Bulletins de la Société d'Études Historiques et Géographiques d'Athis-Mons - n°1 - Octobre 1947

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RESEAU MEDIATHEQUE

BIBLIOTHEQUE

ATHIS-MONS

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N'OTRE PROGRAM�E

1

Il est so uv e n t pénibte de constater que le passé de nos lpcalités du sud de la Région Parisienne, si riche pourtant en sonvenirs historiques, est presque tQtalement ignoré de leurs habitants actuels . Ce fait ne doit pas tellement surprendre si l'on songe que, depuis le milieu du XIX· siècle, les transports ferroviaires ont cl'éé et étendu petit à petit autour de Paris une zone satellite qui s'est trouvée par la suite incluse dans . la B anl ieue même de la - Capitale. _ A cô té des vieux -villages aux communa uté s lentement orga­ nisées sont venus s'accoler le s lotissements dont les nombreux ' :pa villon s échelonnés le long des voies rectiligne s contrastent etrangement ,avec la masse rabougrie et serrée des viei l l es habi­ tations posées de guingo i s au �ord des étroites rues tortueuses des anciens pays, faisant en c;ruelque sorte figure d'intrus sur ce sol dont ils ont bouleverse le cycle des traditions immémori a l e s . - Seules quelques plaque s de rues rappell ent parfois un vieux coin du - terroir ou évo quent le souvenir de quelque person­ na �e dont la notQriété, grande à son ép?que, est bien oubliée ' aUJourd'hui.

1 C e tt e constatation nous a déterm i né s à envisager la création d'une Sociéié d'études locales et régionale s qui s'adresse non seulement-aux membres de l'enseignement, mais encore et d'une manière générale à tous ceux qui portent quel que intérêt à l'hi stOIre du milieu local dans lequel i l s vivent . Clairement défini à l'article 3 des Statuts. le but de notre Société ,est précisément de les grouper pour leur faire mieux connaître la lente évolution au ·cours des s iècles passés des insti,tutions politiques et administratives, 'pour faire revivre devant eux les personnage.s célèbres qui ont vécu sur le même sol, pour étudier les transformations successives de la vie économique et sociale dans notre ré ion1 et enfin pour a i der . ceux que l'amour de notre terroir inCIterait à entreprendre des recherches sur son passé. La cheville de notre Sbciété sera le Bulletin qu'elle publi era tous les trimestres ,et auquel nous apporterons tous nos soins. , Il contiendra de courtes monographies Idcales et régionales sur les suJets les plus divers, des conseils aux chercheurs, des renseignements bibliographique s ainsi que des communications d'ordre pédagogique. Déjà de nombreux concours nous sont parvenus qui nous permettent d'entx:evoir l'ayenir avec, confiance. Nous espéronsl que Ce premier Bulletin, image de notre activ it é et de notr ambition,' répond bien à la devise que nous nqus proposons:

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DISTRAIRE et INSTRillRE.


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LA PLAINE DE LONGBOYAU

Au sud de Paris, l'horizon est b arré vers l'Occident p ar un talus bien marqué et b oisé de 80 à 100 mètres de comman­ d!)me nt, au-dessus d uquel se dressent les plateaux du HURE­ POIX, troués d'étan gs , tachetés de bois et découpés p ar les petites vallées affluentes et s o us-affluentes de la Seine, Bièvre, Yvette, Orge et Juine. Entre le rebord de ce s plateaux et la rive gauche de la Seine, s'allonge sur u n e tre ntain e de kilomètres, de p art et d'autre de la vallée de l'Orge , une plaine vaste et m o n otone, douce­ ment inclinée vers le s u d. La p artie septentrionale de cette plain e s'étend, sous la form e d'un grand quadrilatère jalonné par les communes de Villejuif, Palaiseau, Savigny-sur-Orge et Ablon, entre les coteaux du Hurep oix et les vallées de la Seine, de l'Orge et de l'Yvette: nettement d élimitée aux portes de la Capitale, cett e p etite région constitue u n e véritable unité historique et géographique, que le s chroniqueurs ont de t o ut temps d ésignée sous le nom de Plaine de Longboyau.

