n’a rien à voir avec les bâtiments, les élèves, les couloirs, les étages, les professeurs survitaminés ou renfrognés.

Non. C’est juste que mon amie Adèle n’est pas dans ma classe. Sauf en cours d’allemand.

Je suis donc dans une sixième où je ne connais personne. Et, comble de malheur, notre professeur principal a établi un plan de classe qui nous fait nous asseoir par ordre alphabétique. Je suis tombée sur Jean. 8

– Alors quoi ? j’ai bougonné.

Ils ont échangé un regard soucieux et préoccupé.

Je me suis assise et mamie a rempli ma tasse. Puis elle m’a dit :

– Ma chérie, je te rassure, on est tous passés par là…

Et là, d’une voix grave, ils se sont mis à parler.

Papa m’a raconté sa délicate entrée en sixième (au siècle dernier !). Maman m’a raconté ses délicates entrées en sixième (elle en a fait deux). Même mamie m’a raconté son entrée en sixième.

Et je t’assure qu’ils ont tous bien galéré…

Quand ils se sont tus, ils se sont tous les trois tournés vers moi. Ils avaient l’air de croire qu’à mon tour, j’allais leur raconter en détail les turpitudes de ma journée !

Pour couper court à leurs attentes, je me suis levée et j’ai déclaré :

– Moi ? Mes profs sont nuls, mon emploi du temps est nul, mes copines sont débiles. Mais sinon, ne vous inquiétez pas, ça va.

Et avant que maman ne me demande de mettre les tasses au lave-vaisselle, je les ai plantés là.

À chaque fois qu’on se retrouve, on soupire :

– Ils sont trop mignons !

Ce matin, quand on est reparties, Adèle m’a dit :

– J’ai compris comment il faut faire au collège.

Elle a pointé ses deux doigts devant son nez et a plissé les yeux :

– Tu ne dis rien, et tu observes…

Après ça, elle a déplacé son doigt vers sa bouche comme pour faire “chut”.

– Le silence est ta meilleure arme pour ton intégration chez les adolescents. On a donc parcouru le reste du chemin en silence, et en examinant minutieusement la démarche des élèves qui arrivaient devant la grille. On a quand même légèrement baissé la tête quand on est passées devant le groupe des troisièmes.

Les autres moments que je passe avec Adèle, c’est pendant les cours d’allemand. Trois heures par semaine d’extrême félicité parce que la prof nous a laissées nous mettre à côté. Devant, parce qu’Adèle a des lunettes, mais à côté.

Le reste du temps, j’ai droit à Jean. Hier, à l’intercours, il est venu poser son cartable près du mien. Il a regardé

– Achète-le ! Apprivoise-le, invente un numéro avec lui qui rendra tes parents fiers de toi !

J’ai marmonné :

– Trop cher. Trop de risques. Elle a lu l’étiquette :

– Quatre-vingt-dix-neuf euros. Je peux toujours regarder ce qu’il me reste comme argent de poche.

– Laisse tomber, j’ai dit en repartant, je ne pourrai jamais te rembourser.

De toute façon, depuis le drame de cet été et la mort de mon chat*, toute ma volonté est mobilisée sur un principe : je refuse de m’attacher à qui que ce soit.

Bon, là, je ne sais pas si je flanche, j’ai comme un doute, parce que depuis que

J’ai tenté une version de mon journal télévisé en optant pour le sujet le plus neutre possible. Je me suis installée à mon bureau dans ma chambre, en face du grand miroir, et j’ai imité la speakerine. Ça a donné quelque chose comme ça :

– Chères téléspectatrices, chers téléspectateurs, bonjour. Nous ne nous rendons pas compte à quel point la spatule est un instrument indispensable à la cuisine gastronomique. Il existe d’ailleurs plusieurs sortes de spatules (là, je les ai montrées au fur et à mesure) : la petite, la grande, la plate, la ronde, celle à trou unique, ou encore la multi-trous. C’est pourquoi, pour leur faire honneur, le 10 octobre vient d’être déclaré “Journée nationale de la spatule”. Après ça, même le miroir faisait la tête. Heureusement, j’ai jusqu’à la fin des vacances de Noël pour trouver mon idée et la préparer.

Du coup, j’ai fait comme la professeur de français nous avait conseillé : je suis partie demander conseil autour de moi. J’ai commencé en allant voir ma mère.

– Est-ce que tu aurais une information intéressante à me donner ?

– Oui, le lave-vaisselle a fini de tourner et c’est à ton tour de le vider. 33

– Grande nouvelle, Taloula ! J’ai vérifié et ton père ne craint rien : il n’existe aucune allergie aux écureuils de Corée. Ils peuvent donner des maladies comme la maladie de Lyme, mais je te le garantis : aucun risque d’allergie !

