FOI 65 - Edition spéciale COVID19

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Covid 19

Un temps d’épreuve Un temps de choix

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3 éditorial 4 dossier :

Un temps d’épreuve Un temps de choix

6 choisir dans l’épreuve 6 ∙ Seigneur, unifie mon cœur !, E. Kiledjian 8 ∙ « Ma grâce te suffit, ma puissance donne toute sa mesure dans

la faiblesse » (1Co 12, 9), Sr B. Gaber 9 ∙ Tout a changé. Rien n'a changé, N. Weis 10 ∙ Confinement, ou la fraternité impromptue, J. De Laguierce 12 ∙ "Go deeper and rise higher", Sr Nolwenn Masson 14 ∙ « Vous puiserez de l’eau avec joie aux sources du salut ! » (Isaïe 12), A. Ruff 14 ∙ Une nourriture pour l’âme, M. Sassine 15 ∙ Un joyeux challenge, Sr C. Carré 16 ∙ Un temps pascal auréolé d’un magnifique arc-en- ciel, P. Rivet 17 ∙ « En communion … chacun chez soi ! , Sr M-L. Guillauton 18 ∙ Une communion mystérieuse, mais réelle !

20 prière 22 pour le monde d'après, faire des choix 23 ∙ Le maître de l'impossible, P. F. Michon 26 ∙ Le confinement, une opportunité pour le créé?, M. Kopp 28 ∙ Le Covid, ou l’invention d’un autre universel, É. Baudet 31 ∙ Aux confinés de la terre !, T. de Montclos 32 ∙ Une crise mondiale peut-elle semer de l'espoir?, H. van Meijl 35 ∙ Quelle solidarité pour construire « l’après » Covid-19 ?, P. & F. Leturcq 38 ∙ Vers un nouveau rapport à la formation ?!, Sr. E. Sogbou 39 ∙ Comme une arche de Noé !, D. Fossier

La revue FOI (Fraternité œcuménique Internationale) est publiée par la Communauté du Chemin Neuf - 10 rue Henri IV - 69287 Lyon cedex 02

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directeur de la publication : P. François Michon, directeur délégué : Jean-Charles Paté, rédactrice en chef : Pascale Paté, comité de rédaction : Prisca Horesny, Kinga Lakatos, Paulina Pasternak, P. Gabriel Roussineau, Estelle Sogbou, Guillaume Viennot crédit photos : fotolia.com, unsplash, ccn couverture : Etienne Lachand abonnement : Véronique Piton, gestion-administration : ACN, maquette : Paolo Fausone, réalisation pao : Stanisław Jamróz, impression : Imprimerie Chaix Dépôt légal : décembre 2017, CPPAP : 0320 G 833338, ISSN : 1770-5436


éditorial

Accueillir la force de la vie dans l'Esprit Saint Père François Michon Berger de la Communauté du Chemin Neuf

Nous déconfiner pour vivre quoi ? pour quoi faire ? Notre société qui était à l’arrêt se doit de redémarrer et nous percevons bien ce kaïros devant lequel nous nous trouvons. Notre appel à prier pour l’unité prend une tonalité bien particulière pour éclairer ce moment que nous vivons : • D'abord personnellement retrouver en Christ cette unité intérieure alors que tout ce qui remplissait et parfois éclatait notre vie a dû s'arrêter. Comment repartir ? Pour vivre comment ? Pour choisir à nouveau quelle vie ? En fait, c'est une chance formidable. Me décider pour le Christ, prendre le Christ comme la boussole de mes choix, c'est retrouver en Lui une plus grande unité intérieure pour choisir véritablement ce que je vis. Le Christ m’indique une direction et centre ma vie.

• En cette période de Pentecôte, prions aussi pour le déconfinement spirituel de l'église. Nous savons combien l'église a besoin d'ouvrir ses portes et ses fenêtres en grand pour accueillir la force de la vie dans l'Esprit Saint. Une église qui se replie sur ce qu'elle a peur de perdre étouffe ! Chacune de nos églises est appelée à se renouveler en accueillant d'abord l'Esprit qui travaille et parle au cœur d'une Eglise qui nous dépasse. Nous sommes appelés à vivre davantage des dons de l'Esprit accordés à nos frères et sœurs chrétiens des différentes confessions. Le renouvellement spirituel de l'église est fondamentalement œcuménique ! Le déconfinement de l'église est au cœur de notre prière pour l'unité des chrétiens afin que s'accomplisse la prière du Christ : "Père, que tous soient un pour que le monde croie". • Enfin, nous avons besoin de reconstruire une unité avec le monde qui nous

entoure : celui qui est proche et celui qui est loin. Nous sommes interpelés par la nécessité de relocaliser notre économie, de retisser un tissu social local disloqué ; et pourtant nous percevons qu'il ne peut s'agir d'un repli défensif qui nous ferme aux autres, au reste du monde. Le chrétien est celui qui est pleinement d'ici, en étroite solidarité avec ceux qui sont proches, mais qui sait la dimension universelle de son identité de fils de Dieu et qui la partage avec ses frères de toutes cultures. Partager les dons du Père avec les autres qui sont miens et les autres qui sont tiens. Que chacun de nous puisse : • se décider pour le Christ qui seul peut unifier leur vie, • s'ouvrir à la vie de l'Esprit qui renouvelle l'Église, • et partager les dons reçus du Père avec tous ceux qui ont faim et soif de la Justice et de la Parole de vie. f F. M.

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dossier

Pandémie du Covid 19

Un temps d’épreuve Un temps de choix Lors de sa bénédiction « Ubi et Orbi », le 27 mars, le Pape François a invité les hommes de bonne volonté à se saisir de ce temps d’épreuve que représente la pandémie du Covid19 comme un temps de choix. Dans ce moment si particulier de confinement, l’Esprit Saint nous a permis de relever ce challenge qui consistait effectivement à « choisir » : face à la propagation de la maladie, choisir de « rester chez soi », coupés pour un temps de nos activités et relations habituelles ; face à la peur, choisir la solidarité et la fraternité ; face à l’isolement, choisir le soin du plus vulnérable ; face à la mort et aux incertitudes, choisir la supplication et l’espérance. Pour chacun de nous, cela s’est concrétisé de manière différente : choisir de redonner sa place à la prière et l’écoute de la Parole de Dieu et ainsi accueillir la présence de Dieu dans nos petites « Eglises domestiques » ; choisir de retrouver une relation plus saine au temps, à la terre, à nos proches ; choisir de rester « reliés » les uns les autres grâce aux retransmissions on line des célébrations pascales et autres temps de prière; choisir l’humour et la patience envers nous-mêmes et les autres. Avec le déconfinement, le choix est maintenant de « revenir à la vie ». Et nous pouvons continuer à écouter le désir de l’Esprit Saint, ainsi que le nôtre, pour notre monde. Quelle vie désire-t-Il et voulons-nous, pour nous et, surtout, pour ceux qui nous succèderont ? Quels choix nous donnera-tIl de poser pour un monde plus juste à l’égard des hommes et de la terre ? Viens Saint-Esprit, Souffle du Dieu créateur! f P.P. foi65 juin-juillet-août 2020

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Choisir dans l’épreuve

Le combat du personnel soignant

Seigneur, unifie mon cœur ! Eric Kiledjian Communion du Chemin Neuf, marié, membre d’une église évangélique, médecin hospitalier à Vienne

Face à la pandémie de coronavirus, le personnel soignant, médecins, infirmiers, infirmières et aidessoignants, a été en première ligne. Pour certains d’entre eux, qui étaient à la retraite, cela donna l’occasion de se remettre au service des malades, parfois au péril de leur vie. Le début de la période de confinement a produit chez moi de la stupeur, « un gros bazar dans mes pensées ». Sur le plan professionnel, il m’a fallu repenser le sens du travail du réseau de santé dont je suis le promoteur sur le territoire. À ce titre, je dirige une équipe de neuf personnes dont les missions sont l’appui aux professionnels de santé, principalement libéraux, et aux dispositifs de ville autour des personnes malades relevant d’une complexité, soit du fait de leur maladie, soit du fait de leur environnement. Or, à cause de l’épidémie de COVID-19, les personnes affectées par une maladie chronique parfois lourde se

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sont pour ainsi dire cachées ; en revanche les professionnels et les dispositifs, nous ont demandé de l’aide dans des registres que nous n’avions jamais connus. Les besoins de masques et autres matériels pour les professionnels étaient aigus, nous avons fait le lien avec des donateurs et organisé les distributions. Les services d’aides à domicile et les auxiliaires de vie nous ont sollicités pour centraliser et relayer leurs questions et leurs besoins. Nous avons dû intervenir dans des établissements sociaux ou médico-sociaux pour apporter un soutien à l’organisation

de l’hygiène et des circuits de personnes et de linge. Les autorités sanitaires ayant demandé à organiser en ville un centre Covid pour les patients suspects d’être infectés et pour éviter le recours aux services d’urgences hospitaliers, nous avons dû penser la surveillance et le partage d’informations pour les personnes n’ayant pas de médecin traitant, etc. Enfin, en tant qu’administrateur de deux Ehpad touchés par l’épidémie, j’ai participé à une cellule de crise avec de nombreuses réunions en visioconférence, afin de soutenir des directrices malmenées par la progression de l’épidémie, les hospitalisations,


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les décès, les absences de personnels, et les consignes changeantes des autorités sanitaires. Beaucoup de réunions, beaucoup de tensions, des organisations à inventer dans l’urgence. Cela a été l’occasion de rencontrer la générosité et l’engagement des professionnels, les entendre exprimer leur sentiment d’insécurité, leur solitude parfois, leur effroi devant le spectre de la mort, la perte de leurs repères professionnels dans des pratiques inédites ou hors normes ; j’ai constaté des identités fragilisées, des relations floutées par les masques et parfois l’interdit d’exercer leur art (par exemple pour les kinésithérapeutes libéraux, les orthophonistes, etc.). À la fois de nouvelles solidarités et des distances en lien avec les mesures barrières et la distanciation sociale imposée par le risque de contagion. « Cela a été l’occasion de rencontrer la générosité et l’engagement des professionnels, les entendre exprimer leur sentiment d’insécurité, leur solitude parfois » Cela a été aussi l’occasion de connaitre les peurs des personnes malades et de leurs familles, leur crainte de laisser entrer chez eux un professionnel de santé, potentiellement porteur de mort, leur choix de repousser une hospitalisation pourtant nécessaire, de peur de ne jamais revenir de l’hôpital. Moi-même dans les premiers jours du confinement j’ai fait un syndrome grip-

pal, très probablement COVID, je me suis confiné chez moi pendant une semaine dans d’autres pièces que mon épouse ; ma pensée alimentée par la gravité potentielle de cette maladie sournoise, j’ai été habité par l’idée de ma mort et, devant Dieu, j’y ai consenti comme un possible. Mon nouvel engagement professionnel lié à ces circonstances étranges ne s’est pas substitué à un autre quotidien, mais il s’y est ajouté. D’une part, je n’avais pas encore quitté la tristesse et le questionnement autour de la révélation d’abus sexuels mortifères dans le monde des célébrités religieuses, et voici que sur notre territoire français la pandémie mortelle trouvait son origine dans un grand rassemblement chrétien à Mulhouse. Comment des lieux où l’on s’attend à la vie et à la rencontre de Dieu pouvaient-ils cohabiter avec la mort ? D’autre part, mon environnement professionnel était un lieu de tensions parfois importantes depuis trois ans, un combat spirituel, mais à l’occasion de cette crise sanitaire des réunions et des coopérations ont été nécessaires, inattendues et heureuses, avec des acteurs symboles de mon histoire souffrante. Certaines rencontres ont réactivé mes blessures mais ont finalement pansé des relations. Le passé et le présent se sont percutés et complétés, tantôt dans la tension et tantôt vers l’apaisement. Entre affects et raison, entre enthousiasme dans l’action et perplexité dans le sens recherché à ces évènements tourbillonnants, j’ai éprouvé de la lassitude et de la perplexité, comme un sentiment

d’être divisé au plus profond de moi, pas bien relié à Dieu et incertain du chemin sur lequel j’étais. Le psaume 85 (86), 11 dans la traduction liturgique m’a apporté une consolation et un éclairage de la part de l’Esprit Saint, en traduisant en mots l’aspiration de mon cœur : « Montre-moi ton chemin, Seigneur, que je marche suivant ta vérité », et en me révélant l’enjeu et le programme de Dieu pour aujourd’hui : « Unifie mon cœur pour qu’il craigne ton nom ». Seigneur, rapproche ce qui est divisé en moi, mes émotions instables et ma compréhension changeante de ce qui est un chemin de vie et non de mort ! Le cœur est le lieu où se rencontrent et coopèrent les affects et la raison pour regarder devant ; les émotions et l’intelligence pour désirer être synchronisé avec Dieu. Le cœur est le lieu de la confusion ou bien de la paix, c’est là que je reçois la consolation (affects) et l’éclairage (intelligence), ce qui doit être unifié pour demeurer dans la vérité et la dépendance de Dieu. Ce verset m’a redonné une direction et de l’ordre dans le puzzle de mes pensées et de ma prière en vrac. Et, dès le lendemain, continuant l’œuvre de Sa grâce, des paroles claires et confiantes m’ont été apportées par une personne – qui ignorait mon combat intérieur – qui ont redonné une direction paisible à ma vie et au combat spirituel qui se joue dans la patience et dans l’espérance. f E.K.

