Un Bord de Monde

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Un bord de monde

Habiter un camp de réfugié.e.s palestinien.ne.s De 2011 à 2013, La Forge s’installe sur un bord de ville et met en œuvre une démarche avec des habitants de la Zone Urbaine Sensible de Fafet-Brossolette-Calmette à Amiens. Le collectif se déplace ensuite vers ce bord de monde, les camps de réfugié.e.s palestinien.ne.s en Palestine, pour tenter de faire entendre ici, où nous sommes, la parole de ces femmes et de ces hommes. Au départ, nous entrons en contact avec des Comités de jumelage de villes de l’agglomération creilloise pour lancer des échanges par internet. Puis nous participons à des rencontres de délégations Palestinien.ne.s exilé.e.s ici et là-bas, dans le cadre de voyages et de résidences. Ainsi, les auteur.e.s de La Forge prennent part à la vie de ces réfugié.e.s, principalement des femmes, pour s’imprégner et produire des œuvres diverses, des regards croisés. Sur ce bord de monde, nous œuvrons avec le camp de Qadoura et son Centre de jeunesse, le camp d’Aïda et l’association Noor, créée par et pour les femmes réfugiées avec leurs enfants handicapés, le camp d’Askar et son Centre de développement social, le camp d’Al Arroub et son Centre de jeunesse, le camp d’Al Maghazi avec qui, aucune action ne peut avoir lieu malgré nos demandes au Comité populaire local. Au camp de Dheisheh, La Forge doit s’interrompre avant de mener à bien sa démarche. Elle visait à mettre en avant la place essentielle des femmes dans les camps, à travers des échanges entre femmes d’organisations palestiniennes et françaises, à savoir le comité d’autonomisation des femmes de l’association Ibdaa du côté palestinien, Femmes solidaires et Hygie à Montataire du côté français. Ce livre est le résultat d’un parcours difficile, chaotique et inachevé. La Forge aura été confrontée à des réticences émanant des sphères politiques palestinienne comme française : coups de frein et bâtons glissés dans les roues, aléas prévisibles au regard de la situation hautement inflammable de la colonisation en Palestine et, particulièrement, de la condition féminine. Nous retenons surtout la force inébranlable qui anime nos interlocuteurs et nos interlocutrices, aussi bien dans la parole que dans l’action. C’est cette puissance joyeuse et désespérée que nous tentons ici de restituer par nos photos, nos dessins, nos œuvres plastiques et nos textes.

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Sur place...

//  Alex Jordan, Palestine, 2015 Voyage de repérage, mais pour repérer quoi ? Ce qu’on croit déjà savoir ? Ce qu’on ne peut pas s’imaginer ? J’ai essayé de capter la banalité du quotidien, dans les camps comme dehors… J’y ai rencontré des femmes qui m’ont serré la main, d’autres qui se l’interdisaient. Et je regrette de ne pas avoir pu photographier cette vitrine dans un centre commercial de Betlhéem où jupes « branchées » et robes longues « musulmanes » cohabitaient.

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J’ai mal à ma Pâlestine

Petite suggestion pour une « palestinisation » de la langue // Christophe Baticle Par où commencer ? Que retenir ? Donc que retirer ? Comment faire des choix lorsque tout paraît essentiel ? Le drame palestinien, et par conséquent celui des Israéliens lorsqu’ils se résoudront majoritairement à le percevoir, est comme un précipité de ce que l’humanité peut faire de pire : mépris, racisme, violence et, le plus terrible probablement, une indifférence mondiale croissante, qui fait craindre un effacement normalisé. À la manière des causes qui n’auraient que trop duré, le « problème palestinien » s’enfonce progressivement dans l’oubli, année après année, une génération de réfugiés suivant la précédente, de champs volés en maisons démolies à coups de bulldozer, entre autres… tellement d’autres exemples prégnants, justement. Et pourtant, remisé derrière le souci des diplomaties d’en sortir une mauvaise foi pour toutes, on trouve, quand on ne l’attendait même plus, ce que l’humain peut produire de meilleur : un espoir tapi dans l’ombre de notre ignorance, une obstination résiliente à toujours reconstruire, un désir d’exister et d’habiter le territoire confisqué… malgré tout… et surtout, presque comme un miracle, si paradoxal pour un agnostique plongé en « terre sainte », subsistent des gens, réels, qui continuent à dialoguer, à exiger une résolution pacifique face à l’injustice flagrante, à apprendre l’hébreu ou l’arabe pour s’entendre à s’en rendre sourd. À la simple évocation de ce mot, PALESTINE, on perd la notion du superlatif, trop modeste pour exprimer l’indicible. Reste ainsi une angoisse, un malaise, une culpabilité : les mains tremblantes sur un clavier qui se brouille à la vue d’un « dossier » trop lourd à porter à la connaissance, déjà tellement exploré. Reconnaissons-le clairement et simplement, la Palestine, ce minuscule bout de terre tellement chargé d’histoire, ses habitant.e.s (et y compris les Israélien.ne.s qui veulent se convaincre d’une légitimité antérieure), tout cela ne peut s’exprimer en quelques lignes, mérite mieux et davantage. Face à ce vertige d’images inscrites dans la mémoire, de lectures compilées scrupuleusement, de chiffres accumulés pour faire preuve, de cartes maintes fois disséquées, on se sent fébrile. Tout le problème réside dans cet abîme étonnamment trop plein. Que n’a-t-on déjà dit mille fois sur le sujet ? Comment donc trouver quelques mots, mais des mots justes ? Et pourrait-on changer la réalité avec ces mots ? John Austin, le philosophe du langage qui nous a éclairés sur ce point, proposa le « performatif ». Il expliquait que certains verbes sont des énoncés en même temps que des actions : « Je vous unis par les liens du mariage ». Que les acteurs du drame, au sens propre, m’excusent de n’avoir réussi à trouver une idée aussi pertinente que ce performatif. Je ne propose rien de mieux que de dépasser le nom propre, afin d’en faire un nom commun (une antonomase, un substantif). Plutôt que de réserver Palestinien à cette partie de la population reléguée dans une citoyenneté de seconde zone, c’est toute zone invisibilisée qui pourrait s’appeler Une palestinienne. Le terme y perdrait sa majuscule certes, mais la réalité vécue là-bas y trouverait peut-être une notoriété contre la dissolution. Mieux, pourquoi ne pas faire de ce nouveau vocable un couteau suisse de la langue des dominés ? On ne dirait plus spaciocide pour exprimer l’espace ainsi rayé de la carte, mais « on a palestinisé ce territoire », un relégué deviendrait un Palestinien, l’inverse étant déjà vrai si souvent. C’est peu pour lutter contre des drones à têtes chercheuses, mais qui sait si les stylos ne sont pas les meilleurs missiles anti-oubli ?

