Dix ans de reconstruction du Tôhoku après la triple catastrophe du 11 mars 2011

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Dix ans de reconstruction du Tôhoku après la triple catastrophe du 11 mars 2011

approche géopolitique et sociologique d’un désastre inédit

« Pour vivre une nouvelle poésie, Je note ici ce en quoi nous croyons, En guise de prière, je vous confie ces mots, Il n’est pas de nuit sans aube. »

WAGÔ Ryôichi, 26 mai 2011.

Préface

« Sur le site de la ville de Natori, la liste des corps retrouvés et les détails des caractéristiques physiques des corps non identifiés sont toujours en ligne. » Par ces quelques mots, Alexandre Vauvel nous rappelle combien, au cas où cela aurait été oublié, un tsunami et une catastrophe nucléaire ont frappé toute une région au Japon, voire le pays tout entier. Par cette phrase, sèche, sans fioritures, il nous donne le ton d’une analyse clinique de ce qui s’est passé afin que nous puissions comprendre le comment et le pourquoi : le drame du « 3-1-1 », le san-ichi-ichi, soit le 11 mars 2011, conformément à la numérologie pratiquée par les Japonais à propos des évènements majeurs.

Certes, la plupart des circonstances sont déjà bien connues, au moins des spécialistes du Japon, sinon de cette nouvelle catégorie que sont les « spécialistes du risque », propulsée par une mondialisation ayant remplacé le conflit militaire mondial par le désastre planétaire environnemental. Vauvel y ajoute son témoignage personnel, issu d’un séjour sur le terrain qui a duré plusieurs mois, étayé d’informations puisées dans plusieurs livres ou thèses, de l’expérience d’une chercheuse britannique qui a observé et participé à la reconstruction d’une bourgade touchée par le tsunami, sans oublier les autres documents, officiels ou non.

Concernant la reconstruction sur le littoral du Sanriku, on ne peut qu’être frappé par le choix technologique pris par les dirigeants japonais au plus haut sommet de l’État et de la technostructure : celui de bâtir des digues encore plus hautes. Elles sont justifiées par le fait que les précédentes, bien que déjà élevées, se sont avérées quasi généralement inefficaces, notamment à Tarô qui était la ville pilote et emblématique de la protection anti-tsunami. Mais elles sont injustifiées, à tout le moins disproportionnées, par le fait que les bourgs et les villages ont été reconstruits sur les hauteurs, donc à l’abri de futurs tsunamis. Une muraille de béton court désormais tout au long du rivage, y compris dans les criques où il n’y a aucune habitation. Ce massacre du paysage se conjugue à une abolition du rapport des populations littorales à la mer, quand bien même leur regard est fondamental pour leur activité de pêche, pour le besoin de voir si un tsunami se profile, ou pour une simple contemplation. À la perspective humaine, géographique, mésologique, s’est ainsi substituée une vision technicienne, technocratique, froide, inhumaine. Elle s’explique par la trajectoire d’un Japon décidément obsédé par la technologie, celle des robots ou bien des microprocesseurs, et encouragé par un Occident fasciné par son absence de crainte du démiurge, discrètement désireux de posséder les nouveaux outils de géo-ingénierie. Certaines composantes profitent financièrement et politiquement du béton qui coule à flots. Car le secteur des bâtiments et travaux publics occupe une place considérable au sein de l’économie japonaise, la plus importante de tous les pays de l’OCDE. Il est détenu par de grosses entreprises qui vont vendre des super-digues jusqu’aux Maldives ou des îles artificielles à l’ancien président des Kiribati Anote Tong. Elles travaillent aussi en sous-traitance avec des entreprises contrôlées par la pègre, celle-là même qui encadre le marché du travail des précaires payés pour nettoyer la centrale nucléaire de Fukushima. Les fonds du secteur alimentent directement les caisses des partis politiques dominants, perpétuant ainsi tout un système.

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Comme nous l’indique A. Vauvel, au moins un village a osé résister à la bétonisation extravagante, Akahama, dans la commune d’Ôtsuchi, département d’Iwate. Un seul, mais un seul quand même, ce qui prouve que c’était possible. Ce qui indique aussi combien, a contrario, le poids de l’État central et des gouverneurs reste encore très puissant au Japon, malgré la colère ou la frustration. Il se combine à une administration qui sait se montrer lente et tatillonne pour les indemnisations, mais bornée quand il s’agit de penser autrement, inflexible quand il s’agit d’appliquer les ordres venus de Tôkyô. Akahama a résisté car un groupe de l’Université de Tôkyô qui détenait déjà un laboratoire de biologie marine sur place aurait mis son grain de sel, assaisonné par les pêcheurs. De quoi encore taper sur ces intellectuels qui pensent qu’on peut penser face à ces soldats de la reconstruction ou de la décontamination alignés sur Sisyphe. Concernant la catastrophe nucléaire de Fukushima, A. Vauvel évoque le problème de la contamination radioactive. S’affrontent experts et contre-experts puisqu’il faudra attendre des années afin d’avoir des conclusions plus fermes. Certains ont aussi la tentation, parfois accomplie, de biaiser quelques évaluations épidémiologiques ou sanitaires. Mais sont surtout décrits les dégâts humains déjà existants, qui se situent à deux niveaux.

D’une part, le lieu social, le déplacement, le refuge, le relogement, l’injonction gouvernementale de revenir sur place en coupant les aides. La culture de la jalousie oppose les voisins, entre celui qui touche une indemnité, et celui qui n’en a pas, ou plus. Elle escorte la décomposition des familles, les divorces, les suicides ou les fantômes qui prennent le taxi. Le rapport à la mort se tend à nouveau au sein d’une société déjà vieillissante et qui, comme dans le Sanriku, cherche les corps pour éviter les âmes errantes.

D’autre part, A. Vauvel détaille « l’ignorance organisée », ce mélange baroque de demi-informations, de faits avérés ou bien discutés, de probabilités, de certitudes cachées, de responsabilités refoulées ou détournées. Cette ignorance est fabriquée par un monde qui a capoté, ce même monde qui, au moment de la catastrophe de Tchernobyl en 1986, nous disait qu’il s’agissait d’une gabegie typiquement communiste, et que jamais cela n’arriverait au Japon. Là comme ailleurs, on attend ceux-là venir s’expliquer publiquement, ou encore les médias nous rafraîchir la mémoire en comparant les déclarations de l’avant et du maintenant.

Ce monde d’illusion dopée par la société du spectacle fait cependant ressurgir l’exemplarité dramatique et paradoxale d’un Japon placé à l’avant-garde de la postmodernité qui, d’un coup, après le tsunami et après Fukushima, disparaît du regard politico-médiatique au profit de la rivalité entre les États-Unis, la Chine et la Russie. Là où les populations du Monde clamaient, il n’y a pas si longtemps encore, no more Hiroshima, entend-on vraiment clamer no more Fukushima ? Au contraire, « sauver la planète » se traduit de nos jours par « à bas le carbone, vive l’électricité », retranscrit en « vive le nucléaire ».

Le tsunami offre l’inconvénient d’être une catastrophe naturelle, sans que la main de l’homme prédateur y soit pour quelque chose. La fusion du cœur de trois réacteurs nucléaires offre l’inconvénient d’être cent pour cent made in human puisque la sécurité de

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la centrale de Fukushima Daiichi a été faite en dépit du bon sens. Le gag tragique fut la panne de courant dans une usine faite pour produire de l’électricité, panne qui a gravement handicapé les secours. Quelques kilomètres plus loin, sur le Sanriku, la centrale d’Onagawa a pourtant résisté bien qu’étant à proximité de l’épicentre du séisme ayant déclenché le tsunami.

Certains connaisseurs du Japon ont estimé qu’il ne faudrait pas mettre en avant le nom de Fukushima à propos du drame nucléaire, car cela ne correspond pas au lieu précis des centrales concernées, impliquant abusivement des régions éloignées de ce même département, car, conformément à un sentiment de honte assez courant au Japon, il faut éviter de stigmatiser tout un département qui a dû mal à se relever. Empêcher, en quelque sorte d’ajouter du malheur au malheur. La question mérite d’être posée. Mais ma réponse est différente : on doit garder le nom de Fukushima, comme on l’a fait pour Nagasaki et pour Hiroshima à propos de leurs bombardements atomiques en 1945. Pourquoi ? Parce que, dans le cas de Hiroshima, cette ville avait été visée par les autorités militaires américaines en tant qu’importante cité-caserne, symbole du militarisme nippon. De fait, c’est de son port que partaient les troupes japonaises à la conquête de la Chine avant que le chemin de fer n’aille plus loin vers l’ouest. C’est à l’intérieur même de cette ancienne cité sous le château que s’étendaient de puissants casernements et des usines fabriquant des armes. Parce que, dans le cas de Nagasaki, l’épicentre nucléaire est situé au-dessus du quartier historique des chrétiens japonais, les descendants de ceux qui avaient été pourchassés depuis le début du XVIIe siècle et qui se sont reconstitués au milieu du XIXe siècle à la suite de l’ouverture forcée du Japon par les canonnières américaines de Perry. La bombe est tombée sur eux comme s’il fallait les punir, et châtier ce Japon qui avait l’audace de se rapprocher à nouveau culturellement de l’Occident, mais qui en avait aussi adopté la politique de puissance reposant sur l’expansionnisme militaire.