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Les s euls accidents de cettt' plaine sont, e n b ordure, les basses vallée s de l'Yvette et de l 'Orge: largement évasée s et marécageuses, bornées de chaque côté par de s pentes douces, elles ne ressemblent en ri en aux raides vallées du Hurep oix. En les s uivant, on aboutit ù la conflu e nce de la Sein e et de l'Orge : les coteaux s'écarte nt de part et d'autre en forme de croissant, dont l'une des d eux pointes .finit à Ris-Oran gis et l 'autre à Ablon, de ssinant u n large bassin rempli p ar les allu­ vi ons de ces deux rivières (1). Du haut des coteaux de Viry-Châtillon, on découvre la vallée de la Seine qu i , après avoir fai t un large coude, se dirige ,vers le Su d-Est sur Corb e i l ; droit d evant soi, la vu e s'étend le lo n g des coteaux d e Juvis�' et cl' Athis - Mons, au pied desquels coule nonchalamment la petite rivière d'Orge (2) qui s'épanouit dans la p lain e alluviale e n de nombreux ruisselets , dont le p rincipal est le Mort-Rû et qui vient se jeter dan s le fleuve à Athis, après l 'avoir longé pendant quatre kil omètres. Un secon d bras, m oin s im portan t , aboutit directement au ham eau du Petit-Châtillon, sur l a comm u n e de Viry-Châ-, tillon (3). La Plaine de Lon gboyau, don t la plus gra n de largeur de Massv à Ablon est de 10 kilomètres et la plus grande lo ngueur de Villejuif à Savi gny de 15 kilomètres environ , est située à 80-90 mètre s d'altitude absol ue et domine d e près de 50 mètres l e niveau de base de la région, la Seine. , (1) C on s ul te r les cartes d'Etat-Major à 1/80.00.0 de l'aris (feuille N° (8) et de ;\fel u n (feuille N° 6'5), (2) L'Orge pr e nd sa sourcc' à Brétencourt, au Sud-Ou est de Do urdan. (3) De nombre u s e s con troverses ont eu lieu dan s le pays pour

prouv er que cc bras était la véritable rivière d'Orge, en s'appuyant su r le fa it qUe le bras pri nc i p a1 a été c anal i sé à une é'Poque fo,rt aneienne. Or, le s d o cume n t s sont f o r m e l s sur ce point: s i l ' O rge a é t é effectiveme n t canali s é e dan s le c ou ra nt du XVII" siècle, et ce sur une t r è s faibJ.e' longueur sNJ l ement, pour c on t r i bue r à l'embeUissement !lu Par,c de Juvisy, il n'en r e s t e pas moins qu'elie a touj ours exi sté à s on emplac'c'lllent a ct,u'Cl , Et nos ancêtres confirment bien cette idée, quand ils désignent c(' bras s (' c o n da i r e du nom de « fausse rivière :t.


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Elle constitu e une remarquable surface p lane qui n'est détruite que p a r de petites buttes ou de petits vallons; elle est carac­ térisée, en outre, p a r son absence totale de riviè'r es, c'est-à-dire qu'elle n ' est p oint drainée. Elle corresp o n d à la surface du calcaire de Brie, en voie d'être dégagé des sables de Fontaineble a u qui ne form ent plus que .quelques placages ou quelques bosses (Butte du Tartre à Wissous, 101 m . - Butte Chaumon t à Champlan, 136 m.): nous avons là un bel exemple de « plate-forme structurale » (1). Cette grande plate-forme est recouverte par un manteau limoneux dont l'épaisseur varie de 80 cm. à 1 m. 50 suivant les li eux (à l a Ferm e de Champ agne, sur la commune de Savi­ gny, ce limon a u n e épaisseur de 1 mètre au moi ns). D'un ton jaunâtre ou fauve tirant sur le rouge ou le brun, ce l imon, constitué de poussières p rovenant des boue s glaciai res et app o rtées par les ven ts du Nord-Est au Quaternaire, est d'une très grande valeur p ou r l'agriculture, car cette terre chaude, profonde et franch e a fait de la Plaine de Longboyau un palJs fertile comme petite Beausse (2) où a toujours prédominé la grande culture de s céréales. ,'Les p aysans connaisse nt b i e n l â richesse de ces terres de la Plaine de Longboyau, qu'ils appelaient autrefois « terre s soriè­ res » en raison de leur couleur, les meilleures de t oute la région, p a rce que leur fertilité dépend j ustement du sous-sol. Ici, la présence du c alcaire de Bri e au-dessous du limon a le double avantage d'être très p erméable, donc de le drainer e t ensuite de fournir sur place de quoi l 'am ender par le marn age. Les meu l i ères imperméables mainti ennent, a u contraire, l'humidité près du sol ; c'est ainsi que sur les plaines de Brie ou bien au delà de l'Orge, sur la p l aine de Fleury-Mérogis, il a été nécessaire de faire de vastes drainages qui ont b e a ucoup contribué à changer l'aspect d e la contrée et à augmenter la fertilité du limon.

