Magazine P L S #35

Page 1

S The magazine of the Palais de Tokyo la morsure des termites / the gnawing of the termites 10 € (FR) / 12 € (BE, ES, GR, IT, LU, PT) /13 € (NL) / 16 € (DE) / 17 CHF (CH) / £ 10 (UK) / $ CA 22.95 (CA) / $ 16.95 (US)

13 9 771951

672004

P L Le magazine du Palais de Tokyo

esthétiques, d’autres disciplines, y compris toutes celles parfois considérées comme les mauvaises herbes, les objets méprisés et les plantes qui n’ont pas de nom. Avec la même exigence de sens critique, de partage du savoir et d’amour que celle qui guide nos activités, cette biodiversité artistique répond aussi au désir de proposer des histoires moins monolithiques et moins dominantes, qui ont ici, en l’occurrence, des liens organiques avec les origines de l’art, des signes et de l’écriture.

Je remercie chaleureusement Hugo Vitrani, le commissaire de cette exposition et l’instigateur du projet Lasco, les artistes de l’exposition, les auteur. rices, ainsi que toutes celles et ceux qui ont rendu possible ce numéro du magazine.

À toutes et tous, je souhaite une bonne lecture.

Guillaume Désanges

Président du Palais de Tokyo

« La Morsure des termites »

L’exposition

bénéficie du soutien de CMS

Francis Lefebvre, Études, ADAGP et La Culture avec la Copie Privée. The exhibition “La Morsure des Termites” benefits from the support of CMS

Francis Lefebvre, Études, ADAGP et La Culture avec la Copie Privée.

COMMISSAIRE / CURATOR

Hugo Vitrani

ASSISTANTE D’EXPOSITION /

EXHIBITION ASSISTANT

Violette Wood

ARCHITECTE DE L’EXPOSITION / ARCHITECT OF THE EXHIBITION

Olivier Goethals RESPONSABLE DU SUIVI DE

PRODUCTION /

PRODUCTION COORDINATOR

Géraldine Caizergues

CHARGÉE DE PRODUCTION /

PRODUCTION MANAGER

Claire Pierson

RESPONSABLE DE LA RÉGIE DES EXPOSITIONS ET AUDIOVISUELLE /

HEAD OF INSTALLATION AND AUDIOVISUAL REGISTRARS

Benjamin Mathia

RÉGISSEUR D’EXPOSITION / EXHIBITION REGISTRAR

Martin Albouy RÉGISSEURS AUDIOVISUELS /

AUDIOVISUAL REGISTRARS

Julien, Jord Le Dortz

Wilfried

TECHNICIEN AUDIOVISUEL /

AUDIOVISUAL TECHNICIAN

Tom Lefort RESPONSABLE DE LA RÉGIE DES ŒUVRES ET DES SALLES /

HEAD OF REGISTRARS AND ARTWORKS CARE

Stéphani Hab

RÉGISSEUSE DES ŒUVRES /

ARTISTES / ARTISTS Chaz Bojórquez, Aline Bouvy, A. One (Anthony Clark), Samuel Bosseur, Brassaï, Miriam Cahn, Sophie Calle, COCO 144, Pauline Conforti, Martha Cooper, Dado (Miodrag Djurić), John Divola, Miho Dohi, Douceurxtrem, Douceurtarpinxtrem, Ida Ekblad, Mathias Enard, ENERI, Caley Feeney, FUTURA 2000, Richard Hambleton, Thomas Hirschhorn, Jenny Holzer, Antwan Horfee, Renaud Jerez, David L. Johnson, Margaret Kilgallen, Olivier Kosta-Théfaine, Mierle Laderman Ukeles, Lady Pink, Renée Levi, Tala Madani, Mark Manders, Ari Marcopoulos, Roberto Matta, Gordon Matta-Clark, Julia Maura, MODE 2, Tania Mouraud, NOC 167, Nestor Nomakh, PHASE 2, Alexander Raczka, RAMMELLZEE, Jay Ramier, Leomi Sadler, SAEIO, Aturo Sato, SKKI©, Robert Smithson, SNAKE 1, STAY HIGH 149, Lisa Signorini, Hito Steyerl, Hervé Télémaque,Toni, VALIE EXPORT, Lily van der Stokker, Marion Widocq, Martin Wong, Gérard Zlotykamien

REGISTRAR

Sarah Gratadour

ASSISTANTE RÉGIE DES ŒUVRES / REGISTRAR ASSISTANT

Elisa Lagarde

Ce numéro est publié à l’occasion de l’exposition : / This issue is published on the occasion of the exhibition: LA MORSURE DES TERMITES 16.06 2023 –07.01 2024
6 EDITORIAL DELLE

IL MORSO

DELLE TERMITI

L’exposition « La Morsure des termites » tente une relecture spéculative de l’histoire de l’art envisagée sous le prisme du graffiti, non pas comme sujet ou esthétique, mais comme expérience, attitude, imaginaire, pensée souterraine. Artistes reconnu·es ou inconnu·es, visibles, invisibles ou invisibilisé·es, artistes oublié·es, artistes sans œuvre… Elle provoque un dialogue fragmenté, parfois cryptique, entre une cinquantaine d’artistes.

The exhibition “La Morsure des Termites” [The Gnawing of the Termites] attempts a speculative rereading of the history of art through the prism of graffiti, not as a subject or an aesthetics, but as experience, attitude, imagination, subterranean thinking. Known or unknown artists, visible, invisible or invisibilized ones, off-the-radar artists or artists with no works… The show provokes a fragmented, sometimes cryptic dialogue between fifty or so artists.

7 HUGO VITRANI

Écrire. Se faire un nom anonyme. Disséquer les signes. Lettres en volume ou à plat. Figer les ombres, voir en négatif. Alphabet de l’opacité, vertige du tremblement. Visions cryptiques. Formes arrondies, droites, pointues, entremêlées. Partir en flèche. Ligne de fissure. Explosion. Nuage. Non mais halo, rehaussage de lumière. Étincelles. Couronnes. Guillemets. Points. Répétition du geste. Écriture automatique, ritualisée, qui chaque fois s’adapte. À la crasse. Au  support. À la surface. Au froid. À la nuit. À l’urgence. À la patience. Et qui s’efface. Saccager le temps, saccader l’espace. Guetter, tracer. On n’écrit pas pareil quand on ne voit que des ombres. On n’écrit pas pareil sous pression, lumière néon dans les yeux, contre le jour. On n’écrit pas pareil les pieds dans la vie, la tête en bas, en haut le vide. Quand on escalade. Quand on court près des volts. 750 dans le troisième rail. Devenir invisible. Silence. À l’affut. Descente interdite : c’est écrit sur le panneau jaune qu’il faut pousser. « Sous les pavés… » : ça passe aussi par des trappes. Esquiver les caméras couleur noire qui détectent les présences. Si ça sonne c’est Vigipirate. On n’écrit pas pareil quand on se fait courser. Quand on devient parano. Quand on entend les chiens de maîtres. Quand on se fait dépouiller. Gazeuse,

pince monseigneur, réflexe lacrymogène. On n’écrit pas pareil quand on sait ce qu’on risque. On n’écrit plus pareil quand on doit assumer. Quand on doit payer. Quand on est dehors ou en plein dedans, dans la galère ou dans l’atelier. C’est Derrida qui le dit : il n’y a pas de hors-texte 1 .