Rappeler ces faits historiques et géographiques ne revient pas à exonérer les dirigeants américains, en premier lieu le président Harry S. Truman (1884-1972). Ce baptiste, ancien sénateur du Missouri fut choisi comme vice-président par l’establishment du Parti démocrate spéculant sur un décès prématuré du président Roosevelt, ce qui arriva, pour éviter un rival trop à gauche. C’est lui qui prit la décision de lancer les bombes atomiques sur le Japon, pour « terminer la guerre rapidement et sauver d’innombrables vies, aussi bien japonaises qu’américaines » comme il le justifie publiquement le 14 octobre 1948 à Milwaukee, Wisconsin.

En réalité, il s’agissait de prendre de vitesse tout le monde et doubler Staline puisque les dirigeants japonais, notamment l’ancien Premier ministre Konoe Fumimaro, parent de l’empereur, savaient la défaite inéluctable et qu’ils cherchaient l’intermédiation soviétique comme nous le précisent les plus récentes historiographies, comme celle de Hasegawa Tsuyoshi, bénéficiant de l’ouverture récente des archives. Le paradoxe de cette histoire c’est que les Japonais attendaient une garantie de survie pour l’empereur et le système

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impérial, que les Américains leur refusaient, mais qu’ils ont fini par leur donner une fois la reddition passée.

Le département de Fukushima a été traité comme une arrière-cour de la mégalopole tôkyôte à qui elle fournissait légumes, laitages, poissons et électricité. Elle ressemblait à une colonie intérieure selon certains observateurs, mais ce traitement imposé par la direction centrale du pays a été avalisée sur place par les dirigeants locaux et par leurs électeurs qui les ont reconduits aussi régulièrement qu’obstinément, en échange de quelques prébendes les rendant addicts au nucléaire et inconscients du danger. Le rappeler de loin n’est pas inconvenant, car abandonner là-bas ou ici le principe de responsabilité individuelle, puis collective, revient à admettre une condition d’esclave. Hiroshima, ancienne cité-caserne devenue cité de la paix grâce à des manifestations qui sont souvent aussi formelles qu’inefficientes, est donc à la fois un symbole historique (le moment) et géographique (le lieu) de pratiques humaines, de choix et de forfaits commis à cette occasion, tout comme Fukushima incarne, ainsi que nous le rappelle A. Vauvel, le long chemin de mystification fait autour de la « sécurité nucléaire », pavé de bonnes intentions, d’hypocrisies ou de mensonges, soit, au bout du compte, rempli de sacrifices et de drames.

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Philippe Pelletier, Givors-Canal, le 28 février 2023.

Certaines figures renvoient à des photographies prises par l’auteur, dont vous pouvez prendre connaissance en scannant le QR code ci-dessus.

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Introduction

Le 13 février 2021, à 23 h 7, un séisme de magnitude 7,1 s’est déclenché au large de la côte de la préfecture de Fukushima, faisant trembler la région du Tôhoku. Si les dégâts matériels et humains furent relativement peu conséquents pour un tremblement de terre de cette ampleur1, l’impact psychologique fut fort sur la population de la région. En effet, les réactions sur les réseaux sociaux et les médias ont témoigné du traumatisme encore vif d’un autre événement : celui de la triple catastrophe du 11 mars 2011. Pour ajouter à ce traumatisme, l’Agence météorologique japonaise révéla plus tard que le séisme de février 2021 était une récente réplique, et était donc directement lié au séisme de 20112. Cette réplique, qui coïncide presque avec le 10e anniversaire de la triple catastrophe, rappelle qu’une décennie d’activité humaine est négligeable face à la vitesse à laquelle s’écoule le temps pour la Terre et les phénomènes géologiques. Dix ans d’activité humaine laissent pourtant le temps d’accomplir de nombreuses choses, de transformer des paysages, de changer de vie, de se reconstruire après un événement traumatique. Tout du moins, de panser les plaies et de ne laisser qu’une cicatrice comme marque visible d’un événement tragique qui s’est produit quelques années plus tôt. C’est le sentiment que j’ai eu en vivant de septembre 2019 à août 2020 à Sendai, capitale du Miyagi, la préfecture la plus touchée en nombre de victimes directes du tsunami de 2011. À Sendai, en 2019, la vie semblait avoir repris son cours durant mon court terrain : il s’agit d’une métropole vivante, joyeuse, reconstruite et épanouie. À première vue et pour un passage de courte durée, rien ne laissait percevoir l’étendue des dégâts 10 ans plus tôt. Puis, au fur et à mesure des semaines, des mois, j’ai appris à connaître cette ville en profondeur, et j’ai commencé à m’apercevoir de certaines choses. Tout d’abord, ce casque antisismique, fourni dans toutes les chambres des résidences universitaires de Tôhoku University, qui ne l’était pas dans les universités dans lesquelles mes camarades de promotion étudiaient, loin de cette région. Ces résidences universitaires, qui justement, je l’ai appris plus tard, sont d’anciens logements temporaires pour les évacués du tsunami, dorénavant reconvertis en logements étudiants. Ces amis, professeurs, connaissances, qui, une fois le contact approfondi, m’ont parfois révélé une histoire de ce tsunami – « leur » histoire du tsunami – qu’ils n’évoqueront pas avec le premier venu.

Et enfin, ce jour où j’ai visité un mémorial de la catastrophe, installé à l’intérieur d’une école primaire qui avait servi de refuge lors du tsunami (Fig. 16). En m’y rendant, je ne comprenais pas pourquoi une école primaire avait été construite dans un endroit aussi désolé, et isolé : il n’y avait rien à des centaines de mètres alentour (Fig. 22). Ressortant, j’ai compris que cette école n’avait pas été construite dans une zone désolée et isolée, mais qu’elle était le dernier bâtiment debout d’un quartier autrefois vivant, bruyant et dynamique. De ce quartier d’Arahama, il ne restait rien. Si ce n’est le souvenir, incarné par ce

1 « Séisme de Fukushima (Japon) » (Institution de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire, 23 février 2021), https://www.irsn.fr/FR/Actualites_presse/Actualites/Pages/20210301_IRSN-fiche-seisme-fukushima. aspx#.YL4d3fkzZPZ

» (Japan Meteorological Agency, 14 février 2021), https://www. jma.go.jp/jma/press/2102/14a/kaisetsu202102140110.pdf

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2 «
分頃の福島県沖の地震について-「平成
平洋沖地震」について(第
令和3年2月13日23時08
23年(2011年)東北地方太
89報)-

mémorial, par une stèle avec le nom et l’âge des près de 200 victimes du quartier (Fig. 24), par une digue gigantesque flambant neuve sur le long de la côte (Fig. 25), et par quelques morceaux de carrelage ou de fondation parmi la végétation, qui furent autrefois le foyer de quelqu’un (Fig. 21). J’ai alors réalisé que je connaissais mal la région dans laquelle je vivais depuis plusieurs mois. C’est de cette volonté d’apprendre à connaître ma région d’accueil et ses habitants que mon travail de recherche est né.

À ceci, s’ajoute un élément fondamental : durant toute mon année à Sendai, j’ai été interpellé de très nombreuses fois non seulement par des Japonais non-résidents de la région, mais surtout par mes proches en France : pourquoi diable avais-je voulu faire mon année d’échange universitaire à Sendai ? N’étais-je donc pas inquiet des radiations causées par l’accident nucléaire de Fukushima Daiichi, à 100 kilomètres de là ? Je me suis alors rendu compte qu’en plus de la reconstruction, ma région d’accueil faisait face à un autre stigmate, moins visible et plus pernicieux : la peur. Même à des centaines de kilomètres de la centrale, la peur de la « menace invisible » des radiations démotivait les touristes japonais comme étrangers de venir visiter le Tôhoku. C’est donc aussi dans l’objectif de démêler le vrai du faux de la situation post-accident nucléaire de Fukushima, et ainsi déconstruire les préjugés qui entourent le Tôhoku, que j’ai commencé à travailler sur ce mémoire, en m’appuyant sur des travaux de recherche scientifique, mais aussi géopolitiques et sociologiques.

Revenons 10 ans en arrière. Le vendredi 11 mars 2011, à 14 h 46, le plus fort séisme jamais mesuré à proximité de l’archipel éclate avec une magnitude de 9,1 sur l’échelle de Richter, à 130 km des côtes de Sendai. Celui-ci cause un gigantesque tsunami de 30 mètres qui frappe de plein fouet la côte est du Tôhoku, parcourant jusqu’à 10 km à l’intérieur des terres en l’espace d’une heure. Le Japon va alors être confronté à la plus grande crise de son histoire depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, appelée 東日本大震災 (Higashi nihon daishinsai, litt. « la grande catastrophe sismique de l’est du Japon »)3 .

Si les dommages causés par le séisme sont mineurs grâce à la qualité des constructions parasismiques de la région habituée aux tremblements de terre, le bilan humain et matériel du tsunami, lui, est dramatique. La côte du Sanriku est très vulnérable aux tsunami en raison de la topographie du littoral, composé de hautes falaises, rochers saillants, caves, péninsules et criques. Ceux-ci provoquent des vagues plus fortes, plus puissantes et qui pénètrent mieux que sur une côte plate et rectiligne comme en préfecture de Fukushima. Au 1er mars 2021, selon l’Agence de gestion des incendies et des catastrophes du ministère des Affaires intérieures et des Communications, le bilan officiel est de 19 747 morts, 2 556 disparus, et 6 242 blessés. Qui plus est, 561 km² de terres ont été inondés, 120 000 bâtiments anéantis, et la perte économique causée par la catastrophe est estimée à 250 milliards de dollars4.