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Témoignage

« Ma grâce te suffit, ma puissance donne toute sa mesure dans la faiblesse » (1Co 12, 9) Sr Brigitte Gaber ccn, Saragosse (Espagne)

Le Covid 19, ce n’est pas fini, mais on s’en souviendra … ! De passage à l’Abbaye d’Hautecombe, sur le point de retourner en Espagne, on décida in extremis qu’il était plus prudent que je reste. En effet, l’Espagne venait de déclarer l’état d’urgence et, par ailleurs, j’ai une santé fragile (maladie chronique depuis 35 ans). Même si je savais que cela pouvait durer, j’imaginais tout de même rentrer dans les semaines suivantes. Erreur ! La première étape a donc été un arrachement à mon lieu de vie, à ma mission, bref un déracinement. Petit à petit, j’ai intégré que cela durerait, et que je ne pourrai probablement pas revoir les personnes en formation à la Chartreuse de Aula Dei avant leur retour dans leur pays. Dix jours plus tard, le virus commence à faire le tour de l’Abbaye. Premiers symptômes chez certains, il se propage à toute vitesse. Au bout de plusieurs jours, c’est à mon tour. D’abord une fatigue grandissante- mais comme j’y suis souvent confrontée avec ma maladie, je ne m’in-

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quiétais pas. Jusqu’au matin où je me suis réveillée avec un très grand mal de tête et au bord de l’évanouissement. Ce fut la deuxième étape de l’épreuve, bien difficile, de la santé. Maux de tête, fièvre, troubles digestifs et une grande faiblesse et fatigue. Je suis restée confinée dans ma chambre pendant quinze jours. J’avoue que, même si j’ai eu assez vite le sentiment que mon cas n’était pas très grave (sans troubles respiratoires), il fallait attendre entre le septième et le neuvième jour pour en être sûre. Donc, il y avait une certaine angoisse de l’inconnu, bien sûr amplifiée par tout ce que l’on entendait dans les médias. L’isolation aussi était longue : j’avais besoin d’avoir des nouvelles des autres, et de parler, me changer les idées. Mais, je crois que le pire a été la durée de la maladie. Quand, enfin, un jour, je commençais à aller mieux, le lendemain, c’était le contraire. Cela semblait interminable, d’autant plus que je ne pouvais pas en

profiter pour lire ou faire d’autres choses. Même la prière devenait un exploit ! Je n’en avais pas la force. Tout cela se déroulait pendant la semaine sainte : la passion, je la vivais dans ma chair, mais la résurrection tardait à venir ! Pourtant, j’ai vraiment pu rendre grâce. D’abord, j’ai été bouleversée par la disponibilité et toutes les attentions de mes sœurs qui ont pris soin de moi au quotidien, pendant ces semaines, sans compter le suivi médical et la sollicitude des jeunes. Aussi pour tous ceux qui rendaient possible de suivre la prière et les célébrations en ligne. Je suivais tout cela de ma chambre, sur mon téléphone. Cela m’a mise en communion profonde avec le monde extérieur. Je me demandais : « Mais, comment font les malades qui sont seuls, ne fut-ce que pour se faire à manger ? ». Cela me portait à l’intercession. Tout cela a duré quatre à cinq semaines. Quel bonheur, après cela, de retrouver la santé ! f B.G.


un temps d’épreuve

Famille et confinement

Tout a changé. Rien n'a changé. Natalie Weis ccn, Berlin, Natalie et Markus sont responsables de la mission Cana en Allemagne

Au début, vivre le temps du Corona en famille semblait être une retraite dans la vie de tous les jours : tout à coup, nous étions coupés de la routine normale, décélérés, silencieux et rejetés sur nous-mêmes. Il y avait plus de temps pour la prière, pour les promenades à deux, les rondes du soir avec nos deux fils de 15 et 19 ans. Un don de temps avec Dieu et la famille ! Mais comme dans une véritable retraite, il y avait aussi moyen de revenir en arrière. Pour être à nouveau plus proche du partenaire et des enfants, d'anciennes questions ont également été soulevées. Qu'est-ce qui est important pour nous ? Quelle voie Dieu a-t-il pour nous ? Où nous sommesnous égarés ? Cela nous a profondément émus de ressentir à nouveau le lien avec nos frères et sœurs pendant cette période : Zoom sur les fraternités, les flux de services des groupes de prière des Dombes et de

WhatsApp. Quelle richesse pour notre vie communautaire ! Cela nous a aidés à retrouver notre chemin dans la prière, encore et encore, et aussi dans la prière en couple.

Allemagne, il y a soudain une nouvelle confiance dans la politique qui n'existait pas depuis longtemps : 70 % d'approbation pour le gouvernement ! D'autre part, de nombreuses personnes ont été rendues encore plus insécurisées par la crise : personnellement, économiquement, spirituellement. Beaucoup aspirent à un mot d'espoir. Lors de la première Soirée Cana en ligne en Allemagne, nous avons senti combien les gens ont soif de rencontre, d'une parole de vérité et d'encouragement. La soirée s'est terminée par la prière intense des couples venus de toute l'Allemagne et même d'Autriche qui s'étaient joints à nous.

Lentement, pas à pas, nous retournons maintenant à la vie quotidienne, en tâtonnant, deux pas en avant, un en arrière. Nous sommes surpris de découvrir que non seulement nous, mais aussi le monde qui nous entoure, a changé. En

À la fin de la retraite, il y a souvent un avertissement dans la communauté qui pourrait aussi s'appliquer à la vie après le Corona. Attention à ne pas être la proie de ces deux pensées : tout a changé, ou encore, rien n'a changé. f N.W.

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Paroisse en ligne

Confinement, ou la fraternité impromptue Jérôme De Laguierce Paroisse Vincennes St Mandé, ccn

Deux jours de réflexion, six heures pour rassembler le matériel et doubler l’équipe grâce à quatre frères et sœurs, un peu de mise en place et « Bam ! », nous nous sommes retrouvés en ConfiFrat’ à travailler ensemble à une mission dont nous ignorions l’existence possible, la semaine précédente : mettre en place les retransmissions sur internet en Live de la messe du matin, d’un temps de louange chaque soir de la semaine, et en bonus, l’intégralité du Triduum pascal partagé sur le site du diocèse. Bref, un challenge à la hauteur de notre curé. Certains d’entre nous l’ont suspecté de profiter d’un tel évènement pour accélérer la transformation pastorale en injectant des vitamines de Fraternité, Prière, Formation, Service et Evangélisation… du BTC ultra boosté ! Comme l’Esprit-Saint n’est pas né de la dernière pluie, puisqu’il était là

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avant la première, il nous a offert un cadeau, celui de la fraternité ! Nous avons vécu au presbytère dans la diversité de nos états de vie (mariés, consacrés, célibataires, jeunes et jeunes-avec-presque-60-ans-d’expérience) une vraie grâce qui a permis d’embrayer très vite pour nous tourner vers les paroissiens. Quand on rajoute le partage du repas du soir, cuisiné à tour de rôle par un Chef bien toqué, la sauce a pris très vite, offrant le goût délicieux de la fraternité. Et c’est sans attendre qu’elle a dépassé la « clôture » du presbytère. Localement tout d’abord, sur les paroisses de St Louis de Vincennes et Notre Dame de St Mandé : les réseaux se sont maillés entre eux pour prendre soin de chacun. La population la plus mise à mal semblait être celle des jeunes familles, souvent petitement logées, dont les enfants se sont mis rapidement à « marcher sur les murs ».

La mise en place d’un agenda partagé pour organiser l’utilisation des cours des deux maisons paroissiales a permis de donner de l’air aux familles, et pas seulement aux petits. De là, les marelles multicolores dessinées à la craie ont fleuri, les pots de fleurs se sont transmutés en poteaux de foot : la vie et les cris ont surgi dans un environnement d’ordinaire assez calme. Prendre soin de nos frères et sœurs était le maitre mot pour notre communauté Prendre soin de nos frères et sœurs était le maitre mot pour notre communauté : nombre de paroissiens se sont proposés pour se mettre au service. Les « Geek » les plus avancés ont pu ainsi porter secours aux plus seniors et les aider à accéder aux réseaux sociaux, repoussant ainsi les murs du monastère invisible. Pour


un temps d’épreuve

d’autres, le tablier de service a consisté à téléphoner régulièrement aux personnes seules et échanger avec elles. A deux doigts d’organiser du « co-cyclage » entre ceux qui ne pouvaient télé-travailler, certains frères ont profité de ce temps pour tester différents modèles de vélos électriques afin de se préparer sans plus attendre à la transition écologique. De leur côté, les Equipes d’Animation Paroissiale ont mis en place une Newsletter: mot du Curé, homélie du dimanche précédent, propositions pour les couples (relai vers Cana) et pour les enfants, idées mises en place par les paroissiens eux-mêmes pour favoriser les contacts (concours cuisine ou Scrabble par téléconférence), vidéos de familles montrant leur manière de vivre ce temps si spécifique. Autant de partages qui pouvaient renforcer les cordages de la tente d’une communauté paroissiale. Pour nous lancer dans la mission “Messe et louange en ligne”, il a fallu très vite nous former. Cela concernait tout d’abord la technique : comment transformer un professeur de lettres en caméraman aguerri, un ingénieur industriel en bedeau-thuriféraire, un conducteur de louange en organiste, une maitresse de maison en éclaira-

giste sachant distinguer « une lyre, d’une beam ou d’un sun trip reliés par DMX sur le live controller » ; certains frères ont complété par ailleurs leur formation de cuistot car pour tous, l’enjeu de la Fraternité se jouait aussi à table… C’est certain, Dieu nous attendait dans son école de louange : de la mi-Carême à la Pentecôte, il nous a portés dans la durée pour un cursus continu. Sacré clin d’œil quand on se rappelle que la présence à St Louis de Vincennes de notre communauté, née elle-même d’un groupe de Prière, est liée à une intuition reçue par L’Evêque pendant un groupe de prière, il y a quelques années. Que de simplicité dans les intentions confiées tout au long de ces rencontres ; que de liberté à nous laisser guider dans ces partages où nous ne faisons plus qu’Un avec notre Dieu ; que de Fraternité à nous partager les interventions au cours de ces soirées. Nous avons senti l’Esprit inviter chacun des internautes à partager en direct… Le fruit le plus surprenant pour nous tous, incrédules à la nuque raide, fut l’étendue du réseau des 500 à 650 connections quotidiennes et fidèles aux temps de louange : de tous les

coins de Métropole et d’Europe, de Maurice, de la Réunion, mais aussi de Colombie, de Chine, du Canada, des Etats-Unis, d’Afrique, les partages d’images et de textes, les demandes d’intentions ont transformé notre Kawako en un groupe de prière gigantesque, reliant le monde entier. Bien belle découverte pour les paroissiens de Vincennes et de St Mandé peu habitués à la louange, et qui ont goûté aux fruits de la fraternité. Belle expérience pour le Collectif Chemin Neuf Worship présent pour porter une Louange jour après jour, qui teste une nouvelle voie dans sa mission. Et joli bouquet final, que d’accueillir en sortie de confinement, d’autres leaders de Louange comme Alexia Rabé, Grégory Turpin, Samuel Olivier du Collectif Cieux Ouverts, Vinz le Mariachi, Louise et Bruno (Anuncio), mais aussi notre frère Féfé et Sœur Marion. Ce qui nous a manqué durant ces huit semaines de confinement au presbytère : nos trois frères et sœurs communautaires confinés chez eux à seulement 250 m de nous. Pour le restant, Dieu nous a comblés de bénédictions que nous vous partageons à notre tour. f J.D.L.