Elle a martelé les derniers mots.

– Cool, j’ai répondu d’un air maussade.

Elle ne s’est pas laissée déstabiliser par mon humeur et a marché à mes côtés jusqu’au bâtiment B.

– J’ai ça, aussi.

Elle a ouvert sa main.

– Sept euros !

Là, j’ai quand même un peu tiqué :

– C’est tout ?

Elle a remis ses sous dans sa poche :

– Disons que j’ai fait quelques dépenses inconsidérées ces derniers temps…

Elle m’a regardée et a pointé son doigt vers ses lunettes.

– T’as acheté des lentilles ?

– Mais non, regarde bien. J’ai regardé à travers ses verres épais.

Elle a précisé : – J’ai mis du mascara. C’est joli, non ?

Je ne lui ai pas dit que non, on ne voyait rien. Et je me suis retenue de lui dire qu’acheter du mascara, ce n’était pas inconsidéré mais ridicule. Comme Maman me dit toujours que si on veut garder ses amis, il faut savoir les épargner, j’ai bougonné :

– Tu quoi ? s’est étouffé papa.

– Je cache. Il est devenu tout pâle.

– Tu caches ? Mais tu caches comment ?

J’ai montré avec mon bras le mouvement que je faisais en cours, pour que mon coude devienne un rempart.

– Et puis parfois aussi, je mets ma trousse. Et des stylos. Je les pose sur les lignes que je viens d’écrire.

Il y a eu un long silence glacial, puis maman a bafouillé :

– Mais c’est… mais c’est affreux !

Ce n’est pas exactement le mot que j’aurais employé. Pourtant, c’est bien cette idée-là qui était affichée sur leur visage à tous les trois.

Maman s’est indignée : protocolaire, j’ai pris une grande inspiration avant d’annoncer en écartant les bras :

– Mais moi, si personne ne m’avait laissée copier, je ne serais jamais passée en cinquième !

– Ça s’appelle le “thermomètre de la frustration”. Ça permet à certaines personnes… celles, par exemple qui ont du mal à exprimer leurs émotions, de communiquer plus facilement.

Ils n’ont pas cillé. Je pense qu’ils n’ont pas compris.

– Démonstration !

Je me suis avancée vers le mur et j’ai glissé le petit curseur qui était sur le vert clair jusqu’au rouge foncé.

– Dans le cas présent, vous pouvez comprendre – sans que j’aie besoin de le dire – que ma frustration est TRÈS importante ! Si le vert symbolise un état de paix intérieure, le rouge, lui, représente une grande frustration. À ce stade, vous pouvez donc saisir que je suis dans un état de crise absolue. C’est un peu comme un ÉNORME bouillonnement intérieur, une sorte d’épouvantable cataclysme, un…

– Taloula, m’a coupée maman, je crois qu’on a compris.

J’ai poussé un soupir de soulagement :

– Très bien, je préfère vous le montrer car je n’arrive pas à l’exprimer.

Dans ma chambre, elle a sorti de son cartable une feuille qu’elle m’a tendue.

C’était écrit en lettres épaisses :“Pétition. Sauvez les dauphins, ne mangez plus de thon.”

Et en dessous : “La pêche au gros assassine les mammifères marins.”

Je l’ai regardée, atterrée :

– Alors là, même pas en rêve, le dauphin.

Où est-ce que tu veux que je le mette ?

Elle a levé les yeux au ciel. Comme c’est mon amie, je me suis retenue de lui dire que c’était malpoli de le faire devant les gens.

– T’as rien compris. Je t’ai dit que j’allais t’aider à trouver de l’argent pour acheter ton écureuil. Alors on va faire des photocopies de la pétition et samedi, on ira au marché de Noël. Quand les passants la signeront, on demandera en même temps une petite pièce pour sauver les dauphins. J’ai dû prendre l’air ahuri parce qu’elle a encore précisé, cette fois en chuchotant :

– Mais on gardera l’argent pour acheter ton écureuil !

J’ai sursauté :

– T’es dingue !

– T’as une autre idée ?

J’ai secoué la tête deux fois plus fort que d’habitude pour signaler que non, c’était

En rentrant, Adèle était hyper enthousiaste :

– Encore six samedis et nous avons ce qu’il te faut !

Six samedis, c’est juste impossible ! Je présente mon journal télévisé devant la classe juste après les vacances de Noël. Il faut que je réfléchisse à une autre idée.

Samedi 5 décembre Cher journal, Pas facile de gagner de l’argent ! Cette semaine, j’ai proposé à la voisine de sortir son chien, à maman de faire ses courses, à mamie d’emballer ses cadeaux de Noël… Tout le monde m’a dit non (sauf maman qui m’a dit oui, mais qui ne m’a pas donnée de sous, il paraît qu’on s’est mal comprises…).