3 SCOCCIMARRO Rémi et LEVASSEUR Claire, Atlas du Japon: l’ère de la croissance fragile, « 11 mars 2011 : les catastrophes en chaîne », p. 64-65, Collection Atlas/Monde (Paris: Éditions Autrement, 2018).

4 Ibid.

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De plus, juste après le séisme, l’électricité s’est coupée automatiquement à la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi, entraînant l’arrêt automatique des réacteurs. Une heure plus tard, un tsunami dévastateur s’abat sur les côtes et vient noyer les installations de la centrale, située en bord de mer. La digue de 6 mètres de hauteur pour la protéger est insuffisante. Les dégâts de l’inondation sont importants, et ont empêché la remise en marche des systèmes de refroidissement, y compris ceux de secours. Dans les jours qui suivent, la chaleur provoquée par l’interruption du refroidissement entraîne la fusion partielle du cœur de la moitié des 6 réacteurs. Les installations ont été davantage endommagées par des explosions hydrogène, et du matériel radioactif est relâché dans l’atmosphère et l’océan. Tokyo Electric Power Company (TEPCO), l’exploitant de la centrale, est complètement impuissant. Cet accident a été classé au niveau 7 (qui est le niveau maximal de l’échelle internationale de classement des accidents nucléaires), au même titre que l’accident de Tchernobyl en 1986. Environ 110 000 personnes ont été évacuées par le gouvernement dans les zones proches de la centrale, sans compter les « auto-évacués », c’est-à-dire les individus qui, même sans ordre du gouvernement, ont décidé par eux-mêmes d’évacuer, dont le nombre est estimé à 50 000 personnes5. En plus de toutes les conséquences matérielles et sociales, le Japon est entré dans une véritable crise politique, avec la démission du Premier ministre Naoto Kan quelques mois plus tard6, et la montée en force des mouvements antinucléaires. S’est alors engagé un colossal travail de reconstruction de la région. Les commémorations du dixième anniversaire de la triple catastrophe du 11 mars se sont faites discrètes. Sur un fond de pandémie de Covid-19, le temps n’est pas aux rassemblements et aux événements réunissant un grand nombre de personnes. Aussi, à l’image de l’année précédente, les commémorations ont été sobres. La pandémie vient en effet chambouler le programme du gouvernement pour la commémoration de cette triste date : les Jeux olympiques de 2020. Surnommés « Jeux de la reconstruction » 復興五輪 (fukkô gorin)7, leur objectif est clair : permettre d’offrir une autre vision au monde de cette région ravagée par le tsunami et la catastrophe nucléaire. La région en aurait bien besoin : la couverture médiatique de cet anniversaire à l’étranger soulève de nombreuses questions. Partout, dans les médias français, peut-on trouver le terme « Fukushima » pour désigner tout ce qui se rapporte non seulement à l’accident nucléaire, mais également aux dégâts causés par le tsunami. De nombreux articles titrés « Fukushima » sont illustrés par des photos des avancées de la reconstruction des zones frappées par le tsunami… à plus de 200 km de la préfecture citée. Par exemple, la chaîne

5 PELLETIER Philippe et FOURNIER Carine, Atlas du Japon: après Fukushima, une société fragilisée, «La question nucléaire», p. 36-37, Collection Atlas/monde (Paris, Autrement, 2012).

6 Devenu en quelques mois très impopulaire, il annonce le 26 août 2011 sa démission de la direction du parti et donc du poste de Premier ministre.

7 Dénomination trouvable notamment sur le site internet de l’Agence de reconstruction du gouvernement japonais : https://www.reconstruction.go.jp/2020portal/

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Arte a publié le 11 mars 2021 le reportage « Fukushima : le téléphone du vent »8, qui évoque un dispositif installé dans la ville d’Ôtsuchi, en préfecture d’Iwate, pourtant à 300 km de la centrale endommagée.

L’amalgame entre les trois catastrophes semble depuis 10 ans bien installé dans l’esprit des médias étrangers et du monde entier, et les Jeux olympiques auraient pu être l’occasion de changer la donne. Pas de chance : l’événement a dû être repoussé d’un an. De plus, les frontières étant fermées jusqu’à nouvel ordre, la présidente des J.O. de Tokyo, Seiko Hashimoto, a annoncé le 20 mars 2021 que cette édition se tiendrait sans spectateur étranger9. Un événement bien loin de la festivité et de la vitrine de « reconstruction » et de « résilience » que le gouvernement aurait voulu montrer au reste du monde. Avec de nombreux événements se déroulant dans le Tôhoku, tel que le départ de la flamme olympique en préfecture de Fukushima, ou encore l’installation d’une ligne de train pour transporter les athlètes et les spectateurs de Tokyo jusqu’au nord du pays en longeant le littoral reconstruit, tout était prévu pour changer le regard du monde sur cette région meurtrie. Ces efforts colossaux pour montrer que le Japon s’est relevé de ces catastrophes dissimulent une réalité bien plus sordide. En effet, la « reconstruction », dans tous les sens du terme, est encore loin d’être terminée. Si l’édification des digues et de la plupart des nouveaux bâtiments semble pratiquement achevée, les défis sont encore multiples. Ces infrastructures neuves et les nouvelles réglementations anti-tsunami ne sont pas sans conséquence sur l’environnement, le paysage, et le quotidien des habitants, ce qui soulève de nombreux questionnements. Le démantèlement de Fukushima Daiichi et la décontamination des zones évacuées représentent une tâche colossale, non seulement loin d’être achevée, mais dont on peine même encore à trouver des solutions et des procédés pour l’accomplir. Enfin, la question épineuse du statut des évacués et de leur retour. Aujourd’hui, 40 000 personnes sont toujours considérées officiellement comme « évacuées10 ». À ceci s’ajoutent les personnes originaires de zones réouvertes depuis peu à qui les aides ont été coupées et de fait plus comptabilisées officiellement comme « évacuées », mais dont le taux de radioactivité de leur ville d’origine pose tant question qu’elles préfèrent ne pas y retourner. La catastrophe n’a d’ailleurs fait qu’accélérer une crise déjà bien profonde : avec un exode rural massif et le vieillissement de sa population, le Tôhoku était déjà très enclavé. La préfecture d’Iwate, par exemple, est la plus pauvre du pays, précarité que les désordres du tsunami n’ont fait que renforcer. Les victimes du triple désastre de 2011 subissent donc aujourd’hui encore de nombreuses violences structurelles de différents acteurs et insti-

8 Le titre a depuis été modifié pour « Japon : le téléphone du vent » dans les 6 langues disponibles sur le site d’Arte, à l’exception de l’anglais qui a conservé le titre « After Fukushima : A Telephone to the Afterlife » : https://www.arte.tv/fr/videos/099478-000-A/japon-tsunami-le-telephone-du-vent/

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« Décision concernant les spectateurs étrangers aux JO de Tokyo 2020 », Tokyo 2020, consulté le 7 juin 2021, https://olympics.com/tokyo-2020/fr/actu/decision-concernant-les-spectateurs-etrangersaux-jo-de-tokyo-2020

« Great East Japan Earthquake », Reconstruction Agency, consulté le 7 juin 2021, https://www.reconstruction.go.jp/english/topics/GEJE/

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tutions, notamment à travers la manipulation des discours, la construction d’une « ignorance organisée » et d’un discours centré autour de la « résilience » des victimes. Si ces deux termes sont plus amplement explicités dans le déroulé de ce mémoire, il convient de les définir brièvement. La sociologue Rina Kojima défend l’idée que les autorités japonaises et internationales, ainsi que les organismes du nucléaire, mettent en place une « ignorance organisée » dans les zones touchées par la catastrophe11. Dans ce cadre, l’ignorance n’est pas simplement une absence de savoir, que la recherche permettrait de corriger. L’ignorance est « le produit d’une construction sociale, d’effets de sélection par lesquels les acteurs individuels ou collectifs utilisent certains savoirs disponibles et en laissent d’autres de côté » (Jouzel et Dedieu, 2015). Il existe plusieurs courants différents d’analyse de cette ignorance : pour certains travaux, notamment ceux de Robert Proctor (2012) sur les industriels du tabac, des groupes d’intérêts multiplient les recherches scientifiques sous couvert d’une volonté de précision et de rigueur, afin de maintenir le plus longtemps possible des controverses sur la nocivité de certains produits et retarder la mise à l’agenda de leur interdiction. Un autre courant de recherche considère plutôt le caractère structurel de la production d’ignorance. En effet, les institutions chargées de l’évaluation du risque sont structurellement dépendantes de protocoles et d’instruments scientifiques orientant la mesure du danger vers un certain paradigme. Les standards de ces organisations ont pour objectif de rendre quantifiables, et par conséquent contrôlables, des dangers en instaurant par exemple des taux limites d’exposition à une certaine substance. Ces considérations peuvent être problématiques dans le sens où, par exemple, elles imposent l’idée que l’intoxication à une substance comme les pesticides est uniquement le résultat d’une exposition ponctuelle et à haute dose d’un produit isolé, négligeant de ce fait d’autres facteurs de risques. Il ne faut toutefois pas penser cette production d’ignorance comme totalement structurelle et inconsciente : les acteurs utilisant ces instruments ne sont pas dénués de volonté propre. Ils ont des marges d’autonomie qui leur permettent de percevoir les limites des instruments qu’ils utilisent et de les corriger, mais ne le font pas afin de ne pas créer de « savoirs inconfortables » qui viendraient remettre en cause leurs pratiques et l’acceptation de l’exposition à une certaine substance12. Dans ce contexte, l’ignorance n’est pas simplement une absence de connaissance scientifique, mais le produit d’une construction institutionnelle qui peut avoir une dimension consciente ou structurelle. Elle peut avoir pour objectif de minimiser la visibilité publique d’un problème sanitaire, afin de répondre à un agenda politique, ou technique. Une des conséquences de « l’ignorance organisée » est de replacer la responsabilité du problème sanitaire sur les populations concernées, et d’individualiser le risque.

