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Aux confinés de la terre !

Témoignage

Aux confinés de la terre !

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Thibault de Montclos

ccn, Etudiant en Théologie, Paris

Lorsqu’on vit à Paris, ce qui manque, ce qui manquera toujours, c’est la terre ! Nous avons bien, à Simplon, notre cour bétonnée dans laquelle, sous leur chape de goudron, reposent un érable et deux néfliers… triste nature qui nous rappelle un printemps qui s’en va sans qu’on ne l’ait apprécié. Il y a ce qu’il y a et il y a ce qui manque. Ce qui manque, c’est la terre ; ce qu’il y a ce sont les frères ! L’un se substitue-t-il à l’autre ? Mes sœurs et mes frères devraient-ils être pour moi cette terre nourricière ? Devrais-je, à leur contact, éprouver la solidité de mes racines et goûter dans mes branches à la liberté du vent missionnaire ? Sans doute le devrais-je…

Mais, en temps de confinement, l’anagramme me parle autrement: TERRE + FRERES = SERRER + FETER. Prenons-le au mot et allons : vivons heureux, fêtons serrés ! Fêtons Pâques en réseau ! Serrons-nous aux fenêtres et frappons des mains pour les médecins ! Rendons ensemble au Seigneur la louange et l’honneur! Serrons-nous dans le patio pour notre séance de sport-cardio ! Allons…

D’ailleurs, quand j’y pense, nous avons, dans la sacristie, ce calice et cette patène : ils sont en terre eux aussi… en terre cuite ! Ils ne servent plus… plus vraiment. Nous les utilisons une fois par semaine… vides. Jeudi matin. Office pour l’Unité des Chrétiens. Pas de sacrement. Pas de ministre ordonné. Seulement cette vacuité ? Ce calice et cette patène au milieu de nous travaillent pour l’unité. La terre ne manque pas tout compte fait… elle est là : fidèle ! Elle seule demeure : offerte sur l’autel. Vide et dépouillée : c’est elle, c’est cette passion qui continue de nous animer, de nous appeler… ensemble.

Et puis, il y a l’imaginaire. Ce n’est qu’enfermé que nous pouvons vraiment rêver. Partir et envisager la Terre promise. Le corps incorruptible du Ressuscité. L’Esprit de liberté. Que ferais-je alors, après le 11 mai ? Abandonnerai-je ces études et ces livres qui, comme si de rien n’était, ne cessent de m’accaparer ? Cesserai-je de vivre dans un monde virtuel où se confondent prochains et lointains ? Les étudiants du foyer reviendront-ils en juin ? ‘Demain que t’importe, me répond la Terre, toi suis-moi !’ Alors, tant bien que mal, nous reprenons notre travail. Nous noircissons des pages qui en résument d’autres. Nous lisons des livres qui nous disent. Nous formons la matière grise qui demain, peut-être, servira l’Eglise. Joie d’appartenir à une Terre féconde qui permet de savourer l’Espérance au-delà des apparences. T.M.