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Faudrait-il se résoudre à être antisémite si l’on est israélo-critique ? // Christophe Baticle

Après l’euphorie du départ en Palestine est né un doute : pouvait-on écrire sur cette configuration conflictuelle, vieille de sept décennies au moins, sans tremper cent fois la plume dans un encrier de nuances ? N’était-on pas ici en face d’une insoluble question de points de vue irréconciliables ? Deux discours s’opposent effectivement, avec pour chacun son mode de légitimation, une expulsion en chassant une autre si l’on peut dire. Chez les Palestiniens, 1948 résonne comme une catastrophe (la Nakba), point de départ d’un long exil pour des centaines de milliers d’entre eux : les réfugiés. À l’opposé, les sionistes avancent que le destin des Juifs est intrinsèquement lié à une succession d’exodes contraints. Un peu à la manière de ces objets des sciences sociales pour lesquels même les universitaires perdent leur capacité de distanciation, l’antinomie radicale entre les termes du débat semble sommer quiconque de choisir son camp. L’objectivation scientifique est ainsi mise à rude épreuve. Comment donc ne pas prendre parti et est-ce simplement possible ? Le désengagement est-il seulement souhaitable ? Mais dans le cas contraire ne contredirait-on pas aussi la déontologie du savant face au politique ? Le sociologue Max Weber recommandait en effet au chercheur de prendre conscience de ses propres valeurs, afin qu’elles n’entachent pas sa « neutralité axiologique », soit le refus de tomber dans les jugements… de valeur, justement. Plus encore, l’incroyable complexité de cet entremêlement historique d’actes ayant suscité les haines réciproques invite à la plus extrême prudence. Mais au-delà de ces précautions, il y a un adversaire plus pernicieux à l’objectivité : nous-mêmes. En fonction de notre histoire personnelle, des lieux où elle s’est déroulée, de la socialisation dont nous avons été l’objet d’une part, et de l’actualité qui nous entoure d’autre part, une mauvaise conscience a pu s’immiscer durablement au plus profond de notre éthique, jusqu’à épouser les contours d’un inconscient collectif obsédant qui ressurgit au fil des évènements : la Shoah (« catastrophe » également). Si la participation de la France à cette industrie génocidaire pèse sur chacun de nos mots, c’est heureux. En revanche, jauger le dossier palestinien à l’aune des seuls camps de la mort consisterait à faire peser le poids de notre propre culpabilité sur d’autres victimes, donc redoubler une injustice. C’est peut-être à ce niveau qu’il est nécessaire de revendiquer le rejet des amalgames. Or d’amalgame il fut question lorsque, le 16 juillet 2017, le président français déclarait à l’adresse du Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou, alors invité pour la commémoration du 75e anniversaire de la rafle du Vel d’Hiv : « Nous ne céderons rien à l’antisionisme, car il est la forme réinventée de l’antisémitisme. » Autrement dit, être critique vis-à-vis de la politique israélienne, ce serait être antisioniste, et être antisioniste reviendrait nécessairement à être, explicitement ou implicitement, antisémite : voilà le glissement auquel nous sommes confrontés. Après avoir valablement mis en avant la responsabilité du régime de Vichy dans la déportation des Juifs de France, Emmanuel Macron se montrait, devant son « cher Bibi », moins sensible au « en même temps » dont il s’est pourtant fait le chantre. Pour notre compte, nous considérons à l’inverse qu’être israélo-critique est non seulement compatible avec le rejet de l’antisémitisme, mais plus encore nécessaire. Comment ne pas voir ce qui, aujourd’hui en France, continue à nourrir la bête immonde, à savoir la vision quotidienne des images d’horreur à l’égard des Palestiniens. En rejetant cette évidence, on n’invente certes pas l’antisémitisme, mais on lui assure, à coup sûr, une belle prospérité. 12

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Confinés... depuis plus de 72 années // Christophe Baticle

Mardi 17 mars 2020, midi : la France re-découvre des interdits qu’elle avait oubliés. Il faudrait alors remonter aux dits « évènements d’Algérie ». Encore que le décret du 5 octobre 1961, signé Maurice Papon, ne tenait « que » dans un couvre-feu, mais ô combien discriminatoire puisqu’il s’adressait à ces « Français musulmans d’Algérie » vivant à Paris et dans sa banlieue. Pour le reste de la population, il était possible de rapporter cette mesure liberticide à la guerre qui ne disait pas encore son nom, de l’autre côté de la Méditerranée. Une prohibition de la libre circulation se terminant, de ce côté-ci aussi, dans le sang puisqu’aujourd’hui encore les chercheurs peinent à donner un chiffre quant au nombre de victimes du 17 octobre 1961 : deux morts pour la préfecture, plusieurs centaines si l’on suit l’historien Jean-Luc Einaudi (La bataille de Paris, Seuil, 1991). Pour trouver maintenant des « Français de souche », comme certains se plaisent désormais à s’appeler, ayant vécu pareille limitation des déplacements, c’est la Seconde Guerre Mondiale qu’il s’agit de convoquer. Autrement dit, seul le quatrième âge serait en mesure de le faire, alors que c’est la mémoire qui fait défaut pour ces aînés. Nous aurions le plus précieux besoin de mémoire collective pour comprendre ce que vivent les Palestiniens, et parmi eux plusieurs millions de réfugiés, depuis… mai 1948. Qu’on s’imagine la scénographie et son cortège d’images qu’on croirait sorties d’une production à grand budget pour le petit écran : des checkpoints sur chaque route stratégique, des snipers en embuscade au sommet de tours dignes du Moyen Âge, des tourniquets métalliques d’où surveillent des militaires surarmés dans leurs guérites aux vitres blindées et un mur de séparation qui zigzague dans cette minuscule région, à peine un grand département français. Stéphanie Latte Abdallah et Emad Ahmad en ont tiré leur documentaire, Inner Mapping (CNRS Images, 2017), dans lequel un GPS palestinien devient fou par l’absurdité des confins qui se joint à la bêtise de la logique coloniale. Si confiné provient en effet de ce terme qui signifie voisinage, chaque voisin peut, au bout de la route, se révéler très éloigné sur ce bout de terre condamné à l’inhabitable. Les Palestiniens parcourent des distances interminables pour aller visiter la maison d’à côté. Aussi, loin et proche n’ont plus qu’une signification très relative en Palestine occupée. Et cette bizarrerie qui veut que, selon votre nationalité, la route soit différente de celle de votre voisin colon, n’est pas la seule anomalie dans ce pays sans État, mais géré par la mal-nommée Autorité, dont la principale fonction consiste à sous-traiter la « sécurité » d’Israël. Effectivement, ce que les Israéliens s’ingénient à appeler « Judée et Samarie », est un mitage de zones (A, B et C) aux statuts byzantins, allant de la pseudo-autonomie à la franche annexion… dans les faits. On hésite quant au terme adéquat pour décrire ce territoire kafkaïen : gruyère mangé par la souris Tsahal, confettis éparpillés par un Gargantua facétieux, archipel terrestre d’îlots de désespoir… Sociologues et géographes ont proposé le concept de spacio-cide pour nommer l’indicible (Sari Hanafi, Jacques Lévy). Ce qui nous semble évident, c’est que ces récifs humains sont comme autant de radeaux à la dérive : les reliquats d’une Méduse oubliée par les « Nations unies », au bord du monde. Et les Israéliens dans tout cela ? Rien ne dit qu’ils ne soient pas autant enfermés… même dehors, dans leurs certitudes quant à la légitimité de leur séparatisme. Au seizième jour du second confinement, année 2 de la Covid 19, la France pourrait bien s’interroger : et si cela durait jusqu’en 2092… au moins ?

