Confi'Lyon le magazine lyonnais et confiné by ISCPA

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ONFI’ LYON le magazine lyonnais et confiné - numero unique de décembre 2020

COVID-19 SOS MENTAL EN DÉTRESSE dossier spécial page

Comment les Lyonnais se sont adaptés page

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Ce que la crise sanitaire a déjà changé page

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EDITO par Léo Ballery

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vec l’apparition de la Covid-19, les théories du complot semblent avoir explosé. Elles sont diverses, certaines accusent les laboratoires de l’institut Pasteur d’avoir créé le virus, d’autres pensent que c’est une arme biologique de la Chine, ou encore un système de régulation de la population mondiale. Les médias généralistes comme les réseaux sociaux en sont submergés, et les audiences de certains reportages complotistes montent en flèche. Deux questions se posent, d’une y a-t-il réellement une augmentation des théories complotistes ? Ensuite, qui doit lutter contre et comment ? Il est difficile de savoir s’il y a plus ou moins de théories complotistes qu’avant. Selon Sebastian Dieguez*, neuroscientifique, il y aurait manifestement plus de théories du complot durant la crise sanitaire, mais ce sont surtout leurs visibilités qui ont augmenté. A cela, plusieurs explications. Premièrement, le rejet des théories complotistes par la majorité de la population a une incidence. « C’est aussi en partie le fait d’en parler qui le rend si visible et suscite autant de tensions ». La présence accrue sur les réseaux sociaux est aussi un facteur majeur de cette visibilité. On peut également évoquer le fait que les théories complotistes liées à la crise sanitaire, sont plus susceptibles d’être suivies par la population qui est directement impactée par cette crise.

tisme est une espèce de disposition naturelle de l’esprit qui tend à trouver une intention derrière des évènements. Le penchant naturel de l’esprit humain est de chercher un responsable, ainsi qu’un sens ». D’une certaine manière, c’est rassurant d’identifier des responsables à cette crise. On préfère pointer un humain, plutôt qu’une cause complexe qu’on ne comprend pas forcément. Il faut maintenant s’attarder sur comment lutter contre ces théories complotistes, et surtout qui doit s’en charger. Une solution pourrait paraître évidente, celle de supprimer ces théories. En réalité ce n’est pas viable, les supprimer renforcerait l’idée des complotistes qu’on cherche à les faire taire. Les ignorer pourrait être la solution, mais si l’on ne démontre pas qu’une théorie est fausse alors l’hypothèse qu’elle soit vraie est conservée. Il faut donc leur répondre. Et c’est là toute la difficulté de l’exercice. La réponse doit être constructive et argumentée. Elle ne doit pas reposer sur votre opinion en cherchant à démontrer que votre logique est meilleure. Ce qu’il faut, c’est comprendre les arguments de ces théories pour mieux les démonter. En se basant sur des données, des faits, des avis d’experts, il faut recouper les sources. C’est pour cela que c’est aux journalistes d’assumer ce rôle, car l’essence de notre métier s’oppose aux logiques complotistes. Cependant, un risque persiste. En parlant de ces théories on les crédibilise, à l’inverse si on n’en parle pas on les crédibilise également. D’une certaine façon lorsque qu’on les combat, c’est une opposition entre deux thèses, l’une se basant sur des « faits alternatifs » l’autre reposant sur des faits établis. Pour faire simple, si votre réponse suit une méthodologie journalistique alors elle ne peut être que juste.

Le rhume complotiste

Mais qui croit à ces théories loufoques ? Eh bien plus de monde qu’on ne le pense. D’après Rudy Reichstadt**, directeur de l’Observatoire du complotisme, en France, une personne sur quatre croit à une théorie du complot liée à la Covid-19 (26% de la population pensent que le virus a été fabriqué). Ne vous moquez pas ça pourrait être vous ! Selon Sébastian Dieguez, nous y sommes tous prédisposés. « Le complo-

Sebastian Dieguez* = Pour le magazine L’Echo / Rudy Reichstadt** = pour le magazine Midi Libre


SOMMAIRE 14

EN COUVERTURE

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On est en train de faire disparaître des lits en psychiatrie

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Les jeunes aides-soignants sous pression

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LA VIE CONTINUE

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Un sourire derrière le masque

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Les mairies d’arrondissement en activité «quasi-normale»

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Métropole de Lyon : des finances saines pour continuer de rêver

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Des cérémonies religieuses à distance

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«J’ai poursuivi mes études pour ne pas être confronté au Covid-19»

artistes relèvent 10 Les la tête

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Place aux nouveau talents

: la 12 Télétravail norme de demain ?

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Live instagram : «c’est une continuité dans mon travail de journaliste»

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«Nous avons tous partagé ce stress» Comment s’organise les funérailles

ECOLE Une éducation retardée

SOCIAL Prostitution : putain d’épidémie

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La crainte d’une nouvelle hausse des violences conjuguales

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SDF : confinés dehors

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JUSTICE L’activité judiciaire se poursuit

CULTURE «J’ai beaucoup créé pour ne pas être mal à l’intérieur»

SPORT Les clubs amateurs mal en point

CONFI’ LYON 47 rue du Sergent Michel Berthet, 69 009 Lyon - Tel. 04 72 85 71 73 iscpalyon@groupe-igs.fr Directeur de la publication : Isabelle Dumas Directeur de la rédaction : Alexandre Buisine Redacteur en chef : Léo Ballery Redacteur en chef adjoint : Margaux Levanto Rédacteur graphiste : Léo Mourgeon Secrétaires de rédaction : Inès Pallot, Anthony Comberousse, Coline Michel Rédacteurs : Thibault Ajaguin, Pauline Choppin, Antoine Desvoivre, Gressy Benatir, Léa Christol, Paul Bourret, Christopher Coustier


LYON EN BREF ©DR

Un Black Friday lyonnais en décembre

Cette année, le Black Friday, initialement prévu le 27 novembre, est reporté en France au 4 décembre, soit une semaine après pour permettre aux commerces de rouvrir à temps. En réponse à une pétition de boycott signée par plusieurs élus de gauche et écologistes, notamment Bruno Bernard le président de la Métropole, Amazon France a décidé également de décaler d’une seI.P. maine l’opération commerciale.

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8 décembre : Lyon s’illuminera malgré tout

En raison de la crise sanitaire, la fête des Lumières 2020 n’aura pas lieu cette année. Pour autant, hors de question que Lyon ne s’illumine pas le 8 décembre. La colline de Fourvière sera ainsi mise en lumière tandis que les Lyonnais sont invités à poser des lumignons au bord de leurs fenêtres en guise d’hommage et de solidarité. Par ailleurs, l’opération caritative des Lumignons du Cœur est maintenue au bénéfice des Petits Frères des Pauvres. Chaque lumignon acheté permettra la création d’une fresque composée de 20 000 lumignons qui rendra hommage au personnel soignant. Elle sera réalisée dans un lieu à huis clos et inaccessible au public afin de respecter les gestes barrières. Que l’on se rassure, elle sera malgré tout visible dans la soirée en direct sur InA.C. ternet.

L’amour est dans le confinement

Tinder, Fruitz, Happn… Les sites de rencontres ne connaissent pas la crise ! Au contraire et étonnamment, les plateformes de l’amour sont en hausse depuis mars dernier. Selon certains experts, les sites de rencontres permettent de contourner l’ennui et d’éviter de se sentir trop seul durant cette période de confinement. Finis les rendez-vous romantiques au restaurant, désormais apprêtez-vous à passer votre meilleur appel FaG.B. ceTime.

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LA VIE CONTINUE

ECONOMIE

La promesse d’un sourire visible, même avec un masque Si la crise sanitaire liée à la Covid-19 nous fait tout d’abord penser aux entreprises en faillite, d’autres ont su tirer leur épingle du jeu. Désireuse de fournir des masques permettant aux sourds et malentendants de lire sur les lèvres, la société lyonnaise Odiora a beaucoup fait parler d’elle grâce à son initiative.

prises, répercutant ainsi cet impact sur les salariés partout en France. Néanmoins, ce n’est pas le cas de la société lyonnaise Odiora, sortie du lot en mai dernier lorsqu’elle s’est mise à commercialiser des masques de protection dotés d’une visière transparente au niveau de la bouche. L’intérêt derrière ce projet est simple, combler un manque qui avait jusquelà été oublié avec l’apparition des masques chirurgicaux ou même ceux en tissu.

Cette période de pandémie mondiale a affecté de nombreuses entre-

En effet, l’entreprise lyonnaise, à la base spécialisée dans les bijoux pour

Un masque qui s’adapte aux malentendants

appareils auditifs, a lancé cette initiative afin de permettre aux sourds et malentendants de continuer à faire de la lecture labiale. L’idée est venue de la fondatrice de la société, Nathalie Birault, elle-même malentendante. Une initiative qui s’est vue récompensée par un carnet de commandes plus que rempli, allongeant même les dates de livraison, comme l’a annoncé l’entreprise sur son site internet. Il faut dire que jusque-là, les masques traditionnels étaient un vrai frein à la communication pour ces personnes.

Christopher Coustier ©nstagram/@Odiora_bijoux

Le masque sourire est un assemblage de trois couches de tissus ainsi qu’une bande de plastique Pvc afin de permettre la lecture labiale

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LA VIE CONTINUE

POLITIQUE

©Léo Ballery

Les mairies d’arrondissement en activité «quasi» normale

La mairie du 6ème arr. accueille de nombreux Lyonnais pendant le confinement

Qui dit confinement plus allégé dit nouvelles règles. Les services publics sont maintenus en activité ; les mairies restent donc en accès libre pour les habitants. Mais à Lyon, comment fonctionne chaque arrondissement ?

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es mairies d’arrondissement répondent aux besoins des Lyonnais. Elles constituent le point de contact pour les habitants. Seulement ses compétences sont limitées ; elles délivrent l’état civil, carte d’identité, passeport, inscription scolaire ou dans les crèches, logement social etc. Lors du premier confinement, les services ont été très réduits. L’activité des cartes d’identité et passeports a été stoppée par exemple, à la demande des autorités de l’État. Les employés ne devaient faire que de l’état civil d’urgence, c’est-à-dire les déclarations de naissance par exemple, ou d’autres besoins particuliers. Mais pour ce deuxième confinement, les mairies sont ouvertes et le fonctionnement est quasiment normal.

Qu’est-ce qui a finalement changé ? Les habitants bénéficient toujours des services proposés par les mairies d’arrondissement. Comme l’essentiel du travail est en contact avec du public (et que les agents manipulent des registres papiers), le présentiel prime.