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Mission Jeunes

"Go deeper and rise higher"

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Sr Nolwenn Masson ccn, Hongrie

C’est l’histoire d’une semaine sainte pas comme les autres, où l’Esprit Saint, face aux portes fermées par le COVID-19, a conduit les équipes missions jeunes de Belgique, Pays-Bas, Allemagne et Hongrie sur un chemin neuf, dans la profondeur de l’inconnu, pour effectivement nous emmener beaucoup plus haut et beaucoup plus loin que ce que nous aurions pu imaginer !

Depuis une dizaine d’année, l’abbaye d’Oosterhout a l’habitude d’ouvrir ses portes à une centaine de jeunes pour un festival de Pâques haut en couleurs, très international et œcuménique. Cette année, comme partout ailleurs, nous avons dû revoir nos plans et l’idée de proposer un programme online à la place du Festival de Pâques s’est assez vite imposée comme une évidence. La proposition était simple : chaque jour, du lundi saint au dimanche de Pâques, le jeune recevait un mail, dans lequel figuraient des liens vers les programmes [1]

« Va plus profond, et sois élevé/mené plus haut ! »

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suivants : un temps de louange live pour commencer la journée, un topo, un témoignage, des points pour sa prière personnelle, et un « STEP », un pas concret à réaliser durant sa journée. Le tout complété par les particularités propres à la Semaine Sainte (célébrations, chemin de croix, etc…) ainsi que la possibilité de participer à une fraternité par ZOOM. En voyant se multiplier les inscriptions, nous avons été les premiers surpris : ce qui ne devait être qu’un « plan B », substitut d’un évènement

que nous regrettions, devenait sous nos yeux un vrai outil d’évangélisation, touchant beaucoup plus de jeunes que ceux qui auraient participé au festival d’Oosterhout et ouvrant par-là des nouvelles perspectives. La session en quelques chiffres : 450 participants - 14 pays représentés – une vingtaine de traducteurs pour 4 langues de traduction (anglais, allemand, néerlandais, hongrois). Les chiffres, quels qu’ils soient, n’étaient en rien l’objectif visé, mais pour autant ils ont été comme un indicateur pour nous faire prendre


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conscience que l’Esprit Saint était à l’œuvre et nous conduisait vers un NEXT STEP, une nouvelle étape pour notre pastorale. Nous avons voyagé au sein d’une belle fraternité internationale, qui appelle à être poursuivie et approfondie. Une expérience sans frontière Alors que les portes sont fermées, l’aventure online ouvre les frontières, et avec elles sûrement les cœurs ! En tout, 14 pays étaient représentés, d’Europe, du Liban et même de Nouvelle-Zélande ! Cela exigeait bien sûr un important travail de traduction et de coordination pour que chaque jeune puisse suivre au mieux les propositions. Mais, en entendant chaque jour le topo dans une langue différente, en découvrant les différents lieux de la communauté, ou en participant à des rencontres ZOOM dans un anglais parfois balbutiant, nous avons voyagé au sein d’une belle fraternité internationale, qui appelle à être poursuivie et approfondie. La

participation aux temps de fraternité online était notamment l’occasion d’un partage en profondeur et d’une communion par-delà les murs et les frontières ! Une pauvreté féconde C’est la pauvreté créée par cette situation actuelle qui nous a conduits à être à l’écoute d’une créativité nouvelle. C’est la pauvreté des forces dans chacun de nos pays qui nous a encouragés à nous rassembler pour une proposition commune. C’est également la pauvreté de nos moyens et de nos compétences techniques qui nous a contraints à adopter un style « home made », avec tous les défauts que ça peut comporter ! Et c’est au cœur de toutes ces limites que la grâce a pu se frayer un chemin et se déployer, pour porter un fruit qui, non seulement demeure, mais qui, je l’espère, n’est que la première récolte d’une moisson beaucoup plus abondante. Un next step en cours La pastorale de la Communauté auprès des jeunes porte, entre autres,

deux enjeux majeurs : être présent sur les réseaux sociaux par une communication proche des jeunes, et adopter une pastorale à la carte, qui laisse le jeune devenir acteur et responsable de sa vie spirituelle. Cette formule en ligne nous place au cœur même de ces enjeux : non seulement elle nous plonge dans l’exploration de toutes les ressources du 6ème continent, mais elle nous impose d’entrer dans une confiance a priori dans le jeune, dans son degré d’investissement à l’étape qui est la sienne, et dans ce qu’il va en tirer spirituellement. C’est très déplaçant, le contact personnel nous manque, mais en relisant la manière dont nous avons été conduits, il nous semble que c’est sans doute là où l’Esprit Saint veut agir aujourd’hui et nous demande d’être présents. Peut-être n’était-ce donc qu’un « petit commencement » ? Nous sommes, en tout cas, dans l’action de grâce d’avoir pu faire partie de cette belle aventure avec l’Esprit Saint ! f N.M.

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Temoignages

« Vous puiserez de l’eau avec joie aux sources du salut ! » (Isaïe 12)

Une nourriture pour l’âme

Annamária Ruff 27 ans, Levelek (Hongrie) Je vous remercie beaucoup pour votre travail, car pour moi, ce fut la plus belle fête de Pâques que j’ai vécue. Merci de m'avoir permis d'y participer car j'en avais vraiment besoin. Je me voyais moi-même, ainsi que le Seigneur, à travers de mauvaises lunettes. Mais, durant ce festival de Pâques, Jésus m’a menée petit à petit vers la lumière. Maintenant, non seulement je sais et je crois, mais je sens aussi que Dieu est infiniment bon, miséricordieux et plein d’amour. Je sais que je peux tout confier à la volonté et à l'amour du Seigneur, et cela me donne une grande liberté. Je pensais que je ne faisais rien de bon, j’étais très dure avec moi-même. Il est évident que quelqu’un qui veut se sauver lui-même, et qui ne se confie pas vraiment en Dieu, tombe. Ce que je peux dire, c’est que c’est Jésus qui transforme nos traits de caractère, même quand il s’agit d’une chose comme l’orgueil qui Le blesse. C’est dans nos faiblesses que la force du Seigneur se déploie réellement. C’était incroyable de faire cette expérience, qui m’a permis de lui remettre ma faiblesse. Je n’aurais jamais pensé que ça fonctionne ainsi. Que le Nom du Seigneur soit béni ! Je pourrais écrire encore tellement de choses, pour dire à quel point le Seigneur est grand et puissant. Il m’a réellement libérée de mon péché et de mes travers. Il a réalisé des choses merveilleuses. Le moment qui m’a le plus touchée durant cette semaine, ce fut lors d’un temps de prière personnelle avec le texte du lavement des pieds. Jésus lave les pieds de Pierre. Je me suis retrouvée dans cette scène. Je L’ai laissé me laver les pieds, j’ai pu accueillir le Salut. Le che-

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min de Croix m’a aussi beaucoup touchée, au moment il nous fallait tout jeter à la poubelle. En 2016, j’ai participé au festival « Paradise in the City », où j’ai reçu cette parole lors de mon Baptême dans l’Esprit Saint : « En ce jour-là, tu n'auras plus à rougir de toutes tes actions par lesquelles tu as péché contre moi. Car alors j'ôterai du milieu de toi ceux qui triomphaient avec arrogance, Et tu ne t'enorgueilliras plus sur ma montagne sainte. Je laisserai au milieu de toi un peuple humble et petit, Qui trouvera son refuge dans le nom de l'Éternel. Les restes d'Israël ne commettront point d'iniquité, Ils ne diront point de mensonges, Et il ne se trouvera pas dans leur bouche une langue trompeuse; Mais ils paîtront, ils se reposeront, et personne ne les troublera. » (Sophonie 3, 11-13). Et aujourd’hui c’est cette parole qui me rejoint : « Tu diras en ce jour-là: Je te loue, ô Éternel! Car tu as été irrité contre moi, Ta colère s'est apaisée, et tu m'as consolé. Voici, Dieu est ma délivrance, Je serai plein de confiance, et je ne craindrai rien; Car l'Éternel, l'Éternel est ma force et le sujet de mes louanges; C'est lui qui m'a sauvé. Vous puiserez de l'eau avec joie aux sources du salut. » (Isaïe 12, 1-6). Beaucoup de choses se sont passées durant ces quatre années. J’ai reçu une image de Dieu vraie. Le Christ est Ressuscité et enfin moi aussi avec Lui durant cette fête de Pâques.

Miled Sassine 22 ans, Belgo-Libananis, Etudiant en Sciences Politiques, Bruxelles Ce pèlerinage a été une véritable expérience spirituelle. Chaque jour était une étape pour m'élever plus haut dans mon esprit, me « connecter » avec Dieu, approfondir sa connaissance et la sagesse des Ecritures. Il est vrai que nous avions un thème pour la méditation personnelle quotidienne et j'ai essayé d'y penser, mais ce qui était intéressant, c'est que cela me conduisait toujours à méditer et à obtenir des réponses sur d'autres thèmes qui, selon moi, étaient des sortes de pièces de puzzle manquantes venant combler un vide dans ma vie spirituelle et non spirituelle. Être en contact avec des gens qui répandent cette joie et cette énergie positive, écouter des témoignages et des expériences auxquels nous pouvons nous identifier et dont nous pouvons tirer des enseignements, c'était vraiment une nourriture pour l'âme. Merci à toute l'équipe du festival pour cette créativité improvisée, qui a réussi, dans ce contexte troublé, à nous donner chaque matin un rendez-vous sur des terrains plus élevés. Je souhaite à tous le meilleur et un cheminement fructueux dans la suite vers la Pentecôte!


un temps d’épreuve

Afro-madison Challenge

Un joyeux challenge Sr Claire Carré ccn, Nazareth (Israël)

La principale mission de la Communauté à Nazareth, est d’accueillir des pèlerins et, avec la fermeture des frontières, nous sommes passés en quelques jours d’un printemps qui s’annonçait surchargé à … plus rien ou plutôt avec beaucoup de temps pour ranger, nettoyer, peindre, jardiner…

Nous avons commencé par filmer sur la passerelle du Centre International Marie de Nazareth. Ce fut le plus difficile. Nous lancions la musique depuis un téléphone pour pouvoir danser mais le temps que le drone soit prêt à filmer la musique s’arrêtait et souvent, à ce moment-là nous perdions la connexion internet et ainsi il fallait parfois cinq minutes pour pouvoir

La première action de grâce a été des consignes de confinement autorisant dix personnes à se retrouver pour prier. Etant au total neuf en deux maisons, nous avons choisi de nous retrouver trois fois par semaine pour continuer à prier, se former et partager ensemble. L’Afro-madison Challenge est une autre des actions de grâce de ce temps de confinement, nous donnant un projet à mener ensemble, les plus motivés entrainant ceux qui l’étaient un peu moins. C’est Borbàla, une jeune hongroise, qui a appris la chorégraphie le plus vite et nous l’a faite répéter. Puis chacun a donné ses idées de lieux à filmer entre nos différentes maisons.

relancer la musique, obligeant à reposer le drone pour économiser sa batterie et ainsi de suite, mettant notre patience à l’épreuve. La suite fut plus facile, les idées venant au fur et à mesure que nous nous déplacions d’un lieu à un autre. Nous avons aussi partagé de bons fou-rires,

comme lorsque Marta, une jeune Lettone, est entrée dans une cruche, dans la salle à manger de la maison St Joseph et en est sortie comme un génie hors de sa lampe ! Au cours de ces dernières semaines, nous avons beaucoup reçu à travers les diffusions de la Communauté : Eucharisties, louanges, enseignements et nous avons ainsi pu avoir la joie, à notre tour, de partager le bonheur que nous ressentons de vivre dans cette ville de Nazareth et la beauté de nos lieux d’accueil. Cette vidéo a aussi été un bon moyen de donner de nos nouvelles de façon originale. Et nous avons reçu beaucoup de messages nous remerciant pour cette petite vidéo pleine de bonne humeur, depuis les membres de nos familles jusqu’aux guides locaux avec lesquels nous travaillons habituellement. Aujourd’hui, nous sommes prêts pour relever un nouveau défi ! f C.C.