L’ÉCOLE DU MÉTRO ARGENT

1970, Philadelphie, New York. Des noms vaporeux surgissent dans l’espace public comme autant de nuages enfumés. Si la peinture en tube a permis aux artistes de peindre face au paysage pour capturer de nouvelles impressions dès le milieu du xixe siècle, la popularisation de la peinture aérosol a permis à celleux du xxe siècle, d’intervenir directement sur le paysage, sous pression, sans retouche. Tracée à distance du support, de manière fluide, dans le flow, une nouvelle atmosphère verbale se diffuse progressivement, composée d’abord de prénoms multiples et naïfs, puis de noms d’emprunts souvent suivis de chiffres, des numéros de rue. « Déjà, ça ne s’appelle pas du graffiti, mais de l’écriture (writing) 2 », affirme Iz the Wiz : la première génération du mouvement de la cote Est rejetait le terme graffiti, jugé

Hugo Vitrani est curator au Palais de Tokyo et commissaire de l’exposition « La Morsure des termites
».
Hugo Vitrani is a curator at the Palais de Tokyo. He curated the exhibition “La Morsure des Termites.”
7 HV IL MORSO DELLE TERMITI

Jay

D’après un texte de PHASE 2 paru dans le catalogue d’exposition / Based on a text by PHASE 2 published in the exhibition catalogue Urban Mythologies: The Bronx Represented since the 1960s (The Bronx Museum of the Arts, 1999)

Quand Nicolas Poussin posait son blase… En observant à Rome les œuvres de l’Antiquité et de la Renaissance, striées de noms, de dates et parfois d’esquisses, Charlotte Guichard nous invite à un autre regard sur l’histoire de l’art occidental, à travers la présence de ces graffitis, témoins d’une proximité avec les œuvres qui existait avant leur patrimonialisation.

GRAFFITI. SENSITIVE TRACES

PSL. Ancienne pensionnaire à l’Académie de France à Rome –Villa Médicis, elle a notamment publié Graffitis. Inscrire son nom à Rome, xvi exix e siècles en 2014 .

Charlotte Guichard est historienne de l’art, spécialiste de l’histoire des collections, du patrimoine et du marché de l’art à l’âge moderne. Elle est directrice de recherche au CNRS (Institut d’histoire moderne et contemporaine) et professeure attachée à l’École normale supérieure –

When Nicolas Poussin was a graffiti writer… By observing artworks in Rome from Antiquity and the Renaissance, marked with names, dates and sometimes sketches, Charlotte Guichard invites us to take a different view of the history of western art, through the presence of these graffiti, which testify to these works’ closeness before their heritagization.

• Charlotte Guichard is an art historian, specialising in the history of collections, heritage and the art market in the modern era. She is a research director at the CNRS (Institute of Modern and Contemporary History) and adjunct professor at the École Normale Supérieure –PSL.

A former fellow at the French Academy in Rome—Villa Médicis, she has in particular published Graffitis. Inscrire son nom à Rome, xvi exix e siècles in 2014.

In 1930, Sigmund Freud, in Civilization and Its Discontents , drew up a gloomy portrait of modern Europe in which he questioned its very future. In a famous passage, he evoked the past of a city, Rome, with its still-present ruins, and others that had been destroyed but whose traces remained underground or on frescoes, to establish an archaeological metaphor of the psyche. Rome became a metaphor for psychic consciousness: through its ruins, brought back to life by ancient traces or new architectures, Rome stood out as a palimpsest town, which could materialise the very idea of the soul—a “psychical entity with a similarly long and copious past,” 1 subjected to being brought up to date and to meditation. There is indeed something which inevitably strikes any visitor to Rome, making for a concrete, material experience of some of its frescoes: they are quite unlike the pure, ideal images found in art books. If their surfaces are examined close-up, they are seen to be marked, scratched, struck

SENSITIVE TRACES

En 1930, Sigmund Freud dressait dans Le Malaise dans la culture un sombre tableau de l’Europe moderne dans lequel il interrogeait la possibilité même de son avenir. Dans des pages devenues célèbres, il convoquait le passé d’une ville, Rome, pour produire une métaphore archéologique de la psyché. Avec ses ruines encore présentes, avec d’autres qui furent détruites mais dont il restait des traces dans les tréfonds et sur les fresques. Rome devenait la métaphore de la conscience psychique : à travers ses ruines, revivifiées par des traces anciennes ou de nouvelles architectures, la Rome émergeait comme une ville palimpseste et pouvait matérialiser l’idée même de l’âme –un « être psychique qui a un passé pareillement long et riche 1 », sujet à réactualisation et à méditation. Il y a en effet quelque chose qui ne peut manquer de frapper si l’on visite Rome et fait l’expérience concrète et matérielle de certaines de ses fresques : elles sont très éloignées des images pures et idéales que les livres

22
CHARLOTTE GUICHARD
GRAFFITIS.
22 CG GRAFFITI.
TRACES SENSIBLES

with names, dates or little drawings. Graffiti mark this city right down to its most ancient spaces: frescoes conserved from Antiquity, the Renaissance and the early-modern period. The striking presence of graffiti in the city of Rome is not an isolated case: there can be found ancient graffiti, pointing towards the history and memory of historical sites, in other urban metropolises. But Rome was turned into a heritage site early on: some of its walls or architectures, decked with revered frescoes, figure among the first artworks to be restored in European history. When, in in the late 17th century, Raphael’s Stanze and Loggia in the Vatican Palace, but also the Villa Farnesina or the Carracci’s frescoes in the Palazzo Farnese, were restored the graffiti marking them were not removed. 2 Even today, Freud’s intuition rings true: Rome’s walls display the city’s past, attracting the admiration, and sometimes the rejection, of those who frequented its architectures or who set out to destroy them during the numerous sacks that the city experienced during its history, and whose stigmata can still be seen on its walls. These graffiti remain sensitive traces of the history of the relationships that its inhabitants and visitors have had with the city, its heritage and landmarks. Nowadays, through the adoption of new urban and heritage practices, ancient graffiti have much to tell us about the life of works, the timeline of a heritage and the ways to inhabit it. d’art nous proposent. Leur surface, si l’on veut bien s’approcher, est griffée, striée de noms, de dates ou de petits dessins. Les graffitis marquent la ville jusque dans ses espaces les plus anciens : les fresques préservées de l’Antiquité, de la Renaissance et celles de l’âge classique. La présence

forte de graffitis dans la ville de Rome n’est pas isolée : on trouve des graffitis anciens, qui font signe vers l’histoire et la mémoire de lieux historiques, dans d’autres métropoles urbaines. Mais Rome fut tôt patrimonialisée : certains de ses murs ou de ses architectures, ornés de fresques admirées, figurent parmi les premières restaurations d’œuvres d’art dans l’histoire européenne. Les Chambres et les Loges de Raphaël au palais du Vatican, mais aussi la villa Farnesina ou les fresques des Carrache au palais Farnèse

furent restaurées dès la fin du xvii e  siècle sans que les graffitis qui les marquent ne soient effacés 2 .

Aujourd’hui encore, l’intuition de Freud sonne juste : les murs de Rome donnent à voir le passé de la ville, fait d’admiration et parfois de rejet de la part des individus qui fréquentèrent ses architectures ou qui voulurent les détruire lors des nombreuses mises à sac que connut la ville au cours de son histoire et dont ses murs conservent les stigmates. Ces graffitis

demeurent des traces sensibles de l’histoire des relations que les habitants et les visiteurs entretinrent avec la ville, son patrimoine et ses monuments. Avec le déploiement de nouvelles pratiques de la ville et du patrimoine, les graffitis anciens ont beaucoup à nous dire sur la vie des œuvres, la temporalité du patrimoine et les façons de l’habiter.