ETYMOLOGIE DES NOMS DE « LONGBOYAU» ET DE « PLAINE DE LONGBOYAU ». On a d'abord for t longuement épilogué sur l'origine de ce mot. L'éminent abbé Leb euf, dans son article sur Villejuif, village situé sur le hallt de la colUIre où commence la longue plain e de LongbolJau (3), pense que ce nom p eut avoir la m ême origine ane celle que Dom Duplessis marque dans sa descrip­ tion du Vexin, nages 240 et 245, où on lit qu'une forêt de ce nav� est appelé e Longllm nothel dan s des titres de Sai n te­ Catheri ne de Rouen, et au 'on l a nomm e encore Long-boel. Il ajoute qu'en l angage teuton, Botie signifie maison; en la paroisse de la Brosfe-en-Bri e , i l existe un lieu ou prairie surnommé LOllgllm Boellum, dans u n titre (1'1' 1220. {1) En Géo!!raphie Phvsique Génoc\rale, une « surface structurale ,. est une surface <j'ui coïndrle exactement avec le plan stratigraphique &uTJPripllr d'une couche résistante. (2) Chllrlps ESTTRN'iE. T,a Guide des Chemins de France, 1 vol, in-32. Paris. 15113, chez Estienne. (3) Abbé Jean LEBEUF, Histoire de la Ville et de tout- le Diocè�e de Paris , 7 vol. in-8°. Paris. 1754. chc'z Féchoz et Letouzey (page 26 du tome IV de l'édition de 1883-1893),


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D'autres chro niqueur s veulent que cette plaine soit ainsi appelée à cause de la route de Fontainebleau, qui file absolu­ ment droite jusqu'à Juvisy, com m e un long b oyau. Telle est, semble-t-il. l'opin i o n de Trévoux, dans s o n Dictionnaire, qui écrit au m ot Long : « On dit d'un e chose longue et étroite, c'est le chemin de Ville-Juive, long boyau. C'est que le chemin de Juvisy à Ville-Juive s'appelle le longboyau. » Une autre solution nous est fournie par le simp l e examen de vieilles carte s , en particulier celle de s e nvirons de Paris, dressée en 1 690 par De Fer, qui suffit pour nous m ontrer l a présence, e n bordure d e la « route d e F ontai nebleau qui est celle de Lyon », d'une ferm e , dite la Poste de Longb oyau, l e seul écart à l'époque de la paroisse d'Orly (1). Il se p e ut que cett e ferme ait d o n n é son nom, par sa position centrale , à toute la plaine; le Dicti onnair e de Trévoux se range égalem e nt à cet autre avis en nous d i sant, au mot Ch eminf' qu e le lieu où cette ferme est bâti e s'appelle Longboyau et que c'est ce qui a donné le nom à toute cette plaine.