11 KOJIMA Rina, Reconstruire dans l’après-Fukushima : responsabiliser et vulnérabiliser par le risque, Thèse de doctorat en sociologie, Université Paris-Est, École Doctorale Ville, Transports et Territoires, Laboratoire Techniques, Territoires et Sociétés, 2020, p. 28.

12 DEDIEU François, JOUZEL Jean-Noël, « How to ignore what one already knows: Domesticating uncomfortable knowledges about pesticide poisoning among farmers », Revue francaise de sociologie 56, no 1, 3 avril 2015, p. 105-33.

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La « résilience » est un terme qui a grandement gagné en popularité à la fin des années 1990, mais surtout à partir des années 2000 au sein des institutions du monde des catastrophes naturelles : projets, programmes, plateformes et conférences sur la « résilience » se sont multipliés. La résilience correspond à l’origine à « la capacité à faire face, à se remettre, à rebondir après un choc ou une perturbation, et s’inscrit en premier lieu dans la temporalité de l’après-catastrophe13 ». Cette notion est néanmoins vivement remise en cause par de nombreux scientifiques, critiquant notamment la difficulté d’en tirer une définition claire et commune. Les sociologues Jérémy Walker et Mélina Cooper (2011) critiquent la polysémie d’un terme « valise » ou « fourre-tout ». D’autres scientifiques comme Thierry Ribault dans son ouvrage Contre la résilience, à Fukushima et ailleurs (2021), critiquent également les effets que produit l’utilisation de la résilience dans le cadre de la reconstruction post-catastrophe, tout particulièrement après l’accident nucléaire de Fukushima. Pour l’auteur, la « production d’ignorance » et la « résilience » permettent aux autorités japonaises, qui les mettent en avant dans leurs politiques de reconstruction, de passer sous silence de grandes souffrances, et de faire accepter des situations inacceptables aux victimes. Certaines d’entre elles, malgré tout, parlent, essaient de trouver une réparation à une perte parfois invisible. La recherche d’une réparation, même symbolique, à travers des actions collectives judiciaires ou encore à travers le militantisme antinucléaire, sont fondamentales.

Par « Tôhoku », nous entendons la partie nord-est de l’île de Honshû, composée des préfectures de Aomori, Yamagata, Akita, Miyagi, Iwate et Fukushima. Néanmoins, les préfectures de Aomori, Yamagata et Akita n’ayant été touchées que dans une bien moindre mesure par le tsunami, j’ai choisi de me concentrer sur les trois autres de Miyagi, d’Iwate et de Fukushima. Par ailleurs, il m’a semblé intéressant de réfléchir à deux termes japonais distincts qui, cependant, peuvent tous deux être traduits par « reconstruction » : (再建 saiken), la reconstruction physique, celle des bâtiments et des infrastructures, et (復興 fukkô), la « renaissance », la reconstruction dans son sens plus humain, c’est-à-dire se reconstruire à la fois en tant qu’individu et en tant que communauté, le retour à la vie et au dynamisme d’une région meurtrie. Ce dernier terme est le plus régulièrement utilisé au Japon pour évoquer la reconstruction post-tsunami du 11 mars 2011. Mon objectif ici est donc de rendre compte de l’avancée de la reconstruction dans les deux sens japonais du terme : à la fois celle des infrastructures, des paysages et des villes, et à la fois la reconstruction de la région du point de vue des individus, de leur mémoire et de leurs conditions de vie actuelles.

Par souci d’exhaustivité, et du fait qu’il est impossible de rendre compte de la reconstruction sous toutes ses formes de chaque zone dans leur individualité et leurs caractéristiques propres, ce travail a plutôt pour objet de constituer un bilan de la situation

13 REVET Sandrine, Les coulisses du monde des catastrophes « naturelles », « Chapitre 6 : Se remettre : résilience et participation locale », éditions de la Maison des sciences de l’homme, coll. Le (bien) commun, 2018, p. 183.

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de la région 10 ans après, et de mettre en lumière certaines dynamiques de violences structurelles susmentionnées que subissent les habitants encore aujourd’hui. Il faut noter que bien que des dizaines de chercheurs japonais, français, américains, et de beaucoup d’autres pays, se sont penchés sur le sujet, il est rare de trouver des ouvrages exhaustifs sur la question de la reconstruction de ces dix dernières années. Chaque chercheur, scientifique, a plutôt tendance à se concentrer sur une facette particulière de la reconstruction. Rémi Scoccimarro, professeur de géographie à l’Université Toulouse-Jean-Jaurès, dont les travaux seront développés dans la première partie, s’est par exemple consacré à l’étude de la construction des nouvelles digues anti-tsunami et leur impact sur le paysage, et les populations locales. Ou encore, la sociologue Rina Kojima a consacré sa thèse à l’accident nucléaire de Fukushima et ses conséquences sur les habitants. Ainsi, à l’image des conséquences multifacettes de la catastrophe, les disciplines des chercheurs ayant travaillé sur ce thème sont extrêmement diverses.

J’ai donc été amené à étudier les travaux de géographes, de scientifiques du nucléaire, de sociologues, de politologues, de médecins… Le présent ouvrage se voulant être une synthèse de toutes ces approches, j’ai décidé de lui donner une orientation à la fois géopolitique et sociologique. En effet, ces deux disciplines me semblent aborder les thématiques de tous ces chercheurs de la façon la plus complète possible. L’angle géopolitique sera abordé selon la définition d’Yves Lacoste, fondateur de la revue Hérodote : « L’étude des différents types de rivalités de pouvoir sur les territoires […]. Le terme de géopolitique dont on fait de nos jours de multiples usages désigne de fait tout ce qui concerne les rivalités de pouvoir ou d’influence sur les territoires et les populations qui y vivent – et pas seulement des États, mais aussi entre des mouvements politiques […] – les vérités pour le contrôle ou la domination du territoire de grande ou de petite taille14 ». La géopolitique est pour lui la combinaison de la science politique et de la géographie. L’angle sociologique sera abordé dans sa version la plus large, en tant que « science humaine qui a pour objet les phénomènes sociaux. Elle étudie les formes, les développements et les évolutions de la cohabitation des hommes, ainsi que les facteurs qui ont une influence sur cette cohabitation15 ». Au carrefour de ces deux disciplines, l’approche de ce mémoire sera aussi fondée sur celle des disaster studies, soit la discipline de sciences sociales dont l’objet est l’étude des catastrophes. Selon l’anthropologue Sandrine Revet, ce champ de recherche né aux États-Unis, s’attache tout particulièrement à l’étude du comportement des populations affectées. Depuis les années 1980, les disaster studies ont étendu leur champ de recherche non plus seulement aux catastrophes dites « naturelles », mais aussi aux catastrophes dites « technologiques », c’est-à-dire causées par l’intervention de l’homme16

14 BONIFACE Pascal, La Géopolitique, Paris, Eyrolles, 2015, p. 13-14.

15 Définition du site internet « La Toupie » http://www.toupie.org/Dictionnaire/Sociologie.htm

16 REVET Sandrine, op. cit., « Chapitre 1 : Histoires d’un monde fragmenté », p. 31-54.

INTRODUCTION 23

Ma méthode de recherche s’est basée sur 4 types de sources. Premièrement, j’ai étudié de nombreux ouvrages concernant des éléments mobilisés dans ce mémoire, tels que la mention de « victime », ou encore sur les catastrophes et leur gestion. Je me suis également penché sur d’autres ouvrages portant spécifiquement sur la triple catastrophe de 2011 et ses nombreuses conséquences. Notamment, il convient de citer deux ouvrages qui m’ont offert une vision d’ensemble sur la reconstruction de la région sur ces dix dernières années. D’une part, One Month in Tohoku : An Englishwoman’s memoir on life after the Japanese tsunami, de Caroline Pover, et d’autre part, Fukushima dix ans après : Sociologie d’un désastre, de la sociologue Cécile Asanuma-Brice. Le premier est un mémoire retraçant 10 ans de processus de reconstruction de la péninsule d’Oshika, frappée durement par le tsunami. Le second est une étude sociologique qui se concentre sur les conséquences de la catastrophe nucléaire de Fukushima. Secondement, mon travail s’appuie tout particulièrement sur la série de webconférences qui ont eu lieu de février à avril 2021 à l’occasion de l’anniversaire de la catastrophe. Celles-ci ont été organisées par des instituts de recherche scientifique tels que l’École des Hautes Études en Sciences Sociales (EHESS), ou l’Institut Français de Recherche sur le Japon de la Maison Franco-Japonaise (IFRJ-MFJ). Mais aussi, par des associations indépendantes antinucléaires comme la Commission de Recherche et d’Information Indépendantes sur la Radioactivité (CRIIRAD). Ou encore, par des organismes et institutions officielles, cherchant à défendre les travaux des pouvoirs publiques, telles que l’Organisation Mondiale de la Santé (WHO). Celles-ci s’organisaient le plus souvent de la façon suivante : après une courte introduction de l’organisme organisateur et du thème de la conférence, du séminaire ou de la table ronde, différents intervenants se succédaient afin de parler à tour de rôle de leur sujet, pendant une vingtaine de minutes. L’intervention se concluait le plus souvent par une phase de questions que les spectateurs pouvaient poser par voie orale, comme lors des webconférences organisées par la MFJ, ou écrite, comme pendant celles de la CRIIRAD. Ce type de source, relativement inédit, et produit notable de la pandémie de Covid-19 empêchant les rencontres sur site, a été une véritable aubaine. En effet, au-delà de la pure matière scientifique que j’ai pu en retirer, notamment en japonais grâce à l’intervention d’interprètes, ces webinaires m’ont permis d’observer des éléments de forme qui ont toute leur importance. Par exemple, il m’a semblé très intéressant de noter que le webinaire organisé par l’Organisation Mondiale de la Santé, le 23 mars 2021 sur les conséquences sanitaires de l’accident nucléaire de Fukushima, laissait un temps extrêmement limité pour poser des questions aux intervenants.