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Certaines prestations sont maintenues mais le nombre reste limité, par exemple les mariages sont autorisés dans un maximum de 6 personnes. Bertrand Weill, directeur des services de la mairie du 6ème souligne : «La différence c’est que pour le point petite enfance, l’agent peut télétravailler et donc peut privilégier les rendez-vous téléphoniques à ceux physiques». Et les agents doivent fermer la mairie au public à midi, pendant une heure pour la pause déjeuner, afin d’éviter que les repas soient collectifs. En ce qui concerne d’éventuels horaires de rendez-vous, cela dépend des différentes mairies. «En fonction du nombre d’habitants dans les arrondissements et du nombre d’agents, les mairies organisent, ou non, des horaires pour des rendez-vous. Nous, on fonctionne avec un système mixte, c’est-à-dire qu’il y a des prestations sur rendez-vous et d’autres non», explique Bertrand Weill. Comme pour le premier confinement, les habitants peuvent trouver des attestations imprimées dans les mairies. Par ailleurs, il y a des démarches faites au niveau de la Ville en collaboration avec les mairies d’arrondissement, notamment l’appel aux personnes âgées isolées pour prendre des nouvelles, pour envoyer des masques à doInès Pallot micile si besoin etc.

Conseils d’arrondissement Les conseils d’arrondissement en distanciel sont privilégiés, puisque la Ville de Lyon fournit du matériel pour faire des visioconférences. À terme, l’objectif est que toutes les mairies d’arrondissement soient équipées, ce qui n’est pas encore le cas. «En effet l’expérience du premier confinement a montré que la ville de Lyon n’était pas la plus en avance sur le système de travail à distance. La Ville avait donc programmé l’équipement des mairies d’arrondissement», ajoute Bertrand Weill. La vidéo est retransmise en direct sur une chaîne Youtube pour garantir la publicité des débats. Et il y a sur le site de la mairie du 6ème par exemple, un lien pour le revoir à nouveau.


LA VIE CONTINUE

Métropole de Lyon : des finances saines pour continuer de rêver

A l’heure du premier déconfinement, les désormais célèbres «pistes cyclables jaunes» ont vu le jour. Une réponse à un besoin urgent de diminuer la promiscuité, surtout dans les transports en commun. Grâce à des finances extrêment saines, la Métropole de Lyon a été capable de soulager bon nombre de ses habitants, tout en ne délaissant pas ses autres objectifs de transformations urbaines ©Léo Mourgeon

Symboles de cette «double réponse», les «pistes jaunes» ont de grandes chances d’être pérennisées

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n cette période d’incertitude, on peut être convaincu d’une chose : la pandémie que le monde a connue, et connaît encore, va définitivement changer certains aspects de notre mode de vie. Beaucoup craignent (ou souhaitent) un retour en arrière. À Lyon, les décideurs, quels qu’ils soient, veulent tirer du bon de cette leçon sanitaire que nous inflige dame nature. On voit alors une occasion de tester, de changer les choses, d’amener les Lyonnais vers une nouvelle façon de vivre. C’est en tout cas la position qu’a adoptée la Métropole de Lyon à la sortie de la première vague épidémique. Souvenez-vous, il y a quelques mois, dans les rues de la capitale des Gaules fleurissaient de nouvelles pistes cyclables, communément appelées «pistes jaunes». Ce sont au total 77 nouveaux kilomètres de voies cyclables qui ont vu le jour lors du premier déconfinement. David Kimelfeld, alors président de la collectivité, avait justifié cette nouveauté comme un moyen ludique de «respecter les gestes barrières». Un «urbanisme tactique» qui devait donc répondre à une crise inédite. Mais cette solution temporaire a désormais de grandes chances d’être pérennisée tant l’idée a plu aux habitants de la deuxième agglomération de France (75% des habitants sont favorables à la pérennisation des «pistes jaunes», selon un sondage IFOP pour «Réseaux Action Climat»). N’était-ce pas le but initial ? Un pari gagnant de David Kimelfeld

et ses équipes souhaitant allier réponse sanitaire et décisions écologiques ? Quoi qu’il en soit, c’est sur cette lancée verte qu’ont été élus les écologistes le 28 juin 2020 : Grégory Doucet en maire de Lyon et Bruno Bernard en président de la Métropole. «Nouveau duo, nouvelle vision» nous avait-on promis en début de mandat. Évidemment, dès son accession au pouvoir, Bruno Bernard a dû s’occuper en priorité de la crise sanitaire. Mais est-ce pour autant qu’il a dû délaisser leur objectif principal, faire de Lyon une ville verte ? La question se pose car le défi est de taille : «il faut trouver des équilibres et arbitrer» les dépenses publiques face aux crises sanitaires et écologiques, a répondu le président Bruno Bernard lors du conseil métropolitain le 17 novembre dernier. L’homme fort du Grand Lyon l’a reconnu lui-même : ses prédécesseurs lui ont laissé une Métropole très en forme financièrement. Ainsi, Bruno Bernard a pu débloquer immédiatement près de 234 millions d’euros d’aides lors de l’arrivée de l’épidémie, grâce à une capacité d’auto-financement très forte (464 millions au total). Pour le moment donc, les budgets restent presque inchangés (3,1 milliards d’euros sur un mandat). Le président de la Métropole et du SYTRAL a les mains libres pour rêver et lancer des projets comme la construction d’un téléphérique et d’une Léo Mourgeon ligne de métro supplémentaire. onfi’Lyon

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LA VIE CONTINUE

RELIGION Le prêtre Laurent Julien de Pommerol célèbre la messe du dimanche en respectant les gestes barrières

Les cultes maintiennent les offices… mais à distance

©Inès Pallot

Le deuxième confinement n’est pas un frein pour les religions, qui arrivent avec les réseaux sociaux et autres outils digitaux à s’adapter en distanciel. Alors comment se passent les offices religieux ?

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ertains avaient déjà mis en place les directs pour le premier confinement et peaufinent le résultat, quand d’autres s’essaient à ces nouvelles pratiques numériques. À Lyon, pour les catholiques, il est possible de suivre les messes du dimanche en live sur Youtube généralement. Les cérémonies se tiennent soit dans l’église (mais il faut savoir gérer la captation du son avec la résonance), soit dans une salle appropriée. À préciser que toutes les paroisses de Lyon ne font pas toutes le système du distanciel. À la grande synagogue de Lyon, les offices sont à retrouver en visioconférence sur Zoom ou en direct sur Facebook et autres réseaux (whatsapp, snapchat), puis mis en replay sur Youtube. Le rabbin Nissim Malka, qui s’occupe des prières depuis son salon, explique que «le confinement n’est pas du tout adapté à la religion juive, il a été pensé pour que les lieux de culte soient ouverts mais que les offices soient interdits. Sauf que pour les pratiquants juifs, la synagogue n’est pas un lieu de recueillement individuel, les offices sont réalisés en communauté. La synagogue est donc restée fermée.» En ce qui concerne la mosquée de Villeurbanne, le prêche du vendredi soir est diffusé en direct sur Facebook (mais la vidéo reste visible sur la page même après) et est effectué par le recteur de la mosquée dans le lieu de culte. Seulement, parmi les conditions de la prière du vendredi il faut qu’il y ait la mosquée ; mais comme celle-ci est fermée au public concernant les offices, après le prêche, chacun fait sa prière de son côté. Inès Pallot

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Comment s’organisent les messes en direct ?

Dans la paroisse de la Croix-Rousse, la messe du dimanche en distanciel a lieu dans l’église Saint-Augustin depuis le premier confinement. Préparé et prévenant, le père Laurent Jullien de Pommerol avait recommencé à faire les offices en live à partir du 11 octobre. La cérémonie est donc filmée par trois caméras qui alternent en fonction de qui parle, et est retransmise en direct sur Youtube grâce à un mélangeur son et vidéo. Au total, ils sont dix pour préparer la messe, limite autorisée par la loi : deux prêtres, trois chanteurs, un organiste et quatre personnes à la vidéo. Il faut compter une heure à peu près pour l’ensemble du culte. Ce qui est moins qu’habituellement, puisque la communion est réduite car il n’y a pas de partage d’hosties avec les fidèles. En ce qui concerne la quête, collecte d’argent pour la paroisse, elle est désormais proposée en ligne. En moyenne, le live atteint une centaine de points de connexion. «J’ai des fois des gens qui me regardent au-delà des frontières paroissiales», ajoute le prêtre.


LA VIE CONTINUE

EDUCATION

Gaëlle : « J’ai poursuivi mes études pour ne pas être confrontée à la Covid-19 » A peine diplomée, Gaëlle Sénéchal s’est replongée dans ses études pour ne pas entrer sur le marché du travail en cette période d’incertitude. Confi’Lyon : Pouvez-vous nous raconter votre parcours scolaire et professionnel ? Gaëlle Sénéchal : Je suis étudiante à l’université

cette option-là. Notaire, il a constaté que nombre de ses confrères avocats, notaires, juristes, magistrats géraient très mal cette crise. Puis quelques connaissances à moi avaient déjà envisagé cette option-là. Alors pourquoi pas ?

Jean Moulin à Lyon 3 et j’ai pour vocation de devenir avocate fiscaliste. Après l’obtention de mon bac économique et social, j’ai réalisé une licence en droit à l’université Jean Moulin en enchaînant avec un master en droit fiscal.. À la fin de mon cursus scolaire, j’ai décidé de ne pas me présenter à l’examen d’entrée (le CRFPA) et j’ai tout simplement démarré un second master en droit et fiscalité du marché de l’art.

Pourquoi avoir décidé de poursuivre vos études alors que votre premier master était amplement suffisant pour passer votre examen final ?

La crise sanitaire est un réel fléau pour le marché du travail… Quant à la recherche d’un emploi, je n’ose même pas en parler. Aujourd’hui, il est nécessaire de savoir que le milieu juridique est touché de plein fouet par la Covid-19. Un avocat sur quatre pense à changer de métier face à la crise que nous traversons actuellement. J’ai donc préféré m’investir, encore, dans les études pour approfondir mes connaissances et ne pas être confrontée à ces difficultés qu’engendre le Covid-19.

C’est vous même qui avez décidé de poursuivre vos études ? C’est tout d’abord mon père qui m’a proposé

Si demain, le président de la République annonce que l’épidémie est vaincue, continueriez-vous votre cursus ?

Nombreux sont les jeunes Lyonnais à devoir poursuivre leurs études pour échapper au Covid ©Gaëlle Sénécher

Question piège…(rire) ! Franchement, ça me fait mal de le dire mais oui je continuerai mes études. Cette crise sanitaire aura des conséquences sur le marché du travail qu’on le veuille ou non. Alors oui, je préfère poursuivre ce nouveau projet, réussir l’examen final et faire mon entrée dans ce monde professionnel que je convoite tant.

Comment vos collègues ont-ils géré cette situation ?

C’est très compliqué pour un grand nombre d’amis et de connaissances… Ma meilleure amie a obtenu son diplôme de fin d’année et est actuellement toujours à la recherche d’un contrat dans un cabinet de notaires. C’est généralement toujours les mêmes raisons : «Désolé, avec la crise sanitaire, il nous est impossible de répondre favorablement à votre demande». Aujourd’hui, elle travaille dans un fastfood situé au coin de sa rue en priant recevoir un appel favorable à ses demandes.