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Ile Maurice

Un temps pascal auréolé d’un magnifique arc-en- ciel Pierre Rivet Ile Maurice, ccn

Ce jeudi dans l’octave de Pâques, un magnifique arc-en-ciel a paru et a subsisté durant quelques bonnes minutes dans notre ciel mauricien. Il venait, en quelque sorte, refléter et faire rejaillir toute la richesse que nous sommes en train de vivre dans ce temps pascal. Un arc-enciel qui a fait éclore, émerger les couleurs de notre diversité, de nos cultures, de nos sensibilités au sein de nos deux paroisses communautaires. En effet, depuis notre entrée en confinement le 20 mars, diverses propositions ont été identifiées et mises en œuvre. Cela en vue de nous permettre de vivre, via les réseaux sociaux ou en ligne, des temps forts de prière et de communion, comme suit : messes dominicales, désert les mardis, temps de fraternité hebdomadaire, semaine Sainte: Temps de Réconciliation avec démarches, Triduum pascal (lavement des pieds, chemin de Croix, Office de la Croix, Vigile pascale, messe de Pâques), échanges de vœux entre paroissiens, témoignages flash des JCN sur une grâce du confinement, parcours de 40 jours sur le thème des 5 Essentiels, défi Afro-madison dance pour les frères et sœurs de la CCN et pour les paroissiens,

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retraite de 3 jours pour se préparer au déconfinement,... Ces propositions ont été formulées aux paroissiens et à toute la communauté élargie (Communion, Missions jeunes, Cana, Groupes de prière,…) via la voie numérique. Elles ont été chaleureusement accueillies chez les familles, les couples et personnes seules qui, grâce à de brèves vidéos réalisées in situ, ont participé dans l’animation liturgique et partagé sur leur cheminement pascal. Ces vidéos ont fait l’objet de divers montages à thèmes qui ont pu être visionnés en retour par tous en ligne. Montages qui nous ont conduits dans l’action de grâce devant la vitalité et la tonalité de nos communautés paroissiales et communautaires. C’est comme si Jésus était venu nous dire : « Vous êtes empêchés, de par le confinement en vigueur, de sortir et de vous rassembler en mon nom ? Qu’à cela ne tienne ! Pas de soucis. Hé bien, moi, je fais le déplacement. Je viens dans votre ruelle, votre allée, pour vous rendre visite. Je viens chez vous, passer par la porte d’entrée de votre « lacaz », de votre maison ou appartement pour vous visiter

dans votre quotidienneté, pour passer du temps avec vous ». Mo vin faire confinement kot zot !! Dans la liturgie du samedi 25 avril, on pouvait lire, dans Marc 16, 20, ce verset : Le Seigneur travaillait avec eux…. Nous pouvons témoigner, avec beaucoup de gratitude, que ces paroles de Jésus à ses disciples après sa résurrection, ont pris chair dans toute leur mesure en ce temps pascal. Car le Seigneur a composé avec le savoir-faire de tout un chacun et nous a permis de vivre, au sein de nos deux paroisses communautaires et sur la page de la Communauté, des temps vraiment fraternels et de profonde communion. Il a été un génial webmaster ! Alléluia ! f P.R.


un temps d’épreuve

Liturgie à Hautecombe

En communion… chacun chez soi ! Sr Marie-Laure Guillauton ccn, Abbaye d’Hautecombe

Être confinés à l’Abbaye d’Hautecombe, il y a pire ! Et nous en avons été conscients assez rapidement ! En effet, notre situation géographique, notre vie communautaire et la mission de la formation auprès des jeunes (Hautecombe Discipleship School) font que notre vie quotidienne se déroule déjà à l’intérieur de nos murs pour la plupart d’entre nous. C’est pourquoi partager notre vie de prière était pour moi la moindre des choses et m’a rendue participante à cette nouvelle façon d’être en communion, de faire église. Pour ma part, j’étais vraiment portée par tous ceux qui se manifestaient en partageant une demande de grâce ou en remerciant de leur permettre de prier avec nous. La présence de la caméra, les intentions des internautes ont trouvé aisément leur place. Il y avait bien sûr un petit stress de vouloir faire bien les choses et donner le meilleur, qui a été vite converti lorsque plusieurs d’entre nous ont été malades. Cela nous a aidés à consentir au réel et

à faire les choses du mieux qu’on a pu et simplement. Pour ma part, j’étais vraiment portée par tous ceux qui se manifestaient en partageant une demande de grâce ou en remerciant de leur permettre de prier avec nous. L’animation de la semaine sainte a été une réelle expérience de providence. En effet, à Hautecombe, la semaine sainte est d’habitude un moment d’évangélisation où beaucoup de forces communautaires sont sollicitées. Là, il fallait faire avec ce qu’on avait, ce qu’on était, et la réalité technique imposée par la retransmission. Tout d’abord, un frère nous a rejoints au début du confinement pour gérer tout l’aspect technique et, heureusement pour nous, car il a pu prendre toute l’animation à la guitare. Ensuite, dans les jeunes qui suivaient la formation, deux d’entre eux ont une formation musicale avancée et ont pu rejoindre notre petite équipe. Nous avons pu former une fraternité qui a porté toute l’animation des jours saints… Là aussi, l’expérience de la Providence s’est faite sentir par la force que le Seigneur a pu donner à chacun.

L’expérience de communion avec les internautes a pris encore plus de chair dans ces trois jours saints. Avec tous les retours que nous recevions, je me suis rendue compte que le Seigneur continuait de construire l’Eglise, la communion par-delà la situation due au coronavirus et au confinement. J’ai notamment reçu un très beau message d’un membre de ma famille qui me disait n’avoir pas senti la distance et avoir eu l’impression d’être là avec nous dans l’église d’Hautecombe. C’était une vraie grâce de pouvoir partager cette fête, la plus importante pour nous Chrétiens, avec ma famille ! Et ma surprise a été de voir qu’il ne s’agissait pas seulement de vivre une belle messe pour Pâques mais de continuer à prier avec nous dans les offices du matin qui ont suivi tous les matins à 8h. Partager notre prière permet à plusieurs centaines de personnes de prier avec nous. Le réseau de communion se rend encore plus visible ! f M-L.G.

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Echos des retransmissions

Une communion mystérieuse, mais réelle !

« Les adorateurs « Ce fut un réel « Une chance pour que cherche le soutien » l’Eglise» Père » I P N J sabelle etit

Joëlle et Gérard (Communion, Laussonne) Au début du Carême, une parole a retenti : "L'heure vient- et c'est maintenant-où les véritables adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité. car tels sont les adorateurs que cherche le Père. Dieu est esprit, et ceux qui adorent, c'est en esprit et en vérité qu'ils adoreront » (Jn 4, 23-24). Nous l'avons vraiment expérimentée dans le silence et la solitude de ce confinement et cela nous donne d'accueillir aujourd'hui dans la joie "la paix" que Jésus nous donne, sa Résurrection. MERCI pour tout ce travail porté par la prière et qui va donner son fruit... nous gardons notre petite cuillère dans la poche... le meilleur est pour la fin ! Rien n'a changé mais plus rien n'est comme avant.

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icolas et uliette

(Fraternité paroissiale, Reims)

(Fraternité paroissiale, Yaoundé)

Merci pour tout ce qui a été mis en œuvre pour que nous puissions vivre une communion autrement, mystérieuse mais réelle, durant cette belle Semaine Sainte. Ce fut un réel soutien... dans la "solitude forcée" qui es la mienne en ce moment, mais aussi pour tant d'autres personnes et familles... Alors, Merci pour cette communion qui va se poursuivre, que nous restions, même confinés, dans cette joie de Pâques ! Il est vraiment ressuscité Alléluia !

Un grand merci pour tout ce que vous avez fait pour nous tous, isolés, confinés, éloignés. On a pu transférer les liens à nos familles, à des amis, à nos voisins, qui ont tous été séduits On voudrait vous encourager à continuer à nous nourrir via YouTube! Ce serait super que vous puissiez poursuivre les topos sur l'Evangile du jour au moins jusqu'au 11 mai, mais même au-delà. Ce format d'une dizaine de minutes est parfait. La retransmission des offices ou les petites vidéos, chants, etc... nous permet aussi de venir piocher un moment avec Jésus quand l'Esprit Saint toque! On est profondément convaincu que c'est une chance pour l'Eglise d'avoir ouvert toutes ces portes, et d'avoir rejoint via ces nouvelles méthodes tant de gens aux périphéries. Du coup, il ne faut pas s'arrêter!


un temps d’épreuve

« On ne se sent pas seul ! » Hélène Dubarle (Communion, Corenc) Merci pour votre message de paix et de joie. Merci aussi pour toutes les retransmissions des différents temps de prières et de célébrations qui nous aident à prier, et surtout nous permettent d'être vraiment en communion les uns avec les autres; on ne se sent jamais seul! C'est une grande famille....

« Appartenir à un corps » Bénédicte et Jean-Loïc (Communauté, Tours) Nous avons pu vivre « en communauté » tous ces temps forts. Bravo à la créativité, merci pour les homélies des jeunes frères, merci pour les Topos (d’ailleurs nous avons repris hier soir celui de Mustapha pour le groupe de prière que nous vivons avec whats’App), merci pour la beauté de tous les offices. Alors que nous étions loin nous voilà proches, quelle grâce ! Nous avons même pu être au pied de la Croix, le vendredi Saint aux Dombes. Que le rite de l’ensevelissement était émouvant, particulièrement dans ce temps où nous perdons des

proches qui ne peuvent être entourés ni célébrés. Tout cela donne à notre région un élan nouveau, une fraternité, une solidarité par la voie des réseaux, de la créativité également pour faire vivre notre Communion. Même si les frères ne sont pas tout jeune, ils s’y mettent bien. Cela donne aussi à la Communion beaucoup de joie d’appartenir à ce grand Corps. Nous pensons aussi que le Seigneur a traversé les murs pour rejoindre des personnes suivant les offices et ne connaissant pas la Communauté : l’évangélisation sur la toile !

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Il était, Il est, Il sera Il était le Messie tant attendu Celui qu’on n’attendait plus. Il était ce petit enfant Qui allait tout accomplir Miracles, guérisons, enseignement, Il était ce Prince de Paix Que les nations attendaient, Qu’avons-nous fait de cette promesse de paix Entre toutes les nations?

Il était celui dont la mission Etait de rendre notre vie éternelle. Qu’avons-nous fait de cette éternité ? Difficile à imaginer quand on est sur Terre.

Il était ce Roi de gloire, Tant martyrisé, tant persécuté Que ses disciples, tant attristés, tant épouvantés L’auront renié, l’auront délaissé. Il était ce sauveur, ce renouveau, Pour ce peuple perdu et condamné. Il était celui qui a parcouru le désert, Ne pas succomber à la tentation, il a su le faire Il était celui qui s’est donné sur la croix, Seul, sur cette croix, pour nous sauver de nos péchés. Désormais, j’en suis persuadée, Le chemin, la vérité et la vie, oui, il l’est.

Il est mort pour nous, Il est mort pour nous, pour toi, pour vous, pour moi. Il est la lumière du monde, Il est la lumière de ton monde, De notre monde. Il est celui qui nous arrache des ténèbres, Qui nous élève vers le ciel Pour qu’on vive sur Terre comme au Ciel, Il est le créateur, maître et Seigneur, Celui qui a vaincu la mort, Celui qui nous donne la vie, Oui, il nous l’a promis.