Troisièmement, mon corpus comprend également des articles universitaires plus ponctuels, qui ne font pas partie d’un ouvrage à part entière, mais rédigés par des chercheurs, experts comme Ali Rastbeen, fondateur et président de l’Académie de géopolitique de Paris. Mais aussi des articles rédigés par des journalistes ou autres indépendants issus de la société civile, tels que Karyn Nishimura-Poupée, journaliste française indépendante, correspondante du quotidien français Libération, et ancienne journaliste au bureau de l’Agence France-Presse (AFP) au Japon de 2004 à 2020. Je me suis tout particulièrement

INTRODUCTION 24

appuyé sur la thèse de la sociologue Rina Kojima, intitulée « Reconstruire dans l’aprèsFukushima : responsabiliser et vulnérabiliser par le risque » (2020). Concernant ce troisième type de source, tout comme le premier, une de mes difficultés a été le manque d’accès aux ressources japonaises, et ce pour plusieurs raisons. Tout d’abord, à travers le processus de « production d’ignorance » susmentionné, une forme de tabou, que nous aurons l’occasion d’évoquer à nouveau, s’est formée autour de la reconstruction post-2011 au Japon. Un autre frein a été l’accès en lui-même à ces sources, particulièrement difficile depuis la France. Un dernier frein a été ma propre compréhension de la langue japonaise, insuffisante pour traiter des sujets techniques et scientifiques comme ceux développés dans ce mémoire. Ces obstacles ont été contournés, au moins en partie, de plusieurs manières. Tout d’abord, les webinaires comme ceux de la CRIIRAD ou de la MFJ faisaient appel à un interprète, me permettant de traiter des données directement traduites du japonais. J’ai aussi pu consulter des articles universitaires traduits du japonais vers l’anglais ou le français. Ou encore, certains chercheurs japonais, comme Tatsujiro Suzuki, ou Rina Kojima, ont directement rédigé le produit de leur recherche dans une langue que je maîtrise. Enfin, je me suis appuyé sur des travaux comme ceux de Jean-François Heimburger, qui puisaient extensivement leurs sources au sein de la production scientifique japonaise. Quatrièmement, dans ce mémoire, je partagerai mon expérience personnelle lors de mon année de terrain dans le Tôhoku. La connaissance que j’en ai retirée provient notamment de mes visites des zones sinistrées, des mémoriaux et musées, de participations aux cérémonies commémoratives. Mais aussi, aux rencontres et discussions que j’ai eues avec des victimes de la catastrophe, ainsi que des bénévoles. Enfin, j’ai eu une expérience toute particulière avec les victimes de l’accident de Fukushima, puisque l’occasion m’a été donnée de partager le quotidien de la famille Kuniji17 de la ville de Date, durant deux semaines au mois de février 2020. Le couple et leur fils de 3 ans qui m’ont hébergé s’occupent d’une ferme à environ 70 kilomètres de la centrale. L’épouse travaille en tant qu’assistante sociale auprès des populations évacuées et étudie leur état de santé psychologique. Partager leur quotidien et nos discussions a été une source inestimable pour ma compréhension de la région sinistrée de Fukushima. Un sujet aussi complexe que celui d’une décennie de reconstruction après une triple catastrophe comme celle de 2011 pose de très nombreuses interrogations. Dans ce mémoire, je chercherai à répondre, ou au moins à fournir un éclairage sur les suivantes : quel bilan matériel, environnemental et humain peut-on tirer de la reconstruction des bâtiments et des nouvelles infrastructures de protection contre les tsunamis ?

La catastrophe nucléaire a-t-elle eu un impact sur le mix énergétique japonais et les consciences des habitants ? Quelle influence les mouvements antinucléaires ont-ils sur les décisions gouvernementales ? Le projet de démantèlement de la centrale et de décontamination des sols est-il viable ? Quels sont les effets de la stratégie de communication

17

INTRODUCTION 25
Afin de protéger leur activité, j’ai fait le choix de modifier leur nom pour un pseudonyme dans le cadre de ce mémoire.

officielle « d’ignorance organisée » sur la population locale ? Comment s’organise-t-elle en retour face à la « menace invisible » de la radioactivité ?

Comment ce discours officiel permet-il de créer une « résilience » et quels sont les effets sur ces habitants ? En quoi les mémoriaux peuvent servir de vaisseaux pour transmettre cette résilience ? À quelles violences structurelles les victimes doivent-elles faire face dans le cadre de leur évacuation, puis de leur retour ? Quelles options pour se reconstruire, faire le deuil d’une perte parfois invisible ?

Mon travail cherche donc à retracer le processus de reconstruction à la fois matériel et humain du Tôhoku après la triple catastrophe de 2011, et ses conséquences sur les populations locales.

Nous verrons dans une première partie les travaux de reconstruction et les nouveaux aménagements de prévention des tsunami sur la côte du Sanriku, ainsi que le malaise que ceux-ci provoquent pour la population locale qui voit son environnement complètement transformé. Dans une seconde partie, nous nous pencherons sur le dilemme de la reconstruction après un accident nucléaire inédit, les controverses scientifiques sur la gestion de cette reconstruction, et ce qu’elle implique sur les habitants des zones évacuées. Enfin, dans une troisième partie, nous nous attarderons sur les processus de reconstruction des individus et des communautés face à des violences structurelles et symboliques qui perdurent.

INTRODUCTION 26
INTRODUCTION 27
Fig. 2 : Les impacts du séisme du 11 mars 2011 au large du Tôhoku (Source : PELLETIER Philippe, Atlas du japon, Après Fukushima, une société fragilisée, éditions Autrement, collection Atlas/Monde, 2018, p. 35).
1

Les travaux de reconstruction des villes et aménagement des côtes du Sanriku

30 PARTIE 1 | LES TRAVAUX DE RECONSTRUCTION DES VILLES ET AMÉNAGEMENT DES CÔTES DU SANRIKU
Fig. 3 : Le Tôhoku et la côte du Sanriku (Source : image Wikipédia libre de droits, éditée par Alexandre VAUVEL).

L’objectif de cette partie est de rendre compte, de la manière la plus exhaustive possible, des dégâts causés par le tsunami dans la région du Tôhoku, et des travaux de reconstruction des infrastructures, ainsi que de leurs conséquences. De ce fait, cette partie se concentrera essentiellement sur la côte du Sanriku et ses habitants. La côte du Sanriku, 三陸海岸 (sanriku-kaigan) en japonais, correspond au littoral japonais faisant face à l’océan Pacifique, de la préfecture d’Aomori, la plus au nord de l’île principale de Honshû, jusqu’au sud de la préfecture de Miyagi (Fig. 3). La préfecture de Fukushima, située au sud de cette dernière, est ainsi exclue de la côte du Sanriku, de par sa topographie différente.

Ce choix de se concentrer dans un premier temps sur la côte du Sanriku vient du fait que plus de 90 % des morts et disparus directement liés au tsunami étaient originaires des préfectures d’Iwate et de Miyagi18. Il s’agit donc de préciser les raisons de la surmortalité dans cette zone, ainsi que les plans de reconstruction qui lui sont spécifiques, et ses implications sur les habitants. La préfecture de Fukushima, de par l’accident nucléaire, possède ses propres spécificités dans le cadre de la catastrophe du 11 mars 2011, qui seront explicitées dans une partie ultérieure.

Cette première partie est divisée en trois chapitres. Le premier constitue une forme d’état des lieux de cette région, visant à expliciter le déroulement des travaux de reconstruction à l’aune des vulnérabilités pré-catastrophe du Tôhoku, et en dresse un bilan. Le second chapitre se concentre sur les travaux d’aménagement du littoral, et en particulier la construction de digues dans le cadre de nouvelles réglementations anti-tsunami, et leur impact sur le quotidien des habitants. Enfin, le troisième chapitre constitue une étude de cas sur la péninsule d’Oshika, en préfecture de Miyagi, et son processus de reconstruction, en tant que zone particulièrement représentative du reste du Tôhoku, de par ses caractéristiques socio-économiques ainsi que géographiques.

SCOCCIMARRO Rémi et LEVASSEUR Claire, Atlas du Japon : l’ère de la croissance fragile, « 11 mars 2011 : les catastrophes en chaîne », p. 64-65, Collection Atlas/Monde (Paris : Éditions Autrement, 2018).