Propos recueillis par Gressy Benatir onfi’Lyon

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LA VIE CONTINUE

CULTURE

Dans le 2e arrondissement, l’artiste-peintre Laurence Sénelonge a réalisé des fresques pour dénoncer les effets du second confinement ©Léo Ballery

Les artistes relèvent la tête Six mois après le premier choc, artistes et acteurs de la culture ont su s’adapter au retour du confinement.

L

e confinement est loin d’être une partie de plaisir, autant pour les commerçants et les indépendants, que pour les étudiants, les retraités immobilisés chez eux, et peut-être davantage pour les acteurs du monde culturel. Depuis le 29 octobre dernier, ceux dont l’inspiration est essentiellement puisée par le monde extérieur, ont été marqués par l’interdiction d’ouvrir leurs ateliers, l’arrêt soudain des activités auprès du public et l’annulation de leurs expositions. Les conséquences : artistes et artisans sont privés de ventes, les chiffres d’affaires tombent à zéro. Une crise économique considérable, qui s’ajoute à celle déjà survenue en début d’année. L’avenir paraît bien sombre, surtout lorsqu’on apprend, que les productions d’oeuvres des artistes sont stoppées à 80%, reportées ou supprimées (Source : Cipac*) Fort heureusement, le 19 novembre dernier, 4 millions d’euros ont été débloqués par la Ville de Lyon pour soutenir les structures et artistes touchés par la crise, suite à un conseil municipal. À cette mesure, s’est récemment ajouté le service de click & collect au grand bonheur des lecteurs. Bibliothèques et librairies peuvent continuer leurs activités de livraisons et retraits de commandes. Pour faire simple, on peut commander à distance (par téléphone ou sur internet) et récupérer son livre dans l’établissement concerné. Une petite bouffée d’air méritée pour le monde culturel,

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clairement négligé lors du premier confinement.

Le confinement comme source d’inspiration Et si la crise du coronavirus était profitable ? Paradoxalement, l’enfermement semble avoir fait renaître les liens sociaux entre personnes. Bien que ces liens soient virtuels, les réseaux sociaux se sont transformés en un véritable lieu de vie. Où initiatives de partage, de solidarité et d’inventivité culturelle se multiplient. Certains s’engagent dans des actions préventives. À l’instar de Laurence Sénelonge, artiste-peintre et gérante de l’Atelier de l’Oasis dans le 6e arrondissement de Lyon. Depuis le début du confinement, elle a, à plusieurs reprises, arpenté les rues de Lyon bombes de peintures en mains, pour y inscrire messages de solidarité et fresques d’hommages. Sur un mur du 6e arrondissement, on peut d’ores et déjà lire «artistes, artisans, commerçants. #Stop confinement.» Par ailleurs, de nombreux artistes, premiers conscients de l’importance de la vie culturelle continuent de faire vivre leurs créations à travers leurs réseaux sociaux. Entre expositions d’œuvres en réalité virtuelle, concerts en «live», podcasts en streaming (Twitch), c’est une flopée d’alternatives menant à de nouveaux chemins artistiques qui s’offrent à eux. L’expérience est nouvelle, mais cultiver ses talents et sa créativité c’est s’armer pour l’avenir.

Thibault Ajaguin

*Cipac : Fédération des professionnels de l’art contemporain


LA VIE CONTINUE

Grâce à leurs lives sur les réseaux sociaux, Mister Smile et Sandy Sax ont eu la chance de démarrer leur carrière ©Sandy Sax

©mistersmile

©Sandy Sax

Place aux nouveaux talents

Depuis de nombreux mois maintenant, le monde de la culture et du spectacle se trouve figé à cause du confinement. Une situation délicate pour certains mais bénéfique pour d’autres, qui ont profité de cette période pour mettre en avant leur talent. Depuis le début de la pandémie du coronavirus, les initiatives artistiques se sont multipliées à travers le monde. Concerts, chansons, danses et œuvres en tous genres ont été créés ou réinterprétés par des personnalités connues ou inconnues. Que ce soit pour combattre l’ennui, apporter un peu de réconfort ou adresser des messages de prévention, le monde culturel est mobilisé. C’est le cas de Sandy Sax, un Lyonnais de 31 ans qui a vu sa cote de popularité augmenter durant le premier confinement et qui continue de faire parler de lui durant le deuxième. En effet, le musicien s’est fait connaître sur les réseaux sociaux, grâce à ses talents de saxophoniste. C’est en mars dernier que l’artiste a décidé de réaliser des lives sur son compte Instagram pour soutenir le personnel soignant, une initiative qui s’est montrée payante pour le jeune musicien. «Au début, j’étais comme vous, je sortais à 20 heures pétantes pour applaudir et mettre en lumière le personnel soignant qui se battait et continue de se battre aujourd’hui contre le coronavirus. Donc j’ai discuté avec mes proches et j’ai décidé de devenir le roi de l’ambiance sur mon balcon en jouant du saxophone en live sur Instagram. Et au bout de deux jours, ça a explo-

sé ! Je suis passé de 350 à 39 000 abonnés en l’espace de trois jours. C’était dingue !», explique Sandy.

Une explosion médiatique Aujourd’hui, Sandy Sax possède 85 000 abonnés sur Instagram et collabore avec des DJ’s du monde entier. Un confinement qui aura permis à l’artiste lyonnais de se faire connaître et d’enfin démarrer sa carrière qui était bloquée jusque-là. «Le monde de la musique est restreint et encore plus quand on joue d’un instrument de musique. Difficile de se faire connaitre, difficile de se différencier des autres… La Covid-19 m’a malheureusement ou heureusement permis de devenir un musicien à l’échelle internationale. Eh oui ! Cet été j’ai participé à des festivals à Saint-Tropez ainsi qu’à Vienne. Une opportunité encore inenvisageable il y a un an», nous raconte le saxophoniste. L’été prochain, Sandy Sax participera au Summerbest Festival 2021 à Ibiza ainsi qu’au Dekmantel Day Festival 2021. Des opportunités en or qui n’auraient pas vu le jour si le confinement n’avait pas eu lieu. Mais Sandy Sax n’est pas le seul artiste dans cette situation, puisque d’autres ont vu leur carrière être boostée grâce au confinement. On pense également à Mister Smile, un jeune magicien atteint de nanisme qui a profité du confinement pour montrer aux yeux de la France entière ses talents durant des lives en compagnie de grands noms tels que Gad Elmaleh, Kev Adams, ou encore Florence Foresti. En 2021, il sera à la tête de la première partie du prochain spectacle de Kev Adams.

Gressy Benatir onfi’Lyon

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LA VIE CONTINUE

TRAVAIL Travailler à son domicile, une méthode qui semble avoir plus d’avantages que d’inconvénients

©Paul Bourret

Télétravail : la norme de demain ? Depuis l’apparition de la covid-19 et des confinements qui ont dû être imposés, le télétravail s’est imposé comme le meilleur moyen de continuer à travailler tout en restant chez soi. Mais cette méthode qui s’est notamment mise en lumière par les confinements peut-elle devenir une norme à terme ?

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i le télétravail est devenu la norme depuis l’apparition de la covid-19 et par extension des confinements, cette crise sanitaire a permis d’exposer au grand jour une méthode de travail peu répandue d’ordinaire. Travailler de chez soi reste pour le moment, une situation exceptionnelle, pourtant, dans certains secteurs d’activités, les entreprises ont appris du confinement et du télétravail. Toutefois, la question se pose, le travail à domicile peutil devenir une norme dans certains secteurs d’activités lorsque nous serons débarrassés de la crise sanitaire mondiale ? Si le télétravail a permis de continuer à travailler pour de nombreuses personnes, il n’a pas forcément été renouvelé lors du premier déconfinement le 11 mai dernier. Une étude réalisée par Odoxa pour France Info a révélé que seulement 1 Français sur 7 était encore en télétravail au mois de Septembre. A titre de comparaison, toujours selon la même étude, ce n’était pas moins de 24% des Français qui travaillaient de chez eux lors du premier confinement.

« Au départ, je n’étais pas du tout pour le télétravail » Si certaines entreprises n’ont pas voulu réitérer l’expé-

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rience du travail à domicile hors période de confinement, d’autres comme la CPAM du Rhône a instauré de nouvelles pratiques. En effet, dans le cas de cette responsable au sein des services revenus qui a souhaitée rester anonyme, 40 jours dans l’année lui ont été octroyés par son employeur qu’elle doit poser sur son planning à raison d’un jour par semaine à peu près. « Au départ, je n’étais pas du tout pour le télétravail avant le confinement, je craignais de ramener le stress du travail à la maison. ». Pour cette cadre, force est de constaté que ce jour de télétravail lui est plus que bénéfique. Elle explique par ailleurs que c’est un gain d’argent, puisqu’elle ne doit pas utiliser son véhicule, mais surtout une atmosphère de travail bien différente. « Le jour où je suis en télétravail dans la semaine me permet de faire des tâches qui requièrent plus de réflexion en étant au calme. Sur le lieu de travail, je suis très souvent sollicitée et interrompue dans une activité en cours. Il m’est plus difficile de me concentrer. ». Dans le secteur privé comme les assurances, Edwige Lagloire, responsable service clientèle d’une entreprise lyonnaise a pu constatée les bienfaits du travail à domicile. « Après le premier confinement, un accord a été trouvé permettant d’octroyer deux jours de télétravail par semaine et ce dès la fin du premier confinement. » Un accord donc qui même après la fin du second confinement restera en vigueur, montrant ainsi que le travail à domicile prend petit à petit un peu plus de place dans le quotidien des salariés. Même si ce ne sont pas tous les secteurs qui peuvent profiter de cette méthode de travail, les entreprises qui le peuvent semblent petit à petit montrer un intérêt à ce que certains de leurs salariés soient en télétravail certains jours de la semaine. Une méthode donc qui est déjà devenu une norme dans certaines entreprises.

Christopher Coustier


LA VIE CONTINUE

Live instagram : «Une continuité dans mon travail de journaliste» Comment travailler autrement quand on est journaliste de terrain durant la pandémie ? Le live Instagram, un pari réussi par Mehdi Omaïs.