LA VIE DES ŒUVRES

Rome offre à ce jour le spectacle rare de fresques restées in situ, dans leur lieu, témoins muets d’une histoire passée. Réalisées par des maîtres de l’Antiquité ou à l’âge renaissant et classique par des maîtres comme

Raphaël, Giorgio Vasari, Michel-Ange, les Carrache, ces fresques furent

admirées, copiées tandis que leurs motifs devenaient iconiques pour l’histoire de l’art européen. Si l’on veut bien s’approcher au plus près de certaines fresques et les observer avec un regard non plus esthétique mais

23
GRAFFITIS. TRACES SENSIBLES Fig. 1 Palais Farnèse, xvi-exviie siècles / Farnese Palace, 16th-17th centuries / Photo : © Charlotte Guichard

A. One (Anthony Clark)

Brain Surgery (1993)

Face Scribbled on My Desk (1989)

Edith Dekyndt Wreck (2021) Burst (2021)

Nestor Nomakh et ses complices

Pervertir le sacré – le souiller, Pour rendre aux mains profanes. La police nous appartient (2021)

Richard Hambleton Sans titre (1982)

le contexte dans lequel c’est créé, sinon le fromage ne file plus, ça durcit, ça devient figé, et moi j’ai peur du côté figé des choses, donc très vite j’ai arrêté de peindre en atelier. » Il me parle de Norman Mailer, auteur juif américain de gauche qui s’est penché sur le graff en parlant du contexte qui l’entoure sans jamais toucher le sujet, ou encore d’Andy Warhol qui, quand il se met à faire du cinéma, arrête la peinture puis monte grâce à la pellicule Interview Magazine dans une vélocité toujours plus grande, et il compare ses films à l’ironie certaine à ce qui se fait aujourd’hui sur TikTok, c’est-à-dire des gestes et pas grand-chose d’autre. « Parce que lui aussi vient de cette classe ouvrière, il était d’origine tchécoslovaque, et j’ai toujours trouvé quelque chose en lui de très bloc de l’Est par rapport au fait qu’il s’amusait à courtiser un milieu éloigné de lui, mais qu’il le faisait d’une façon critique. Quand il fait ses portraits à vingtcinq mille dollars, il sait qu’il va le faire dans une certaine classe sociale, et que s’il fait le portrait d’unetelle ou d’untel, tout le monde derrière va vouloir le sien, et lui c’est ça qui le fait rire, c’est un effet poule tu vois, tu jettes du blé et tous les poulets vont arriver, et pour moi ça c’est un sarcasme. » La conversation s’étire encore, sur ce que devraient faire les artistes dans l’image, sur le concert que Travis Scott a donné sur Fortnite, sur le fait qu’il est zéro carbone, faisant tout à pied, marchant des kilomètres par jour pour réfléchir, sur nos patrimoines génétiques respectifs ou, encore et toujours, sur la manière dont les pratiques numériques se sont fichées au cœur de nos quotidiens.

Lorsque je lui demande un mail où lui envoyer ce portrait, afin qu’il le relise et me donne son avis, puisse modifier au besoin l’inexactitude d’une information, il me regarde dans les yeux et me dit : « Tu sais quoi, je veux pas le relire ton portrait, mais j’ai envie que tu t’amuses avec, tu fais ce qu’il te plaît, et moi ça me fera une surprise. » Et il me laisse là sur le parvis, apparition, disparition. J’ai rencontré SKKI. Il est cool.

48 SJ SKKI IS THE LIMIT
SKKI© & Mathias Enard, Boire à Niort (2021) Courtesy des artistes / of the artists & Winterlong Galerie (Niort) Ari Marcopoulos Buff I, Paris (2007) Robert Smithson Asphalt Rundown (1969)

King of All Snakes (1974)

COCO 144

Flair Drawings (1973)

Gordon Matta-Clark, Photoglyphs (1973) SNAKE 1 Tala Madani, Shit Mom Animation 1 (2021)

Jérôme

Pontille, sociologue et directeur de recherche au CNRS, sont membres du Centre de sociologie de l’innovation de Mines Paris-PSL. Ils travaillent ensemble depuis plus de vingt ans. Ils ont participé à la création du blog scriptopolis.fr et sont les auteurs du livre Le Soin des choses : Politiques de la maintenance (2022). • Jérôme Denis, a professor of sociology, and David Pontille, a sociologist and research director at the CNRS, are members of the Centre de Sociologie de l’Innovation of Mines Paris-PSL. They have worked together for over twenty years. They took part in setting up the scriptopolis.fr blog and are the authors of the book Le Soin des choses : Politiques de la maintenance (2022).

et

LE SOIN DES CHOSES

Dans un monde de choses en constante mutation et détérioration, où rien ne perdure sans une forme d’entretien, mesure-t-on bien l’importance des activités de maintenance et des personnes qui les accomplissent ?

Jérôme Denis et David Pontille nous invitent à prêter attention à la fragilité du monde que nous habitons et aux manières de prendre soin des choses.

In a world of things in constant flux and deterioration, where nothing lasts without some form of upkeep, do we really gauge the importance of activities of maintenance and of the people who carry them out? Jérôme Denis and David Pontille invite us to pay attention to the fragility of the world we live in and to the ways of looking after things.

60 JÉRÔME DENIS & DAVID PONTILLE

La maintenance comme affaire d’attention, aujourd’hui un véritable prisme de lecture dans vos recherches, vous est apparue quasiment à la dérobée, en arrière-plan d’une étude que vous meniez initialement sur l’information dans les lieux publics, à travers le cas de la signalétique du métro parisien.

Assez tôt, nous nous sommes intéressés à des questions d’écriture au sens très large, à la présence d’inscriptions quelles qu’elles soient, notamment dans des situations de travail. L’enquête sur la signalétique a été un moyen pour nous de déplacer ces préoccupations dans des espaces urbains. Nous souhaitions en particulier interroger le pouvoir de l’écrit, sa capacité à organiser concrètement nos manières de vivre ensemble. Cette signalétique a fait l’objet d’une intense réflexion au début des années 1990, dont l’enjeu était le principe de « multimodalité », c’est-à-dire un même système pour tous les réseaux (bus, métro, RER), et que l’usager circule dans ces différents modes de transport à travers un espace graphique standardisé. L’enquête que nous avons menée en 2007 portait sur le système d’information voyageurs. Au bout d’un an d’enquête, alors que nous terminions un bilan avec notre informatrice principale à la RATP, quasiment sur le pied de la porte, elle nous demande : « Au fait, vous avez vu les gars de la maintenance ? » Personne ne nous avait pointé le fait qu’évidemment, il y avait un département de maintenance spécifique à la signalétique. Nous sommes allés à l’atelier de maintenance, nous avons réalisé quelques entretiens

Maintenance as a matter of attention, which has now become a major lens for your research, appeared to you almost stealthily, i.e. in the background of a study you were conducting on information in public spaces via the signage of the Paris metro.