31 PARTIE 1 | LES TRAVAUX DE RECONSTRUCTION DES VILLES ET AMÉNAGEMENT DES CÔTES DU SANRIKU
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État des lieux d’une région en crise

CHAPITRE

Le Tôhoku était, bien avant la triple catastrophe du 11 mars 2011, une des régions les plus en crise du Japon. Ces fragilités ont non seulement été une caractéristique déterminante pour la lourdeur du bilan de la catastrophe, mais ont de surcroit été renforcées lors de la phase de reconstruction de la région. Ce chapitre vise donc à identifier les vulnérabilités préexistantes de la région, et à retracer le processus de reconstruction de ces dix dernières années à l’aune de ces vulnérabilités.

LE TÔHOKU : UN TERRITOIRE PRÉ-CATASTROPHE VULNÉRABLE

Dans le cadre des disaster studies, un aléa naturel est défini comme « un phénomène naturel qui peut se produire et causer des dommages aux personnes, aux aménagements, ainsi qu’à l’environnement ». Le terme japonais qui s’en rapproche le plus est 自然現象 (shizen genshô, ou « phénomène naturel »)19. La vulnérabilité correspond au « niveau des conséquences prévisibles d’un phénomène sur la société », et peut être traduit en japonais par 脆弱性 (zeijakusei) qui indique un caractère faible et fragile. Enfin, le risque est une combinaison entre l’aléa et la vulnérabilité, et se traduit par l’anglicisme リスク (risuku) en japonais20. Selon les géographes Virginie Duvat et Alexandre Magnan, lorsqu’un aléa naturel se produit, la gravité de ses conséquences dépend de 3 facteurs : le paramètre de l’aléa, le contexte physique, et la vulnérabilité de la société. L’interaction entre tous ces facteurs constitue un « système du risque », qui va déterminer les impacts directs et indirects de l’aléa21. Le Tôhoku, et tout particulièrement la côte du Sanriku, remplissait toutes les caractéristiques pour que l’enchaînement des catastrophes du 11 mars 2011 entraîne des conséquences dramatiques.

Premièrement, les « paramètres de l’aléa » correspondent à sa magnitude ou son intensité, sa trajectoire, ainsi que son « taux de retour », c’est-à-dire sa probabilité d’occurrence, sa fréquence. Les tsunamis sont des aléas d’origine tectonique, causés par des tremblements de terre, des glissements de terrain ou des éruptions volcaniques. Ceux-ci vont mettre en mouvement de grandes quantités d’eau, d’autant plus conséquentes que le phénomène à l’origine du tsunami est puissant. Nous l’avons vu en introduction, le séisme à l’origine du tsunami du 11 mars 2011, d’une magnitude de 9,1 sur l’échelle de Richter, est le 4e séisme le plus puissant du monde22, et le plus fort de l’histoire du Japon, depuis le début des relevés au VIe siècle. Ce tremblement de terre a été si violent qu’il en a perturbé le reste de la planète dans son ensemble, avec pour conséquence notable d’une journée amputée de 1,8 microseconde23. Pour couronner le tout, le taux de retour du tsunami du

19 HEIMBURGER Jean-François, Le Japon face aux catastrophes naturelles : prévention et gestion des risques, ISTE Éditions, 2018, p. 21.

20 Ibid., p. 22.

21 DUVAT Virginie et MAGNAN Alexandre, Des catastrophes… naturelles ?, éditions Le Pommier, 2014, p. 12-13.

22 « 20 Largest Earthquakes in the World », consulté le 30 juillet 2021, https://www.usgs.gov/natural-hazards/earthquake-hazards/science/20-largest-earthquakes-world?qt-science_center_objects=0#qt-science_center_objects

23 DUVAT Virginie et MAGNAN Alexandre, op. cit., p. 150.

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11 mars 2011 était particulièrement faible : tous les mille ans. Une échelle de temps aussi longue n’étant pas prise en compte dans les plans d’aménagement, notamment dans les infrastructures de prévention comme les digues, a accru la vulnérabilité de la région. En effet, un événement d’une telle ampleur n’avait aucune empreinte dans la mémoire de l’homme, et il n’y a donc pas eu de conscience du risque à la hauteur du danger24. La magnitude exceptionnelle de ce séisme, et par conséquent la taille du tsunami généré, a donc constitué une première vulnérabilité. Le mot tsunami (津波en japonais), signifie « la vague qui détruit le port25 », mais il pourrait également être dérivé de 強波 (tsuyo-nami, « vague forte »)26. Il correspond à des vagues très rapides (700 à 800 km/h), qui se déclenchent suite à la mobilisation de la masse d’eau par un événement tectonique. Ces vagues ont une grande longueur d’onde, c’est-à-dire une distance élevée entre deux crêtes, ainsi qu’une période élevée, puisqu’il peut s’écouler 10 minutes à une heure entre deux crêtes successives. Les ondes se propagent sur des milliers de kilomètres avant d’atteindre les côtes, plus ou moins rapidement en fonction de la distance qui les sépare de l’épicentre. Par exemple, le puissant séisme chilien du 23 mai 1960 avait entraîné la mort de 142 personnes au Japon, le tsunami ayant frappé les côtes du pays 23 heures après le séisme qui n’avait même pas été ressenti dans le pays27. À l’inverse, le tsunami du 11 mars 2011 a atteint les côtes japonaises en moins d’une heure. À l’approche d’une côte, les vagues se déforment pour atteindre 10 à 20 mètres de hauteur, voire parfois 40 mètres, alors qu’elles ne dépassaient pas un mètre de hauteur au large. Ce phénomène est dû au freinage forcé des vagues à cause du fond de l’océan qui remonte, faisant fusionner les vagues entre elles, créant de véritables murs d’eau.

Tous ces facteurs font des tsunamis des phénomènes ravageurs : la submersion des côtes est à la fois brutale et étendue. Elle cause de nombreuses destructions, notamment de bâtiments ou d’installations marines, qui vont se transformer en projectiles. Un exemple spectaculaire se trouve au mémorial de Kesennuma, établi dans un ancien lycée ravagé par le tsunami, et conservé en l’état. À ma visite en août 2020, j’ai été particulièrement surpris de découvrir une voiture échouée au deuxième étage de l’édifice (Fig. 32). J’ai également constaté qu’un gros morceau de toit de ce bâtiment de 4 niveaux s’était détaché, suite à l’impact avec des débris d’une usine d’isolants située originellement à plusieurs kilomètres de là (Fig. 30). Les salles du dernier étage étaient couvertes d’isolant provenant de cette usine (Fig.33). Ces restes donnent une idée de la violence des vagues du tsunami survenues à cet endroit. En outre, ces dernières, à la différence des vagues normales produites par les tempêtes, se succèdent à une période longue, de quelques minutes à quelques heures, provoquant une baisse de vigilance chez les populations qui

24 Ibid., p. 268.

25 PELLETIER Philippe, Atlas du japon, Après Fukushima, une société fragilisée, éditions Autrement, collection Atlas/Monde, 2018, p. 34.

26 HEIMBURGER Jean-François, op. cit., p. 26.

27 Ibid., p. 27.

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peuvent alors se mettre en danger en retournant dans les zones à risques28. C’est le cas de certains habitants de la péninsule d’Oshika : après la quatrième vague du tsunami, des victimes sont retournées dans ce qu’il restait de leur habitation ou de leur maison en espérant y récupérer quelque chose. Mais une heure plus tard, une cinquième vague est survenue, emportant avec elle des personnes qui avaient pourtant réussi à échapper originellement. Personne ne s’était attendu à cette cinquième vague29. Secondement, le contexte physique constitue également un facteur de vulnérabilité. Toujours selon Duvat et Magnan, les caractéristiques du relief, l’organisation du réseau hydrographique, la nature des sols et l’état de santé des écosystèmes où l’aléa va se produire influent grandement sur ses impacts. Or, nous l’avons évoqué en introduction, la côte du Sanriku est tout particulièrement sensible aux tsunamis de par sa topographie. En effet, celle-ci est constituée de rias, c’est-à-dire des vallées littorales étroites, allongées et profondes, formées par la partie inférieure d’un fleuve côtier, et envahies par la mer. Les rias sont particulièrement propices à l’installation de ports et autres infrastructures maritimes30. Cependant, ils constituent un facteur de vulnérabilité pour les tsunamis, car à leur contact, les vagues géantes sont amplifiées. Les flots s’y concentrent et y accélèrent comme dans des entonnoirs pour ravager les villages de pêcheurs qui se trouvent au bout. En témoigne la fréquence des tsunamis qui ont frappé la côte du Sanriku : en 1585, 1611, 1677, 1687, 1689, 1716, 1793, 1868, 1894 et 1896. Celui de 1896 a d’ailleurs été le plus dévastateur des temps modernes, avec 22 000 victimes après un séisme qui avait semblé anodin, à cause de la distance élevée de l’épicentre vis-à-vis des côtes31. C’est du fait de ces rias que lors du tsunami de 2011, on a observé une grande disparité dans la taille des vagues qui n’a atteint que quelques mètres par endroits, comme à Tôkyô où Disneyland a été submergé. Mais d’Iwaki (préfecture de Fukushima) à Miyako (préfecture d’Iwate), soit sur 400 kilomètres de littoral, c’est un mur de 10 mètres de haut qui s’est abattu sur les côtes, avec un maximum de 39 mètres atteint à Miyako32. Troisièmement, la vulnérabilité de la société peut considérablement aggraver les conséquences d’un aléa naturel. Elle correspond au degré d’exposition de cette société, et de ses caractéristiques démographiques, socio-économiques, mais aussi culturelles et politiques. Certains de ces facteurs peuvent limiter la vulnérabilité de la société, par exemple le bon état de santé de la population, ou un réseau d’axes de transport développé. D’autres, en revanche, peuvent renforcer cette vulnérabilité, comme un âge moyen de la population élevé, ou encore l’absence d’une conscience des risques33. Là encore, le Tôhoku souffrait de nombreux facteurs de vulnérabilité bien avant la catastrophe. Il s’agit d’une des

28 DUVAT Virginie et MAGNAN Alexandre, op. cit., p. 31-32.

29 POVER Caroline, One Month in Tohoku: An Englishwoman’s memoir on life after the Japanese tsunami, Alexandra Press, 2020, p. 120-121.

