Julien Creuzet

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Julien Creuzet les lumières affaiblies des étoiles lointaines les lumières à LED des gyrophares se complaisent, lampadaire braise brûle les ailes, sacrifice fou du papillon de lumière, fantôme crépusculaire d’avant la naissance du monde c’est l’étrange, j’ai dû partir trop longtemps le lointain, mon chez moi est dans mes rêves-noirs c’est l’étrange, des mots étranglés dans la noyade, j’ai hurlé seul dans l’eau, ma fièvre (…)

Palais de Tokyo 20.02 – 12.05 2019


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In my hands gesture, rest, touch, the touch of my mouth, on your skin, slip my fingers. My hands are not between, my palms, the lines, the riverbed, the blood, the red wind, to say hello, long echoes, long strange language, long note recalcitrant, held to say word, without meaning, without you, feel me alight. The thief’s hands, the hands of the rifle the hands of the thief painter the hands of our dirty hands I touch you, slowly, rub again I tell you, spiral, turning, I’m winding you howling storm I was in front of him man, transparent rubber I was, whistling fold of tongue leaf, undulating howling storm the painter painted the war after stealing the men I screamed without understanding the hairy electric (...) (2018) Bois, colle, encre de Chine, silice, résine, plastique, sèche-cheveux, air, électricité, cassis cornuta, charonia tritonis, conque de lambis, syrinx aruanus, anches, câbles, cordes, tissus / Wood, glue, Indian ink, silicia, resin, plastic, hair-dryer, air, electricity, cassis cornuta, charonia tritonis, lambis conch, syrinx aruanus, reeds, cables, ropes, fabrics  Dimensions variables / Dimensions variable Vue de l’exposition / View of the exhibition « Le centre ne peut tenir », 20.06 – 09.09.2018, Lafayette Anticipations – Fondation d’entreprise Galeries Lafayette (Paris) Photo : Pierre Antoine

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Un entretien ou pas entre Julien Creuzet et Yoann Gourmel

Yoann Gourmel — Tes expositions récentes comme « Toute la distance de la mer (…) » à la Fondation d’entreprise Ricard ou « La pluie a rendu cela possible (…) » à Bétonsalon – Centre d’art et de recherche à Paris en 2017, mais également une œuvre comme Ricochets, les galets que nous sommes finiront par couler (…) (Épilogue) présentée à la biennale de Lyon la même année, relevaient d’un imaginaire aquatique. Elles racontaient des histoires de déplacements, de migrations, de flux de personnes et d’objets en lien avec des phénomènes économiques, dans une tentative de déconstruction des mécanismes qui ont façonné et continuent de façonner un imaginaire lointain fantasmé. L’exposition au Palais de Tokyo est résolument ancrée dans un imaginaire urbain, évoquant l’atmosphère d’une place publique. Peux-tu revenir sur les histoires qui circulent au sein de cet environnement ? Julien Creuzet — Peut-être qu’auparavant j’avais besoin de raconter une histoire plus lointaine, qui viendrait rattraper le quotidien, ou de dénouer des questions identitaires et de les approfondir au moyen de questions de géographie. Ces questions sont toujours présentes dans mon travail, mais elles sont

portées ici par l’acte de déambuler sur une grande place publique. Une place habitée, squattée, traversée, à laquelle on a accès en permanence. Un lieu de rendez-vous, où l’on peut aussi bien transiter que passer du temps. L’imaginaire que je convoque, et auquel je me réfère dans cette exposition, est celui d’une place de pouvoir, d’autorité. Que se passe-t-il aujourd’hui sur cette place ? Que s’y est-il passé auparavant ? Quel est le mobilier qui la compose et qui lui sert de pourtour ? Quels sont les gens qui la traversent ? À quoi sert ce lieu pour les citoyens ? Comment cet espace public devient-il un symbole de protestation ? Comment peut-on y être soi, avec son histoire, sa culture, son identité, ses déplacements intérieurs ? L’exposition dévoile l’imaginaire d’un individu, les voix qu’il entend, les mots qu’il pense au moment où il traverse cet espace, en essayant de transmettre sa vie intérieure en même temps que le contexte de celle-ci. YG — La place publique est aussi le lieu d’émergence d’une parole commune, aussi complexe et multiple soit-elle. Dans les sculptures présentées dans l’exposition, tu utilises entre autres des barrières Vauban, des bancs en bois rappelant le mobilier conçu pour empêcher les attaques à la voiture

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bélier comme on en trouve sur la place de la République à Paris, ou encore des rampes de led bleus comme celles des voitures de police, qui renvoient à une situation actuelle de contestation politique, mais aussi aux attaques terroristes. Est-ce quelque chose que tu tenais à souligner ? JC — L’exposition a été pensée avant le mouvement de protestation des « gilets jaunes », mais après les attentats du 13 novembre 2015. Elle s’inscrit dans une temporalité où règne dans notre quotidien un climat de tension et de peur permanente. Un moment où nous sommes conscients des dangers qui peuvent exister dans une ville comme Paris. L’éclairage de l’exposition par ces diodes bleues évoque cela. Elles montrent la présence d’une autorité, mais ce sont aussi celles des camions de pompiers ou des ambulances. C’est une lumière qui veut capter l’attention. Une lumière ambiguë qui n’est pas simplement autoritaire. D’ailleurs ici, elle n’est pas accompagnée du son des sirènes comme elle peut l’être dans la réalité. Elle est plutôt le reflet d’un moment tendu, dont je souhaite qu’il soit palpable dans l’exposition. YG — Le parcours de l’exposition tel qu’il se dessine aujourd’hui est à la fois ouvert et contraint par les sculptures qui jouent aussi pour certaines le rôle de mobilier. Tu as dit à l’occasion d’expositions précédentes que tu pensais tes pièces et leur organisation dans l’espace comme la pensée se formule, par détours et ricochets. Est-ce à nouveau le cas ici ?

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JC — J’essaie de projeter différentes idées, différentes histoires qui prennent forme dans des choses qu’on va appeler sculptures ou installations. Quand je les imagine, il est important pour moi qu’elles résistent à une lecture directe et efficace. J’ai envie qu’elles conservent une part de secret, qu’elles gardent leur mystère. Je crois que c’est ce qui fait qu’on est intéressé par les autres. Peut-être que je personnifie ou que j’humanise la question des formes et que je les vois comme des catalyseurs ou des réceptacles contenant une multitude d’histoires. J’aime quand elles m’échappent, quand elles commencent à me surprendre. YG — Le collage est emblématique de ta pratique en général par cette possibilité qu’il offre d’agencer des éléments sans qu’ils ne se résolvent dans une lecture unique et linéaire. Qu’il s’agisse de collages d’images fixes ou en mouvement, ou de tes sculptures qui procèdent par assemblages, connexions et mises en tension de matériaux extrêmement divers et hétéroclites. Pourrais-tu parler de ces gestes d’hybridation dont la mise en relation tend à produire une collision ou une profusion de récits ouverts ? JC — Quand on fait un collage, il se passe quelque chose à l’intérieur d’une mise en relation d’images. Mais à quel moment commence-t-il à y avoir une tension ou une fuite ? Pendant très longtemps, dans l’acte photographique, on a privilégié un point de vue unique, visant à rendre compte au mieux de la dimension d’un corps ou d’un objet. Pourtant ce point


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