Quite early on, we became interested in questions of writing in the very broad sense, in the presence of inscriptions of any kind, especially in work settings. The investigation into signage was a way for us to shift these concerns into urban spaces. We wanted, in particular, to question the power of writing, its ability to concretely organise our ways of living together. This signage was the subject of intense study in the early 1990s, the issue of which was the principle of “multimodality,” i.e. the same system for all networks (bus, metro, and RER, which is the commuter rail serving Paris and its suburbs) and that the user travelled through these different modes of transportation via a standardised graphic space. The investigation we conducted in 2007 focused on the passenger information system. After a year of investigation, as we were finishing an assessment with our main informant at RATP (Autonomous Parisian Transportation Administration), almost at the door, she asked us, “By the way, have you met with the maintenance guys?” No one had pointed out to us that, clearly, there was a specific maintenance department for signage. We went to the maintenance workshop, conducted a few interviews, and most importantly, rode in trucks with the agents who move around in stations.

CAMILLE MANSOUR (P L S) DAVID PONTILLE CAMILLE MANSOUR (P L S) DAVID PONTILLE Denis, professeur de sociologie, David THE CARE OF THINGS

The question of maintenance then became central, to the extent of constituting the second part of the investigation. It brought a totally different perspective on these signs, which we had only seen in the context of graphic standards manuals, always shining, calibrated to the millimeter, stable signs, very effective in their ability to guide travelers. Here, we discovered these same signs that fade even though they are underground, that rust, break, display outdated information, or even that disappear, carried off by collectors or painted over by graffiti artists. It was a very important point for us to realise that the mode of existence of these signs—clean, in the right place, with the right information—was possible because they were supported daily by the agents who take care of them and consider all these transformations. Maintenance has become more and more significant in our thinking and has since guided a large part of our research work.

CM In your book Le Soin des choses [The Care of Things], you explain that at the time of the launch of this new signage, its maintenance had not been planned.

JÉRÔME DENIS Designing especially consists of creating and innovating; and this act of creation counts a lot. Much more than the conditions and the way in which the designed object will last. There is a tendency to imagine that good design is sufficient, often neglecting, for a large number of reasons, the importance or even the usefulness of maintenance. In the case of the RATP signage, people gradually began to notice faults and the signs’ deterioration… It took three years after the first wave of installation for a maintenance department specifically dedicated to the upkeep of this equipment to be created: nobody had realised that the constant presence of this signage, implicitly considered crucial to its effectiveness, required daily updating and maintenance. By following the “guys from the maintenance department,” we observed that they had difficulty maintaining the signs when they were a bit complex. And one phrase that came up often was: “They (meaning the designers) don’t think about us.” This general question of reparability has since become a crucial political issue. It is a problem in what is called “overconsumption society,” including in industrial fields, wherein maintainability is imagined as a given. This remains a design constraint that is not easy to implement.

CM In fact, in relation to the more mediatised theme of repair, you identify a condition specific to maintenance, which can explain the lack of attention it receives: its non-eventful nature.

JD Absolutely. You don’t have a ribbon-cutting ceremony every time you maintain something. Maintenance is an activity that is carried out so that everything goes on as if nothing had happened. That’s its success. While an accident or breakdown emphasises the event, the discontinuity, the before and after, the somewhat salvational, heroic aspect of repair—a very fashionable, attractive, and interesting term. The work of maintenance cultivates the non-eventful, it is located within the ordinary, the fabric of the present.

et surtout nous sommes montés dans les camions avec les agents qui se déplacent en stations. La question de la maintenance est alors devenue centrale, au point de constituer le deuxième volet de l’enquête. Elle a amené un éclairage totalement différent sur ces panneaux, que nous avions vus uniquement dans le contexte de chartes graphiques, toujours rutilants, calibrés au millimètre, des panneaux stables, très forts dans leur capacité à orienter les voyageurs. Là, nous découvrions ces mêmes panneaux qui se décolorent alors qu’ils sont en souterrain, qui rouillent, cassent, affichent des informations obsolètes, voire disparaissent emportés par des collectionneurs ou sur lesquels peignent des graffeurs. C’était un point très important pour nous de réaliser que le mode d’existence de ces panneaux, propres, au bon endroit, avec la bonne information, était possible parce qu’il était soutenu quotidiennement par les agents qui s’en occupent et prennent en considération toutes ces transformations. La maintenance a pris une consistance dans nos réflexions et a, depuis, guidé une grande partie de nos travaux de recherche.

CM Vous expliquez dans votre ouvrage Le Soin des choses qu’au moment du lancement de cette nouvelle signalétique, sa maintenance n’avait pas été prévue.

JÉRÔME DENIS Concevoir, c’est notamment créer, innover ; ce geste de création compte beaucoup. Beaucoup plus que les conditions et la façon dans lesquelles la chose conçue va durer. On a tendance à imaginer qu’une bonne conception suffit en négligeant généralement, pour des raisons très variables, l’importance de la maintenance voire son utilité. Pour revenir à la signalétique de la RATP, c’est petit à petit que les gens ont constaté des défaillances, que les panneaux s’abîmaient… Il a fallu attendre trois ans après la première vague d’installation pour qu’un département de maintenance, spécifiquement dédié à l’entretien de cet équipement, soit créé : personne n’avait réalisé que la présence perpétuelle de cette signalétique, implicitement considérée comme cruciale à son efficacité, nécessitait qu’elle soit actualisée, entretenue au quotidien. En suivant les « gars du département de maintenance », nous avons constaté qu’ils avaient du mal à assurer la maintenance des panneaux dès que ces derniers étaient un peu complexes. Et l’une des phrases qui revenait souvent était : « Ils (c’est-à-dire les concepteurs) ne pensent pas à nous ». Cette question générale de la réparabilité est depuis devenue un enjeu politique très fort. C’est un problème dans ce qu’on appelle la « société de surconsommation », y compris dans des domaines industriels, où l’on imagine que la maintenabilité est une évidence. Cela reste une contrainte de conception qui n’est pas simple à mettre en place.

CM Justement, en regard du thème de la réparation, plus médiatique, vous identifiez une condition propre à la maintenance, qui peut expliquer l’inattention qu’on lui prête : son caractère non événementiel.

JD Complètement. On ne coupe pas de ruban inaugural à chaque fois qu’on maintient un truc. La maintenance

61 JD & DP LE SOIN DES CHOSES

˝IMPRENABLES MAIS QUAND MÊME REPRIS

Robert Rauschenberg, Erased de Kooning Drawing (1953)

Histoire symptomatique de ce passage : en 1953, Robert Rauschenberg demande à Willem de Kooning, artiste pré-expressionniste abstrait pour lequel il a un immense respect, de lui donner l’un de ses dessins. Il le gomme, l’encadre, le nomme

DRAWING , le signe et le vend. Hommage, parricide ou provocation ?

ERASED DE KOONING

Dans The Faith of Graffiti (1974), le journaliste Norman Mailer s’évertue à rattacher le graffiti des noms à l’histoire de l’art d’hommes blancs, à Pollock, Matisse, Siqueiros, Van Gogh et de Kooning (entre autres). « Leur art a pu descendre des musées vers les masses » même si les graffiteurs n’ont « jamais pensé à la peinture moderne » ou « n’en ont même jamais vu ». Il résout cette contradiction en formulant l’hypothèse d’un « pouvoir télépathique » des œuvres d’art, celles-ci pouvant communiquer entre elles de façon indirecte, de la même manière que « les plantes parlent aux plantes ». Soit. Le graffiti serait même l’aboutissement d’une histoire de l’art pensée comme un long déplacement de la célébration du Vrai, du Bon et du Beau au « nom ».