30 SCOCCIMARRO Rémi, op. cit., p. 10.

31 PARRY Richard Lloyd, Les fantômes du tsunami, (titre original : Ghosts Of The Tsunami: Death and Life in Japan’s Disaster Zone) éditions Payot & Rivages, traduit de l’anglais par REIGNER Pierre, 2018, p. 78.

32 PELLETIER Philippe, op. cit., p. 34-35.

33 DUVAT Virginie et MAGNAN Alexandre, op. cit., p. 13.

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régions les plus pauvres et les plus rurales du Japon. L’une de ses richesses réside dans ses ressources halieutiques, avec des eaux qui comptent parmi les plus poissonneuses du monde. C’est ce qui a permis aux petits ports de pêche du Sanriku tels qu’Onagawa, Ofunato, Miyako ou Kesennuma de se maintenir34, mais a également exposé sa population à cause du lien très étroit de ces métiers avec la mer, et donc du tsunami. De même, si le Japon est frappé par un décroissement général de sa population, ce problème est d’autant plus vif dans les régions rurales et tout particulièrement dans le Tôhoku. Le vieillissement de la population et l’exode rural sont tels qu’un terme a été spécifiquement créé pour classer les communes qui perdent au moins 10 % de leur population entre deux recensements quinquennaux : 過疎 (kaso : « surdépeuplement »). En 2006, elles représentent 8,3 % de la population totale, 40 % des communes et 54,1 % du territoire en superficie. Le Tôhoku est particulièrement touché35 (Fig. 4)

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34 SCOCCIMARRO Rémi, op. cit., p. 26-27. 35 PELLETIER Philippe, op. cit., p. 44-45.
Fig. 4 : Les communes en « surdépeuplement » en 2005 (Source : PELLETIER Philippe, Atlas du japon, Après Fukushima, une société fragilisée, 2018, p. 44).

Le sociologue Akira Ôno a développé la notion de « village seuil » (限界集落 genkai shûraku) pour désigner les hameaux dont la moitié des habitants dépasse 65 ans : ces villages entreraient dans une spirale de déclin, quasiment inexorable, qui mène finalement à leur disparition. En 2006, le ministère en charge de l’aménagement du territoire dénombrait 7 878 villages dans cette situation. Ce déclin inexorable est dû au mode de vie et à l’organisation des communautés rurales villageoises, qui repose entièrement sur le partage, la mise en commun de la force de travail, et un système de don et de contre-don. Cette organisation concerne toutes les facettes de la vie quotidienne, de l’entretien des maisons à la prise en charge des aînés, en passant par l’alimentation, qui fonctionne sur le principe de l’autoconsommation et du partage des denrées. Cependant, dès que la société villageoise s’étiole, c’est tout l’édifice qui s’effondre, car il arrive un moment où ni les services communaux ni l’entraide ne suffisent à maintenir la vie dans le village36. Dans le cas de figure d’un tsunami, ces éléments constituent un facteur de vulnérabilité, car l’enclavement de la région a rendu les interventions d’urgence difficiles. En outre, plus l’âge d’une victime est avancé, plus l’évacuation est difficile, et les chances de survie moindres. Lors de la catastrophe de 2011, près de la moitié des victimes étaient des personnes âgées de plus de 65 ans37

LES SECOURS ET LA GESTION D’URGENCE APRÈS LE TSUNAMI

Nous avons établi que, selon les critères déterminés par les géographes Virginie Duvat et Alexandre Magnan, le Tôhoku et particulièrement la côte du Sanriku présentaient déjà de nombreuses vulnérabilités avant le tsunami, qui en a fait un événement dévastateur. La conscience du risque, pourtant présente chez les habitants de la côte qui y sont pour beaucoup installés depuis des générations, et surtout les communautés de pêcheurs qui y sont régulièrement confrontés, n’a pas suffi. En effet, lorsque l’expérience du tsunami dépasse les caractéristiques « habituelles », les précautions « habituelles » des habitants s’avèrent insuffisantes. Or, de telles secousses n’avaient jamais été ressenties, et à l’annonce d’un « gros tsunami », les habitants n’ont pas imaginé que les vagues pourraient faire plus de 5 à 6 mètres, soit le plus haut qu’ils aient vu. Certains se sont donc repliés vers des zones suffisamment hautes pour des vagues de cette ampleur, mais ce jour-là, elles étaient deux fois plus grandes38.

L’Agence météorologique japonaise utilise l’échelle Imamura-Iida afin de catégoriser les tsunamis selon leur taille, pour déterminer l’ampleur des dégâts qui risquent d’être causés. Un tsunami de 20 centimètres de haut présente déjà un danger, et le taux de mortalité des personnes prises dans un tsunami augmente fortement à partir d’une vague de seulement 50 centimètres. À partir d’une hauteur d’un mètre, le taux de mortalité atteint 100 %. Cette

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36 SCOCCIMARRO Rémi, op. cit., p. 28-29. 37 HEIMBURGER Jean-François, op. cit., p. 127. 38 DUVAT Virginie et MAGNAN
cit.
Alexandre, op.
, p. 162.

échelle permet de visualiser à quel point le tsunami du 11 mars 2011 a été un véritable « monstre », et d’imaginer l’ampleur des dégâts humains et matériels causés39. Catégorie

-1 Moins de 50 cm Aucun dégât

0 Environ 1 m Dégâts mineurs

1 Environ 2 m Dégâts sur les côtes et au niveau des bateaux

2 4 à 6 m Dégâts y compris humains jusque dans les terres

3 10 à 20 m Dégâts importants sur plus de 400 km de côtes

4 Plus de 20 m Dégâts importants sur plus de 500 km de côtes

Catégories des tsunamis suivant leur envergure, d’après l’échelle Imamura-Iida.

Avant d’aborder la question de la gestion d’urgence de la catastrophe, il convient d’abord de dresser un bilan des dommages causés par le tsunami, afin de comprendre d’où part l’effort de reconstruction. Au total, le tsunami a affecté près de 800 kilomètres de côtes et inondé 561 kilomètres carrés de terres. Nous l’avons mentionné en introduction, le bilan humain est extrêmement lourd, avec plus de 20 000 morts et disparus, et environ 6 000 blessés. Plus de 360 000 bâtiments dont 150 000 domiciles ont été sérieusement endommagés, voire détruits, dont 10 % des ports de pêche, alors que, nous l’avons mentionné, l’économie de la côte du Sanriku dépend beaucoup des produits de la mer. Plus de 23 000 hectares de terres agricoles ont aussi été balayés, et la salinité de ces terres induite par l’inondation a rendu toute culture difficile, voire impossible pour de nombreuses années. Dans les villes où la vague a été la plus haute, comme à Ishinomaki ou Minamisanriku, en préfecture de Miyagi, le bilan a été dramatique : elles ont été submergées sur respectivement 13 % et 6 % de leur surface, ce qui correspond dans les deux cas à près de la moitié de la surface bâtie. Ces destructions ont causé une quantité énorme de débris : près de 25 millions de tonnes de déchets se sont accumulées dans les seules préfectures de Miyagi, Iwate et Fukushima. Enfin, plus de 200 000 personnes ont été obligées d’évacuer leur logement, et de se réfugier40. Rares ont été les victimes à pouvoir retrouver leur logement après la catastrophe, signifiant qu’une réponse d’urgence pour loger toutes les victimes a été nécessaire.

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Hauteur Niveau des dégâts
39
40
Ibid, p. 27.
DUVAT Virginie et MAGNAN Alexandre, op. cit., p. 151.