Il est non pas ce Dieu de religion Mais bien ce Dieu de relation Il est celui qui m’appelle par mon nom Car il me connait, mieux que moi Mieux que tout le monde. Il est celui qui nous a aimés, Avant même que l’on soit né. Il est le Roi, le Dieu qui libère

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œcuménisme

Jamais fatigué de nous relever. Il est là, présent, en tout temps, Jamais fatigué de nous aimer. Il est là présent, en toi, dans ta vie En nous, en vous, dans nos cœurs. Oui, il nous connait par cœur. Il est là, présent, vivant, à jamais, Ne demandant qu’une seule chose, qu’on l’aime, nous aussi, à jamais. Il est celui qui m’a tout donné, sans rien demander… Désormais, j’en suis persuadée, Mon meilleur ami, mon meilleur allié, il sera Il sera mon compagnon de route En qui j’aurais toujours confiance Il sera cet ami à qui je pourrai parler Des heures et des heures, sans m’en lasser Il sera ma consolation dans ma désolation Mon secours dans ma détresse, Ma force dans ma faiblesse. Il sera celui qui m’aime pour toujours Malgré mes péchés, malgré mes failles Malgré mes fuites, et mes peurs, Malgré ma tentation de revenir dans le monde. Il sera celui qui me guide, Quand les doutes seront présents. Il sera celui qui me dit : « Tu es l’enfant de Dieu, bien aimé » Quand j’aurai l’impression de ne plus être aimé. Il sera celui qui embellira ma pauvreté Et la transformera en richesse, pour le monde. Il sera celui qui va m’apporter cette joie parfaite Non pas ce bonheur de surface, Dans un monde où l’esthétique doit être parfaite. Il sera notre rocher, notre appui, notre force, Pour qu’après ce confinement, L’on comprenne enfin, Que la vie, ce n’est pas courir après l’argent, Ce n’est pas courir après le temps, Mais la vie, c’est de goûter à l’éternité en tout temps, Alors, quitte à ne pas perdre mon temps, Je lui donne ma vie, dès maintenant, Ouah, quel soulagement. Il était, il est et il sera celui que je préfère, pour toujours… Il était, il est et il sera pour toujours… Jésus. Marie Parriaud

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Pour le monde d'après, faire des choix

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un temps de choix

Pentecôte

Le maître de l'impossible Père François Michon Berger de la Communauté du Chemin Neuf

Dans ce temps de Pentecôte si particulier que nous vivons cette année, nous entendons résonner cette parole prophétique que le père Laurent Fabre aime reprendre : « L’Esprit Saint est à la mesure des enjeux de notre temps ». St Paul nous dit, en Romains 8, 22 : « Nous le savons bien, la création tout entière gémit, elle passe par les douleurs d’un enfantement qui dure encore ». Notre monde gémit dans les douleurs de l’enfantement. C’est pour cela que nous devons nous mobiliser dans la prière.

L’Esprit-Saint besogne dans le monde Notre monde semblait de manière inexorable devoir poursuivre sa course : • déploiement du progrès technologique dans tous les domaines • réduction du temps et de l’espace (aller toujours plus loin et toujours plus vite…) • globalisation de nos échanges commerciaux, mondialisation des prises de décisions politiques qui éloignent l’autorité du peuple qui le mène • croissance économique que nous devons sans cesse alimenter par de nouveaux besoins de consommation…

Et puis soudain, alors que personne ne pouvait même oser l’imaginer, notre monde s’arrête et interloqué, il s’interroge… Comme si notre société, quelque peu essoufflée, pouvait profiter de l’espace vide et silencieux de ce confinement pour se demander après quoi elle court. Une course sacrifiant si souvent l’essentiel, devenu superficiel aux yeux d’une logique mondaine impitoyable ! Et dans ce silence se laisse entendre le fin murmure de l’Esprit-Saint qui besogne dans le monde et qui travaille nos consciences et la conscience de notre

société. L’esprit mondain ne parvient plus dans ce silence à étouffer l’Esprit-Saint qui travaille encore et toujours notre monde depuis sa création, depuis que le créateur lui insuffla son haleine de vie ! Est-ce que nous aurons l’audace de mener ce discernement jusqu’au bout ? D’apprendre à reconnaître comment l’Esprit Saint aiguillonne notre conscience personnelle, notre conscience sociale, abreuvée de l’esprit mondain ? Comment distinguer au cœur du bruit du monde le fin silence du travail de l’Esprit-Saint qui ne cesse de l’interroger et de le remettre en question ?

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Inventer une croissance sans surconsommation La Parole de l’encyclique du Pape François Laudato Si devient de plus en plus audible : certes, notre société doit repartir ; certes, notre monde a besoin de croissance car la misère concerne encore un trop grand nombre, mais nous pouvons nous interroger sur le sens de cette fuite en avant d’un modèle économique qui pour perdurer et s’autoalimenter doit générer une surconsommation dévorant de manière de plus en plus évidente notre planète. Il est ici question de Salut, et les nouvelles générations en ont plus conscience encore. Il s’agit de prendre soin de la planète et des hommes qui y bâtissent une société, de chercher et trouver une sobriété heureuse. Comment accueillir de l’Esprit Saint ce Salut que réclame notre monde aujourd’hui ? Nous prenons conscience que nous avons besoin d’être sauvé et que cette étape de développement engage pour nous aujourd’hui une véritable conversion, où l’idée du progrès ne voudrait pas dire toujours plus mais "davantage", comme aimerait à le dire Saint Ignace. Notre vocation chrétienne est de souffler sur le feu de l’Esprit-Saint qui tente d’éclairer, d’aiguillonner notre monde. L’Esprit ne cesse de besogner le cœur du monde, et nous pouvons avoir

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cette audace de croire que l’Esprit Saint est aujourd’hui le maître de l’impossible ! Pour une identité ouverte Pendant ce confinement, de manière souvent un peu émerveillée, nous avons redécouvert une forme de sociabilité « next door ». Nous semblons redécouvrir que

té avec ceux qui sont proches, se glisse le risque d’un repli, d’une édification identitaire, en définissant des frontières aussi hautes que des murs pour se protéger de l’extérieur. Vivre, produire, échanger localement sans se replier derrière des murs de protection, sans se percevoir comme une société assiégée qui aurait besoin de se protéger localement. Le travail de l’Esprit Saint, c’est de construire une identité ouverte : voilà la mission impossible de l’Esprit-Saint, défiant le projet de la tour de Babel !

Prendre soin de l’âme Un dernier point où j’entends le travail de l’Esprit Saint dans notre monde, c’est que nous « Il s’agit de chercher et trouver une sobriété heureuse. » avons tous conscience qu’une société qui ne prendrait pas soin des l’autonomie individuelle ne résume pas plus fragiles, qui ne mettrait pas au cœur à elle seule l’être humain. Quelque chose de ses préoccupations la protection des d’essentiel, une « manière de faire société », plus faibles, en privilégiant au nom des nous relie à ceux qui sont proches et que impératifs économiques l’immunisation nous n’avons pas forcément choisi de cô- collective est une société qui se déshumatoyer… Et cette fraternité nous nous sur- niserait à coup sûr. Mais en voulant légitiprenons à la célébrer depuis nos balcons… mement protéger nos anciens du coronaLe travail prend une dimension sociale, il virus, en prenant soin de les mettre à part, n’est pas qu’un facteur de production… Et en les « sur-confinant », nous mesurons, eux la société prend goût à s’applaudir quand comme nous et eux plus que nous, que elle prend soin d’elle-même… . quelque chose ne va pas… . Mais derrière ce goût retrouvé de vivre localement, de réapprendre à faire socié-

Ces efforts pour préserver biologiquement leur vie met en évidence que l’homme a


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besoin de bien davantage pour vivre. Un monde aseptisé peut dessécher l’âme. Nous mesurons davantage combien cette autre dimension qui définit fondamentalement notre existence a besoin d’être nourrie. Les virus biologiques ne sont pas les seuls à pouvoir étouffer la vie humaine. L’homme ne vit pas seulement d’eau et de pain mais de toute relation qui lui permet d’accueillir ce souffle de vie, ce souffle de l’Esprit-Saint.

vers les nations, et curieusement, chaque homme les entend parler dans sa propre langue, dans sa propre culture, dans sa réalité de vie singulière. Alors les foules s’interrogent : « qu’est-ce que cela signifie ? ». L’Esprit-Saint ouvre cette première assemblée croyante de telle sorte qu’elle se laisse traverser par ce souffle qui vient de l’extérieur et les conduit à l’extérieur. Nous avons conscience que notre Eglise doit éviter toute forme de repli, de confinement, pour se laisser traverser par les appels de l’Esprit.

rassembler pour nous ouvrir davantage au travail de l’Esprit qui parle au cœur de chacun. Tenir cette ouverture, accueillir cette diversité du travail de l’Esprit-Saint dans le monde et dans chacune de nos confessions. L’Esprit est celui qui maintient et qui est capable de tenir l’unité de ce corps. L’Esprit-Saint est à la fois un mystère de dispersion et un mystère de communion et lui seul est capable de tenir cela ensemble.

Rassemblés par l’Esprit pour s’ouvrir Vingt ans après le démarrage de notre réseau de prière pour l’Unité, Net For davantage God, nous avons J’aime voir accueilli de l’Escomment le monde se laisse prit-Saint comme travailler par un nouveau dél’Esprit-Saint part. Alors que le pour accueillir confinement nous l’essentiel de la isolait, chacune de vie. Pour cela, nos missions a pu je crois que déployer ce réseau notre monde de communion a besoin d’une fraternelle, de Eglise qui, plus prière commuque jamais, se nautaire et de laisse traverser formation. Que ce par ce souffle réseau puisse être de l’Esprit-Saint. au service de la Nous avons becommunion et de « N ous ouvrir davantage au travail de l’Esprit qui parle au cœur de chacun. » soin d’une Eglise l’unité du corps du qui, elle-même, Christ en rassemsorte spirituellement du confinement. Le risque pour notre Eglise aujourd’hui, blant des chrétiens issus de confessions, Dans les Actes des Apôtres, l’évènement de dans un monde duquel elle se sent de plus de sensibilités culturelles différentes. l’Esprit Saint signifie avant tout l’ouverture en plus coupée, à part, est au fond de se Laissons-nous rassembler par le Christ de l’Eglise. Le lieu où les disciples sont ras- replier, de se protéger. Nous ne sommes pour être paratonnerre du Saint-Esprit semblés à l’appel du Christ est traversé par pas appelés à nous rassembler pour nous afin d’être envoyés pour déployer la vie de l’Esprit-Saint qui les tourne vers l’extérieur, replier, mais nous sommes appelés à nous l’Evangile. f F. M.

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Environnement

Le confinement, une opportunité pour le créé?

Martin Kopp Théologien écologique protestant, président de la commission écologie - justice climatique de la Fédération protestante de France, membre du Séminaire œcuménique francophone de théologie de l'écologie (SOFTE)

Comme chargé de plaidoyer pour la Fédération luthérienne mondiale, Martin Kopp a aidé différentes organisations religieuses à préparer la COP21, en septembre 2019. De nature optimiste, ce théologien prend à bras le corps l’enjeu urgent, vital et pertinent pour notre monde : adresser aux Etats un plaidoyer pour notre planète.

Le violet éclatant de Marguerites du Cap. Un délicat pétale d’Iris de Sibérie. La vague jaune acidulé de Corbeilles d’Or. Autant de beautés végétales qui ont attiré et affiné mon regard de confiné campagnard. Au bénéfice d’un beau jardin, mon geste de solidarité fut de partager en ligne une photo chaque jour, pour les confinés d’appartement. C’est que le besoin de nature s’est fait ressentir. Comme si la fréquentation des arbres et des fleurs, même irrégulière ou distraite d’ordinaire, relevait d’un essentiel qui nous était enlevé. La crise du Covid-19 fut un moment