«C

’est un hasard qui n’en est pas un», explique le journaliste et écrivain Mehdi Omaïs concernant sa vocation. Passionné par l’écriture et le cinéma depuis son plus jeune âge, il pratique aujourd’hui ces deux passions en tant que journaliste-cinéma chez Yahoo et pigiste au Journal des Femmes : «J’ai eu très tôt ce goût pour l’écriture, et je me suis dit que c’était encore mieux d’écrire sur ce que j’aime par-dessus tout : le cinéma».

se sont réalisées grâce aux rencontres du passé, en contactant des talents qu’il connaissait. «Au départ, j’ai contacté l’actrice Hafsia Herzi et elle a tout de suite accepté. De fil en aiguille, les interviews ont défilé, et c’était alors plus facile pour moi de convaincre d’autres invités.» Les sujets abordés ne tournent pas forcément autour du cinéma, mais de la culture en général : «Ne parler que de cinéma pour moi excluait pas mal de personnes», précise Mehdi Omaïs. La musique, la peinture et la littérature faisant partie intégrante de sa vie. Une habitude «satisfaisante» comme il l’explique, car l’interlocuteur parle de la vie de tous les jours, hors promotion. La différence de milieux est également une richesse dans les interviews du franco-sénégalais. Ainsi, il peut se retrouver un jour avec le youtubeur lyonnais Jhon Rachid et le lendemain avec le comédien Amir Elkacem.

Lundi 23 mars dernier, le journaliste né au Sénégal a lancé sa première interview confinement. Une idée qui lui est venue quand il a vu son activité professionnelle au ralenti : «même si j’ai continué à réaliser des pastilles vidéo pour Yahoo, les cinémas avaient fermé, mes piges au Journal des Femmes étaient bloquées car plus aucun film ne sortait». Comme tous les journalistes, l’amoureux du 7ème art s’est adapté. Les lives Instagram étant en pleine explosion, Mehdi Omaïs a décidé de s’y essayer avec des talents du cinéma, de la télé, de Youtube que l’on Un format durable ? n’entend pas d’habitude ©Mehdi Omaïs - autoportrait et sur une thématique plus Venant du monde de Twitter, personnelle. Une habitude les lives Instagram étaient une découverte pour le qui a connu rapidement beaucoup de succès durant le cinéphile. Ce dernier pense continuer sous une autre premier confinement. Lors du reconfinement, il réitère forme car cet exercice est un succès avec une centaine l’expérience chaque fin d’après-midi avec une personne de vues en moyenne : «J’aime ces interviews, le côté en direct pour lui parler de son rapport à la culture. humain prime, mais je ne veux évidemment pas que la Une cadence quotidienne crise perdure pour que je puisse continuer à le faire». Continuera ou pas, ce genre de format est une réussite, Il y a un commencement à tout. Les premières interviews surtout en ces temps compliqués. Paul Bourret

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La santé mentale des


Français en péril ©Pauline Choppin

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a crise sanitaire et les confinements ont mis notre santé mentale à mal. Nous avons tous été impactés d’une certaine manière. Le stress entraînant la peur et la tristesse ont dominé et dominent toujours pour certains, nos émotions. Vivre enfermé, sans interaction sociale, réapprendre à travailler ou au contraire être en première ligne de cette pandémie a été dur mentalement. Certains ont perdu des proches des suites de la Covid-19, sans pouvoir se recueillir convenablement auprès du défunt et des siens. La limite de personnes aux cérémonies d’enterrement ou l’arrêt des rituels mortuaires, ont entravé le processus de deuil. D’autres ont vu leur contrat de travail rompu et leurs revenus diminués, tandis que des familles se sont divisées à cause des confinements. Les étudiants ont perdu 100% de leur mode de vie. Le personnel hospitalier continue de faire face à l’augmentation de la cadence, la fatigue de la première vague, l’angoisse de la dégradation des patients et le stress. À différentes échelles, nous subissons la situation. Comme le dit le psychiatre Nicolas Franck, nous avons tous partagé ce stress, qui a laissé plus ou moins de traces. Cette crise fait ressortir nos fragilités, entraînant des pathologies pour plusieurs personnes : troubles anxieux, troubles dépressifs, stress-post-traumatique. Aujourd’hui, la santé mentale revient au premier plan. Se rendre chez un psychologue est tout aussi important que de se rendre chez un cardiologue. Désormais, l’état psychologique des Français est pris en compte par le gouvernement. Le personnel de santé en psychologie est prêt à accompagner et accueillir les personnes souffrant mentalement de cette situation. Margaux Levanto onfi’Lyon

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«On est en train de faire disparaître des lits en psychiatrie»

Médecin de formation et exclusivement psychothérapeute depuis 2000, Jean-Pascal Hallès s’est également spécialisé dans l’EMDR*. Depuis début novembre, la France connaît son deuxième confinement pour faire face à la pandémie. Mais où en est la santé mentale des Français ? Confi’Lyon : Les Français viennent d’engloutir un deuxième confinement. Avez-vous un nombre important de patients qui se sentent impactés par la succession des deux confinements ? Dr. Jean-Pascal Hallès : Je dirais plus que dans la première phase au premier confinement. Je n’ai pas tenu de chiffres précis sur ordinateur mais de tête, je dirais qu’au moins 30 à 50 % de mes patients (150 à 200 patients) indiquent un impact direct ou indirect dans leur vie. Que ce soit parce qu’ils sont au chômage technique ou en perte de revenus, des indépendants ou des commerçants. Que ce soit des menaces de licenciement ou de restructuration. Le premier confinement a laissé pas mal de traces et fait pas mal de dégâts dans la vie des couples, les familles en première ligne.

accessibles ou plus de consultations ouvertes. Pour l’instant, on est plutôt en train de constater l’inverse, c’est-à-dire que beaucoup de services de médecine et/ ou de psychiatrie ferment pour accueillir des patients atteints de la Covid-19. Une fois que ces personnes sont sorties, on l’a vu notamment lors de la première vague, les services n’ont pas rouvert sous couvert de transférer des charges de travail pour l’épidémie. On est en train de faire disparaître de plus en plus de consultations et de lits en psychiatrie. Au niveau des cabinets privés, c’est n’est pas tout à fait pareil parce que l’on est encore libre d’ouvrir ou pas, on n’est pas gouverné par l’Agence Régionale de Santé (l’ARS). On voit arriver en ville des gens qui viennent de sortir de l’hôpital parce qu’il n’y a plus de place pour eux alors qu’ils n’auraient jamais dû en sortir. Ils sont dans un état assez grave, assez profondément touchés et ces gens-là ©Dr. Jean-Pascal Hallès viennent indirectement nous consulter.

L’autorité sanitaire indique la prévalence des troubles dépressifs entre fin septembre (+ 11 %) et mi-novembre (+ 21 %). Selon vous, ces chiffres sont-ils alarmants ?

Cette hausse vous a-t-elle amené à avoir plus de patients ?

Si c’est alarmant dans le sens où il faut tirer la sonnette d’alarme, alors oui ! Ces chiffres doivent nous faire réfléchir en profondeur sur comment se donner les moyens d’accompagner ces personnes et surtout, observer ce que vont faire les politiques pour permettre qu’il y ait plus de services

Oui absolument, il y a le lot normal, ce que l’on appelle les dépressions saisonnières, car chaque changement de saison important entraîne son lot de dépressions, des dépressions à l’automne et au printemps, aussi curieusement que ça puisse paraître. Dans les dépressions de l’automne, on a l’habitude d’en voir un peu plus qu’en été et en hiver. Mais là, il y a

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*L’EMDR est un moyen très simple de stimuler un mécanisme neuropsychologique complexe présent en chacun de nous, qui permet de retraiter des vécus traumatiques non digérés à l’origine de divers symptômes, parfois très invalidants. On peut ainsi soigner des séquelles post-traumatiques même de nombreuses années après.

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une proportion significativement supérieure de cas. L’ARS parlait de 20 %, je n’ai pas de chiffres précis mais je veux bien croire que cela fasse 20 % car c’est 1 personne sur 2 qui en parle alors qu’auparavant, la proportion liée aux dépressions pures était quand même un peu moins forte.

Devons-nous commencer à nous inquiéter si le confinement se prolonge sur l’année 2021 ? Si s’inquiéter veut dire s’attendre à ce que de plus en plus de personnes voient leur moral se dégrader, la réponse est oui. La dépression touche un nombre important de personnes puisque selon les études, c’est 2 adultes sur 5 qui auront un épisode dépressif (hors pandémie) dans leur vie et la pandémie ne fait qu’accélérer les choses. C’est facile d’imaginer que l’on pourra monter à 3 adultes sur 5 dans les prochaines études statistiques.

Sur l’ensemble de vos patients, avezvous vu naître d’autres troubles que vous n’aviez pas eu auparavant ? Je dirais plutôt suivant les cas, l’exacerbation ou une récidive de troubles qui avaient pu se calmer. Donc à côté des syndromes dépressifs, vous pouvez aussi avoir des personnes qui réagissent de diverses manières. Certaines se mettent à tout vouloir contrôler pour éviter à tout prix le virus, on observe aussi des troubles obsessionnels, des troubles compulsifs en augmentation... Vous avez des patients qui deviennent obsédés par le lavage des mains, la désinfection de tout ce qui vient de l’extérieur, qui font de véritables sas à l’intérieur de chez eux ou quittent absolument tous leurs vêtements de la journée pour enfiler une autre tenue dès qu’ils ont passé l’entrée. On assiste à ce genre de comportement contrôlant. Il y a aussi des phobies : les microbes, le contact avec les autres, ce qui pousse certaines personnes à rester cloîtrer chez elles. On le voit lorsque l’on fait des visioconférences ; celles-ci n’auraient jamais eu l’idée d’aller frapper à notre porte, d’entrer en contact ou de bénéficier d’un suivi grâce aux visioconférences et appels téléphoniques. Cela nous permet de continuer le suivi de gens qui ne pouvaient plus venir ou de prendre en suivi des gens qui ne seraient jamais venus. Propos recueillis par Pauline Choppin

En quelques chiffres... Dépression, troubles mentaux, anxiété... D’après plusieurs études le deuxième confinement a des conséquences sur la santé mentale et sur le moral des Français. Selon «Santé publique France» les troubles dépressifs «ont doublé entre fin septembre (11%) et début novembre (21%)».

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euxième vague, deuxième confinement pour les Français. À mesure que la pandémie s’intensifie et que les mauvaises nouvelles s’accumulent, la santé morale des français s’aggrave, l’ennui semble commencer à peser sur le moral qui fait naître des symptômes de stress post-traumatique. L’autorité sanitaire indique que la prédominance des troubles dépressifs «a doublé entre fin septembre (11%) et début novembre (21%)». Là où la hausse est la plus nette est chez les 18-24 ans (+ 16 points) et les 25-34 ans (+ 15 points), les personnes inactives et les personnes en situation financière très difficile sont également en hausse (+ 15 points). Seulement deux semaines après le début du reconfinement, le rapport conclut que «la santé mentale des Français s’est significativement dégradée entre fin septembre et début novembre avec une augmentation importante des états dépressifs pour l’ensemble de la population (+ 10 points)».