LA PLAINE DE LONGBOYAU EST-ELLE DANS LE HURE­ POIX OU EN BRIE? On range généralement ce pays dans le Hurepoix et cepen­ dant, tout l e distingue de cet e nsemble de plateaux m orcelés par la Bièvre, l'Yvette et l'Orge, dits Plateaux d u Hurrp oix, dan s . l'accepti on m oderne et purement géographique du mot . Le vieux n om de Hurepoix, dunt la racine Hu re signifie arb re taillé en tétard et suppos e Que ce pavs a été u n e région de culture ou de forêt dégradée, fut attribué depuis le Haut Moyen-Age à des pays très divers. . Sur les cartes anciennes, on voit errer ce pa"s entre la Seine et la Loire , selon la fantaisi e de s auteurs. Au XVII" siècle, il désignai t e ncore une rëgion mal définie au sud d u Gâtin ai� ; plus tard, l e Hurepoix fut rapproché de Paris , b i en que restant toujours à l'ouest du Loing. Enfin, au XVIII" siècle , il finit par émigrer e ntre la Sei n e et le Gâtinais, au nord-est de l a Beauce, et l'on y place l es villes de Montfort-l'Amaury, Houdan, Man­ tes. Dourdan et Ep ern on. En fait, la local i sation du Hu re p oix est t rès incertain e (2) et ce mot n'a iamais répondu à une l'édité vivante, à un n om de pavs enraciné dans l'u sage populai r e : la langue du droit et cell e des document s admi nistratifs o n t toujours i gnoré le Hurepoix. La plaine de L ongh o yau fait non moins parti e de la Rrie, dont elle n'est qu'u n avant-pays: l e véritabl e paysage briard, coupé de gra n d es for(\ts, fait seulemen t son appariti o n sur l a rive droite d e l a Seine avec l a forêt de Sénart. Aussi. Pourquoi n'essaverions-nous pas de faire revivre un term e , à p r ésent con nu des s eul s éru dits, et d ont l'emploi étaIt (1) Carte « Les En"iron.� de Paris Dressés et Dédiés à Monseigneur le Dauphin Par Son très-humhle Serviteur DE FER Sou Géogravhe Dressés par De Fer et gravés par Liébaux ». - A Paris. chez l'Auteur dans l'Isle du Palais .... 1690, 1 f c u i l.l e 0750x0520 (Bibliothèq,ue Natio­ nale : CC 1275, planche 26). (2) SUI: le. incertitudes de la localisation du Hurepoix, lire surtout (.. GALLOIS, Régions naturelles et noms de pays, Paris, 1908.


pourtant si généralisé dans l'ah ciE n temps. Il n 'est point d'actes juridiques (pièces de greffe des prévôtés et bailliages de la région, baux de fermage, etc ... ), ni de chroniqu es ancien­ nes qui ne m ention n e n t avec exactitude l a p etite région n aturelle qu'est l a plaine de Longboyau. P a r exemp'e, un bail de terres labourables sises sur l es terroir s d 'Athis , ,Uons et èz environs, fait le 30 n ovembre 1752 à Jea n Angot, marchand boucher, deme urant à Athis-sur-Orge, par Nicolas Huet, d octeur en théologie, prie u r, curé de Saint­ Denis d'Athis-sur-Orge, m ention n e un Etat des terres dé pen­ dantes du Prieuré Longb oyau...

d'Athis,

s eitu é es

dans

la

plaine

du

Nous p ourrions présenter u n e multitude de documents qui n o us pErm ettraient d'abouti r aux mêm es conclusi ons et n ous sommes p ersuadés que ce vieux terme rep rendra dans l 'histoire locale la place qu'il avait autrefois, excluant à jamais les app el­ lations fictive s de Plaine de Wissous ou Plaine de Villejuif .

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C'est à Athis-Mons et Juvisy que se termine la plaine de Longboyau vers l e sud, dans u n e molle i nflexion ver s l a vallée d e la Seine ; et c'est dans ce décor que s'inscrivent les villages j um e aux d'Athis et de Mons, où notre Société d'Etude s Locales a VII récemmen t le jour. La di gestion par la Capit'lle de ces vieux terroirs ruraux, conséqu ence directe de la création du gra n d organ isme qu'est la gare d e triage de Juvisy, a m odifié profo n déme nt ce coin d e l a banlieue de Paris et a fini par oblitérer tous l es vestiges du p assé, de quelque nature qu'ils soient. Le but de n otre Société est de fair e revivre l'histoire l ocale, e n déroulant ses différents épisodes dans l e vieux cadre d'autrefois ; et n ous espérons y p arve nir avec l 'aide e t le concours de tous n os membres. Le Secrétaire Général :

Louis BRUNEL.

L'ACTUALITE LOCALE LA NOUVELLE LIGNE D'AUTOBUS PARIS-SAVIGNY Depuis le l u n d i 7 .i uill et 1947, les Cars Phocéen s (Cars Renault) o n t cédé la place aux m agnifiques voitures blanches et vertes de l a Compagnie d u Métropolitain d e P aris. L'inauguration de ce nouveau service a été accueillie très favorablement par tous les habitants du Plateau, don t les moyens de communication avec Paris sont parfois restreint�. Cette ligne, qui porte l 'i n dice SA, a le gra n d avantage de péné­ trer plus profonclém ent à l'intérieur de s lotissement s (terminus: plac!' des Marguerites. à Savigny) et (Foffrir aux travailleurs des f�il ité s p a r l'établissement d'u n e carte heb d om adaire. D. L.