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Ce jour où j’ai perdu ma candeur Les filles aux M16 // Christophe Baticle

Objectivité, distanciation, neutralité axiologique : autrement dit scientificité ; j’étais parti pour la Palestine avec ces principes chevillés au corps, produits d’un long apprentissage universitaire. Les réunions préparatoires au terrain renforcèrent cette volonté de neutralité. En me voyant reprocher l’expression « conflit israélo-palestinien », je confirmai ma distance d’avec toute prise de parti, mes collègues forgerons s’étonnant que je ne voie pas l’inadéquation du terme conflit, tant ils percevaient des territoires occupés, un colonialisme pur et simple. De cette obstination pour l’objectivation, j’ai néanmoins « gagné » un surnom dont je me suis affublé moi-même : Candide. On entend généralement par ce mot le fait de « manifester une grande ingénuité, pouvant aller jusqu’à la crédulité ». Les synonymes ne sont guère plus flatteurs pour le porteur de cette attitude que l’on qualifiera notamment de naïve ou de niaise. Qu’importe, ce pseudonyme à l’écrit me permettrait aussi de passer plus facilement les contrôles israéliens. Je me rassurais encore du sens que Voltaire avait donné à ce terme : de bonne foi, même si dans l’erreur. Aussi, il faut reconnaître que voyager en Palestine aura provoqué un sérieux questionnement quant à cette distance critique nécessaire. Voir une réalité ne peut se confondre avec la comprendre, Stendhal (La chartreuse de Parme, 1839) en donnant un bon exemple au travers du syndrome de Fabrice à Waterloo : combattant placé au cœur de la mêlée et pourtant aveugle à son dénouement. N’empêche… le trouble s’est rapidement immiscé dans la carapace sociologique. Il y eut tout d’abord le pointillisme de départ, en France, lorsqu’aux vérifications habituelles s’ajoutèrent des étapes propres à notre destination : Tel-Aviv. Notre collègue au patronyme arabe ensuite, sur le passeport duquel une étiquette rouge tranchait avec la nôtre, verte. Pourquoi ses bagages à main avaient-ils fait l’objet d’une fouille de fonds en combles, contrairement à nous ? Pourquoi encore un tel questionnaire contradictoire à notre arrivée sur le sol israélien ? Et que dire des heures à attendre dans le hall de l’aéroport nos deux jeunes compagnons de couleur (noire), retenus pour un complément d’interrogatoire ? Certes, il convenait de ne pas s’abandonner à un biais paranoïaque, le pays connaissant un risque élevé d’attentats. Ce n’était pourtant là que le commencement d’une longue suite d’indices quant au racialisme dont il faudrait bien finir par reconnaître la prégnance. Il fallut en effet s’y résoudre en montant dans un bus qui réalisait la liaison entre Jérusalem-Est et la partie ouest. Arrivé au checkpoint le chauffeur parut anticiper sur le geste du cerbère qui lui indiquait un parking. Là, installés aux premières rangées, nous subissions le contrôle d’identité sous le regard menaçant de deux soldates armées de puissants M16. Un regard furtif à l’arrière du bus me laissa interloqué : les passagers avaient disparu pour la plupart. Il ne restait que quelques personnes, de type « caucasien » comme on dit. Où étaient passés les Palestiniens ? À la droite du bus, j’aperçus un couloir en plein air… et grillagé de toutes parts. Sous cette tente de fil de fer je retrouvai les autres passagers. Une file attendait, derrière une barrière, de pouvoir montrer aux militaires redescendus leur permis de circuler. Sans regarder les femmes en kaki, un à un, chacun afficha haut son précieux document et ils regagnèrent le bus. Je venais de ressentir douloureusement le privilège accordé à mon passeport, à la couleur de ma peau.

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Pour un chabbat... de la Terre Le Jubilé est-il près d’advenir ? // Christophe Baticle Les motifs avancés afin de justifier l’expansionnisme sioniste sont régulièrement d’ordre religieux : relance du colonialisme résidentiel dans la ville d’Hébron (et ce autour de l’argument du tombeau des Patriarches), volonté chez certains groupes orthodoxes de construire le nouveau temple sur l’esplanade des mosquées à Jérusalem (condition pour eux à la venue du messie), circonvolutions ubuesques autour du tombeau de Rachel (considéré comme 3e lieu saint du judaïsme), matière biblique pour y faire serpenter de plus belle le mur dit de « sécurité ». Il serait aisé de multiplier les exemples du mélange des genres entre conquêtes territoriales et religiosité. Il existe également dans une parasha deux commandements présentés comme majeurs (cf. Marc Cohen, Akadem, 09/04/19). Primo, le devoir de mettre la terre en jachère tous les 7 ans (la chemita), dont la conséquence permet l’appropriation des fruits du sol par tous, en particulier de l’étranger précise le conférencier. L’interprétation de ce passage de la Tora, dit Behar, porte sur le droit de propriété du foncier, suspendu lors de cette phase septennale. Secundo, le croyant doit se soumettre au Jubilé, soit l’année succédant à la répétition de 7 cycles septennaux (49 années). Ici, la loi divine prescrit le Yovel, à savoir le retour en sa propriété de l’ancien détenteur qui aurait été contraint de vendre sa terre. Plus encore, l’esclave se doit d’être libéré en cette 50e année, à privilégier, si l’on suit le dogme biblique, afin de marquer sa volonté d’équité sociale. Explicitement, le texte fait de l’humain non pas le détenteur exclusif de son terrain, mais un simple hôte du désir divin. Son abusus en est restreint, car la terre elle-même doit prier, et ce au travers de sa fécondité naturelle. Ces prescriptions théologiques amènent Marc Cohen à recommander la modération face à la surexploitation foncière, dans une interprétation écologico-compatible, en phase avec les préoccupations environnementales contemporaines. Pour autant, on ne peut qu’être étonné qu’une telle éthique n’ait pas trouvé d’applicabilité vis-à-vis de la terre appropriée aux dépens des Palestiniens. Précisons en effet que la loi de la Propriété des Absents, promulguée en 1950 et par laquelle le tout nouvel État d’Israël s’est accaparé les terrains laissés en friche par les expatriés fuyant la guerre, n’a jamais été interrogée au regard du Yovel, alors que l’on sait combien la Bible a pu servir de justification cadastrale. Au contraire, ces « fuyards » sont traités par le texte législatif comme des ennemis de la nouvelle nation, y compris lorsque leur départ relevait de l’expulsion. Si le foncier est un enjeu central dans la colonisation, on lui applique parfois des exigences tirées de la Tora, alors que dans d’autres situations le texte sacré est oublié. Ou plutôt, cette abnégation se limite aux propriétaires légitimés par la religion, soit les élus, ce qui revient aux tribus d’Israël auxquelles la terre a été distribuée par le divin. La boucle est ainsi bouclée et la justice ne s’applique qu’aux adeptes. Les Palestiniens accéderaient-ils au Yovel réparateur de la Nakba s’ils se convertissaient au judaïsme ? Certes, le Behar n’a pas été pensé pour régler les questions liées au colonialisme. Mais il n’a pas davantage été écrit en perspective d’une collapsologie écologique. Alors, interprétation pour interprétation… D’ailleurs, l’énigmatique « Logico-éthique » a laissé ce commentaire sur Akadem : « Moralité: la terre aurait dû être restituée en 1998 aux Palestiniens chassés par la Nakba. Il n’est jamais trop tard... ». On ne saurait mieux dire. Selon Yitzhak Rabin « La bible n’est pas un cadastre ». Ça dépend…

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La vie ici et un rêve pour demain

// Marie Claude Quignon, Camp d’Aïda (nord de Bethléem), Camp d’Askar (est de Naplouse), 2018 Dans le camp d’Aïda, Noor est une association pour l’autonomisation des femmes réfugiées et leurs enfants handicapés, mais également une école qui accueille aussi des enfants non handicapés. Le Centre de développement social du camp d’Askar (Le Nouvel) regroupe des associations travaillant en faveur des enfants, des femmes et du handicap. Je leur ai proposé un temps collectif de dessin, la consigne étant « la vie ici et un rêve pour demain ».

