Le Lettré de la Croix-Rousse (extrait)

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Les Gaulois sont également attachés à un certain art de vivre et aux honneurs : la ville de Lugdunum va leur offrir ce qu’ils désirent. L’eau à volonté amenée par un grand aqueduc, des thermes, des places, des rues commerçantes bien achalandées avec les produits remontant le Rhône ou descendant la Saône, autant de « merveilles » qui font oublier bien vite la rusticité de la hutte gauloise. La puissance ne dure pas si elle n’est accompagnée de quelque reconnaissance qui contribue plus fortement encore à la romanisation des esprits. Ce sera sur le bas des pentes de la Croix-Rousse que la marque de l’organisation et de l’influence romaines sera la plus éclatante. En l’an 12 av. J.-C., on y construit tout d’abord un sanctuaire pour honorer le culte impérial, les dieux romains, mais aussi leurs « homologues » gaulois dans une sorte d’œcuménisme diplomatique et bienveillant. Quelques années plus tard et sous l’autorité du grand prêtre fédéral Julius Rufus, on entreprend la construction d’un vaste amphithéâtre dont l’emprise au sol dépassera les 15 000 m2 lors de son extension. Le lieu cumule des fonctions politiques, administratives et d’agréments. Il est prestigieux et tout de pierres taillées. Chaque 1er août – le mois d’Auguste – débute un grand rassemblement des 60 tribus gauloises réparties entre la Gaule Belgique (15 peuples), la Gaule Lyonnaise (25) et la Gaule Aquitaine (20). Leurs délégués apprennent ici et progressivement leur nouveau statut de sujets de l’empereur et de Rome. Ils peuvent exprimer leurs doléances, leurs souhaits, mais également actualiser les codes et le tribut de leur soumission. Certains pourront même accéder à quelques fonctions publiques impériales. C’est à cet endroit que les Gaulois apprennent les mots (latins) et les règles (droit romain) du débat public et de la recherche de solutions partagées, comme une sorte d’origine lointaine du parlement national. Mais on ne fait pas que croiser les mots dans cette enceinte, on y croise également le fer dans une mise en scène très étudiée des combats guerriers : les jeux du cirque. Durant une quinzaine de jours, en effet, se succèdent les combats de gladiateurs, les supplices de martyrs (en 177 quarante-cinq chrétiens, dont Pothin et Blandine) et les scènes plus légères de comédies et de pantomimes. Vienne, la « florissante » ne tarde pas à se voir supplanter par ces spectacles lyonnais, comme un avant-goût de l’émulation actuelle entre les festivals présentés dans les théâtres romains de « Jazz à Vienne » et des « Nuits de Fourvière ». Néanmoins, toutes deux, grâce à leurs « nautes », serviront et desserviront Rome en produits et en impôts plus facilement mobilisables et contrôlables à l’occasion de tels rassemblements.

LE LETTRÉ DE LA CROIX-ROUSSE

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