Dans notpe procha i n nu mér o :

LA CULTURE DE LA VIGNE ET SES C OUTUMES à Athis-Mons et Juvisy.


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UN AVENTURIER... DE ROBE ET D'EPEE L'ABBE JEAN DE WATTEVILLE, SEIGNEUR DE CHAIGES C'est une bien curieus e figure que celle de c et abbé qui vint, dan s le dernier quart du XVII" siècle, prendre possession du château de Chaigcs (1), dont il venait d'hériter. Cadet d'une vieille famille noble de Fr.anche-Comté, province alors sous la dominatio n espagnole, Jean de Watteville était né à Besançon en . 1613. Comme s o n frère aîné Charles, il embrassa de bonne heure la carrière des armes et servit dans le s troupes espagnoles qui combattaie n t alors e n Italie Son caractère impétueux ,)t intran­ sigeant n e tarda pas à lui attirer d e nombreuses affaires; et, à la s uite d'u n duel m ortel avec u n gentilhomme espagn ol, il dut s'enfuir de l'armée pour éviter les s uite s fâcheuses qui d evaient en résulter pour lui. Afin de se faire quelque peu o ublier, Jean de Watt eville revint e n Franche-Comté, où il entra dan s u n couvent de Chartreux et fut ordonné prêtre. Malheureusement, son esprit libre et indépendant ne put se plier longtemps à la fois à la rigidité et à l'indole nce de la vie m onacale ; durant quelques anüée s, il rongea s o n frein, tout e n songeant néanmoins à préparer les moyens de s'affranchir d'une !Utelle aussi intolérable. Ayant réussi, à la longue, ' à se procurer vêtements, pistolets, argent, et certain de pouvoir disposer aussi d'une m onture à proximité du couvent, il s'ap­ prêtait à fausser compagnie aux Chartreux, lorsqu'il fut surpris, en habit séculier, sur u n e échelle, prêt à sauter les murs, par le prieu r du monastère qui avait eu quelque s o upço n de son projet. Aux cris d'alarm e du prieur qui voulait s'opposer par la force au départ cla n d estin du Chartreux, celui-ci, sans hési­ tation, riposta par un coup d e pistolet qui s upprima le gên eur . . . et il s'enfuit . Saint-Sim o n , dans ses Mém oires, n ous raconte u n e autre aventure survenue, à quelques jours' de là, au fugitif et qui se termina, elle aussi, RaI' m ort d'homme: « A deux o u tro is journées de là, il s'arrête pour diner à un « méchant cabaret s eul dans la campagn e, parce qu'il évitait « tant qu'il pouvait de s'arrêter dans des lieux habités, m et « pied à terre, d emande ce qu'il y a au logis. L'hôte lui « répond : « Un gigot et un chapo n. - Bon, répond mon défro­ « qué, mettez-les à la broche. » L'hôte lui veut remontrer que « c'est trop de s deux pour lui seul, et qu'il n'a que cela pour « tout chez l ui. Le m oine se fâche et lui di t qu'en payant dest « bie n l e moins d'avoir ce qu'on veut, et qu'il a assez bon « ap.pétit pour tout manger. L'hôte n'ose répliquer et enibro(1) Chaig.e ou Chaiges, dans la vallée de la Seine, sur le terroir d'Athis, entr� le fleuve et J'Ory".e, était un ancien fief royal dépendant du Comté de Montlhéry. En 839, à la veille de la construction du chemin de fer d'Orléans, la propriété de Ohaiges était rattachée à ('elle du Comte de Monttessuy, châtelain de Juvisy. Acheté en 1926 par la ComPlIgnie d'Orléans, le châ{eruu de Ohaiges vient d'être abattu pour permettre l'extension de la nouvelle gare de triage de Juvisy.