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Territoires intérieurs

//  Olivia   Gay, camps d’Aïda, 2015 et de Qadoura, 2016 En Palestine, j’ai séjourné dans les camps d’Aïda et de Quadoura, chez Hannan, mère de cinq filles, et Islam, mère de cinq enfants dont un fils aîné handicapé, qui m’ont généreusement accueillie au sein de leur foyer. En partageant avec elles des moments intimes de leur vie quotidienne, j’ai cherché à montrer comment, par leurs gestes et leur courage, elles parviennent à faire face à leur réalité.

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// Olivia Gay / Vue sur le camp d’Aïda, 2015 26

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// Olivia Gay / Camp d’Aïda, 2015

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// Olivia Gay / Camp d’Aïda, 2015 Islam, 43 ans, est mère de cinq enfants dont un aîné fortement handicapé. Elle a créé l’association Noor dans le but de venir en aide à d’autres femmes dans cette situation. Son mari a fini par accepter qu’elle travaille et s’engage dans cette mission.

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// Olivia Gay / Camp d’Aïda, 2015

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// Olivia Gay / Camp de Qadoura, 2016

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// Olivia Gay / Salon, Camp de Qadoura, 2016

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// Olivia Gay / Camp de Qadoura, 2016 Worood, la fille de Hannan, sur le départ pour les États-Unis pour retrouver son père qui y vit depuis une dizaine d’années.

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// Olivia Gay / Camp de Qadoura, 2016 Une photographie de famille prise à Qadoura dans les années 60. // Olivia Gay / Camp de Qadoura, 2016 Sahar entourée de ses filles.

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// Olivia Gay / Camp de Qadoura, 2016 Otthmana, grand-mère de Worood.

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// Olivia Gay / Camp de Qadoura, 2016

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Palestines brodées

//  Marie Claude Quignon, Camp de Qadoura, 2015 J’ai demandé à Hannan, Anmad, Aisha, Feryal, Elham, Tasmin, Wafa, Ascel, Nihad, Wardi, Tamara, Imrafat, Hom, Ismail, Manal, Yousra et Ekmat de me présenter un objet personnel important et symbolique de leur vie de réfugiées. Après la clé de la maison d’avant l’exode de 1948, gardée en l’espoir du retour, c’est la robe palestinienne qui s’est imposée. Les femmes ont une robe brodée qu’elles portent lors de fêtes. Un savoir-faire transmis de mère en fille avec des motifs et des couleurs qui permettent d’identifier leurs villages d’origine dont beaucoup ont disparu. La série des cartes de Palestines brodées avec la participation de Lulwa, exilée en France, Jehan du camp d’Al-Aroub et Frédéric Blaind, tente de traduire ce conflit territorial.

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Vivante et vibrante

//  Denis Lachaud, 2015/2018 J’ai rencontré à Ramallah des Palestinien.ne.s de trois générations, des exilé.e.s, des fils et filles d’exilé.e.s, des petits-fils et petites-filles d’exilé.e.s, se considérant exilé.e.s aussi, se vivant comme exilé.e.s. J’ai rencontré à Creil et Paris des Palestinien.ne.s de passage ou en exil. Ceux/Celles que j’ai rencontré.e.s sont né.e.s en Syrie, en Libye, en Jordanie, à Gaza, en Cisjordanie, en Israël. Voici quelques extraits de ce qu’ils/elles m’ont confié de leur quotidien, de leurs pensées, de leurs rêves, de ce qui chaque jour nourrit leur énergie, leur désespoir et leur joie.

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Journal de Ramallah Avec K, M et B Ramallah n’est pas une ville où on survit. On y vit pleinement. Depuis mon arrivée, il y a deux jours, je pense souvent à Berlin, que j’ai découvert en 1984. À Berlin-Ouest, on ne survivait pas, on vivait  ; chaque visiteur pouvait le constater, s’en imprégner. Puis en se promenant, il tombait soudain sur le mur qui venait lui rappeler brutalement le statut particulier de la ville. Deux rues plus loin, aucune trace palpable de la guerre froide. Juste la vie. La vieille ville, c’est ce qui constituait Ramallah avant la Nakba, m’explique M, mon guide. La ville actuelle s’est développée autour en 1948, quand tous les Palestiniens sont venus, chassés de leur ville ou de leur village. Les plus riches ont pu s’installer quelque part, sur une des collines et construire leur maison. Les plus pauvres ont rempli les camps de réfugiés. Dans Ramallah, K et M sont mes guides-interprètes. Ils se relaient jour après jour, quand ils ne travaillent pas.

Le camp de réfugiés de Qadoura, vu du dernier étage d’un building, n’est quasiment pas identifiable. Il faut marcher à l’intérieur pour percevoir le statut particulier du lieu. Promenez-vous dans Qadoura et vous saurez que l’espace est un problème crucial. Il n’y a pas de place, pas un mètre carré à perdre. Je suis invité à déjeuner chez A, rencontrée à Creil. Les habits que portent les huit femmes présentes dénotent les environnements culturels forts différents dans lesquels elles vivent. La mère et la tante portent le hidjab complété par une ample tunique, les cousines des Émirats sont en short et T-shirt, jambes et bras nus. H, à qui je raconterai le déjeuner plus tard, m’expliquera que la grande variété de cultures dans le monde arabe complexifie la cohésion dans la communauté palestinienne, réfugiée un peu partout. Elle crée souvent des conflits dans les familles quand elles se réunissent, tous membres confondus, des plus traditionnels aux plus occidentalisés. A me raconte que sa grand-mère, accompagnée par une équipe de télévision locale, a pu retourner à Lifta, son village, dont une grande partie reste inoccupée et tombe peu à peu en ruines. Elle garde précieusement la clef qui ouvre la porte de sa maison. Les Palestiniennes âgées de plus de cinquante ans sont autorisées à se rendre à Jérusalem sans permis particulier.

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// Marie Claude Quignon, Palestines brodées, 2015 // Sur leur costume de cérémonie, les femmes brodent des motifs identifiant leur village d’origine souvent disparu.