Heureusement, papa a bien voulu que je lave le camion mercredi et il m’a donné cinq euros. Adèle a eu ses deux euros d’argent de poche.

Bon, comme tu peux le constater, c’est pas la panacée.

Ce matin, comme c’est samedi, nous sommes retournées au marché, avec notre pétition et notre plus beau sourire. Et je suis tombée nez à nez avec, devine qui ? Jean.

Il a regardé mes papiers et m’a demandé :

– Tu fais quoi ?

Et là, je ne sais pourquoi, je lui ai tout raconté :

– J’ai eu un coup de foudre pour un écureuil. Le pauvre, il était tout seul dans une toute petite cage. Je l’ai vu à travers la vitrine du magasin, et là, t’imagines même pas, quand il a levé ses yeux vers moi, mon cœur est tombé par terre. Depuis, je cherche de l’argent pour le sauver.

Jean m’a regardée bizarrement puis il s’est baissé pour prendre quelque chose sur le sol. Quand il m’a tendu ses mains, il n’y avait rien dedans. Il m’a juste dit :

– Ton cœur était à tes pieds, a-t-il dit, permets-moi de le ramasser.

Un peu plus tard, quand j’ai raconté ça discrètement à Adèle, elle a éclaté de rire et elle a déclaré :

– C’est pourri !

Elle m’a aidée à bricoler une pochette secrète, et ensuite on a répété le mouvement une bonne partie de l’après-midi. Il faut retourner le chapeau pour que son bord crochète une petite barre métallique qui fait basculer la pochette, qui tombe discrètement dans le creux du chapeau. Le tout sans regarder et en ayant l’air détendue. C’est assez technique, mais avec un peu d’entraînement, l’effet est garanti.

Ensuite, maman m’a expliquée :

– Le plus surprenant pour un spectateur, c’est de faire une apparition juste après une disparition. Ça s’appelle une “transformation”.

– Deux fois plus d’effets, deux fois plus de succès ! a confirmé papa qui passait par là.

J’ai donc décidé que j’allais transformer une pièce de monnaie en un écureuil.

Maman m’a montrée comment faire disparaître une pièce avec un lapping.

C’est tout simple. Il suffit de pousser la pièce et de la faire tomber sur mes genoux. Ce qui est super dur en revanche, c’est de détourner l’attention du public, parce qu’il faut obliger le spectateur à regarder autre chose, sinon il voit le truc. Tu

Il m’a montré son bulletin avec un sourire bienheureux.

Adèle, elle, a eu à peine la moyenne. La pauvre, elle n’est plus à côté de moi. Sauf en allemand où elle a eu 15 !

Samedi 19 décembre

Cher journal, Aujourd’hui, c’était notre dernier jour au marché de Noël et par conséquent notre dernier espoir de récoler ce qu’il nous manque. Ça devient de plus en plus difficile car, au fil des semaines, les gens nous reconnaissent et nous disent “non, non…” de loin avec la main. On est allées de l’autre côté des halles pour trouver de nouveaux passants. Jean est arrivé avec un bonnet de père Noël rouge. Il crie “Joyeux Noël” à tout bout quatre-vingt-huit pièces de cinquante centimes, quatre-vingt-cinq de vingt centimes, quatorze de un euro, les neuf euros d’Adèle, les cinq de mon lavage de camion et les dix du bulletin de Jean.

On a tout recompté plusieurs fois parce qu’il manquait toujours quelque chose et je voyais bien que le vendeur était agacé, mais au final, on avait bien les quatrevingt-dix-neuf euros.

Il est donc allé chercher la cage et il nous a donné quelques conseils pour apprivoiser l’animal. On l’a écouté comme s’il était un dieu vivant et ça a dû lui plaire, car il nous a beaucoup parlé.

– Vous le laissez trois jours dans le noir avec un tissu sur sa cage et de la nourriture. Puis vous enlevez le tissu et, pendant trois jours, vous allez le voir pour lui donner à manger. Il ne doit voir que vous. Ensuite, vous ouvrez la cage et, doucement, vous mettez votre main dedans. Il va s’habituer. Et un jour, vous verrez, il dormira sur votre épaule. Je ne sais pas si j’ai déjà autant souri de ma vie. Sur le chemin du retour, Jean a

J’ai commencé :

– Chères téléspectatrices, chers téléspectateurs, Depuis plusieurs siècles, les magiciens enchantent le monde. Des bonimenteurs des marchés d’autrefois, en passant par la magie classique à la magie contemporaine, les artistes ne cessent de nous esbaudir. Nous avons aujourd’hui le plaisir d’accueillir sur notre plateau la plus jeune prestidigitatrice du monde, Taloula !