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propice à cette réalisation et, plus largement, à la réflexion sur notre lien à la création, en contexte de crise écologique. Quelles leçons tirer de notre expérience de confinement et du ralentissement de l’économie mondiale ? Quel regard poser et quelles réflexions développer comme chrétiens, qui confessons Dieu comme « créateur du ciel et de la terre » ? Déambulons et cueillons quelques pensées, comme une main verte en son jardin. Le retour de la nature C’est une forme de vie d’une centaine de nano-

mètres, visible au microscope électronique, qui a coincé la moitié de l’humanité entre quatre murs. Deux grandes leçons sont enseignées par cet être minuscule. D’abord, nous sommes rappelés à notre nature animale, sujette à la maladie et à la mort. C’est violemment que le coronavirus a dévoilé notre vulnérabilité, que nos illusions modernes de puissance et de maîtrise ont pu nous faire oublier ou négliger. La Bible le disait déjà, en nommant l’humain ’âdâm (Gn 1.26-27), c’est-àdire, littéralement, le « terreux »1. Or parler de


un temps de choix

« terreux », c’est ramener l’humain à hauteur d’humus. Nous ne sommes pas des dieux, nous sommes pris du sol, susceptibles d’être blessés et de mourir. Ensuite, le virus met en relief l’interdépendance dans laquelle se situe le vivant. Héritiers du dualisme occidental qui sépare la « nature » de la « culture », nous risquons toujours de nous croire indépendants. Quelle que soit l’origine naturelle du Covid-19, celui-ci met en relief nos liens aux autres créatures vivantes et abiotiques. Le pape François répète dans Laudato Si’ que « tout est lié ». Cela détermine aussi une vulnérabilité : Karl Barth estimait déjà que l’humain « est la plus dépendante de toutes les créatures »2 et que si « l’homme paraîtra "la plus grande" des créatures vivantes […] en réalité c’est lui qui devra être et rester "la plus humble" de toutes »3. Le besoin d’une conversion écologique Le confinement fut favorable à de telles méditations. Car il fut pour beaucoup l’expérience d’un certain arrêt. En d’autres termes, une expérience de shabbat. La Bible nous enseigne que cesser d’agir et nous reposer sont des actes

féconds. Et ce aussi pour la terre (Lv 25.1-7). Or qu’avons-nous vu ? Des oiseaux qui communiquent mieux, des grenouilles et des hérissons épargnés par milliers par les roues de nos voitures, des émissions de gaz à effet de serre en baisse… Bref, un répit, une respiration bénéfique à la vie. Mais déjà les scientifiques mettent en garde : ce n’est, précisément, qu’un répit. Un redémarrage risque d’avoir des effets inverses – par exemple, pour des animaux devenus peu prudents sur les routes – et de signer un retour aux destructions ordinaires. C’est dire qu’une véritable transformation de nos sociétés est nécessaire si nous voulons endiguer le changement climatique, protéger les espèces végétales et animales, et construire une nouvelle manière de nous épanouir et de croître, spirituellement et humainement. Le temps du confinement a montré que ce changement requiert, dans les pays dits « développés », qui en fait surproduisent et surconsomment, une certaine décroissance. Relever le beau défi écologique n’ira pas

sans le premier pas de la sobriété, sans une sagesse du moins. Mais une sobriété choisie et solidaire. Choisie, parce que consciente des limites et voulant consacrer du temps à d’autres dimensions de notre être-humain, que le confinement a redécouvert essentiels : les relations personnelles, la proximité avec la nature, l’art et la culture… Solidaire, parce qu’elle devra mettre en place les outils pour accompagner les transitions de travailleurs et des plus vulnérables. Les chrétiens et les Églises peuvent initier de telles démarches et contribuer à la construction du « jour d’après ». Depuis le désinvestissement de nos actifs financiers hors des énergies fossiles jusqu’à des balades chrétiennes dans la création, en passant par l’abandon d’un certain « productivisme ecclésial », qui accumule le faire et, souvent, épuise des curés, des pasteurs et des laïcs actifs, les pistes sont nombreuses. Plus que jamais, nous nous situons à un carrefour, dans un temps de kairos. Choisironsnous la vie, « pour que tu vives, toi et ta descendance » (Dt 30.19) ? f M.K.

Par le renvoi implicite à ’adâmâh, qui signifie « terre ». Barth, Karl, Dogmatique. Troisième volume. La doctrine de la création. Tome premier [1945], Genève, Labor et Fides, 1960, p. 154. [1] Ibidem. [1]

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Lien social

Le Covid, ou l’invention d’un autre universel Émeline Baudet Doctorante à l’Université de la Sorbonne Chargée de recherches à l’Agence Française de Développement Campus de la Transition

Le coronavirus semble avoir réussi là où nombre de politiques, d’associations, d’initiatives portées par des militant.e.s engagé.e.s depuis des années ont échoué : unir l’ensemble de la population mondiale dans une lutte commune contre un fléau qui s’attaque à tous, sans discrimination de classe ni de nationalité. Cela nous rappelle que, paradoxalement, le changement climatique, qui aura un impact bien plus dramatique humainement et écologiquement, peine toujours à mobiliser autant d’efforts.

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Est-ce parce que le virus s’attaque à nous de manière bien plus immédiate et personnelle, tandis que les effets des bouleversements écologiques tardent à se faire sentir, du moins en Occident ? Mais dans ces deux types de lutte, une réponse internationale, forte et multidimensionnelle est nécessaire, si l’on veut éviter de dépasser des seuils qui rendraient tout retour à la « normale » impossible. Mais, si l’origine du coronavirus suscite encore des débats, les réponses qu’on lui apporte pourraient toutefois bien tenir lieu de répétition générale dans la lutte qui doit être la nôtre contre les dérives écologiques actuelles. Le Covid, révélateur de l’ère anthropocène Le coronavirus n’est pas né par hasard. La thèse de l’émergence d’un virus transmissible à l’homme à partir d’animaux sauvages avait été énoncée dès 2012 par

une équipe de chercheurs américains. Ils avaient averti dans le New York Times que le braconnage accru, la destruction progressive des écosystèmes et l’inévitable rapprochement vers les espaces humains qui en résulte pouvaient mener à des maladies nouvelles et rapidement évolutives (zoonoses). Les ravages infligés aux espaces naturels à cause des activités humaines finissent par se retourner contre ces dernières. La déforestation, l’épuisement des ressources en eau, la stérilisation progressive des sols à cause de pratiques agricoles intensives, le changement climatique et le déplacement des gradients de température qu’il provoque, tout cela conduit à bouleverser les milieux de vie de milliers d’espèces animales. Or ces ruptures dans les espaces impliquent une remise en cause des frontières « naturelles » entre êtres vivants, humains et non-humains, qui finit par porter préjudice à tous.


un temps de choix

Un amplificateur de crise Le monde des humains souffre bien sûr gravement de la crise, qui aggrave les inégalités, à toutes les échelles : sociales, de genre, etc. Dans les régions où presque 70% de l’économie dépend du travail informel, c’est-à-dire de relations marchandes et interpersonnelles indépendantes de l’État, qui ne donnent donc pas lieu à une reconnaissance officielle et à ses avantages — retraite, assurance maladie, assurance chômage, etc. —, l’interdiction de circuler équivaut à une menace de mort à plus ou moins brève échéance. De plus, les États qui dépendent de l’exportation massive de leurs ressources, fût-ce au prix de rentes toxiques comme pour le pétrole au Nigéria, voient leurs revenus s’effondrer dramatiquement du fait de la chute brutale de la demande. Dans le monde, la mise en place du confinement conduit parfois aussi à un accroissement dangereux des pouvoirs et au renforcement d’un autoritarisme qui ne demandait que cette occasion pour s’institutionnaliser. Victor Orban, en Hongrie, a profité du Covid pour déclarer un état d’urgence lui assurant tous les pouvoirs. Face au déni de démocratie imposé en son sein par un de ses pays membres, l’Union européenne a brillé par son silence coupable. En Afrique du Sud, la force de la répression policière dans les townships pour faire respecter le confinement a fait ressurgir le spectre d’un Apartheid aboli officiellement depuis presque trente ans, mais dont les blessures demeurent vives et ne cessent de se rouvrir lors d’intenses crises sociales.

« Un moment de pause, de recentrement sur soi et sur les autres. » Dans ces conditions, la capacité qu’ont certaines sociétés à pouvoir se confiner totalement doit être considérée comme un luxe réservé, une nouvelle fois, à une minorité chanceuse d’être née du bon côté de la barrière. Et le Covid ne fait que renforcer cette dernière.

s’avérer particulièrement féconde. Mais le monde de demain ne doit pas rester une vue de l’esprit. S’il ne se traduit pas dès maintenant dans des actes concrets, alors c’est le risque de voir les dérives du « monde d’avant » s’aggraver qui dominera.

Construire et expérimenter d’autres « états de vie » C’est peut-être aussi ce que la crise pourrait nous offrir : un moment de pause, de recentrement sur soi et sur les autres, pour mieux mettre en évidence ce à quoi nous tenons véritablement dans nos vies ; ce que l’écrivaine Nadine Gordimer décrit comme des « Etats de vie » dans son roman Bouge-toi !, publié en 2005. Lorsque les certitudes même les plus enracinées éclatent, que l’inconnu et l’imprévisible dominent notre quotidien et dessinent le chemin du lendemain, l’invention de « la suite » peut

Sur le plan politique et économique, il faudra des réformes. Les systèmes financiers seront dangereux tant qu’ils véhiculeront l’idée d’une corrélation nécessaire entre croissance et exploitation des ressources naturelles, et qu’ils plieront ces dernières aux prétendues « lois » d’un marché libre. L’idée même de croissance doit être revue, au profit de notions instituant la prise en compte des limites planétaires aussi bien sociales qu’écologiques. La transition économique attendue doit être juste, c’est-àdire en associant étroitement équilibres écologiques et bien-être social, l’un ne

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Le Campus de la Transition

"Le Campus de la Transition est implanté à Forges, petite commune de Seine et Marne, depuis 2018. Ce collectif d’enseignantschercheurs, d’étudiants et d’acteurs locaux s’engage à promouvoir la transition écologique et sociale dans l’enseignement supérieur. Comme lieu de recherche, d’enseignement et d’expérimentation, le Campus propose un mode de vie qui explore et questionne nos habitudes quotidiennes, pour en proposer des alternatives sobres et heureuses. Chaque année, le Campus accueille des groupes

pouvant se passer des autres. La crise du Covid, en tant que moment de décision, nous aura aussi appris que certaines des initiatives citoyennes qui ont vu le jour ces dernières années sont plus que jamais légitimes dans leur désir de construire un « autre » monde. Toutes ont pour point commun de s’incarner dans des lieux précis, de s’ancrer dans un contexte local qui n’est pas repli sur soi, réaction contre le différent et l’autre, mais au contraire une aspiration à trouver l’universel par des voies jusqu’alors inexplorées. Ecovillages, ressourceries, voire plateformes virtuelles de partage de connaissances et de bonnes pratiques pour dépasser ensemble les souffrances dues à la crise, ces alternatives économiques et sociales donnent naissance à des « états

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d’étudiants et de professionnels désireux de se former aux enjeux d’une transition écologique et humaniste aussi bien dans la tête que dans le corps et dans le cœur. En effet, l’équipe du Campus porte la vision que les défis écologiques, sociaux et économiques actuels ne seront pas relevés sans une approche holistique, qui intègre les apports des sciences humaines et des sciences dures, de manière radicale… mais non marginale ! Pour tout savoir sur ce projet : https://campus-transition.org/. "

de vie » engagés dans la construction d’un monde commun respectueux des écosystèmes humains et non-humains. Un élan de solidarité populaire et de mobilisation collective a vu le jour, ces dernières semaines ; à l’État d’en prendre acte et de soutenir, par des décisions fortes, cet effort « venu d’en bas » pour pallier les manques ressentis à l’échelle nationale. C’est à travers l’émergence de ces communautés universelles de bien-vivre, construites sur des règles de bienveillance, de co-hospitalité et d’épanouissement des capacités individuelles, mais dépourvues de toute prétention à imposer un universalisme uniformisant, que pourront se formuler des réponses à la crise.

A travers le confinement, le coronavirus a intimement frappé chacun.e de nous ; bien pire est la blessure lorsque ce sont nos proches qui en ont été victimes. Mais il a aussi montré qu’il était possible, en des circonstances extrêmes, de voir se lever un espoir de mobilisation politique inédit ; ne laissons pas retomber cette flamme, mais entretenons-la, ravivons-là pour les combats à venir, transformons-la en étendard d’une conscience écologique et sociale renouvelée et d’autant plus aiguë et désireuse d’agir qu’on connaîtra la puissance de son potentiel. Pour sortir des dénis qui compromettent l’avenir, osons enfin faire rimer futur avec rupture, mais une rupture qui soit collectivement une aventure vers un futur réellement désirable. f E.B.


un temps de choix

Témoignage

Aux confinés de la terre ! Thibault de Montclos ccn, Etudiant en Théologie, Paris

Lorsqu’on vit à Paris, ce qui manque, ce qui manquera toujours, c’est la terre ! Nous avons bien, à Simplon, notre cour bétonnée dans laquelle, sous leur chape de goudron, reposent un érable et deux néfliers… triste nature qui nous rappelle un printemps qui s’en va sans qu’on ne l’ait apprécié. Il y a ce qu’il y a et il y a ce qui manque. Ce qui manque, c’est la terre ; ce qu’il y a ce sont les frères ! L’un se substitue-t-il à l’autre ? Mes sœurs et mes frères devraient-ils être pour moi cette terre nourricière ? Devrais-je, à leur contact, éprouver la solidité de mes racines et goûter dans mes branches à la liberté du vent missionnaire ? Sans doute le devrais-je… Mais, en temps de confinement, l’anagramme me parle autrement: TERRE + FRERES = SERRER + FETER. Prenons-le au mot et allons : vivons heureux, fêtons serrés ! Fêtons Pâques en réseau ! Serrons-nous aux fenêtres et frappons des mains pour les médecins ! Rendons ensemble au Seigneur la louange et l’honneur! Serrons-nous dans

le patio pour notre séance de sport-cardio ! Allons… D’ailleurs, quand j’y pense, nous avons, dans la sacristie, ce calice et cette patène : ils sont en terre eux aussi… en terre cuite ! Ils ne servent plus… plus vraiment. Nous les utilisons une fois par semaine… vides. Jeudi matin. Office pour l’Unité des Chré-

tiens. Pas de sacrement. Pas de ministre ordonné. Seulement cette vacuité ? Ce calice et cette patène au milieu de nous travaillent pour l’unité. La terre ne manque pas tout compte fait… elle est là : fidèle ! Elle seule demeure : offerte sur l’autel.