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B nous guide, K et moi, dans le camp d’Al-Am’ari où il habite. La plupart des réfugiés vivant ici sont venus de Lod, aujourd’hui banlieue de Tel-Aviv proche de l’aéroport Ben Gourion. Quelques ruelles permettent de circuler en voiture. Mais le plus gros des déplacements ne peut se faire qu’à pied, dans les zoukkas, allées séparant les maisons, passages boueux et sales, certains à peine plus larges que mes épaules. Je découvre les immeubles de trois à quatre étages qui s’étendent en montant, dans le but de gagner de la surface habitable. Au dessus de nos têtes, les murs des maisons se rapprochent jusqu’à se toucher presque. À ses extrémités, Al-Am’ari est délimité par deux écoles, celle des garçons et celle des filles. B précise qu’elles ont été construites sur ces sites pour empêcher les tentatives d’extension du camp. K désigne, sur une colline dominant Al-Am’ari, la colonie israélienne de Psagot. Seule une clôture électrifiée la sépare d’Al-Bireh, ville adjacente à Ramallah. Inutile pour les Israéliens de construire un mur, me dit K, il y a une base militaire. Un artiste d’Al-Am’ari peint des poissons sur les murs. Il a été peindre des poissons à Haïfa, à St-Jean d’Acre, dans différents villages au nord d’Israël. Il se sent comme un poisson qu’on aurait arraché à la mer pour l’enfermer dans un petit aquarium en forme de boule : le camp. Le soir, Je retrouve K et B pour une promenade. J’attends les garçons en observant le ballet des voitures sur la place Yasser Arafat. Au centre du rond-point se dresse une colonne. Le drapeau palestinien flotte à son sommet. Trois mètres sous l’étoffe rouge, noire, blanche et verte, un homme a grimpé sur la hampe. Il serre la barre d’acier dans ses bras, ses deux pieds s’y pressent. Il s’accroche. Sa tête est tournée vers le drapeau. Le but à atteindre ? Quelle étonnante statue. Je demande si elle représente Yasser Arafat, K me dit que non. Cet homme est un Palestinien. N’importe lequel. Il ne monte pas mais il ne descend pas non plus. Il ne lâche pas. Il s’accroche à son identité, il lutte pour la conserver. À 23h, nous marchons dans un parc et je m’aperçois que les balançoires, les aires de jeu sont encore pleines d’enfants. - C’est l’Aïd, il n’y a pas d’école demain. Et tu sais, les Palestiniens peuvent difficilement se déplacer. Ils ont besoin de défouler leur énergie, même les enfants. Jouer, ça fait du bien.

J’ai rendez-vous avec H dans un café. À Ramallah, me ditelle, la société est plus ouverte que dans d’autres villes palestiniennes comme Hebron ou Naplouse, par exemple. Ceux qui viennent de ces villes et séjournent à Ramallah, y acceptent beaucoup de comportements qu’ils ne tolèreraient pas chez eux. Ramallah, ajoute-t-elle, est devenue une capitale. C’est ainsi que les membres de l’Autorité couvrent leur erreur. - Leur erreur ? - Oslo. Avoir signé les accords. Ils couvrent leur erreur en faisant de Ramallah une capitale. Jérusalem est hors-jeu.   H est formatrice et aussi coach personnelle. En dehors de son travail, elle aide les femmes qui traversent l’expérience du divorce. Elle les informe sur la loi, les met en garde concernant les erreurs à ne pas commettre. Elle les aide à faire face aux conséquences sociales du divorce, un événement généralement considéré comme honteux dans la société palestinienne. Née à Gaza, H s’y marie à l’âge de 18 ans, comme il est de coutume dans son milieu. Les années passant, elle a de plus en plus de problèmes relationnels avec son mari, un homme traditionnel, de mentalité très simple, dit-elle.

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// Marie Claude Quignon, Palestines brodées, 2015 // Pour les femmes palestiniennes, le cactus est un symbole de résilience.

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- Moi je suis indépendante, j’ai une vie complètement folle. Pour mes enfants, je voulais être une mère éduquée, respectée, avec une situation financière solide. Après 16 ans avec mon mari, je suis parvenue à réunir les conditions qui m’ont permis de divorcer. Traditionnellement, après un divorce, la femme laisse les enfants à son mari et retourne chez ses parents. C’est inenvisageable pour H et de toute façon, les enfants souhaitent vivre avec leur mère. - Mes enfants étaient trop grands pour que leur père puisse les contrôler. L’ex-mari se remarie très vite. H coopère avec la nouvelle femme. Elle lui démontre que c’est bien mieux pour elle de ne pas vivre avec les enfants du premier mariage. La deuxième femme explique alors à son mari que s’il prend ses enfants en garde, elle divorcera. Les deux femmes deviennent amies. H n’a pas de problème avec la communauté, même si souvent, on n’accepte pas sa « vie de dingue ». Elle travaille à maintenir un équilibre. Le fait qu’elle soit croyante et pratiquante y contribue. H porte le hidjab. Après quelques années, elle quitte Gaza pour la Cisjordanie avec ses enfants. Elle se remarie. Un nouvel enfant naît en 2006. Après cinq ans, elle divorce de nouveau. - On m’a dit «  celui-là non plus, tu n’es pas capable de le supporter ? Mais quel genre de femme es-tu ? » Quand elle épouse son 3e mari, le 2e lui reprend leur fils. À cette époque, la loi autorise H à voir son fils 3 heures par semaine, pas plus. - J’ai passé l’année 2012 à me battre. J’ai tout rendu public, j’ai fait feu de tout bois, j’ai utilisé les médias. Ça paye. Fin 2012, la loi change. On passe de 3h à 24h par semaine. Mais l’ex-mari refuse que l’enfant puisse dormir chez H. Elle négocie. Elle obtient de voir son fils 3 fois 6h dans la semaine. - Je ne peux m’échapper de rien. Je ne le souhaite pas d’ailleurs. Je me bats beaucoup avec la vie. Ici, dès qu’on sort de chez soi, tout est un combat. On ne peut pas accepter que dans la maison, ce soit aussi la guerre.

Je rencontre A en compagnie d’H, qui me traduit ses propos de l’arabe à l’anglais. A est traducteur de l’hébreu et chercheur en ce qui concerne la problématique israélo-palestinienne. Il est né en 1964 au camp de Jelazun. Au cours de sa vie, il a été incarcéré cinq fois dans les prisons israéliennes. Il a appris l’hébreu en prison, à l’occasion d’une grève de la faim. Très rapidement, mes questions déclenchent une cascade de souvenirs. - Après avoir planté des tentes sur le terrain qu’elle a loué pour cent ans à Al-Am’ari, l’UNRWA a fait construire de petites baraques très spartiates, sans fondations ancrées dans la terre. Peu à peu, chacun a détruit cet abri sans confort et construit plus solide à la place. Il y a des groupes de maisons qui correspondent aux villages qu’ont fuis les habitants en 1948. Les familles se connaissaient donc déjà quand elles se sont installées.   Même si le terrain sur lequel les maisons sont construites n’appartient pas à leurs habitants, on ne peut pas les en expulser.  Enfant, A vend des journaux. Il vient d’apprendre à lire, alors il se plonge dans les journaux qu’il vend. Ça lui permet de travailler la lecture, d’acquérir un bon niveau avant les autres. Un peu plus tard, A travaille comme manutentionnaire au marché. Un travail très dur. Avec une partie de l’argent, il achète des livres.