Cette œuvre échappe aux réponses faciles et explore les limites de l’art et fait du nom une « autorité symbolique imprimée sur du vide. »

Le graffiti, parachèvement de ce déplacement vers le nom, toucherait ainsi au sacré (the Faith), une « appellation totémique 8 » qui reviendrait aux origines et à l’essence de l’art : être « des images au service du sacré 9 ».

PIXAÇAO ou PIXO 1980 à São Paulo

Avec la diffusion des contre-cultures de la jeunesse américaine, le tag prolifère (son centre de gravité se déplace vers les capitales européennes dans les années 1990). Mais le mythe new-yorkais est si fort que peu de pratiquant·es cherchent une autre voie, même là où l'alphabet latin n'est pas utilisé (au Japon par exemple). Deux modèles alternatifs se distinguent toutefois : CHOLO fin des années 1930 à Los Angeles par les gangs chicanos

Mouvement « all city » (comme à New York mais dans un territoire si vaste que les individus se regroupent autour d’un même pseudonyme. Qualités plastiques pour se démarquer des inscriptions politiques contre la dictature.

Inscriptions délimitant les territoires des gangs, contrôle visuel de l’espace symbolique, mais dépassant aujourd’hui la culture de gang (surf, rock metal, hip hop, skateboard).

fonction

Éléments intégrés dans l’architecture de la ville. Exécutés notamment grâce à des techniques de pyramides humaines. Influencés par les pochettes de disques heavy métal et punk des années 1980 (caractères gothiques) mais aussi par le runique ou l’étrusque.

Utilisation de la lettre gothique (les imprimeurs venus d’Espagne utilisaient des polices de type Rotunda), dans la peinture religieuse et la culture populaire.

Le E est souvent un 3 inversé.

style

Pour Baudrillard, c’est parce que la ville devient illisible qu’émergent des graffitis sans originalité formelle, ni revendication. Des signes vides, donc « irréductibles », « imprenables » et révolutionnaires. Des signes qui « retournent l’indétermination en extermination ».

Pour le philosophe Jean Baudrillard 7 , l’émergence des graffitis est liée à celle du postmodernisme. Avant, la ville était « lisible » (production, exploitation, les pauvres, les riches, la lutte des classes). Puis, tout en demeurant « un espace de la ségrégation » (races, classes), elle devient « un espace neutralisé » (celui de l’indifférence). C’est « la destruction symbolique des rapports sociaux ». On est enfermé dans une chanson de Mylène Farmer : « Plus rien n’a de sens, plus rien ne va », c’est la société postmoderne.

ssa e n t A t r a v e rs. L ’ artistem laru re s p ectelemur comme li tcepser a i t l e cadre

g p

.
Le
Jean7 Baudrillard, « Kool killer ou l’insurrection par les signes », L’Échange
et la Mort, 1976
symbolique
8 Norman Mailer, « The Faith of Graffiti », Esquire, 1974
˝
9 Walter Benjamin L’Œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique,1935

LE BON, LA BRUTE ET LE DÉLINQUANT

Chez Baudrillard, le graffiti est une pratique permettant de redonner vie à la ville postmoderne. Un bol d’air frais « révolutionnaire » grâce auquel « quelque chose de la ville redevient tribal, pariétal ». (Rappelons que le graffiti provient de quartiers pauvres noirs et hispaniques.)

Chez Norman Mailer, on retrouve ce même champ lexical (jungle, tribal, ethnie, primitif). Avec une petite touche d’exotisation en option (« hiéroglyphes », « aussi mystérieuses que les volutes de l’alphabet arabe ou chinois », « exilés des tropiques »). Pour lui, il y a le mauvais et le bon « délinquant », le bon étant celui qui fait de l’Art : « les graffiteurs s’opposent d’une certaine manière aux délinquants dans la mesure où ils vivent les différents stades de leur transgression légale dans le but de déboucher sur la création artistique ».

« cesappellationstribalesontunevéritablechargesymbolique »

?

ROMANTISATION

Le processus d’artification du graffiti peut-il se faire sans une romantisation de la figure de l’artiste (des « dieux libérateurs »), de la pauvreté, de la violence, voire de la répression policière ? Voir la vidéo « ATHÉNA ou L’esthétique de la répression − Critique de film » de la chaîne Youtube Histoires crépues.

On pense à cette réflexion des militantes Beurettes révoltées postée sur Instagram @beurettes_ revoltees : « La bourgeoisie blanche a le luxe d’esthétiser ce qui n’a été jusqu’alors que le motif d’exclusion de toutes les personnes racisées issues de cités. [...] Si la cité vous inspire, il est temps de lui rendre crédit, de dénoncer la situation de ses habitants, il est temps de combattre pour nos droits, contre l’insécurité policière. Il n’est plus possible de vous approprier nos codes sans vous mouiller. »

Ces citations ne sont pas tirées du carnet de voyage d’un « explorateur » du « Nouveau Monde » au XV e siècle. Ce sont les mots de Jean Baudrillard pour décrire le graffiti. Ils partagent le même champ lexical lié au « mythe du sauvage ». Héritier des « Grandes découvertes », ce mythe nourrit la construction européenne d’une figure de l’altérité. L’Autre, avec son mode de vie et de penser différent du mien, ne peut être qu’un « sauvage ». Il est vu et déformé à travers mon regard. « Mauvais sauvage » cruel ou « bon sauvage » naïf, il est toujours instrumentalisé pour penser la modernité 20 .

DE L ̒ART. PAS DE L ̒ART

« des signes, sans objectif, sans idéologie, sans contenu » 10 Terme forgé par la sociologue Roberta Shapiro, 17e Congrès de l’Association internationale des sociologues de langue française, 2004 11 Ibid.

1980 aux États-Unis 17 , le street art recouvre les créations comprenant de nouveaux styles, médias et techniques par rapport aux origines du graffiti 18 . Parmi ces évolutions, on retrouve celles permettant l’exposition et l’achat dans des galeries d’art. Par exemple, le passage du support du mur à la toile ouaux panneaux de bois 19 . Promoteur d’un message souvent bien pensant − paix dans le monde, solidarité (Baudrillard), le street art est-il un « art éléphant blanc » ?

ARTIFICATION

La transformation du non-art en art porte un nom : l’artification 10 . Elle repose sur la croyance (tacite) en une valeur supérieure de l’art. Elle agit donc comme un anoblissement par lequel « l’objet devient œuvre, le producteur devient artiste 11 » Pour ce faire, il existe des institutions régulatrices de l’art : celles qui dressent les frontières entre art et non-art. Pour l’anthropologue Marcel Mauss, « un objet d’art, par définition, est l’objet reconnu comme tel par un groupe 12 ». En l’occurrence, le groupe serait ici les journalistes, les collectionneur·euses, les directeur·ices de galeries et peut-être aussi un peu le public 13 .

Du point de vue de la loi, le graffiti relève du vandalisme 14 (actes de destruction ou de dégradation de biens publics ou privés). La mairie de Paris crée sa propre cellule de « dégraffitage » en 1999.

Mais parallèlement, elle subventionne le street art via des commandes publiques de fresques monumentales. Cela afin de contribuer à la « mise en valeur de [notre] environnement » et au « charme durable de la capitale 15 ».

Point de glitch dans la matrice, dans cet exemple s’illustre parfaitement la logique de déchet de l’artification. Ce qui était autrefois jetable devient marchandise, objet durable doté d’une valeur (économique et symbolique) 16 .