La première action d’urgence après un tel séisme est l’alerte au tsunami, pour permettre à la population concernée d’évacuer. C’est l’Agence météorologique du Japon qui en a la responsabilité. Elle surveille à toute heure du jour et de la nuit l’activité sismique, mais aussi celle de la mer grâce à des bouées GPS, des marégraphes à flotteur et des « tsunamimètres » installés sur les côtes pour mesurer les variations du niveau de l’eau. Certains de ces dispositifs appartiennent à d’autres organismes comme les universités, ou les collectivités locales41. Après un séisme, l’Agence météorologique consulte une base de données de 100 000 simulations, et diffuse un « avertissement au tsunami » (注意報 chûihô), pour des vagues comprises entre 20 centimètres et un mètre, ou une « alerte au tsunami » (警 報 keihô) pour des vagues pouvant dépasser un mètre. Des mises à jour sont effectuées en temps réel pour estimer l’heure d’arrivée du tsunami et la hauteur de la vague. Avec le progrès de la technologie, le délai de publication des alertes est passé d’une quinzaine de minutes dans les années 1980 à 2 ou 3 minutes dans les années 2000. Ce système n’est malheureusement pas infaillible : il est possible qu’aucun tsunami n’atteigne les côtes, mais aussi qu’il arrive plus tard ou soit plus important que la première estimation. C’est ce qu’il s’est produit après le séisme de 2011 : la première alerte au tsunami a largement sous-estimé la hauteur des vagues à cause d’erreurs lors du calcul de la magnitude du séisme et une saturation des sismomètres, annonçant un séisme 30 fois moins puissant qu’en réalité. À 14 h 50, en préfecture d’Iwate, la première estimation était donc d’une hauteur maximale de 3 mètres pour les vagues, puis de 6 mètres à 15 h 14, et enfin de plus de 10 mètres à 15 h 3042. Certaines victimes se sont donc réfugiées trop tard, ou dans des lieux inadaptés. D’autant qu’à cause des coupures de courant induites par le tsunami, ainsi que la saturation du réseau, les mises à jour des données ne sont jamais parvenues à la connaissance de certains évacués.

C’est le cas de Teruo Konno, employé à la mairie d’Ishinomaki et responsable des préparatifs de la « réponse aux catastrophes » de la ville. Le 11 mars 2011, il a suivi le protocole indiqué, tout comme 56 autres personnes, comprenant des enfants et des personnes âgées évacuées, et est parti s’abriter dans la mairie annexe, désignée comme lieu de refuge en cas de tsunami. Cet immeuble à deux niveaux, au rez-de-chaussée surélevé de 3 mètres, était érigé sur une butte de 5 mètres. Si cette hauteur aurait été suffisante pour le tsunami premièrement annoncé, elle ne l’a pas été, et l’exceptionnalité de l’événement a dérouté tout un protocole bien ficelé. Dans un entretien avec le journaliste Richard Lloyd Parry, il témoigne : « Tout a très bien fonctionné. Personne n’était blessé, tout le monde gardait son calme et l’immeuble n’avait subi que des dégâts mineurs. Nous nous étions bien préparés pour ce jour. Chaque membre de l’équipe savait qui devait faire quoi, et dans quel ordre. » Rien ne l’avait préparé ni n’avait annoncé que la vague submergerait jusqu’au deuxième étage de ce bâtiment : en quelques instants, il est passé de la direction d’une équipe entraînée à suivre un plan d’action rationnel, à une menace de mort imminente pour

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41 HEIMBURGER Jean-François, op. cit., p. 108. 42 Ibid., 112-113.

57 personnes, lui compris. Parmi elles, Teruo Konno et une autre personne furent les seuls survivants43 .

La mauvaise information des habitants peut donc se transformer en facteur mortel en cas de catastrophe. Elles peuvent mener à des hésitations, ou à des choix contre-productifs : dans un sondage effectué auprès de survivants du tsunami de 2011, une majorité a indiqué ne pas avoir évacué immédiatement. D’autres ont déclaré ne pas avoir envisagé qu’un tsunami pourrait survenir, ou que les digues les protégeraient44. Ces données sont particulièrement édifiantes, d’autant qu’elles ne prennent de facto pas en compte les décisions de toutes les personnes qui ont effectivement péri dans la catastrophe. Le 11 mars 2011 a également mis en évidence la difficulté d’évacuer par la route, de nombreuses victimes ayant été retrouvées dans leur voiture à cause de la création d’embouteillages. Une fois la vague retirée, la phase de reconstruction commence par une gestion de crise avec des mesures d’urgence : le sauvetage et la prise en charge des victimes, le rétablissement des axes routiers et ferroviaires, ainsi que l’évaluation des dégâts. Lorsque de tels phénomènes se produisent, la responsabilité revient souvent à l’échelon le plus local : les maires, qui connaissent mieux le terrain. Ce sont les pompiers professionnels qui sont les premiers sur place, pour éteindre les incendies et porter secours aux victimes. C’est la phase d’urgence la plus risquée : le tsunami de mars 2011 a emporté près de 200 pompiers volontaires dans l’exercice de leur fonction45. Les policiers sont également mobilisés pour porter secours aux sinistrés et sécuriser les voies de communication. En effet, l’article 2-1 de la loi sur la police de 1954 dispose : « La police est responsable de la protection de la vie, du corps et des biens des individus46 »

Cependant, les principaux acteurs lors de la phase d’urgence sont les membres des forces japonaises d’autodéfense, qui possèdent des moyens humains et matériels importants. Ils sont déployés par le ministère de la Défense, après une demande du chef de préfecture, comme le firent ceux des préfectures d’Iwate et Miyagi quelques minutes après le séisme. Le ministère a d’abord déployé 20 000 militaires, avant de monter ce chiffre à 100 000 quelques jours plus tard, soit 45 % des effectifs. Cette mobilisation a permis de sauver près de 19 000 personnes, grâce à un travail d’évacuation, de sauvetage et de secours, de recherche de disparus, ou encore de contrôle des inondations47. Elles sont appuyées par des forces étrangères, notamment des États-Unis qui possèdent de nombreuses bases sur l’archipel. Dans le cadre de l’opération « Tomodachi » (« ami » en japonais), les armées américaines ont donc réalisé diverses missions de sauvetage et de nettoyage de débris48. Une des missions d’urgence les plus cruciales est celle de la gestion des cadavres : de la recherche au traitement, en passant par la prise en charge des proches, cette gestion

43 PARRY Richard Lloyd, op. cit., p. 171-180.

44 HEIMBURGER Jean-François, op. cit., p. 120.

45 HEIMBURGER Jean-François, op. cit., p. 129-134.

46 Ibid., p. 136.

47 Ibid., p. 137-138.

48

« Timeline of Operation Tomodachi », The National Bureau of Asian Research (NBR) (blog), consulté le 31 juillet 2021, https://www.nbr.org/publication/timeline-of-operation-tomodachi/

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est primordiale d’un point de vue psychologique et sanitaire. La recherche est surtout effectuée par les pompiers, premiers arrivés sur la scène, et par les forces d’autodéfense. Les corps sont ensuite envoyés dans des morgues où la police s’occupe du nettoyage et de l’identification des défunts. La liste des victimes identifiées est mise à disposition des familles qui peuvent vérifier sur place avant que les corps ne soient pris en charge par des entreprises de pompes funèbres pour procéder à une cérémonie funéraire et à l’incinération des corps49. Dans le cas où le corps est trop endommagé pour être reconnaissable, des fiches renseignant l’âge, le sexe, ou tout autre élément permettant d’identifier le défunt comme les habits, ou un bijou. Parfois, la taille est un des rares détails qui peuvent être écrits à côté des photos50

Dix ans après, plus de 2 500 personnes sont toujours considérées comme disparues, car le corps n’a pas encore été retrouvé ou identifié. Sur le site de la ville de Natori, la liste des corps retrouvés, et les détails des caractéristiques physiques des corps non identifiés sont toujours en ligne51. Pour la préfecture de Miyagi, le site de la police préfectorale communique aussi des informations sur des victimes non identifiées, notamment la liste en fonction des communes, caractéristiques physiques, etc. Ces documents sont accompagnés d’images pouvant servir à identifier les corps retrouvés, comme des portraits-robots ou encore les photos des vêtements que portait la victime au moment de sa mort52. Des difficultés peuvent survenir dans le cas où le nombre de morts dépasserait les capacités de prise en charge. Ce fut le cas en 2011 : pour éviter le risque de prolifération des bactéries et la transmission de maladies infectieuses, une partie des victimes a dû être enterrée, solution allant à l’encontre du souhait des familles. En effet, les traditions mortuaires japonaises suivent des rites bouddhiques où le corps est d’abord incinéré, avant d’être conservé 49 jours par les familles qui procèdent ensuite à son dépôt dans un columbarium. Parmi les victimes enterrées, certaines ont donc été exhumées plusieurs mois plus tard, une fois les crématoriums et temples désengorgés, pour les incinérer53. Même les cercueils étant difficiles à trouver, la seule solution pour conserver les corps était d’entreposer des pains de glace carbonique sous les bras et sous les jambes du défunt. Cette quête de pains de glace, qui fondent relativement vite, a pu devenir un véritable casse-tête à cause du manque de stock : c’est le cas de Hitomi et Hiroyuki Konno, sinistrés d’Ishinomaki, qui ont perdu les parents de ce dernier, ainsi que leurs trois enfants. La vie de ce couple dans les premières semaines qui ont suivi la catastrophe a ainsi consisté à sillonner la région à la recherche de ces pains de glace carbonique afin de protéger 5 membres de leur famille de la décomposition54

49 HEIMBURGER Jean-François, op. cit., p. 140.

50 MÉNAGE François-Xavier, Fukushima : le poison coule toujours, éditions Flammarion, 2016, p. 99.

51 « Disaster Information - Victims found in Natori City - /Natori City Hall public Web site », consulté le 7 juillet 2021, https://www.city.natori.miyagi.jp/en/english4.html

52 « 氏名の推測ができない(身元不明)犠牲者の方々の一覧 », consulté le 7 juillet 2021, https:// www.police.pref.miyagi.jp/hp/jishin/itai/syojihin_gazou/index_gazou.html

53 HEIMBURGER Jean-François, op. cit., p. 141.

54 PARRY Richard Lloyd, op. cit., p. 64.

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