SONS
LE SAULE — : www.lesaule.fr —
OFF
Gaspar Claus et Marion Cousin
Une
des clés de compréhension du Saule, label et boisée oisellerie de chanteurs voyageurs qui glane un public grandissant dans les marges de la chanson d’ici, se niche peut-être dans cette réflexion du musicien Jean-Daniel Botta : « Le Saule est l’arbre le plus identifiable qui soit, tout comme la chanson est la forme musicale la plus reconnaissable entre toutes. De l’arbre inconsolable nous ne gardons qu’un petit bout de bois tendre pour faire un sifflet comme le faisaient les enfants autrefois. » Ce petit appeau fédérateur réunit notamment Léonore Boulanger, June & Jim, Borja Flames, Antoine Loyer, Philippe Crab ou Aurélien Merle, dans cette façon de ne prendre d’un grand arbre – une chanson folk francophone et lettrée, d’Areski et Brigitte Fontaine à Dick Annegarn, ou, plus près de nous, d’Arlt à Bertrand Belin – que l’essentiel, ou peu de mots, quitte à bégayer sa langue natale et à s’en inventer une propre, mineure mais pas moins précieuse, dans celle commune, majeure, maternelle… « Produire, c’est réduire », dit
SI TON ALBUM ÉTAIT UN FILM ? « Ce serait, pourquoi pas, La Vie d’Adèle. Chapitres 1 et 2, mais dans son titre anglais, Blue Is the Warmest Colour, notamment pour le vertige d’Adèle en fin d’adolescence, le désir illimité et sans nom qui finit toujours par buter sur le réel. Sur Fructidor, certaines chansons remuent
Léonore Boulanger, qui sort cet été Feigen Feigen, une collection de chansons joueuses et joyeuses, devinettes, énigmes, histoires à compléter ou à colorier, où l’essentiel se cache parfois dans des silences mallarméens ou des bégaiements troublés. Dans bégayer, il y a égayer, et ces « exercices de joie » sont aussi logiciens et merveilleux que les miniatures précises et virtuoses de son alter ego d’écriture, Jean-Daniel Botta (Dévotion pour la petite chameau), ou que la traversée du miroir de Philippe Crab dans Fructidor. Soit Marcel Proust, Virginia Woolf ou Lewis Carroll « épiphanisant » Frank Zappa, Ornette Coleman et Robert Wyatt, chantés en « idiolectes » aussi savants que débridés mariant français, allemand, anglais, espagnol et occitan. Car Le Saule est babélien, et on citera comme dernier fruit Jo Estava Que M’Abrasava, chants traditionnels de Minorque et Majorque, collaboration entre Marion Cousin (June & Jim) et le violoncelliste Gaspar Claus, en catalan tournoyant, ondes profondes, et sans doute langue des oiseaux. • WILFRIED PARIS
à leur façon ces choses intenses, enchevêtrées, impossibles. Il faudrait peut-être rajouter l’inquiétante (et drôle) étrangeté de Blue Velvet, les moments limite où sens et sensation se défont, se liquéfient. David Lynch et Abdellatif Kéchiche ; quelque chose de bleu, en tout cas. » • PHILIPPE CRAB (FRUCTIDOR / LE SAULE)
102