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// Marie Claude Quignon, Palestines brodées, 2015 // D’anciennes régions de Palestine

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- Pas de possibilité pour une enfance normale. Enfant, A ne se sent pas enfant. - Nous sommes nés adultes. Ceux de ma génération. Nous avons été responsabilisés très jeunes. En 1973, pendant la guerre d’octobre, A commence à comprendre ce qu’est l’occupation. La première fois qu’il jette des pierres, il a 9 ans. Les plus vieux parmi les enfants ont dit “  jetons des pierres“, alors lui aussi a jeté des pierres. Même avant de savoir pourquoi. Le geste est venu d’abord, la signification du geste est apparue plus tard, bien après le geste. 1976, c’est le début de la haine. A est à Ramallah, dans le centre. Il y a une jeep pleine de soldats israéliens. Les soldats descendent de la jeep, l’attrapent, le battent et le font monter à bord où ils l’insultent pendant deux heures. A reste très impliqué à Al-Am’ari. - J’ai quitté le camp mais le camp ne m’a pas quitté. Ma douleur est concentrée là. A y retourne chaque jour. Il y effectue encore beaucoup de travail caritatif. Il aide notamment à la rénovation de l’habitat. Tout, dans la vie d’A, est responsabilité. - Il y a trop de problèmes auxquels il faut faire face, trop de malheur autour. Parfois je regarde en arrière et je me dis ok, voilà ton histoire. Et à ce moment-là, quand-même, il m’arrive de ressentir une certaine joie. Le camp est la deuxième maison d’A. Sa première maison est à Al-Qubab (au sud de Tel-Aviv). - C’est inscrit en moi. Dans mon inconscient. Je vis avec cette idée. Chez moi, c’est ailleurs. A considère avoir eu la chance de vivre trois ou quatre vies en même temps. //

// Marie Claude Quignon, Palestines brodées, 2015 // L’occupation

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Plus le temps passe,   plus ça s’éloigne Avec O et L (à Creil) O  : Je jouais avec les autres enfants de Qadoura. On voyait les soldats israéliens mais on ne comprenait pas pourquoi ils étaient là. J’ai commencé à les détester quand ils sont venus arrêter ma cousine. En pleine nuit. J’ai tout vu, j’étais là. J’avais huit ans. J’ai été très choqué par la façon dont l’arrestation s’est déroulée. Après, j’ai posé beaucoup de questions à mon père, pourquoi ils sont venus, pourquoi ils étaient si violents... J’ai commencé à comprendre quelle était notre situation. L : Je suis née à Gaza et j’y ai vécu jusqu’à l’âge de treize ans. Je n’ai jamais vu de soldats israéliens jusqu’au jour où j’ai quitté Gaza pour la Cisjordanie. Nous, tout ce qu’on voyait, c’était les bombes tomber. O : En 1987, la première Intifada a débuté. J’avais quatorze ans. Les Israéliens ont bloqué la rue. On ne pouvait plus aller à l’école. En 1988, je me suis engagé dans la politique avec le Fatah. J’ai été arrêté à l’âge de quinze ans et j’ai passé six mois en prison. J’ai finalement été libéré parce que j’étais trop jeune. Avec tout ce que j’ai vu en prison, je me suis vraiment impliqué. Je devais faire quelque chose pour notre pays, pour nous sortir de cette situation. En 1990, je suis retourné en prison, pour quatre ans. J’y étais quand les accords d’Oslo ont été signés. On ne savait rien. On a compris qu’il se passait quelque chose quand ils ont, suite aux accords, libéré les plus anciens prisonniers. Moi je n’ai jamais eu aucun espoir, à propos d’Oslo. En prison, il nous arrivait de faire une grève de la faim pour obtenir quelque chose, une radio, une télé, on arrivait à un accord avec les Israéliens, on arrêtait la grève de faim et on n’obtenait jamais ce qu’ils avaient promis. Ils ne respectaient jamais leur parole. On savait qu’Oslo ne mènerait à rien. J’ai voulu passer le bac. Au moment où les examens démarraient, on m’a arrêté pour vingt-et-un jours, je n’ai pas pu les passer. J’ai renoncé. La création d’une Autorité palestinienne, ça a pu représenter un espoir de liberté, de retour. Mais quand les Israéliens vous donnent un mètre de terre, ils vous en prennent dix. Donc on doit s’employer à réclamer la terre qu’ils viennent de nous voler et ça nous éloigne de notre véritable revendication  : le retour. Plus le temps passe, plus ça s’éloigne. C’est leur technique et ça marche. On en est réduits à demander que la terre dont nous disposons ne nous soit pas retirée encore un peu plus. En 1998, on a ouvert le centre de Qadoura pour travailler auprès des jeunes. On voulait informer les enfants, car les familles ne parlaient pas de droit au retour. On leur expliquait ce que cela signifiait de vivre dans un camp de réfugiés. À la fin des années 90, la terre a gagné beaucoup de valeur à Ramallah. Les Israéliens étaient partis, suite à Oslo. La construction a commencé, les prix sont montés en flèche. En 2000, le propriétaire de la terre sur laquelle est installé Qadoura, un Palestinien qui vit aux USA, a voulu faire chasser les habitants du camp. Il souhaitait vendre. Mais Yasser Arafat l’a interdit. Ramallah est une ville possédée par des Palestiniens vivant à l’étranger. L  : En Cisjordanie, les gens n’aiment pas les Gazaouis. Les Israéliens ont bien réussi à nous diviser. À un moment, j’ai pensé poursuivre mes études de mode en Jordanie mais je n’ai pas été autorisée à sortir.

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// Marie Claude Quignon, Palestines brodées, 2015 // En vert, la ligne d’armistice de 1949 et en rouge, le mur de séparation.

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En France, après ma visite à la préfecture, je me suis sentie réfugiée de nouveau. C’est une autre “occupation“. Il y a beaucoup de police, de sécurité, de racisme à l’égard des noirs de la part des gens qui vous reçoivent. Il n’y a pas d’humanité. //

Comment tu te comportes,   comment tu marches Avec M et Y (à Paris) Les Palestiniens nés en Syrie n’ont pas la nationalité syrienne. Juste une carte de séjour en tant que réfugiés. La plupart des jeunes Palestiniens ont l’idée de partir car ils n’ont pas de nationalité. Les réfugiés palestiniens ont tendance à faire des études. Comme ils ont perdu leur pays, il y a un vide. Ils ont envie d’apprendre, de savoir beaucoup de choses pour combler ce manque. Dès qu’il y a un problème avec les prises de position des dirigeants palestiniens, ce sont les réfugiés qui paient. Ils ont été chassés du Koweit après la première Guerre du Golfe. Ils ont été chassés d’Irak après la chute de Saddam Hussein parce qu’Arafat avait soutenu Hussein. J’ai étudié le graphisme, j’ai envoyé une candidature à Dubai pour un travail. On m’a dit que mon dossier était très bon mais qu’en tant que réfugié palestinien, je ne pouvais pas venir à Dubai. À Yarmouk (près de Damas), on n’avait pas l’impression de vivre dans un camp. Par contre, le mot camp est toujours resté. Nous sommes nés dans un camp, nous avons grandi dans un camp, nous avons toujours vécu dans un camp. Ça crée des problèmes au niveau de l’identité. Nous sommes des réfugiés. L’accent palestinien a perduré, à Yarmouk. Il y avait beaucoup de centres culturels, les vieux se souciaient de transmettre l’identité palestinienne, l’accent, comment tu te comportes, comment tu marches. On est Syriens parfois. On est Palestiniens parfois. Je dis que je suis Syrien-Palestinien. Quand nous sommes venus en France, la musique nous a aidés à survivre, à ne pas nous noyer dans la déception comme beaucoup de réfugiés. J’essaie de voir les choses à travers la musique. J’écris ma vie dedans. Depuis qu’on est en France, on sait que notre pays, c’est là-bas. Yarmouk. La Syrie en général. Ça nous manque. On est venu en France parce que le seul ami qui nous a aidés à avoir des visas et à quitter la Syrie est français. Désormais, on est vraiment des réfugiés. Ici tout est différent. //