Vide et dépouillée : c’est elle, c’est cette passion qui continue de nous animer, de nous appeler… ensemble. Et puis, il y a l’imaginaire. Ce n’est qu’enfermé que nous pouvons vraiment rêver. Partir et envisager la Terre promise. Le corps incorruptible du Ressuscité. L’Esprit de liberté. Que ferais-je alors, après le 11 mai ? Abandonnerai-je ces études et ces livres qui, comme si de rien n’était, ne cessent de m’accaparer ? Cesserai-je de vivre dans un monde virtuel où se confondent prochains et lointains ? Les étudiants du foyer reviendront-ils en juin ? ‘Demain que t’importe, me répond la Terre, toi suismoi !’ Alors, tant bien que mal, nous reprenons notre travail. Nous noircissons des pages qui en résument d’autres. Nous lisons des livres qui nous disent. Nous formons la matière grise qui demain, peut-être, servira l’Eglise. Joie d’appartenir à une Terre féconde qui permet de savourer l’Espérance au-delà des apparences. f T.M.

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Covid 19 et Economie

Une crise mondiale peut-elle semer de l'espoir? Hans van Meijl Économiste en chef à la Centre Rrecherche Economique de Wageningen (Pays-Bas) où il est responsable, entre autres, du programme de sécurité alimentaire et de bio-économie et professeur spécial "d'évaluation macroéconomique de la circulaire et de la bio-économie" à l'université et à la recherche de Wageningen. Marié, il a deux enfants et il est membre de la Communauté du Chemin Neuf.

Le monde a changé de manière spectaculaire au cours des trois mois qui se sont écoulés depuis la crise sanitaire de la pandémie COVID-19. La crise sanitaire est devenue une crise économique ayant de graves implications pour les personnes particulièrement pauvres. Dans cet article, j'examine la situation du point de vue alimentaire et je cherche à savoir si cette période sombre ne pourrait pas semer les graines d'un monde plus durable et plus solidaire. F.O.I. : Aujourd’hui, que pouvons-nous dire des conséquences de la crise sanitaire sur l'économie mondiale, particulièrement à propos du travail et de la sécurité alimentaire? H. V. M. : La crise sanitaire et les mesures prises par les gouvernements pour lutter contre la contamination ont réduit le nombre de personnes capables de travailler efficacement et ont donc réduit considérablement la productivité du travail. Selon le FMI (Fonds Monétaire International), la croissance économique mondiale devrait diminuer de 3 % en 2020 au lieu d'une croissance normale de + 3 % . Si la situation dure plus longtemps, les chiffres seront plus négatifs. La baisse de la croissance économique va de pair avec une augmentation du chômage des personnes peu qualifiées. La situation est particulièrement préoccupante pour les habitants des pays en voie de développement qui ne peuvent pas compter temporairement sur l'épargne ni sur un système de sécurité sociale. Ces personnes travaillent souvent dans l'économie informelle et n'ont pas de revenus réguliers pour traverser les périodes difficiles.

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En ce qui concerne la production et la sécurité alimentaires, les risques et les impacts sont différents dans les pays développés et dans les pays en voie de développement. Dans le monde occidental, la production agricole utilise beaucoup d'intrants (énergie, engrais et pesticides, par exemple) et de capitaux (ordinateurs, machines, étables, etc.). Par conséquent, la disponibilité et le coût de ces intrants et capitaux peuvent devenir un problème lorsque le commerce international devient problématique et que le coût du capital augmente en raison des incertitudes. En ce qui concerne la consommation, ces pays rencontrent moins de problèmes car les gens ont déjà un revenu et une épargne relativement élevés et le système de sécurité sociale peut les aider à traverser cette période difficile. Pour les pays en voie de développement, il existe un risque d'approvisionnement de la production, car la production agricole nécessite beaucoup de main-d'œuvre et de nombreux malades peuvent entraver la production. Mais c’est surtout du côté de la consommation que le problème est beaucoup plus grave, car la baisse des revenus et le


un temps de choix

« Les personnes des pays pauvres pourraient donc être directement impactées. » chômage peuvent se traduire immédiatement par une baisse de la sécurité alimentaire car, d'une part, il y a beaucoup moins d'épargne et le système de sécurité sociale fonctionne mal et, d'autre part, la part du revenu consacrée à l'alimentation est beaucoup plus élevée. Les personnes des pays pauvres pourraient donc être directement impactées. F.O.I. : Que retenez-vous des décisions économiques locales et mondiales prises à l’occasion de la crise COVID-19? H.V.M. : La crise sanitaire montre que l’augmentation de la population mondiale et le fait que le monde soit de plus en plus interconnecté (mondialisation) ont induit un risque sanitaire global. Ce risque vient s'ajouter à d’autres risques déjà graves : le changement climatique mondial, la perte de biodiversité, la question de la sécurité alimentaire et de l'intégration des pauvres. Il est intéressant de noter que la réaction des gouvernements à cette crise immédiate, illustrée par des photos de malades aux soins intensifs, est très différente de celle des autres crises à plus long terme, où les progrès, la coopération internationale et la volonté de dépenser et d'investir sont généralement plus faibles. Les gouvernements du monde entier ont procédé à une sorte de confinement de leur économie, en interdisant les mouvements nationaux et internationaux de personnes, en conseillant la distanciation sociale et en demandant aux gens de rester chez eux, de travailler autant que possible loin de chez eux, en fermant le tourisme, les restaurants et le système scolaire. Il est intéressant de noter que ce cadre de vie très peu occidental a été accepté par la population.

Le changement de comportement vers un style de vie plus sobre s'est fait en travaillant à domicile, en ne voyageant pas, en ne faisant pas de sport, en ne fréquentant pas les restaurants, en ne faisant pas de shopping, etc. Les gouvernements ont commencé en même temps à dépenser beaucoup d'argent pour atténuer l'impact des crises sur l'économie. La discipline budgétaire a disparu et des déficits budgétaires historiques en sont le résultat. Les décideurs politiques ont également réalisé qu'une crise mondiale nécessitait une réponse mondiale et ils ont tous réuni beaucoup d'argent pour un fonds international destiné au développement et au déploiement universel de diagnostics, de traitements et de vaccins contre le coronavirus. Ce fonds a permis de collecter beaucoup d'argent à court terme, ce qui n'était pas imaginable auparavant. F.O.I. : Qu’avons-nous appris pendant cette crise du Covid qui nous fasse avancer vers une société plus inclusive et durable? H.V.M. : Il est difficile de croire que nous pouvons lutter contre le corona mais pas contre la faim ni la pauvreté (pour atteindre l'inclusion), ni contre le changement climatique et la dégradation de la biodiversité (pour atteindre la durabilité). Il s'agit d’une crise mondiale, qui nécessite une réaction mondiale d'unité. Pour les gouvernements, cela montre qu'ils peuvent apporter des changements s'ils sont dévoués et qu'ils sont capables de dépenser de l'argent pour le bien-être des gens, la santé publique et une planète durable. Les déficits budgétaires croissants des gouvernements, induits par le COVID-19, risquent de conduire à une augmentation des impôts, à des réductions budgétaires et au chômage à l'avenir. Une option consiste à

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répartir les impôts de manière à ce que les personnes riches paient les impôts les plus élevés, car elles n'ont pas été autant touchées par la crise et n'ont pas perdu leur emploi. Une autre option consiste à augmenter les taxes sur les activités polluantes qui nuisent à la Terre mère, comme l'utilisation des énergies fossiles.

dans le domaine de la connaissance pourraient être ouverts et profiter à tous. Le changement de comportement pourrait faire partie des solutions pour obtenir l'inclusion et sauver notre planète.

Pour les gens et surtout pour nous, Chrétiens, cela représente la voie que Jésus nous a montrée entre un mode de vie compétitif, individuaLes nouveaux emplois qui pourraient être créés par la politique gou- liste, visant un niveau élevé de production et de consommation et une vernementale pour réduire le chôrépartition très inégale de la valeur, "Jésus nousa montré la voie mage pourraient aller directement et un mode de vie beaucoup plus dans le sens d'une croissance verte sobre et moins égoïste, avec moins entre un mode de vie compétitif, en investissant dans les énergies individualiste, visant un niveau élevé de production de voyages, plus de contemplation et renouvelables et dans une économie une valorisation de la vie familiale, des et de consommation et une répartition circulaire. L'impact inégal sur les pays voisins et de la nature. Les expériences très inégale de la valeur, et un mode de développés et en développement, sur de la crise du COVID-19 montrent que vie beaucoup plus sobre et moins égoïste." les riches et les pauvres, pourrait acle changement est possible, mais qu'il croître le besoin d'assistance et d'aide faut une décision forte pour gérer les au développement. Le nouveau système économique pourrait intégrer autres crises avec le même poids, alors qu’elles risquent d’avoir un un gouvernement fort qui prendrait soin de la santé et de l'environne- impact plus important pour les générations futures et non pour nousment. Les actions pourraient de préférence être mondiales et distribuer mêmes directement. f H.V.M. les richesses. Les bénéfices des investissements probablement énormes

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un temps de choix

Fraternité Politique

Quelle solidarité pour construire « l’après » Covid-19 ? Pierre et Flora Leturcq Bruxelles, Responsables de la Fraternité Politique CCN

Pour les 70 participants du troisième week-end annuel de la Fraternité Politique du Chemin Neuf, qui s’est tenu par visioconférence du samedi 2 au dimanche 3 mai, élaborer une stratégie de sortie de crise doit d’abord amener le politique à penser, préserver et/ou construire de nouveaux mécanismes de solidarité. Jeunes de 18 à 30 ans, de vingt nationalités différentes, nous formons le vœu que ce nouveau chapitre de l’Histoire mondiale soit porteur d’un élan humaniste et écologique inspiré de trois valeurs cardinales : solidarité, responsabilité, et sobriété. Au chapitre de la solidarité, qui fut étudié durant ce week-end, trois niveaux indispensables et complémentaires nous ont intéressés particulièrement : la commune, l’Union Européenne et l’échelle internationale. I.« Chez-soi » : préserver une dynamique locale de don et de service Nous étions nombreux à nous demander d’abord comment participer à « l’effort de guerre ». Rester chez soi et « prendre soin de soi » d’accord. Mais comment soutenir concrètement les populations qui souffrent le plus de la crise ? Les différents témoignages reçus au cours du week-end nous ont donné des exemples concrets d’engagements possibles « à notre échelle ». Sixtine, salariée de l’association Le Ro-

cher, nous témoignait de son quotidien au cœur d’un quartier défavorisé en banlieue parisienne. Aider les enfants à faire leurs devoirs, faire les courses pour les personnes âgées, vivre ensemble tout simplement, était sa manière de répondre aux besoins fondamentaux des personnes vulnérables en temps de crise. Daniel Bashir, jeune pakistanais, nous a donné quant à lui une véritable leçon de générosité en quittant le groupe de partage sur Zoom lorsqu’il fut l’heure de distribuer bénévolement des paniers repas aux plus démunis de sa communauté. Toujours à l’échelle locale, mais dans ses fonctions d’élu cette fois, le maire de Tigery, Germain Dupont, a fait usage de sa bonne connaissance du tissu local pour recenser les volontaires, organiser des ateliers de fabrication de masques,

de tonte bénévole des espaces verts, et autres ateliers solidaires entre personnes d’opinions, de confessions, et d’âges différents. Sixtine, Daniel et Germain font partie de ces acteurs de terrain qui ont choisi un engagement de ‘proximité’. Nos échanges sont arrivés à la conclusion que l’échelon local fonctionnait efficacement grâce à la synergie souvent fructueuse entre les pouvoirs publics locaux tels que les communes, « amortisseurs en situation de crises » selon le Dr. Jacques Richir, et les associations de terrain, « éléments clés de la démocratie » selon Patrick De Bucquois, Secrétaire Général de Caritas en Belgique. Le maire de Tigery nous confiait le bonheur qui était le sien de voir se renforcer spontanément les rangs du secteur associatif et l’effort qu’il mettra à préserver cette dynamique de don et