Une disparité selon les classes Face au confinement un phénomène «d’habituation» a été noté. L’écart entre les classes sociales continue de se creuser, y compris du point de vue psychologique. Lors d’un relevé réalisé entre le 4 et le 6 novembre, les personnes en situation financière très difficile se disent pour 35% être en état dépressif, contre 14% pour celles déclarant une bonne situation financière. Santé publique France, entre fin août et début novembre, a observé «une augmentation continue et globalement significative des états anxieux (+3 points) ainsi qu’une diminution de la satisfaction de vie (- 4 points)».

Des données différentes du premier confinement Au cours du premier confinement l’enquête Coconel (Coronavirus et CONfinement : Enquête Longitudinale), portant sur «un panel IFOP d’un millier de Français», estime que «74% des adultes rapportent des problèmes de sommeil, la moitié d’entre eux estimant qu’ils sont apparus avec le confinement». Dans une autre mesure, près de 37% des enquêtés présentaient des signes de détresse psychologique. P.C. onfi’Lyon

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EN COUVERTURE ©Margaux Levanto

Des institutions pour ne pas rester seul

La santé mentale compte autant que la santé physique. Des lignes d’appel lyonnaises ont été mises en place et renforcées pour répondre aux problèmes liés à la santé psychique de chacun, en cette période de crise sanitaire.

LIVE

Une plateforme téléphonique qui réunit les 3 centres hospitaliers psychiatriques de Lyon : Vinatier, Saint Cyr et Saint Jean de Dieu. LIVE s’adresse à tout le monde : patients de tout âges, famille, entourage, aidants, professionnels de santé, du secteur médico-social ou social. La ligne est ouverte pour toutes demandes d’information et d’orientation sur la santé mentale. L’objectif est d’évaluer et gérer l’urgence, informer, faciliter l’accès aux soins et éviter une rupture des soins, être orienté vers une prise en charge adaptée selon le profil.

CADEO Le centre hospitalier du Vinatier a intégré la consultation Covid-19 à son unité CADEO (centre d’accueil d’évaluation et d’orientation). Destinée aux adultes, elle propose une consultation spécialisée avec un psychiatre afin d’accompagner des personnes en souffrance à cause de l’épidémie de la Covid-19. En fonction de l’analyse du profil, le patient est conduit vers les soins ou conseils répondant à son problème.

04 37 91 55 99 04 37 91 55 37 LIVE@ch-le-vinatier.fr Ouvert 7 jour sur 7 de 8h à 20h

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Les jeunes aide-soignants sous pression ©DR

Depuis quelques semaines en région lyonnaise, les admissions se multiplient au sein des hôpitaux publics, où règne une ambiance de crise constante. À peine sa deuxième année de soins infirmiers entamée, Margo a dû être appelée en renfort au service Covid du centre hospitalier de Mâcon.

Les stagiaires en soins infirmiers du Centre Hospitalier de Mâcon, déplorent les conditions de travail, considérées trop pesantes sur leur santé physique et mentale

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près deux jours de repos, c’est reparti. Pas de confinement, mais toujours plus de travail. Masque sur le nez, lunettes de protection sur le front et blouse doublée, rien ne semble être oublié. Malgré le peu d’expérience professionnelle qu’elle a, Margo est consciente de l’importance de son rôle et celui de ses collègues dans cette crise. «On n’a pas beaucoup d’expérience dans les doigts, on est obligé d’apprendre le métier sur le tas, et gérer la pression en même temps. C’est pour ça qu’il faut rester un maximum actif», laisse-t-elle échapper. Présente depuis la première vague, l’étudiante sent davantage de pression au travail, alors que les hôpitaux publics de la région lyonnaise enregistrent des augmentations constantes d’admissions. Ajouté à cela l’encadrement moyen des stagiaires, les conditions de travail s’avèrent délicates au moment où la cohésion de groupe devrait primer.

«Un rôle à tenir» Les cernes sous les yeux, les cheveux à moitié coiffés et le teint pâle, Margo ne peut pas cacher son épuisement. Bien qu’enthousiaste à l’idée de pouvoir exercer le métier de ses rêves, la réalité l’a vite rattrapée. La fatigue et le

stress ont pris le dessus. Elle a une vingtaine de patients à voir avant midi, une «tournée moyenne habituelle». Pour la plupart, ce sont des personnes âgées de plus de 60 ans. «Nous sommes très fatigués depuis la première vague. C’est énormément de travail. Et puis vu le nombre d’admissions qui augmente chaque jour, on a moins de temps à leur consacrer», explique-t-elle. Margo enchaîne là sa cinquième semaine de travail. Elle se rend compte que les mauvaises conditions de travail pèsent sur son moral et donc sa capacité à travailler correctement. À l’instar de ses collègues, la prise en charge des patients se fait partiellement. Les traitements sont davantage voués à la limitation plutôt qu’à la thérapie, et les décès s’enchaînent. Difficile de ne pas compatir à l’angoisse de l’étudiante. «Moralement c’est dur à gérer, mais on a des rôles à tenir jusqu’à ce que la situation se calme», finit-elle avec l’air optimiste.

Thibault Ajaguin

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Dr Nicolas Franck : «Nous avons tous partagé ce stress» Entre troubles anxieux, dépressifs ou stress post-traumatique, le psychiatre lyonnais Nicolas Franck explique comment notre bien-être a été impacté pendant le confinement, à travers son livre «Covid-19 et détresse psychologique».

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Schéma tiré du livre «Covid-19 et détresse psychologique» du Dr. Nicolas Franck, illustrant le lien entre le niveau de stress et l’expression d’une vulnérabilité psychique, dépendant de chaque personalité

Confi’Lyon : La santé mentale des Français a-telle été mise de côté par les dirigeants à l’annonce du confinement ? Dr. Nicolas Franck : Il y a une prise en compte des pouvoirs publics mais qui a été décalée, ils ont géré les

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pauvres, isolées et les plus jeunes. Les étudiants sont une catégorie qui se distingue. Ils cumulent tous les critères de la fragilité. Le fait de ne plus avoir de contacts sociaux spontanés, de contact physique, de ne plus pouvoir circuler librement n’est pas naturel pour l’Homme, ce qui entraîne un stress. ©Margaux Levanto

’enquête réalisée par le Dr Nicolas Franck et ses collaborateurs sur le bien-être des Français pendant le confinement illustre parfaitement l’impact de cette période sur notre santé mentale. 30 000 personnes ont répondu, sur internet. Les premiers résultats se trouvent dans son livre Covid-19 et détresse psychologique. Sans surprise, le bien-être mental des Français a baissé, dû au stress, entraînant des pathologies chez certains. Le psychiatre nous en dit un peu plus.

priorités, qui est de briser la chaîne de contamination. On a chacun une santé mentale qui a été altérée. Elle est passée comme un critère secondaire. Depuis le début, je dis qu’il y a trois éléments : l’épidémiologie, l’économie et la santé mentale. Le stress c’était pour tout le monde. On était tous sidérés et perdus au mois de mars. On a dû reconstruire un quotidien plus ou moins harmonieux. Les personnes les plus touchées sont celles sans emploi,

«Covid-19 et détresse psychologique», disponible aux éditions Odile Jacob

Votre livre est simple à comprendre, afin que chacun intègre ce qui lui est arrivé ? C’est un livre de vulgarisation. On a tous partagé ce stress, j’ai écrit ce livre comme une sorte de témoignage. Les personnes peuvent s’identifier à travers le livre et aussi s’intéresser à la santé mentale, la voir différemment. Parler de manière moins stigmatisante sur des maladies comme étant les dimensions de la personnali-


Résultats de l’enquête du Dr. Nicolas Franck sur la modification des habitudes de consommations des participants sur la deuxième semaine du premier confinement té, avec les points de fragilité selon notre constitution. On a profité de cette situation pour remettre la santé mentale au premier plan.

mentation du recours aux écrans, mais 15% ont perdu le contrôle. C’est énorme. Il y a aussi une augmentation de cette perte de contrôle avec le cannabis et l’alcool.

En quoi le confinement n’est pas uniquement l’élément déclencheur de trouble anxieux et dépressif ?

Comment appréhender la deuxième vague de la Covid-19 par rapport à la santé mentale ?

Chacun a des points de fragilité qui lui sont propres. On a une dimension de notre personnalité thymique : l’humeur. Une dimension anxieuse : être sur le qui-vive par rapport à l’environnement. Une dimension psychotique : ne pas se sentir en sécurité. Une dimension obsessionnelle-compulsive : mettre de l’ordre pour se protéger. Ces dimensions peuvent s’exprimer de manière naturelle sans nous faire souffrir. Ou alors on peut être plus fragile dans l’une d’entre elles. Le stress va révéler nos points de fragilité physiquement ou mentalement.

Dans le livre, vous dites que ces différents troubles peuvent être durables. A quel point dans le temps ? Une fois que la personne est sensibilisée au trouble anxieux, elle peut rester anxieuse. Avec des symptômes qui la gêne et des ruminations quotidiennes. Une fois fragilisé, c’est difficile d’en sortir. La dépression dépend du contexte, mais la fragilité va rester aussi. Un stress posttraumatique peut durer des mois et des années si l’on ne se soigne pas, même s’il peut rester en permanence après avoir été soigné.

Votre enquête soulève une augmentation des addictions, certaines sont plus alarmantes que d’autres ? Vous avez des addictions préalables, mais il y a une augmentation de certains comportements avec une perte de contrôle. Deux tiers de la population dit qu’il y a une aug-

C’est important de communiquer, pour que les gens prennent conscience que cette dimension existe et qu’il y a des choses à faire. Quand on prend soin de sa peau on met de la crème, quand on prend soin de sa santé mentale on se repose, on fait du sport, on a des loisirs et des relations sereines. On doit réorganiser nos structures pour accueillir les personnes spécifiquement. En favorisant l’accès au soin, avec une analyse de l’histoire du lien à la période. C’est être disponible, accompagner, savoir réorienter, travailler en réseau avec les médecins généralistes.

Propos recueillis par Margaux Levanto

Les différentes pathologies L’anxiété c’est le fait d’avoir peur de ce qu’il peut se passer. La dépression c’est penser ne pas pouvoir s’en sortir. Ici, la tristesse domine. Le stress post-traumatique apparaît parfois pour ceux qui sont exposés à la mort en direct, ceux qui travaillent en réanimation ou ceux qui ont perdu un proche et qui l’ont vu mourir. Il laisse des séquelles permanentes. Un bon nombre de nos compatriotes ont un stress post-traumatique, mais pour l’instant il n’y a pas de chiffres. onfi’Lyon

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Comment s’organisent les funérailles en temps de crise sanitaire ?

En plein reconfinement, les funérailles continuent de se dérouler. Les représentants des cultes lyonnais accompagnent les familles en deuil dans des conditions toujours restreintes.