Cette frontière symbolique entre art et vandalisme s’accompagne d’une frontière entre graffiti et street art. Terme qui émerge dans les années

gr a f f i t i court d’un e ma i s on ertua’lA

Le
utre
ehc v a u c h e , d gE u e u el , s u
rpo s e ( l a s u prep
tionEquivaut
p p o tr emmoc
13 Vera L. Zolberg et Joni Maya Cherbo, Outsider Art. Contesting Boundaries in Contemporary Culture, 1997 20 Sérgio Paulo Rouanet Regard de l'autre, regard sur l'autre, 2001 15 Propos de Bernard Rocher, adjoint au maire de Paris, chargé de l’architecture, 1990. Voir Murs peints de Paris, catalogue de l’exposition au Pavillon de l’Arsenal, 1990. 16 Marisa Liebaut, L’Artification du graffiti et ses dispositifs, 2012 17 Terme attribué à Allan Schwartzman dans Street art, 1985 18 Melissa L. Hugues, Street Art & Graffiti Art : Developing an Understanding, 2009 19 Marisa Liebaut, op. cit. 14 « Vandalisme », site officiel de l’administration française, www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F1514
, d nu’ m u rA l’a
, li
pe
so i
Al ’ a b o l i t i o n d u s u
nalp ,
12 Marcel Mauss, Manuel d’ethnographie [Cours professé entre 1926-1939], 1947
« Eux seuls sontsauvages,encequeleurmessageestnul. »

Technique libre de graffiti politique en mixité choisie / Political graffiti free technique by FLINTA only

Pauline Charrière pour / for Douceur Extrême Tuto du turfu (2019)

Douceur Extrême, + de Makrout - de Macron (2023) Toni, PUTE NRV (2023)

Dennis Hopper Untitled (1990) Chaz Bojórquez, Placa / Rollcall (1980); Homie R.I.P. (1998); Between Right and Wrong (2015) NOC 167 Classic Rock Steady (n.d.)

COMPARISONS OF BLACKLETTER

UPPERCASES WITH LANDMARK CHOLO

(numbers indicating the tracing order of the different strokes composing each sign, towards a cursive simplification through the reduction of the number of gestures to achieve a single movement / tracing)

La capitale N romaine apparemment inversée est aussi un marqueur fort de l’écriture cholo. En fait, ce signe n’est pas une inversion mais une interprétation simplifiée en une seule ligne d’une initiale N gothique [fig. 4] qui ressemble à un n minuscule (certaines initiales gothiques sont formées à partir de la structure des minuscules, avec un aspect plus rond et plus orné). Le N cholo montre aussi le mouvement triangulaire vers l’arrière puis vers l’avant dans la partie inférieure des fûts verticaux, mouvement typique de certaines calligraphies gothiques (notamment les Fraktur cursives).

The seemingly reversed roman uppercase N is also a landmark letter of the Cholo script. In fact, this sign is not reversed but a simplified single-line interpretation of an uppercase blackletter N [fig. 4] which looks like a lowercase n (some gothic uppercases being formed on the structure of the lowercases, with a larger, rounder and more ornamental aspect). The Cholo letter N also shows the triangular backward and forward movement at the bottom of the vertical strokes, typical of some blackletter calligraphies (notably in cursive Frakturs ).

sleeve designs as Kid Frost’s first hit single La Raza in 1990 is mixing bold sans serifs with Cholo lettering on its cover.

Nowadays, the strong eradication campaigns against gang graffiti weaken the presence and the coverage of placas in the streets but instead of solving anything, it only hides the gang reality. It is only a simple displacement of the problem. That’s why actual Cholo writing at first sight could seem to represent a culture more alive through tattoos in the prisons and jails of California and other Southern states of the US than on Los Angeles walls.

But the most efficient and brutal international export is the implantation of gang culture and its visual lettering conventions in Central American shantytowns, mainly in El Salvador and Guatemala (and also partly in Mexico) where placas are flourishing in a pure Los Angeles style. In the beginning of the 1990s, deported rival gang members from the US spread the lifestyle of two main Los Angeles gangs, mara salvatrucha (a mostly Salvadorian gang) and 18th street/calle 18. Some of the young maras (Central American gangs) members actually have never been to the United States but live by a strict Los Angeles gang code.7 It seems clear that Cholo writing will continue its worldwide spread under the banner of its mythical Los Angeles origins—geographical moves that will probably bring further mutations. There has been, for example, a rapid growth of Mexican and Central American gangs in various cities in the US these last few years, and the presence of Salvadorian maras was recently reported in Barcelona, Spain. Placas, these hybrid monolinear blackletters from the

CHOLO WRITING, THE ESSENCE OF LOS ANGELES

COMPARAISONS D’INITIALES

CAPITALES GOTHIQUES AVEC DES LETTRES CHOLO

(numéros indiquant l’ordre du tracé des différents traits composant le signe, simplification cursive avec réduction du nombre de gestes pour aller vers un seul mouvement / tracé)

Ce glyphe particulier incarne l’identité du lettrage cholo et a influencé tous les autres types locaux de graffiti, jusqu’aux versions des tags de style new-yorkais qui firent leur apparition à Los Angeles à partir du début des années 1980. La similitude entre ce signe, véritable jalon identitaire de Los Angeles, et les variantes de l’initiale E majuscule observable dans la Textura calligraphique des xiii e et xiv e siècles est étonnante [fig. 1 et 2].

Cependant, l’emprunt ne serait pas aussi direct : le E gangster est plutôt, à l’évidence, une interprétation de la capitale E commune des Texturas typographiques plus classiques qui serait passée par un processus de simplification [fig. 3], une évolution cursive d’un signe composé de plusieurs traits distincts vers un geste monolinéaire unique. This glyph influenced all the other local types of graffiti, mainly the versions of New York tags that started to appear in Los Angeles in the beginning of the 1980s. The similarity of this Los Angeles identarian landmark sign with variants of the calligraphy Textura initial E from the 13th and 14th centuries is astonishing [fig. 1 & 2]. But the borrowing may not be so direct: the actual gangster E is an obvious interpretation of the common uppercase E of more classic typographical Texturas that went through a process of simplification [fig. 3], a cursive evolution of a sign made of several distinct strokes into a monolinear unique gesture.

Southern Californian suburban utopia, will perhaps be visible one day in Europe, the birthplace of gothic lettering, transported back from the New World. All local identities constitute a narrative as well as variations and adaptations from a model, in this case the Latin alphabet in the Western-influenced world, from both the humanistic and gothic models (that indeed both originated in the Carolingian minuscule calligraphy of the late 8th century). As the typeface Garamond is the image of French Renaissance, as the typeface Gill Sans is the spirit of England, Cholo writing in the same manner represents the very essence of Los Angeles, Southern California.

7. Donna DeCesare documented this phenomenon of gang “franchise holders” in Central America in her photo essay Deporting America’s Gang Culture in 1999, where much old school Cholo writing can be observed. Apparently, the style of placas visible there corresponds to former letterforms, compared to the actual Cholo writing that has continuously changed or, at least, gone through a process of improvement in Los Angeles year after year. This fact is typical of exiles who suspend the evolution of language or visual culture when they leave their homeland.

1 1 1 1 2 2 3 4
/
INITIALS /
LETTERS
Fig. 1 Fig. 2 Fig. 3 Fig. 4

Quel est le point commun entre un graff ACAB et une grenade lacrymogène ? La bombe aérosol a envahi notre quotidien depuis les Trente Glorieuses. Des armes chimiques de la Première Guerre mondiale à la crise écologique, Nicholas de Monchaux

retrace le parcours de cet objet familier jalonné de recherches militaires, d’avancées techniques et scientifiques et de rendements capitalistes.