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de service dans sa commune. Nous prions pour tous les maires et conseillers municipaux de France, souvent au cœur du réacteur. Ils auront besoin de force et d’audace pour assurer la continuité de la solidarité bénévole et spontanée née avec la crise du Covid. II.Dans l’Union Européenne : unis dans la diversité, par la solidarité Les mesures de confinement et le ralentissement économique qui s’en est suivi ont entraîné des conséquences sociales extrêmement graves dans le Vieux Continent. Au-delà des dizaines de milliers de morts et de la précarité supplémentaire qu’ils provoquent, la crise du Covid-19 menacerait directement près de 60 millions d’emplois à travers l’Europe, d’après une étude du cabinet de conseil Mc Kinsey publiée en avril, soit près d’un emploi sur quatre. Uniforme en termes d’impact sanitaire, cette crise fut à l’inverse tout à fait protéiforme dans les conséquences économiques qu’elle a générées à travers les 27 États membres de l’Union Européenne. La crise et l’urgence ont été de nouveaux révélateurs du manque de solidarité euro-

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péenne. L’ancien Président de la Commission Européenne Jacques Delors déclarait en mars dernier à l’AFP que le manque de solidarité entre les États membres dans la réponse apportée à la crise faisait courir à l’Union un « danger de mort ». Ce n’est que le 18 mai, plus de deux mois après les premières mesures de confinement, qu’une solidarité budgétaire européenne commence à se mettre en place avec la proposition franco-allemande de plan de relance de 500 Milliards d’euros, mutualisés et accordés en dotations budgétaires aux États membres. L’Histoire européenne nous apprend que les crises sociales peuvent être à l’origine de bouleversements politiques, mais également provoquer une accélération de certaines tendances préexistantes. La crise du covid-19 a ouvert un chapitre politique particulier en Europe en ce qu’elle a mis en évidence l’interconnexion de problématiques environnementales, sanitaires et sociales. L’occasion est donnée d’exprimer dans les politiques publiques une vision renouvelée de la place de l’Homme face à son environnement. Elle donne corps à la prise de conscience généralisée de l’absence de résilience et des incohérences

sociales et environnementales du capitalisme contemporain. Il sera nécessaire de focaliser les investissements de relance sur des secteurs qui remplissent deux critères d’égale importance : le potentiel de création ou de préservation d’emplois et le potentiel de transformation écologique de notre modèle économique. La rénovation des bâtiments, la mobilité douce, la gestion et le recyclage des déchets et des eaux usées et le tourisme côtier sont quelques exemples de secteurs qui remplissent ces deux critères. Il s’agira également pour l’UE dans les mois qui viennent de se servir de sa puissance commerciale pour rehausser les ambitions environnementales et climatiques de ses partenaires. Une Union Européenne « Laudato Si – compatible » ? On y croit ! III.Mondialisation et solidarité nord-sud : à prendre ou à laisser ? Sur une initiative lancée par le Pape François et quelques autres dirigeants politiques nationaux, la communauté internationale s’est enfin saisie de la question de la dette des pays africains. Aujourd’hui encore les pays africains - notamment ceux d’Afrique sub-saharienne - payent aux détendeurs de leurs dettes publiques


un temps de choix

des intérêts indécemment élevés. Pour un total de dette de 365 Milliards d’euros et un remboursement annuel de 32 Milliards prévu en 2020, les pays d’Afrique sub-saharienne auraient dû s’acquitter cette année de près de 44 Milliards d’euros d’intérêts. Si le Président français Emmanuel Macron avait appelé en avril à une annulation massive de la dette africaine détenue par les pays occidentaux (qui n’est qu’une partie du problème), c’est finalement un moratoire sur la dette africaine, visant à ne plus réclamer les intérêts, qui a été proposé par le G20. Il reste que l’Afrique sera touchée plus durement que les autres continents sur le plan économique - et par voie de conséquence sur le plan humain - et que la question demeure quant au niveau adéquat d’assistance et de solidarité dont elle devra bénéficier pour repartir. Cette crise montre ainsi du doigt une réalité difficile à intégrer dans nos sociétés occidentales, souvent obnubilées par le confort sanitaire. Le Docteur Jacques Richir, médecin gériatre, adjoint de Martine Aubry à la Mairie de Lille et administrateur des Hôpitaux catholiques de Lille, rappelait à notre mémoire des chiffres terribles :

525 000 enfants de moins de 5 ans décèdent de diarrhées liées au manque d’accès à une eau saine potable chaque année, 770 000 personnes du sida et 400 000 du paludisme, dont une majorité d’enfants. Le Covid-19 avec ses 350 000 décès recensés à ce jour a amené dans le confort de notre univers riche et développé une réalité presque aussi dure que celle que vivent chaque jour les 50% les moins riches de la planète, ces 3,5 milliards de personnes dont les revenus n’ont pas augmenté depuis 1980…

la mondialisation. En quête de résilience, les systèmes productifs connaîtront vraisemblablement des mouvements de relocalisation et de diversification des chaines de valeur. L’essentiel du monde de demain se trouve toutefois non pas dans le renoncement à la mondialisation en elle-même, comme les esprits acides aiment à le penser, mais bien dans la reconstruction du capitalisme, pour le rendre à la fois plus humain, plus efficient et résilient et moins inégalitaire. -

Loïc Rigal, Docteur en droit de la santé et consultant en accès aux soins, plaidait quant à lui pour une réponse internationale à la problématique des prix du médicament, fixés aujourd’hui par l’industrie pharmaceutique en fonction de la rareté des maladies. Il affirme que la justice sanitaire passe par un accord international sur le prix des médicaments et une différenciation des prix selon leurs lieux de commercialisation.

Dès lors, comme Monseigneur Rougé nous l’exhortait dans son introduction au weekend, nous sommes appelés, à tous les niveaux, à être des témoins de l’amour par notre bienveillance, à rechercher « l’intelligence de la vérité, et à ajuster notre justice humaine à la justice divine par un surcroit de générosité ». Peut-être pourrions-nous continuer à méditer le verset 11 du Psaume 84 : « Amour et vérité se rencontrent, justice et paix s’embrassent ». A défaut de pouvoir nous embrasser, redoublons d’inventivité pour oser la rencontre fraternelle et devenir des citoyens actifs selon le cœur de Dieu !! f P.F.L.

Du point de vue du commerce international, la crise du Covid-19 a d’ores et déjà entamé la transformation des oripeaux de

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Foi et raison

Vers un nouveau rapport à la formation ?! Sr. Estelle Sogbou Equipe Formation à l’ITD (Institut de Théologie des Dombes), ccn

Comme beaucoup d’autres propositions, la participation aux formations en ligne a connu une hausse importante pendant la période de confinement. Le rapport au temps a aussi changé le rapport à la formation « gratuite » théologique et spirituelle. On pourrait bien interroger cet engouement de nos contemporains. S’agit-il d’un simple besoin d’occupation ou cela exprime-t-il effectivement un vrai désir de formation, qui, dans la vie courante, « normale », serait difficile à mettre en œuvre ? S’il est difficile de donner une réponse claire, on peut vraiment constater l’augmentation des inscriptions aux MOOCs1 proposés par l’Institut de Théologie des Dombes de la Communauté du Chemin Neuf. Au-delà des chiffres que cela peut représenter, il est possible de lire dans cette situation deux attitudes ou aspirations de nos contemporains : la recherche d’une nourriture spirituelle et intellectuelle pour traverser cette période d’incertitude, et l’occasion de prendre le temps de se former à la théologie. La première attitude s’exprime à travers le taux de participation aux cours de théologique biblique et d’exégèse. Ceux-ci semblent pour beaucoup non seulement plus accessibles, mais aussi nourrissants pour leur vie de prière à travers l’accès [1] [2]

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nouveau qu’ils ont à la Parole de Dieu. Ici, on pourrait dire que théologie et prière deviennent un seul et même acte. La seconde s’exprime par l’inscription aux autres propositions moins en lien direct avec la Bible. Car, si la théologie reste jusqu’à ce jour pour beaucoup une discipline d’arcane, le fait d’y participer par une formule simple et à son propre rythme représente une motivation importante. En outre, cette simplicité n’exclut pas la qualité académique de la formation. En regardant de plus près ce regain d’intérêt pour la formation théologique, on pourrait conclure que la formation théologique exprime aussi le désir et la soif spirituelle de nos contemporains. Ceux-ci ne veulent plus se suffire uniquement de sermons ou catéchèses, mais souhaitent

articuler dans leur vie foi et raison, autrement dit : « Croire pour comprendre et comprendre pour croire » 2. Une articulation rendue nécessaire par la crise à laquelle fait face le monde entier. Un enseignement que j’aurais retenu de cette période, c’est la place de la formation dans la vie chrétienne. Il s’agit non pas de la place de manière générale, mais une place traduite par une disponibilité intérieure à saisir toute occasion pour se mettre en route et continuer d’apprendre, et se laisser former par le Seigneur luimême. La formation devient elle-même une quête de sens, un chemin spirituel, surtout en situation de crise … de croissance. f E.S.


un temps de choix

Témoignage

Comme une arche de Noé ! Daniel Fossier ccn, Médecin, Villefontaine

Pour cette période d’enfermement généralisé, il a fallu réorganiser les liens habituels et entre autre ceux qui me rattachent à l’Église. Très vite mon choix s’est porté sur les « moocs » qui se sont révélés un très bon moyen de transmettre la Parole de Dieu et un certain nombre d’enseignements. Par écran interposé il m’est difficile de me sentir partie prenante d’une messe télévisée ou d’un office. Pour moi, le virtuel empêche un peu l’incarnation et ne favorise pas la communion. Pour ce qui est des moocs proposés par la Communauté du Chemin Neuf, il y a là une interaction possible et bénéfique. Aussi bien sur les parcours exégétiques de quelques chapitres de Matthieu ou l’ensemble des écrits de Paul, que sur une plongée dans la théologie et l’histoire de l’église orthodoxe (et même les deux mille ans d’histoire de l’Église), que sur la pensée et l’œuvre de Theillard de Chardin ( parcours un peu plus âpre) je me suis senti enthousiasmé et nourri.

Pourquoi ? D’une part l’enseignant explique, d’autre part l’auditeur ou le spectateur va régulièrement se réveiller par le moyen d’un questionnaire qui n’a rien d’un piège mais est proposé comme une aide à la compréhension et à la mémorisation.

Sola scriptura (écriture comme seule autorité) pour Luther ou finalement l’écriture comme seul vrai trésor que l’Église transmet depuis 2000 ans par la voix de puissants orateurs ou témoins (Paul, Augustin, François….) et maintenant par des voix démultipliées par des moyens techniques ; c’est ce que j’ai pu saisir avec un peu d’avidité pour flotter un peu près convenablement comme une arche de Noé sur cette mer actuelle d’incertitudes.

Maintenant il faut sortir : Que vaudront les rencontres masquées, comment les liens s’établiront-ils avec les « mesures barrières » ? Vais-je me situer comme un « sachant » (armé de tous l’enseignement des moocs) en face de « sachants un peu moins » ? Ce serait mal connaître l’essence même de la Parole : elle éclaire l’intelligence, dès lors qu’on la reçoit avec tous nos sens. Merci St Ignace de nous avoir appris cela ! A la fin de sa vie, André Frossard s’interrogeait sur Dieu. Ce fils de responsable national communiste, converti alors qu’il avait une vingtaine d’années, a passé sa vie à se demander ce qui lui arrivait. Il raconte dans un livre étonnant, « Dieu existe, je l’ai rencontré », s’il n’avait pas plus admiré Dieu qu’il ne l’avait véritablement aimé. « Mon commandement le voici : c’est de vous aimer les uns les autres comme je vous ai aimés. » C’est le programme, c’est l’objectif. Peu à peu, cette Parole passe de la tête au cœur puis dans nos comportements. Tout est « grâce ». f D.F.

foi65 juin-juillet-août 2020

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