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lors que la Covid-19 se propage toujours, les cérémonies funéraires peuvent se dérouler avec un assouplissement des règles. Lors du premier confinement, la limite pour les enterrements était de 20 personnes. Désormais, elle est fixée à 30 et les lieux de culte sont ouverts pour ce rite funéraire. Des reports de cérémonies avaient eu lieu durant le premier confinement. Edina Pulaï, pasteure au Temple Lyon Ouest Change accompagne les familles au cimetière en comité restreint. «Pendant la première vague, nous étions vraiment limités en nombre. Des familles ont enterré leur proche mais ont reporté la cérémonie funéraire, dite culte d’action de grâce, après le déconfinement en septembre ou octobre. Elles ont pu se recueillir ensemble et se remémorer la vie du défunt». La pasteure ne note pas pour le moment ce genre de demande.

Un processus de deuil compliqué Edina Pulaï a adapté les funérailles pour les personnes absentes. «Pendant le premier confinement, cer-

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tains proches nous demandaient une retransmission de la cérémonie en vidéo. Maintenant, nous accueillons plus de monde mais pour les familles nombreuses c’est compliqué», explique-t-elle. La mise en bière des défunts atteints de la Covid-19 est immédiate sur le lieu du décès. «Les familles n’assistent pas à la fermeture du cercueil. Elles ne peuvent pas forcément se recueillir longtemps. Cela pose un vrai problème dans le travail de deuil. Les règles se sont cependant assouplies. Elles peuvent maintenant, avec l’accord de la direction d’établissement, rendre visite à leur proche en fin de vie dans les maisons de retraite...Ce n’était pas le cas au printemps», lance Agnès Buisson, de la commission funérailles du diocèse de Lyon.

Des rites modifiés Depuis le début de la crise sanitaire, les religions juives et musulmanes ont renoncé à la «toilette mortuaire» pour les défunts atteints de la Covid-19. Pour Nissim Malka, rabbin de la grande synagogue de Lyon : «L’essentiel est de préserver la vie des per-

sonnes. Le danger de contamination est important». Aissa Reghioui, des pompes funèbres musulmanes Aissa, explique que «certains pays autorisent les rapatriements des corps dans les pays d’origine, comme la Turquie ou l’Algérie. Le Maroc les admet si le décès n’est pas lié à la Covid-19. C’est compliqué pour les familles, de ne pas pouvoir réaliser le souhait du défunt». Certaines personnes sont enterrées dans les Carrés musulmans et d’autres dans des caveaux provisoires en attendant la réouverture des frontières. Accompagner les familles reste cependant une priorité. “Nous proposons aux proches de se recueillir avant la cérémonie dans une chambre funéraire auprès du cercueil fermé», déclare Brigitte Lardy, responsable des pompes funèbres L’autre rive à Lyon. Lors de la première vague, les démarches s’effectuaient en distanciel. Dorénavant, Brigitte Lardy peut recevoir les familles en respectant les gestes barrières. Léa Christol


ÉCOLES

Une éducation retardée Les élèves français ont été contraints de laisser les bancs de l’école durant deux mois, lors du premier confinement. Pour ce deuxième confinement, le gouvernement a jugé nécessaire de laisser les écoles ouvertes pour permettre la continuité de l’éducation scolaire. Mais quel impact a eu ce confinement sur le niveau des élèves présents à l’école élémentaire ? Avec deux mois de cours chez eux, les élèves n’ont pas eu accès aux mêmes conditions, causant de la disparité aujourd’hui ©Anthony Comberousse

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n ce début d’année scolaire, les élèves d’école primaire ont dû remplir un livret de positionnement, pour évaluer leur niveau et les possibles retards pris sur les notions qu’ils sont censés maîtriser. L’information qui ressort, c’est que les compétences normalement travaillées en mars et avril ne sont pas acquises. Un constat partagé par les enseignants, « sans surprise, tout ce qui n’a pas été travaillé en classe a échoué […] Il faut repartir de zéro pour plusieurs notions, à l’image des fractions avec ma classe de CM2 », explique Amélie Durant*, enseignante lyonnaise depuis 15 ans dans le primaire. L’attitude des élèves a également été grandement touchée, avec une concentration en classe plus difficile à obtenir qu’avant. « Le métier d’élève a été perdu » constate-t-elle. Cependant, elle se veut rassurante en affirmant que ce n’est qu’une

question de temps avant que les élèves reprennent une attitude scolaire.

« Deux ans en un an » Rattraper ce décalage scolaire est possible, cela passe forcément par un plus gros investissement de la part des enseignants qui vont devoir pour certaines notions reprendre les bases, mais aussi pour les élèves qui doivent faire « deux ans en un an ». Selon l’institutrice, les élèves en sont totalement capables. Un autre problème se pose toutefois. Tous n’ont en effet pas eu les mêmes conditions de confinement, pas le même suivi, pas le même matériel, créant donc une grande disparité entre leurs difficultés. Il faudrait alors un accompagnement plus personnel pour les élèves, mais malheureusement cela reste compliqué. « J’ai 28 élèves,

c’est très difficile de leur accorder individuellement le temps nécessaire [...] Je ne suis pas satisfaite par le temps que j’ai à leur consacrer ». Pour cela deux solutions sont possibles selon elle : soit il faut moins d’élèves par classe, soit à l’inverse, deux instituteurs par classe. Dans les deux cas, ce qu’il semble manquer, c’est le nombre d’enseignants, visiblement insuffisant pour assurer la meilleure éducation possible. Ce décalage scolaire n’est vraisemblablement pas une fatalité pour l’enseignante lyonnaise. « Ce n’est pas infaisable, les élèves ne s’arrêtent jamais d’apprendre de toute manière […] ils ont loupé deux mois, pas leur scolarité », conclut-elle. Léo Ballery

*le nom et prénom ont été modifiés

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SOCIAL

Une putain d’épidémie

Clientèle raréfiée, ressources évaporées, associations débordées et travailleuses précarisées, la prostitution se porte mal quand elle est confinée. C’est le bilan dressé par les travailleurs et travailleuses du sexe (TdS) après neuf mois de crise sanitaire. La nouvelle quarantaine place les TdS dans une situation économique impossible.

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ans le secteur de la prostitution, elles sont nombreuses à avoir continué leur activité cette fin d’année malgré les dangers pour leur santé. Une décision qui relève moins du choix que de la nécessité pour Cybèle Lespérance, secrétaire générale du Strass (Syndicat du Travail Sexuel). «Lors du premier confinement, les premières semaines, on peut dire qu’il y a eu une observation très forte du confinement et des règles. Les seuls endroits où on a vu que les gens se maintenaient au travail, c’est les personnes qui vivent dans leur camionnette, qui souvent ne comprenaient pas bien la situation», se souvient la militante. Si le premier confinement a été largement respecté, selon la secrétaire générale du Strass, les prostituées sont arrivées au bout de leur résilience économique. «On se retrouve dans une situation où les personnes risquent de devenir SDF», racontet-elle. Le Syndicat rapporte une détresse importante de la communauté, inspirée par la peur de la maladie, mais surtout par «la crainte la plus immédiate, celle de perdre son loge-

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ment, de ne plus pouvoir manger».

Des traitements interrompus Malgré les risques liés à l’épidémie, la contamination à la Covid-19 n’est pas le seul écueil sanitaire pour les TdS. «On a deux collègues qui ont succombé à la maladie mais aussi des collègues qui sont mortes à la suite du Sida, raconte Cybèle. Pour la trithérapie, il y a eu des ordonnances de renouvellement automatique, mais l’information n’est pas toujours parvenue aux personnes concernées. Des personnes séropositives se sont retrouvées en rupture de traitement, ce qui a entraîné des remontées de la maladie qui sont difficiles à contrôler.»

Une cagnotte de 66 000 € allouée Pour venir en aide aux travailleuses, les associations ont mis en place des dispositifs sanitaires et économiques. «Il y a eu la distribution de colis alimentaires ou sanitaires», explique-t-elle, mais aussi un travail de médiation auprès des propriétaires

d’appartements loués par des prostituées. Le fait de louer un appartement à une prostituée, travaillant chez elle, est un acte de proxénétisme hôtelier passible de sept ans d’emprisonnement et 150 000 € d’amende. «Dans le cadre d’une pandémie, si le voisinage commence à s’inquiéter que la pute rapporte la Covid, (sic) c’est le moment pour eux de se débarrasser de ces personnes», explique Cybèle. Pour les aider à subvenir à leurs besoins, le Strass et les associations ont organisé des collectes de dons au bénéfice des TdS. «On a fait une cagnotte, on a récupéré 66 000 € au premier confinement et la redistribution a été chaotique», explique la TdS affiliée. De nombreuses tentatives de fraude ont mis les militantes du Strass en tension. Sous la pression de la crise, leurs effectifs actifs ont diminué de moitié. Pour ce deuxième acte, le syndicat n’a pas renouvelé l’action, préférant «se concentrer sur les activités de plaidoyer et d’information.»

A.D.


«Attraper la Covid ou mourir de faim» L’impact de la Covid-19 sur les conditions des professionels du sexe a été immédiat. Après deux mois de confinement et un été au ralenti, la situation des TdS se complique de semaine en semaine. Deux escorts lyonnaises racontent leur crise sanitaire, entre précarité et angoisse.

«L

e confinement m’a pris toutes mes économies.» L’annonce n’a rien d’étonnant, dans un secteur qui ne connaît pas le chômage partiel, mais elle traduit le sentiment de détresse ressenti par une majeure partie des travailleuses du sexe. Comme beaucoup de ses collègues, Morgane a respecté le premier confinement. «J’ai eu un seul client pendant toute la durée du confinement, parce que je le connaissais bien», raconte-t-elle, «un client en deux mois c’est extrêmement difficile financièrement.» Pour elle, pas question d’arrêter à nouBeverly Ruby veau son activité. «À l’époque, manifeste j’habitais dans un logement contre le confiqui m’était loué par un ami et nement place je pouvais payer le loyer même Bellecour le 11 novembre avec trois mois de retard vu la situation. Aujourd’hui je suis dans un appartement où j’ai fait croire à mes propriétaires que je suis ingénieure et que je suis en télétravail», confie-t-elle, «autant dire que je ne peux absolument pas me permettre de ne pas payer mon loyer à la fin du mois !»

sur internet et à faire de la webcam. Comme si c’était si facile, déplore-t-elle, on n’irait pas demander à un boulanger de devenir maçon du jour au lendemain. C’est des métiers différents qui ne demandent pas les mêmes savoir-faire».

«J’ai pas l’intention de te payer mais on va baiser quand même»

Si interrompre son activité met ses économies en danger, impossible pour elle d’exercer sans s’exposer au virus. «Si on mettait en place des protections, elles ne seraient pas suffisantes et elles rendraient le tout incroyablement bizarre. Des collègues ont proposé que l’on fasse juste des levrettes avec un masque mais ça serait sinistre et surtout extrêmement glauque».