-1« che. Comme ce rôti s'en allai t cuit, arrive un autre homme « à cheval, seul aussi, pour dîner dans ce cabaret. 11 en « demande, il trouve qU'li n'y a quoi que ce iOit que ce qu'il « voit prêt à être tiré de la broche. 11 demande combien ils « sont là-dessus, et se trouve bien étonné que ce soit pour « un seul homme. Il propose, en payant, d'en manger sa part, « et est encore plus surpris de la réponse de l'hôte qui l'assure « qu'il, en doute à l'air de celUi qui a commandé le dîner. « Là-dessus, le voyageur monte, parle civilement à VattevIlle, « et le prie de trouver bon que, pUIsqu'il n'y a rien dans le « logis que ce qu'il a retenu, il puisse, en payant, dîner avec « lUI; dIspute, elle s'échauffe; bref, le moine en use comme « avec son prieur, et tue son homme d'un coup de pistOLet. « Il descend après tranqUIllement et, au milieu de l'etfroi de « l'hôte et de l'hôtellerie, se fait servir le gigot et le chapon, « les mange l'un et l'autre jusqu'aux os, paye, remonte à cheval « et tire pays. � Ce double meurtre obligea notre Chartreux défroqué, au tempérament si quereileur et aux gestes si prompts, à s'éloigner le plus rapidement et le plus lOin possible du lieu de ses trIS les exploits. Il. alla donc jusqu'en Espagne. MalS là encore, nouvel avatar 1 Après le meurtre du fils d un Grand d'Espagne à Madrid même, il ne dut son salut qu'en se réfugiant dans un couvent de femmes, où il savait être en sûreté parfaite, l'abbesse étant une de ses parentes. Son séjour y fut abrégé cette fois par une aventure... amuureuse. Il séduisit, en effet, une des reâgieuses du couvent et, ne sachant plus que devenir, s'enfuit avec eUe à Smyrne, en Turquie, où elle ne tarda pas à mourir. C'est alors que l'ancien Chartreux passa à Constantinople, où il abjura le catholicisme, embrassa l'islamisme et s'engagea dans les troupes du sultan. Son esprit d'aventure, sa valeur miâtaire et sa bravoure naturelle purent se manifester et le firent bientôt distinguer. Le sultan lui confia alors le comman­ dement de l'armée tur<J.ue qui opérait en Morée contre les Véni­ tiens; mais les succes remportés par le nouveau p acha, « l'homme de confiance en Morée », suscitèrent la jalousie des aUtres vizirs. D'autre part, l'autorité que lui conféraient ses succès militaires, dont les Turcs seuls tiraient profit, sa renom­ mée personnelle grandissante, mais néanmoins assujettie au bon plaisi r du sultan, !'incitèrent-elles à .envisager la possibilité de renouer avec le monde chrétien des relations aventureusement rompues depuis son évasion du couvent des Chartreux. Il semble bien qu'il ait profité de ces circonstances pour faire un retour sur lui-même et obtenir, par l'entremise de ses adver­ saires eux-mêmes, la remise, par le chef de la chrétienté, de ses nombreUx méfait" passés. Saint-Simon dit à ce sujet dans ses Mémoires,' « Il s e crut « en état de tirer parti de sa situation, dansi laquelle il ne « pouvait se trouver à son aise. Il eu� des moye ns de faire Gouvernement de là République (c'est-à-dire au « parler au « Gouvernement Vénitien) et de faire son marché avec lui. force « I l promit verbalement de livrer plusieurs pl ace s et « secrets des Turcs, moyennant qu'on lui rapportât, en toutes « les meilleures formes, l'absolution du Pape de tous les méfaits � de sa vie, de ses meurtres, de son apostasie, sûreté e nt iè r e « contre les Chartrèux, et de ne pouvoir être remis dans aucun « autre ordre, restitué plénièrement au siècle ave c les d roit s « de ceuX: qui n'en sont jamais sortis, et p l ei n eme nt à l'exer-