// Marie Claude Quignon, Palestines brodées, 2015 //

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Je m’installerais sur une chaise... Avec X (à Paris) Nous les Palestiniens, on a tous des papiers différents, des statuts différents. Il y a un vrai problème de division entre les Palestiniens de Cisjordanie, sous autorité palestinienne, les Palestiniens vivant en Israël, avec un passeport israélien, les Palestiniens de Gaza, les Palestiniens réfugiés en Syrie, au Liban, en Jordanie, et enfin la diaspora dans le monde entier. Différents groupes. On nous a bien divisés. C’est réussi, il n’y a qu’à écouter comment on se présente : Palestinien de Syrie, Palestinien de Jordanie... Quand on était enfants à Yarmouk, on menait une vie tout ce qu’il y a de plus normale. On allait à l’école, on s’amusait dans la rue, on allait à la piscine, on jouait au foot. Ça se complique à l’âge où tu prends conscience de ce que dit et fait le régime. Chaque famille avait quelqu’un en prison. Par exemple, l’oncle de mon père y a passé quinze ans. Il en est sorti et il est mort un an après. Beaucoup sont morts en captivité, certains ont disparu. Je me souviens de tout. Je revois tout le monde comme si chaque personne était devant moi. Les gens me manquent, pas les lieux. J’ai un problème avec les lieux. Je n’y crois plus. Si je peux retrouver les gens un jour, là où on a vécu ensemble, c’est parfait, mais si je les retrouve ailleurs, ça me va. À un moment de ma vie, je me suis mis à observer les Palestiniens qui disent “Je veux retourner en Palestine.“ Chez certains, ça signifie “Je veux me sentir citoyen“. Chez d’autres, ça ne correspond à aucune raison rationnelle, ça repose sur le récit, “Je veux retourner en Palestine, car c’est la terre de mes ancêtres“. J’ai commencé à m’interroger. Peut-être que si j’allais en Palestine, je ne m’y sentirais pas bien. Si ça se trouve, j’irais, je m’installerais sur une chaise pour boire un verre de vin et je repartirais. La seule chose qui m’y attache, c’est le besoin d’identité. J’aimerais y aller, ne serait-ce qu’une minute, pour pouvoir être en Palestine, dire “Je suis Palestinien“ et au moment où je le dis, ne pas être un réfugié. Vivre ça, en faire l’expérience. Rien qu’un minute. Je suis contre les attentes, les espoirs. Ici en France, ma nationalité, c’est “indéterminé“. C’est ridicule. On me demande, “vous venez d’où ?“, je réponds “Je suis Palestinien, je viens de Syrie“, on me dit “Vous êtes Syrien ?“ et je dis “Non je ne suis pas Syrien“. Ça fait monter la colère. Personne ne veut nous reconnaître. Nous ce qu’on veut, c’est être reconnus. On se bat car on veut exister. Difficile de comprendre ce que ça signifie vraiment de naître, de grandir et de vivre en tant que réfugié, quand on ne l’a pas vécu. En Syrie, 95% des Palestiniens sont éduqués, ils vont à l’université. On n’a rien. Tout ce qu’on possède, c’est dans notre tête. C’est la clef. //

// Marie Claude Quignon, Palestines brodées, 2015 // En rouge, les villages évacués ou détruits et en vert, les villages subsistants.

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50 ans

Avec Z (à Paris) Vous êtes Palestinienne, vous avez cinquante ans, vous avez grandi à Ramallah, votre père gagnait confortablement sa vie, sa situation vous préservait du besoin. Vos parents avaient fui leur village, près de Haifa, en 1948. Fille de réfugiés, vous vous définissez comme réfugiée vous-même. Votre engagement a débuté quand vous aviez quinze ans, au début des années quatre-vingt. Ramallah était encore occupée par l’armée israélienne. Votre père militait au Parti Communiste alors vous êtes, vous aussi, entrée au PC pour agir. Vous avez suivi des études d’économie à l’université de Birzeit. Après vos études, vous avez travaillé dans l’associatif, les ONG. Vous avez quitté le Parti Communiste après la signature des accords d’Oslo. Il était clair que la base était contre, mais les dirigeants du PC avaient pris des positions différentes, trop conciliantes pour que vous puissiez rester. En tant que militante, vous vous définissez également comme féministe. Vous considérez que la question du droit des femmes ne doit pas attendre la libération nationale. Vous militez pour la liberté, la fin de l’occupation, mais vous militez également pour la justice sociale, l’égalité. Vous avez grandi dans une société assez traditionaliste, conservatrice, mais vous trouviez les gens plutôt flexibles, tolérants envers les autres, ceux qui ne pensaient pas comme eux. Ça a commencé à changer en 2000-2001, après la mise en œuvre des accords d’Oslo. Ces années ont marqué le début d’une certaine violence envers les femmes non voilées. La frustration accumulée s’est retournée contre les femmes. Comme toujours, dites-vous. Tant qu’il y avait un peu d’espoir, on pouvait constater une certaine ouverture d’esprit. Mais la deuxième intifada s’est accompagnée de régressions sociales. Même les organisations politiques de gauche ont tardé à réagir aux agressions. Il a fallu que les femmes membres de ces organisations fassent pression. Vous même, vous n’êtes pas religieuse. Vous ne l’avez jamais été. L’Aïd n’est pour vous qu’une occasion de parler au téléphone avec votre famille ou vos amis, d’entretenir les contacts. Oslo a liquidé la cause palestinienne, expliquez-vous. La première intifada s’était accompagnée d’un grand mouvement de soutien populaire à l’étranger et, à Gaza et en Cisjordanie, elle avait créé une dynamique, apporté des changements importants  : pour la première fois, les gens travaillaient ensemble, des actions s’organisaient dans les quartiers, il y avait les manifestations mais aussi la désobéissance civile, les boycotts. - On a tout perdu avec Oslo. Oslo a juste entériné la politique israélienne déjà mise en place. On a donné notre accord. Certains croyaient qu’avec Oslo, la Palestine allait devenir une sorte de Singapour mais c’est impossible  : l’économie palestinienne dépend beaucoup trop de l’économie israélienne. Après Oslo, les dirigeants de l’OLP sont rentrés du Liban et de Jordanie. Jusque là, soutenir l’OLP interdite était un symbole, un acte fort, on portait fièrement les pancartes dans les manifs, on avait idéalisé les dirigeants. Une fois qu’ils ont été chez nous, on les a vus à l’œuvre : une bande corrompue qui faisait comme s’il n’y avait rien eu avant leur retour, aucun travail, rien. Ça a vite créé un sentiment d’amertume. Oslo a aussi permis une collaboration des services secrets palestiniens avec les services secrets israéliens. Officiellement, il s’agit de prévenir le terrorisme. En fait ça permet de surveiller et neutraliser les activistes, tous ceux qui cherchent des formes d’actions différentes. Pour moi,

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// Marie Claude Quignon Palestines brodées, 2015 // En rouge, « villages détruits » et en vert, « villages subsistants ».