AÉROSOL

What do ACAB graffiti and tear gas canisters have in common? Aerosol cans have been invading our everyday lives since the post-war boom. From the chemical weapons of World War I to the environmental crisis, Nicholas de Monchaux charts this familiar object’s trajectory, marked by military research, technical and scientific advances, as well as capital gains.

NICHOLAS DE MONCHAUX

Aerosol—literally, “dissolved in air”—is a tricky word. It describes something subtle, yet forceful; invisible, yet bound in action. And if that language evokes Star Wars, that’s probably alright, too. For after the elaborate wires of stagecraft are digitally removed (or, in the case of the original, laboriously and manually erased), it is the apparent ability to manipulate and affect the world without physically touching it that is the most palpable evidence of the power of Lucas’s capital-f Force. And, more palpably, of the aerosol as well. Which leaves its mark with action, but without touch.

The word aerosol is relatively new. But the thing it describes is actually not. Fog, smoke, mist, and cloud are all aerosols, containing particles of soot or water so fine that they are suspended on the air itself, pillowed by the energy of countless invisible atoms of gas. Especially given the nature of the primordial earth, such diffuse atmospheres long predate our own time. And of course, from the start of storytelling, these uncertain atmospheres have been omens and instruments, surrounding oracles (as at Delphi, where Plutarch described the effect of the volcanic, “sweetest perfume” on the oracle’s trance 1) or confounding heroes (as, in the Odyssey, at the hearth of Circe2). As is usually the case, however, we only really notice something when we do it ourselves. In the case of the aerosol, we came to identify the special actions and properties of gas-borne particles when we began to control and reproduce the natural phenomena of the aerosol with our own abundant industry.

“AER-A-SOL ‘BOMB’ ”

America’s first advertised aerosol appeared almost immediately after the close of World War II. It promised its own kind of genocide, not for humans, but insects. A September 1945 Gimbels ad is representative, hawking an “aer-a-sol ‘bomb’”consisting of a 3 percent solution of DDT. “Not only murders moths, flies, roaches, mosquitos and the rest, but goes on working long hours after you use it.”3

While not a bomb in a literal sense, the bug bomb was no less military for it. The aerosol bug bomb sold by Gimbels, and many other outlets, in the months after the Second World War was, in the original sense, army surplus. Stockpiled in anticipation of a punishing war through the malarial Pacific toward the Japanese home islands, the bug bombs were rendered unnecessary by the very latest advance of science in the service of war: the nuclear bombs dropped over Hiroshima and Nagasaki on

Nicholas de Monchaux est professeur et directeur du département d’architecture du MIT. Il a un intérêt particulier pour les questions d’architecture, de territoire, de technologie et de politique. • Nicholas de Monchaux thinks and writes about architecture, territory, technology and politics. He is Professor and Head of Architecture at MIT.
83

Jenny Holzer et / and Lady Pink, I AM NOT FREE BECAUSE... (1983–84)

Peinture aérosol sur toile / Spray paint on canvas

231,1 × 292,1 cm Courtesy Sprüth Magers © Jenny Holzer / Adagp (Paris), 2023

INTRODUCTION TO A HISTORY OF INTERIORITY

Jenny Holzer et / and Lady Pink, I AM NOT FREE BECAUSE... (1983–84)

Peinture aérosol sur toile / Spray paint on canvas

264 × 288 cm Courtesy Sprüth Magers © Jenny Holzer / Adagp (Paris), 2023

96
FI
96
/ LADY PINK
JENNY HOLZER

Between the late 1970s and the early 1980s, Jenny Holzer and Lady Pink infiltrated the public space in New York to produce clandestine works: while Holzer anonymously pasted posters and put slogans on the walls of Manhattan, Lady Pink made XXL graffiti in the subway, to be seen like paintings in motion. In this way Jenny Holzer spread her Inflammatory Essays . So as to act in the public space, she drew on a wide range of reading (Mao Zedong, Lenin, Emma Goldman, Leon Trotsky, Rosa Luxemburg…) in order to form fragmentary essays comprising always 100 words in 20 lines. As though in advance of what is now being played out in social media flows, these essays contradict each other, change tones, navigate between criticism and praise, threats and intimidation. At the same time, Lady Pink was taking part in the bulimic effervescence of New York graffiti, in a milieu where this painting practice was generally dominated by men. Her imaginary weaves links between the chaos of NYC’s urban jungle and her memories of Ambato, her birthplace, at the heart of the Ecuadorian Andes. She played a leading role in Wild Style , the first hip hop motion picture directed by Charlie Ahearn in 1983. After meeting in 1982, the two artists produced together several paintings on canvas, combining texts by Jenny Holzer and often apocalyptic images by Lady Pink. An extraordinary collaboration which marked a decisive step in the transition from works created in the street and subway to the studio work.

Lady Pink, Untitled (1982) Dessin / Drawing 35 × 42,5 cm Collection particulière / Private collection

INTRODUCTION À UNE HISTOIRE DE L’INTÉRIORITÉ

Entre la fin des années 1970 et le début des années 1980, Jenny Holzer et Lady Pink se sont infiltrées dans l’espace public de New York pour y réaliser des œuvres clandestines : Holzer collant anonymement des affiches et apposant des slogans sur les murs de Manhattan, Lady Pink réalisant des graffitis XXL sur le métro envisagé comme un tableau en mouvement. Jenny Holzer diffuse ainsi ses Inflammatory Essays [Essais incendiaires]. Pour interpeller l’espace public, elle puise dans diverses lectures (Mao Zedong, Lénine, Emma Goldman, Leon Trotsky, Rosa Luxemburg…) afin d’élaborer, par fragments, des essais composés systématiquement de 100 mots et 20 lignes. Comme s’ils annonçaient avant l’heure ce qui se joue aujourd’hui dans les flux des réseaux sociaux, ces essais se contredisent, changent de ton, naviguent entre critique et louange, menaces, intimidations. À la même époque, Lady Pink participait à l’effervescence boulimique du graffiti new-yorkais, dans un milieu où cet exercice de peinture était largement dominé par des hommes. Son imaginaire tisse des liens entre le chaos de la jungle urbaine de New York et ses souvenirs d’Ambato, son lieu de naissance, au cœur des Andes équatoriennes. Elle incarne l’un des rôles principaux de Wild Style , le premier film sur le hip-hop réalisé en 1983 par Charlie Ahearn. Après s’être rencontrées en 1982, les deux artistes ont réalisé ensemble plusieurs peintures sur toile, pour lesquelles Jenny Holzer a composé des phrases et Lady Pink des images souvent apocalyptiques. Une collaboration inédite qui a marqué une étape importante dans le passage du travail de rue et du métro à celui de l’atelier.