La crise a un impact sur le nombre de clients mais aussi sur leur comportement. «Durant ce genre de période, on perd une partie des «bons clients», explique Morgane. Ces clients respectueux des TdS sont aussi plus susceptibles de respecter les règles du confinement. «Quand on a ©Beverly Ruby beaucoup de propositions, on a tendance à faire super attention et à éviter ceux qui promettent d’être des mauvais clients», explique-t-elle. Mais on se retrouve à devenir moins difficiles quand on en a de moins en moins.» Avec la raréfaction de la clientèle et la précarisation des TdS, le rapport de force avec les clients s’inverse de plus en plus et entraîne des comportements inappropriés comme «des clients qui deviennent violents, irrespectueux ou tentent d’obtenir des trucs sexuels que l’on ne fait pas», témoigne-t-elle. «C’est inquiétant qu’une personne ait mon adresse et se permette de monter et d’expliquer la bouche en cœur : J’ai pas l’intention de te payer mais on va baiser quand même.»

«On a le choix entre attraper la Covid ou mourir de faim», explique Beverly Ruby, escort-girl, confrontée à ce même choix impossible. «On nous dit qu’on n’a qu’à s’adapter. Que si on ne peut plus faire de réel on n’a qu’à se mettre

Si au premier confinement, les mouvements de solidarité organisés par les associations leur ont permis de garder la tête hors de l’eau, elles sont désormais les seules actrices de leur survie. Antoine Desvoivre onfi’Lyon

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SOCIAL La crainte d’une nouvelle hausse des violences conjugales Avec le reconfinement, les associations de lutte contre les violences conjugales craignaient une nouvelle augmentation de celles-ci, comme cela avait été le cas lors du premier confinement. Bien que le gouvernement ait adopté une série de mesures pour anticiper le problème, une hausse des signalements en ligne a déjà été constatée.

À

l’aube du reconfinement, le gouvernement avait reçu de nombreuses associations de lutte contre les violences conjugales. En effet, une hausse significative des signalements avait été enregistrée durant le premier confinement, entre le 16 mars et le 11 mai 2020. Ils avaient été jusqu’à cinq fois plus nombreux qu’en temps normal. La principale cause de ces violences serait l’enfermement, et c’est pourquoi aucune région ne semblait avoir été épargnée. Et la métropole lyonnaise n’avait pas fait exception. À titre

d’exemple, dès les premières semaines de confinement, le service communication de la police indiquait déjà que «la DDSP du Rhône a enregistré une hausse des missions Police Secours pour des différends familiaux et notamment entre conjoints de 33,5% sur la période du 17 mars au 2 avril».

Une hausse de 15% des signalements en ligne déjà avérée La plateforme de signalement en ligne des violences conjugales, sexuelles ou sexistes a déjà en-

registré une hausse de 15% des appels de victimes depuis le reconfinement du 30 octobre. C’est ce qu’a fait savoir mardi 17 novembre Marlène Schiappa. Un chiffre qui pourrait faire penser que la tendance du premier confinement se reproduit, mais selon elle il s’agit de nuancer : «il est encore trop tôt pour dire que les signalements exploseront à nouveau», a déclaré l’ancienne secrétaire d’État chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes. C.M.

Encore trop !

En France, une femme sur 10 est victime de violences conjugales. Source : Enquête Nationale sur les Violences Envers les Femmes en France (ENVEFF). Année 2000. En 2019,146 femmes ont été tuées par leur partenaire ou leur ex-partenaire de vie. Source : Étude nationale sur les morts violentes au sein du couple. Année 2019. Ministère de l’Intérieur, délégation aux victimes.

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onfi’Lyon

Les permanences d’accueil ne désemplissent pas

«L

es femmes n’ont pas besoin de certificat ou d’attestation pour quitter le domicile conjugal quand elles sont victimes de violences», a rappelé Elisabeth Moreno, ministre déléguée à l’égalité femmes-hommes, au début du second confinement. Une mesure qui semblait alors relever du bon sens. De même, les associations d’aide peuvent rester ouvertes : cela permet entre autres la continuité des permanences d’aide comme celle de la Viffil SOS Femmes à Lyon. Cette association, qui a fêté ses 40 ans l’année dernière, s’occupe également de l’attribution de places d’urgences grâce à son centre d’hébergement, qui possède entre 30 et 40 logements. «Le fait que nos permanences en mairies et dans nos locaux restent ouvertes est positif car il faut privilégier l’accueil physique ; c’était bien moins confortable à distance lors du premier confinement», confirme Fabienne Durix, documentaliste à la Viffil.

243 appels par semaine en moyenne depuis le reconfinement Mais pour l’association, la crise a tout de même largement perturbé cet accueil : «Il faut désinfecter les locaux après chaque entretien, et réorganiser la salle d’attente, ça complique tout». Une permanence qui ne se désemplit pas pour autant : «Celle du jeudi est toujours aussi pleine, même avec le confinement. En fait, l’en-


«L’enfermement crée la vulnérabilité» Il y a près de trois ans que Soumia Ouederni a créé Solidarité Femmes Events, qui a accompagne les femmes victimes de violences conjugales via les réseaux sociaux. Alors que son association s’est installée à Villeurbanne juste avant le confinement de mars, cette assistante sociale explique être le témoin de l’augmentation de ces violences durant ces périodes. Confi’Lyon : En quoi consiste votre association ? Soumia Ouederni : Nous sommes un groupe d’assistantes sociales bénévoles. Nous accompagnons les femmes victimes de violences pour tenter de rompre leur isolement et de les aider à faire les démarches nécessaires pour s’en sortir. Nous les aidons aussi sur le plan juridique, puisque nous avons un bénévole qui est juriste. Il y a près d’un an, nous avons installé une antenne à Villeurbanne. J’avais beaucoup de demandes d’aide qui venaient de cette zone.

Votre association est très présente sur les réseaux sociaux. Pourquoi ?

Cela nous permet de toucher une partie plus importante de la population. Nous postons beaucoup de témoignages sur YouTube et Instagram, ce qui permet de sensibiliser les femmes… mais aussi les hommes ! Et puis, nous aidons les femmes essentiellement sur les réseaux sociaux, où elles peuvent nous contacter rapidement, et on peut communi-

©Instagram/@@femme_events_

fermement a fait que plus de femmes ont demandé de l’aide. Le confinement n’a pas déclenché de nouvelles violences, mais il a précipité les demandes d’aides et les appels de celles qui en étaient déjà victimes». Pendant le premier confinement, du 17 mars au 11 mai, l’association avait reçu en moyenne 154 appels par semaine. «Ces appels proviennent de femmes, mais aussi d’assistantes sociales, de voisins, d’amis qui pensent être face à une situation anormale», explique Fabienne Durix. Depuis le début du deuxième confinement, le 2 novembre, c’est en moyenne 243 appels par semaine qui sont enregistrés. C.M.

Sur le compte Instagram et la chaîne Youtube de l’association, Soumia Ouederni partage des témoignages de femmes victimes de violences

quer facilement avec celles qui ne peuvent pas se déplacer. C’est plus simple pour elles, puisque ce sont souvent des profils de femmes qui sont enfermées.

Quel impact a eu le confinement sur les violences conjugales selon vous ?

Lorsqu’une personne est enfermée avec l’auteur des violences, elle est obligée de rester avec lui. C’est l’enfermement qui crée une vulnérabilité. Plus de femmes nous ont contactés pour être aidées pendant les confinements : ces demandes d’aide ont augmenté de 30% pendant le premier, et de 20% pour le second. Le second confinement est moins strict, je pense que c’est pour cela que ce chiffre est plus faible, mais reste tout même conséquent.. Propos recueillis par Coline Michel

Filactions oriente les victimes via un chat en ligne

F

ilactions, dédiée à la prévention et à la sensibilisation contre les violences faites aux femmes, a été créée en 2005. L’association a été sollicitée par une structure de la Fédération Nationale Solidarité Femme (FNSF) pour renforcer un chat de dialogue mis à disposition des femmes victimes de violences pendant le confinement. «Avec l’exacerbation des violences, on a voulu aider autrement, notamment les plus jeunes femmes», explique Margaux Boue, co-vice-présidente de l’association. «Beaucoup de femmes se posent des questions, et elles peuvent avoir une première écoute avec ce chat. Ensuite, on peut les orienter vers des structures d’hébergement ou d’accompagnement». L’association craignait le reconfinement : «les violences augmentent, et le confinement retarde les mesures prises contre et le budget supplémentaire dont on aurait besoin n’est pas alloué », conclut Margaux Boue. onfi’Lyon

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SOCIAL

Jean-Marc Roffat, en maraude rue Victor Hugo

Confinés dehors L’hiver approche et, avec ses longues nuits, arrive le grand froid qui fait des ravages chez les SDF. Dans un contexte de crise sanitaire, la préfecture du Rhône a revu à la hausse et lancé en avance son plan hivernal. 1358 places en hébergement d’urgence sont prévues et 698 sont déjà disponibles. Mais pour ceux qui dorment dans les rues de Lyon, trouver une place au chaud pour la nuit reste très difficile. «100% d’échec lors des appels au 115» pour les demandes d’hébergement, c’est le constat alarmant de Jean-Marc Roffat, président de l’association Donner la main, Don de soi. Chaque mercredi à 19 h, il part avec ses bénévoles de l’ancien Hôpital de la Charité place Antonin Poncet, pour une maraude dans les rues de la Presqu’île à la rencontre des SDF. En plus de distribuer nourriture, vêtements et café chaud, l’association cherche à aider les personnes à sortir de la rue. Un processus qui commence souvent par l’emploi. «Le problème, c’est que cet hiver on perd l’hôtellerie-restauration, l’employeur numéro un des sans-abri», explique l’ancien journaliste de TLM. Avec la crise sanitaire et les mesures gouvernementales, le secteur est complètement à l’arrêt. Une situation dommageable selon lui car «pour des gens qui n’ont pas de diplôme, pas d’expérience, faire la plonge est un métier accessible. Tout le monde sait faire la vaisselle et le service, du moment que l’on est propre sur soi.» L’impact du coronavirus sur les métiers de bouche est si important qu’il craint, en plus d’une baisse des embauches, une précarisation des employés de restauration. «On va se retrouver avec un tsunami de nouveaux sans-abris», reprend-t-il après avoir offert

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onfi’Lyon

©Donner la main, don de soi

un café et une collation à un homme assis contre un mur, rue Victor Hugo.

«Une situation malheureusement normale» Chaque hiver, l’association trouve des personnes qui acceptent d’accueillir chez eux un sans-abri pour quelques nuits. Une solution entravée par les risques sanitaires. «C’est dramatique de le dire mais on va avoir des morts de froid cet hiver parce qu’on ne pourra pas trouver ces familles d’accueil généreuses», déplore Jean-Marc Roffat, avant d’ajouter, «tout le monde va avoir peur d’accueillir une personne qui sort de la rue avec tous les problèmes d’hygiène qui viennent avec». Selon le président de l’association, «on se retrouve dans une situation malheureusement normale de début d’hiver à Lyon».