Là, j’ai plongé sous la table pour m’attacher les cheveux et enlever ma veste de présentatrice. Maman dit qu’il faut des manches courtes pour faire de la magie, sinon tout le monde pense toujours que tout est caché dedans.

Lorsque je suis ressortie, papa, maman, mamie et Victor ont applaudi. 80

– On n’applaudit pas à la télé, j’ai rappelé gentiment.

– Ouais, mais on parle pas non plus aux téléspectateurs, m’a rétorqué Lucas.

Je n’ai pas répondu et je me suis assise pour faire mon lapping. Succès. Même Lucas a levé un sourcil impressionné.

J’ai fait apparaître la cage derrière le carré de soie noire.

Et là, clou de mon spectacle et de mon journal télévisé, j’ai retiré le drap, j’ai ouvert la cage et j’ai mis ma main dedans.

Mon écureuil était en boule au fond de sa cage, il remuait son nez.

Quand il a levé le museau vers moi, j’ai fait : “Ti ti ti.”

Il s’est approché et là… Ahhhhh…

Il m’a sauté dessus ! Il m’a mordu le doigt et, dans la panique, j’ai brusquement retiré ma main de la cage. Il en a profité pour bondir sur ma nappe de magicienne. Je me suis jetée sur lui, ce qui a eu pour effet de faire tomber la pièce qui était sur mes genoux. Il a fait un saut, une esquive, un autre saut pour atterrir sur le rebord de la fenêtre !

Tout le monde s’est levé, mais c’était trop tard, il s’était faufilé par l’embrasure et, complètement affolé, il s’est jeté du premier étage pour atterrir sur le toit d’une voiture.

Papa a ouvert en grand la fenêtre et on s’est tous penchés. L’écureuil s’est élancé sur la route.

– Attention ! on a hurlé.

Et là, l’animal a fait un bond, deux bonds, il a échappé de justesse à une voiture alors qu’on poussait tous un cri. Il s’est perché sur le capot d’une camionnette à l’arrêt, puis il s’est jeté sur l’arbre qui pousse maladivement sur le trottoir. J’avais les mains agrippées au bord de la fenêtre. Mon père était figé dans une drôle de position avec la bouche ouverte. Plus personne ne bougeait. L’écureuil a escaladé le tronc. Il s’est retourné pour nous regarder et il a disparu dans les feuillages. La tension dans la maison s’est relâchée d’un coup. Il y a eu un long… très long moment de silence.

Les épaules de Victor se sont affaissées.

– Bon…

Il s’est raclé la gorge comme s’il cherchait quelque chose à dire.

– Je suppose que nous allons y aller ?

Il a jeté un petit coup d’œil ennuyé à Adèle qui est partie chercher son manteau, la tête basse.

Lucas a ramassé la pièce qui était tombée sur le tapis :

– Je peux la garder ?

J’ai même pas eu le courage de m’énerver.

– En tout cas, a-t-il repris, j’ai adoré le finale ! Et il a éclaté de rire.

Plus tard

Tu sais ce qu’il a osé dire ce soir, mon crétin de frère ?

Alors que je passais dans la salle pour aller aux toilettes en essayant d’être transparente, il m’a apostrophé et m’a désigné le mur sur lequel ma flèche était punaisée :

– Ce n’est pas le thermomètre de la frustration que tu aurais dû inventer, mais le thermomètre de l’humiliation ! Là, tu aurais atteint des sommets !

Et il a tellement rigolé qu’il est tombé du canapé.

Yohenn a rejoint la petite estrade et, profitant du brouhaha, Jean m’a soufflé, un peu affolé :

– Je l’ai mis dans une boîte en carton.

Mais je crois qu’il est en train de la grignoter…

Comme je n’ai pas compris, je me suis penchée pour ouvrir son sac. Et là, j’ai vu un énorme museau blanc, avec de longues moustaches et deux yeux rouges dépassant d’un carton à moitié rongé.

J’ai fait un bond en arrière et j’ai hurlé en chuchotant :

– Mais c’est quoi, ce truc ?

– Mon cadeau de Noël : un rat albinos.

Il s’est tourné vers moi, ravi : je te le donne si j’ai les félicitations au deuxième trimestre.

J’ai jeté un nouveau coup d’œil à l’animal pour bien considérer la question. Il me regardait avec ses gros yeux rouges très mignons, et je voyais sa peau se plisser sous sa fourrure rase.

J’ai eu envie de le caresser. J’ai regardé Jean. Et pour la deuxième fois de l’année, mon cœur est tombé par terre.

– Tu les auras tes félicitations, j’ai garanti.

– Alors t’auras ton rat, m’a-t-il promis. Et on s’est sourit.

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