Jenny Holzer, Inflammatory Essays (1979-1982 ; 1983) Courtesy de l’artiste /

97 FI
of the artist Photo : Jenny Holzer © Jenny Holzer / Adagp (Paris), 2023

Caley Feeney, Phases of a Dream IV (Guardian II) (2021)

Lily van der Stokker, Art by older people (design for wallpainting) (1999) ; 9 o’clock I could be wrong (design for Gobelin + furniture)

Ida Ekblad, ENIGMA ENANTIOMER (2023) Antwan Horfee, Animatronic 4 (2023) furniture) (2005) ; Can we be friends (sketch for wall painting) (2006)

[fr] Fin des années 1990 à San Francisco. Un nouvel élan créatif underground voit le jour à Mission District, un quartier majoritairement hispanique tiraillé entre la pauvreté et le surgissement de la révolution numérique de la Silicon Valley. C’est ici qu’est née la « Mission School », réunissant Margaret Kilgallen, Barry McGee, Ruby Neri, Alicia McCarthy et Chris Johanson, autant d’artistes qui repoussaient les limites du graffiti et faisaient de la rue leur atelier. Margaret Kilgallen signait aussi ses peintures du nom de « META », ou encore de « Matokie Slaughter » (en hommage à la musicienne folk). Ex-restauratrice de livres anciens, Kilgallen était fascinée par les typographies des xve et xvie siècles, par le jaunissement des pages, par la manière dont l’encre imprègne le papier. Mixant lettrines, formes géométriques, portraits (souvent pour rendre visible les femmes dans le paysage), son travail est imprégné par une recherche du « fait main ». Mais l’apparente simplicité des images plates aux lignes claires cache un travail laborieux : « Je passe beaucoup de temps à essayer de perfectionner mon travail sur les lignes… Lorsque vous vous approchez, vous pouvez toujours voir les lignes vaciller. Et je pense que c’est là que réside la beauté. » Empruntant la route alternative tracée par Jack London, Kilgallen et sa bande envisageaient la peinture comme une écriture vagabonde, à l’image des monikers, ces dessins tracés à la craie par des hobos sur la ferraille des trains de marchandises. Margaret Kilgallen est décédée en 2001, à l’âge de 33 ans. Barry McGee lui rend hommage à travers ces photographies.

[en] The late 1990s in San Francisco. A new underground creative momentum started up in the Mission District, a mostly Hispanic neighbourhood torn between poverty and the uprising of the digital revolution in Silicon Valley. This is where the “Mission School” was born, bringing together the artists Margaret Kilgallen, Barry McGee, Ruby Neri, Alicia McCarthy and Chris Johanson, all of whom pushed back the limits of graffiti and turned the street into their studios. Margaret Kilgallen also signed her paintings as “META,” or else “Matokie Slaughter” (in homage to the folk musician). A former restorer of old books, Kilgallen was fascinated by 15th and 16th century fonts, by the yellowing of pages and by the way ink impregnates paper. By mixing initials, geometric shapes and portraits (often to make women visible in the landscape), her work was steeped in the desire to be “handmade.” But the apparent simplicity of flat images with clear lines conceals painstaking work: “I do spend a lot of time trying to perfect my line work… when you get close up, you can always see the line waver. And I think that’s where the beauty is.” By taking the alternative route traced out by Jack London, Kilgallen and her gang saw painting as vagabond writing, like monikers, those drawings chalked up by hobos on the metal sides of goods trains. Margaret Kilgallen passed in 2001, at the age of 33. Barry McGee pays homage to her in these photographs.

p. 105

1999, ICA Boston (exposition / exhibition « Frieze: Wall Paintings by Franz Ackermann, John Armleder, Margeret Kilgallen, Sarah Morris, Alexander Scott ») ; milieu des années 1990 / mid-1990s , 16th & Potrero Avenue, San Francisco (encre sur bâtiment abandonné / ink on abandoned building)

p. 106

2000, UCLA Hammer Museum, Los Angeles (« Hammer Projects: Margaret Kilgallen ») ; novembre 1996 / November 1996, gare de triage / trainyard, East Bay (bâton de peinture sur wagon / paint stick on boxcar)

p. 107

novembre 1999 / November 1999, gare de triage / trainyard, Pope Valley, Californie / California (bâton de peinture sur wagon / paint stick on boxcar) ; mars 2000 / March 2000, Black Butte, Californie / California (Reconstruisant le moniker de Rambler / Rebuilding Rambler moniker)

p. 108

mars 2000 / March 2000, gare de triage / trainyard, Black Butte, Californie / California ; 9 septembre – 9 octobre 1999 / Septembre 9 – October 9, 1999 , Deitch Projects, New York (To Friend and Foe, vue de l’installation / installation view)

Photos : Barry McGee

p.

Il morso delle termiti par / by Hugo Vitrani p. Graffitis. Traces sensibles Graffiti. Sensitive Traces par / by Charlotte Guichard p.

The City of Broken Windows

Hito Steyerl interviewée par / interviewed by Ingrid Luquet-Gad p. SKKI is the Limit par / by Simon Johannin p. Le Soin des choses The Care of Things Entretien avec / Conversation with Jérôme Denis & David Pontille p. L’écriture Cholo, l’essence de Los Angeles Cholo Writing, the Essence of Los Angeles par / by François Chastanet p. Aérosol Aerosol par / by Nicholas de Monchaux THE GNAWING OF THE TERMITES

P L S 35 Le magazine du Palais de Tokyo The magazine of the Palais de Tokyo

Ce numéro a été conçu avec Hugo Vitrani. / This issue has been edited with Hugo Vitrani.

DIRECTEUR DE LA PUBLICATION / PUBLISHER

Guillaume Désanges

RÉDACTEUR EN CHEF / EDITOR-IN-CHIEF

Frédéric Grossi

ÉDITRICE / EDITOR

Camille Mansour

ASSISTANTE ÉDITORIALE / EDITORIAL ASSISTANT

Victoria Bernard

CONCEPTION GRAPHIQUE / GRAPHIC DESIGN

Morgane Masse

TRADUCTEUR.RICES / TRANSLATORS

Cyril Le Roy, Callisto Mc Nulty, Ian Monk

RELECTURES / PROOFREADING

Nolwenn Chauvin

TEXTES / TEXTS

François Chastanet, Jérôme Denis, Charlotte Guichard, Simon Johannin, Ingrid Luquet-Gad, Camille Mansour, Nicholas de Monchaux, David Pontille, Hito Steyerl, Hugo Vitrani

P L S est édité par / is published by Palais de Tokyo SASU, 13 avenue du Président Wilson, F-75116 Paris, T +33 1 4723 5401 www.palaisdetokyo.com

PUBLICITÉ / ADVERTISING

Mazarine Culture, 2 square Villaret de Joyeuse, F-75017 Paris, T +33 1 5805 4970, www.mazarine.com

Contacts : Françoise Meininger, Carole Nehmé, Maxime Raphalen DIFFUSION / DISTRIBUTION

P L S est diffusé en France et à l’étranger. / P L S is distributed internationally. Voir / See : www.palaisdetokyo.com

ABONNEMENTS ET VENTES EN LIGNE / SUBSCRIPTIONS AND ONLINE ORDERS www.kdpresse.com / www.palaisdetokyo.com

I mprimé en Union européenne par / Printed in European Union by Imprimerie CCI, Marseille

Dépôt légal à parution, imprimé en juin 2023

ISSN 1951-672X / ISBN 978-2-84711-144-6

© Palais de Tokyo et les auteur.rices, 2023

© Adagp (Paris), 2023 pour les œuvres de ses membres (Sophie Calle, COCO 144, Dado (Miodrag Djurić), Ida Ekblad, FUTURA 2000, Antwan Horfee, Renée Levi, Roberto Matta,Tania Mouraud, Alexander Raczka, Jay Ramier, SAEIO, SKKI©, Lisa Signorini, Hito Steyerl, Hervé Télémaque, VALIE EXPORT, Gérard Zlotykamien)

LA
DES TERMITES
MORSURE
35
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.