Un élan solidaire Au cœur de la crise, les Lyonnais ont su se mobiliser. Pendant le premier confinement, «la manche ne fonctionnait plus» et les SDF n’avaient plus aucun moyen de subsistance. «On a été à l’origine d’un grand mouvement de solidarité avec plus de 50 structures qui sont venues aider», se souvient-t-il. «En maraude on faisait la distribution, avec des triporteurs prêtés par des professionnels bloqués par le confinement», termine-t-il, avant d’aller saluer un sansabri qui croise le chemin des maraudeurs. «Bonsoir, j’ai du café si vous voulez», lance-t-il. «Et de la soupe», ajoute une bénévole. L’homme accepte, puis demande s’ils ont quelque-chose pour ses enfants, «per bambino ?» La conversation se lance laborieusement dans un mélange de français, d’italien et de sourires. La famille est hébergée à l’hôtel, l’homme repart avec un manteau, de la nourriture et des papillotes. Antoine Desvoivre


JUSTICE

L’activité judiciaire se poursuit au tribunal de Lyon Contrairement au printemps, la justice lyonnaise suit son cours. Les audiences continuent donc avec des consignes sanitaires.

L

es tribunaux lyonnais fonctionnent pendant le reconfinement. Ainsi, les audiences sont maintenues dans des conditions sanitaires strictes. Durant la première vague de la crise, elles étaient réduites aux seules urgences civiles et pénales. «Il y avait des permanences de magistrats pour tenir les audiences. Nous avons eu recours à la visioconférence et nous avons statué sur dossier. Pour le pénal, le service de traitement direct, en communication avec les services de police, a continué de traiter les urgences», explique Michel-Henry Ponsard, vice-président du tribunal judiciaire de Lyon et délégué régional de l’Union syndicale des magistrats.

Un accès réglementé au tribunal Des mesures sanitaires strictes s’appliquent au sein du palais de justice de Lyon : port du masque et mise à disposition de gel hydroalcoolique. Un sens de circulation est mis en place. «Pour les audiences, nous avons calibré le nombre de personnes en fonction de la capacité initiale des salles», détaille le vice-président. Pour les audiences de cabinet, le tribunal a limité le nombre de justiciables dans les salles d’attente et les bureaux. «Les juges d’application des peines, par exemple, reçoivent habituellement dans leur bureau. Maintenant, ils reçoivent plutôt en salle d’audience», indique Olivier Forray, avocat à Lyon. Par ailleurs, depuis le 12 novembre, l’accès au palais de justice est réglementé. Seules les personnes concernées par une affaire ou une démarche peuvent y entrer. Tous

les services sont accessibles : les services d’aides aux justiciables, les services d’accueil… «Les personnes doivent justifier d’une convocation. Certains justiciables ont affirmé avoir été refoulés. Ils n’avaient pas pris leur convocation. Disposer de sa convocation n’a jamais été obligatoire. Pour éviter toute difficulté, ils sont maintenant orientés vers l’accueil du tribunal afin de s’assurer d’une convocation», affirme Maître Forray.

Des règles sanitaires respectées? Au début du mois, des avocats ont dénoncé les conditions de comparution de 17 prévenus. Les individus étaient serrés dans un box vitré. Le tribunal n’a pas accepté leur demande de renvoi. «La nécessité de juger les personnes dans des délais raisonnables l’a emporté sur les textes en vigueur qui imposent les mesures sanitaires. Il y a un impératif de juger mais le premier impératif est de veiller à la bonne santé de nos clients», estime l’avocat lyonnais. De son côté, Michel-Henry Ponsard explique que «La police de l’audience incombe au président d’audience. Nous avons des notes de services pour protéger au maximum la santé des justiciables. Les présidents d’audience font de leur mieux en fonction de leur expérience. Le tribunal est attentif aux règles sanitaires. Mais, nous gardons à l’esprit que la justice met en balance l’intérêt de la victime et du prévenu. C’est pour cela que la justice doit être rendue». Léa Christol ©Léo Ballery

Les tribunaux lyonnais restent ouverts lors du deuxième confinement

onfi’Lyon

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CULTURE Créé en 1979, le marché de la création réunit près de 150 créateurs d’art chaque dimanche de 8h à 13h dans le 5ème arrondissement de Lyon. Parmi ces artistes, on retrouve des peintres, sculpteurs, graveurs ou encore photographes. Cet événement hebdomadaire et incontournable leur permet ainsi de vendre leurs œuvres à des passionnés d’art ou tout simplement créer un réseau. «Ce sont des rencontres qui se font sur la longueur. On donne notre carte de visite puis on se rencontre sur une commande quelques semaines après», explique Noémie Labrosse, participante à ce marché depuis juin 2019.

Noémie Labrosse exposant ses peintures majoritairement figuratives au marché de la création

©Noemie Labrosse

«J’ai beaucoup créé pour ne pas être mal au quotidien» Pendant les confinements, le marché de la création a dû fermer ses portes. Un coup dur pour les artistes qui ont été grandement impactés et qui ont dû s’adapter à cette situation.

2020

a été une année difficile pour tout le monde. Parmi les professions les plus touchées, on trouve les artistes. Pendant plus de trois mois, les expositions ont été interdites et le marché de la création annulé. L’impact économique a donc été important et Frédéric Huan, exposant au marché depuis trois ans, a par exemple perdu 58% de ses revenus sur un an acquis grâce à ce marché. Outre un problème financier, cette fermeture a été aussi difficile psychologiquement. «En tant que dessinateur, on est un peu des moines. Cela fait du bien de croiser du monde et il y a une bonne ambiance», souligne l’illustrateur qui a mis en vente ses livres pendant le confinement.

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onfi’Lyon

De nouvelles créations pendant les confinements Les créateurs ont dû alors trouver des solutions pour s’adapter à cette situation jamais connue auparavant. Noémie Labrosse a alors beaucoup créé pendant le premier confinement pour «ne pas être trop mal au quotidien». «J’ai eu l’idée de réaliser une série de peintures sur le masque et toutes les émotions que j’ai pu ressentir. Puis je les partageais sur mes réseaux sociaux», explique-t-elle. Mais surtout, cette artiste peintre a pris le temps de concevoir sa boutique en ligne. Un outil indispensable pour vendre ses œuvres. C’était d’ailleurs l’un de ses seuls revenus avec

les commandes acquises au préalable. Pour ce second confinement, les expositions et le marché étant fermés, elle se concentre sur sa peinture, sa communication et des nouveautés. Elle réalise notamment des créations de peintures numériques sur-mesure (d’après photo), de la peinture sur céramique en collaboration avec Angry Pixie, une boutique lyonnaise, et des commandes. «Vu le contexte, je peux travailler à distance et les envoyer. S’il n’y avait pas la Covid-19, cette période aurait davantage été rythmée par les expositions, les événements de Noël et le marché», conclut-elle. Anthony Comberousse


SPORT

Les clubs amateurs mal en point Mis à l’arrêt à cause de la crise sanitaire, le sport amateur est durement touché, entre pertes d’adhérents et soucis budgétaires. C’est dans ce cadre que l’Office des Sports de Lyon tente de les aider.

L

’Office des Sports de Lyon est une association créée en 1946 qui agit sur le territoire des neuf arrondissements. Liée à la municipalité, elle s’occupe de la promotion du sport amateur lyonnais, en apportant des services aux clubs pour les aider à se développer sur tout ce qui est non-sportif (la gouvernance, gérer les bénévoles, la comptabilité, le juridique…). De plus, l’OSL intervient sur la concertation entre les différentes associations sportives : «les clubs se connaissent très peu entre eux, alors que pour beaucoup ils ont des thématiques bien similaires», explique Ophélie Nicolas, présidente de l’OSL. Il y a aussi un dialogue de ces associations avec la ville de Lyon.

La crise sanitaire au centre des problèmes Plus de 150 activités différentes sont proposées par les clubs à Lyon. De la plongée sous-marine aux échecs en passant par les classiques comme le foot ou le rugby, tous les clubs vont s’organiser pour rembourser les adhérents si la crise perdure. Pour la fin de saison dernière, la plupart n’avait pas pu rembourser. Selon une enquête menée par l’association sportive, des pertes de plus de 178 000 euros ont été dénombrées. Pour cause, 231 événements avaient été annulés en raison du coronavirus. La perte la plus élevée est enregistrée sur les stages, représentant un montant total de 40 300€. Malgré cela, pour l’instant aucun club n’a eu à mettre la clé sous la porte : «On n’a

pas eu d’alerte pour le moment, et on croise les doigts», espère Ophélie Nicolas.

Une aide majeure L’OSL analyse les nombreuses informations qui sortent sur la Covid-19, car les dirigeants des clubs n’ont pas forcément le temps de suivre l’actualité avec leur vie professionnelle et personnelle. «On guide les dirigeants avec les grandes lignes de ce que communique le gouvernement et du conseil social du mouvement sportif, pour leur permettre d’avoir des infos qui ne viennent pas de n’importe où et qu’ils sachent ce qu’ils doivent mettre en place chez eux», conclut-elle. Anthony Comberousse et Paul Bourret

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: C’est le pourcentage d’adhérents perdus en moyenne entre la saison 2019-2020 et la rentrée 2020-2021 sur un échantillon de 40 associations.

29 : C’est le pourcentage des asso-

ciations qui ont effectué des remboursements pour la saison 2020-2021. C’est un nombre légèrement en baisse en comparaison à la saison dernière où celui-ci s’élevait à 32%. Toutefois, ces données ont été récoltées avant le deuxième confinement. L’OSL s’attend donc à une recrudescence des remboursements.

A l’image de ce vestiaire, le sport amateur est déserté et peine à garder ses adhérents

Source : Enquête de l’OSL ©Anthony Comberousse

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Articles inside

SPORT

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pages 31-32

CULTURE

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page 30

Nous avons tous par tagé ce stress

4min
pages 20-21

SDF : confinés dehors

2min
page 28

ECOLE

7min
pages 23-25

Comment s’organise les funérailles

2min
page 22

Les jeunes aides-soi gnants sous pression

2min
page 19

La crainte d’une nou velle hausse des vio lences conjuguales

5min
pages 26-27

On est en train de faire disparaître des lits en psychiatrie

7min
pages 16-18

Métropole de Lyon : des finances saines pour conti nuer de rêver

2min
page 7

Télétravail : la norme de demain ?

2min
page 12

Des cérémonies re ligieuses à distance

4min
pages 8-9

Les artistes relèvent la tête

2min
page 10

Les mairies d’arron dissement en activité «quasi-normale

2min
page 6

Un sourire derrière le masque

1min
page 5

Place aux nouveau talents

2min
page 11

Live instagram : «c’est une continui té dans mon travail de journaliste

4min
pages 13-15
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