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le projet de création de l’Autorité palestinienne, c’était pour écraser le peuple et liquider la question palestinienne, qu’il n’y ait plus un mouvement de libération nationale. Finis l’indépendance, le retour... Même la reconnaissance internationale de l’État palestinien c’est n’importe quoi. On reconnaît un État qui n’existe pas, qui n’a de pouvoir sur rien, à part contrôler la population. Nos dirigeants sont juste des privilégiés qui profitent des aides financières et envoient leurs enfants étudier à l’étranger. Il n’y a aucun renouvellement au plus haut niveau. En Cisjordanie, c’est l’Autorité qui opprime. Si tu parles vraiment des questions de l’occupation, tu es rappelée à l’ordre. Il y a des journalistes qui se font agresser, il y a des arrestations... On a besoin d’une nouvelle stratégie de lutte. Pour la trouver, il faut renouveler la classe politique. Il faut en finir avec l’Autorité palestinienne. Il faut passer à autre chose. On a besoin de nouvelles personnes avec de nouvelles perspectives. Le peuple est jeune, il doit redéfinir les priorités nationales. Il faut qu’on reparle d’un État indépendant, de la question des réfugiés en Syrie, au Liban, en Jordanie, en Europe... Il y a des dynamiques chez les jeunes, mais on a un problème : la plupart d’entre eux ne veut rien avoir à faire avec les organisations politiques existantes. Ils ne veulent pas politiser leur action. //

// Marie Claude Quignon, Palestines brodées, 2015 // Noms d’artistes de Palestine

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Construire, reconstruire

// Marie Claude Quignon, Camp de Qadoura, 2018 Dans les Camps de réfugié.e.s, les constructions provisoires se sont pérennisées. L’extension horizontale est impossible. Les premiers arrivants devenus grands-parents habitent le rezde-chaussée, puis un étage s’est ajouté pour les enfants et encore un troisième contesté par l’UNRWA (United Nations Relief and Works Agency for Palestine). Construire, reconstruire, la préoccupation constante des réfugié.e.s. Je n’échappe pas à mon histoire familiale en faisant résonner ce vieux moule à parpaing. Après la guerre 1939-1945, les gravats des bombardements étaient recyclés en nouveaux matériaux de construction avec ces moules. Ici avec des journaux arabes compressés Al-Hayat — Al Quds.

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Paix

La vie continue //  Valérie Debure

J’ai le sentiment que ce conflit n’a plus d’âge et malgré toutes les difficultés, des enfants naissent des 2 côtés de la ligne. En héritage, les mêmes sentiments réciproques au fil des générations : la défiance, la peur, la résistance... Chacun a sa part de revendication à vivre là sous couvert de légitimité de droit international. Ce droit qui n’arrive pas à s’imposer en terrain hostile. Mais surtout, au delà des lois, c’est le droit d’exister tout court qui est revendiqué, le droit d’exister dans le regard de l’autre.

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La Forge   Collectif, lieu nomade de productions artistiques et scientifiques où s’allient des compétences plurielles afin de produire des regards croisés, « forgés » dans la réalité, symboliquement assez forts pour faire entendre celles et ceux qui sont tu.e.s, pour provoquer un débat public sur des questions d’aujourd’hui.

Les auteur.e.s du collectif La Forge

Les créations de La Forge

Les partenaires du projet

Christophe Baticle, socio-anthropologue, Laboratoire Habiter le Monde, Université de Picardie Jules Verne, Amiens

Hors la République, habiter un bord de ville, Amiens Nord, une Zone Urbaine Sensible en rénovation. Avec ses habitants. Éd. Dumerchez 2015

Cette aventure commune a pu se réaliser grâce au soutien de :

Nous sommes ici, habiter un bord de fleuve, un bord de Somme en réhabilitation paysagère. Avec des habitants de Curlu, Frise, Éclusier-Vaux, Suzanne et Cappy. Co-éditions Conseil général de la Somme / Dumerchez, 2010

Direction régionale des Affaire culturelles Picardie puis Hauts de France

Olivia Gay, photographe, oliviagay.com Denis Lachaud, écrivain (éd. Actes Sud), comédien, metteur en scène Éric Larrayadieu, photographe, ericlarrayadieu.com Valérie Debure, graphiste et Alex Jordan, photographiste, de l’atelier Nous Travaillons Ensemble noustravaillonsensemble.org Marie Claude Quignon, plasticienne, marie-claude-quignon.ultra-book. com François Mairey, pratiques sociales et coordination Pour Un bord de monde, avec : Sandrine Mansour, historienne, L’histoire occultée des Palestiniens, 1947-1953, éd. Privat Valérie Mochi Uttscheid, artiste multimédia

Et le Travail ?  Des agricultrices de Thiérache du centre (Aisne), des sidérurgistes de Montataire (Oise), des salariés de l’usine Godin et des habitants du Familistère de Guise (Aisne), des femmes du centre d’hébergement Emmaüs des Malmaisons (Paris), des salariés de l’usine de recyclage et de réinsertion Le Relais à L’Étoile (Somme). Éd. Dumerchez, 2005-2010 Fées diverses, à partir d’objets de réderie (vide-grenier en picard), un groupe de femmes du Vimeu (Somme), d’assistées à assistantes. Éd. Dumerchez, 2004-2007 Quelle vie, mémoires vivantes de l’entreprise paternaliste Saint-Frères, anciennes usines textiles en Val de Nièvre (Somme). Éd. La Forge, 2000-2002 Camping folies, vacances, vacance ?  Temps de transgression ou de reproduction au Lavandou, 1999 Bords de Guerre, à partir de réfugiées sahraouies dans le camp de Tindouf (Algérie), de Marie Claude Quignon et Bernard Noël. Éd. La Forge, 1999

Conseil régional de Picardie puis Région Hauts de France

Ville de Creil
 Amitié Lille Naplouse

Création graphique Nous Travaillons Ensemble noustravaillonsensemble.fr Ouvrage achevé d’imprimer en France par l’imprimerie Media Graphic Dépot légal 2e trimestre 2021 ISBN

979-10-93736-30-3

Coédition : Éditions Helvétius 21, Place Maurice Thorez 94800 Villejuif editionshelvetius.com La Forge 15, fond de rue 80260 Molliens-au-bois laforge.org

Mille et un bocaux, paroles de femmes méditerranéennes. Éd. La Forge 1995-1998 Photographie et engagement, l’implication du photographe, cafés-débat lors des Rencontres d’Arles, 1997 Public/privé, 50 ans de nationalisation EDF/GDF avec les agents d’ Avignon, installation, manifestation, 1996 Un signe en Santerre, les traces de la guerre dans notre région à Proyart (Somme), performance, 1994

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Ouvert sur un bord de fleuve (Nous sommes ici ), le chantier « Habiter » du collectif La Forge s’est par la suite implanté sur un bord de ville, en zone urbaine sensible (Hors la République ?), avant de rejoindre Un bord de monde : des camps de réfugié.e.s palestinien.ne.s. Les membres du collectif ont rencontré en Palestine et en France des réfugié.e.s aux parcours tragiques et parmi eux, beaucoup de femmes. Confinées depuis trois générations, elles dénoncent leur situation de non-droit, de pauvreté, de promiscuité, d’interdits et de violences. Leur dignité et leur courage dans la résistance, leur solidité face à une vie reléguée dans un bord de monde nourrissent ce livre. Le collectif La Forge tient à leur exprimer toute son admiration.

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