-7cice de son droit de prêtrise, et pouvoir de posséder tOUi bénéfices quelconques. Les Vénitiens y trouvèrent trop bien « leur compte pour s'y, épargner, et le Pape crut l'intérêt de « l'Eglise SI gra n d à favoriser les chrétiens contre ies Turcs, « qu'i! accorda de bonne grâce toutes les demandes du pacha. « Quand i l fu t bien assuré que toutes les expéditions en étaient « arrivées au gouvernement en la meilleure forme, il prit si « bien ses mesures qu'il exécuta parfaItement tout ce. à quoi « il s'ét ai t engagé envers les Vénitiens. Aussitôt après, il se « jeta dans leur armée, puis sur un de leurs vaisseaux qui le « porta en Italie. Il fut à Rome, le Pape le reçut bien; e t plei­ « nement assure, il s'en revmt en Franche-Comté llans sa « famille, et se plaisait à morguer les Chartreux. » En 1659, le voilà donc rentrant au pays natal, au sein de sa famille, et, grâce à l'intervention efficace de l'empereur d'Allemagne auprès du Sai n t -Sièg e , pourvu par le Pape de l'abbay.e de Baume-les-Messieurs (sise à quelques kilomètres de Lons-le-Saulnier, la deuxième en importance de la Franche­ Comté, oà vivaient des Bénédictins de la Congrégation de Cluny) et de quelques autres avan tàges intéressants, sans oublier la rémission de tou s s·es méfaits passés. Pendant le quart de siècle qui venait de s'écouler, et durent lequel le cadet des WaUeville avait mené une vie toute de ' désordres, d'aventures et d'intrig ues, i'aîné de la famille, Char­ les, avait fait son chemin d'une façon beauco up plus honorab l e . II avait accédé dan s le service du roi d ' Espa gn e aux plus hautes charge s militaires. Maréchal de camp e n 1647, il a vait été placé à la tête de J' arm ée navale es pagn o le qui, pour sou te­ nir Condé et la Fronde, était venue en 1650 mettre le blocus devant l'embouchure de la Garo n ne . Il avait e nsuite pris p art , aux côtés du p remier ministre de Philipp e IV d'Espagne, don Lu i s de Haro, aux vingt-quatre conférence s prép ar a toires au traité des Pyrénées, en 1659. La fav e ur roya l e l 'av ait appe lé en 16 60 au gouvernement d e la province ·de Guipozcoa, et envoyé comme ambassadeur à Londres. Il est c urie ux de constater que les deux frère s se sign alèrent à l 'atte ntion de Louis XIV et de ses ministres, m ais p o ur des raiso ns diamétrale m e n t opposées. En effet, la s i n gu l arité de la vie tant a gitée e t si fertile e n intrigue s d u cadet p ermettait de le considérer (au cas où des négociation s seraient e ntamée s avec l'Es p agn e et n'aboutiraient pas) com m e u n auxiliaire précieux s'il fallait recourir à u p e solution de force. C'est p en­ dant la premi è r e con quête de la Franche-Comté (1668) qu e l'abbé de WaUevil le - devenu en 1664 haut doye n du chapi­ tre de Besançon, et, en 1665, premier m aître des requêtes au Parlement de DÔle. -- ve n dit ses s ervices à la cause de L o ui s XIV en trahissant ses compatriot�s qui l'avaien t chargé «

«

de négoeier avec le roi de France. La paix d'Aix-Ia-Chapelle (1668), e n conservant l a Franche-Comté à l 'E s pa g ne, l'obligea à qu itter son pays et à se réfugier en France . Au contraire, fidèle à s o n m o n arque, son frère .avait failli, e n 1661, amener u n e rupture entre l a Françe et l 'Esp agne, en réc l a mà nt à L o n dre s , où il était ambassadeur, la préséan ce sur le comte d'Estrades, amb assa d e u r de France , et en l a prenant même d e force dam une cérémonie publique 00 octobre 1661). De'vant cet o ut r age fait à so n représentant. Loui s XIV chassa l'ambassadeur d'Espagne et rapp ela incontin ent son mini s t r e à Madrid. Il e xig e a en outre et reçut devant u n e nombreuse


-8assistance de diplomqtes étrangers, à Fontainebleau, les excu­ ses publiques de l'Espagne, présentées par un envoyé spécial. Charles de Watteville, après cet esclandre, avait été rappelé à Madrid; il fut chargé alors du gouvern�ment de Bis caye, comme vice-roi, et en 1669 ambassadeur à Lisbonne, où il mourut en 1670. Quant à Jean de Watteville, il ne put rentrer en Franche­ Comté qu'après la deuxième conquête de cette province, pen­ dant laquelle, déclare Saint-Simon, « il y servit fort utilement, « mais ce ne fut pas pour rien. Il avait stipulé l'archevêché « de Besançon, et, en effet, après la deuxième conquête, i l y « fut nommé. Le Pape ne put se résoudre à lui donner des « bulles : il se récria au meurtre, à l'apostasie, à la circonci­ « sion. Le roi entra dans les raisons du Pape, et il capitula qui se contenta de l'abbaye de « avec l'abbé de WaUeville, « Baume, 111. deuxième de Franche-Comté, d'une autre bon ne « en Picardie et de divers autres avantages. Il vécut dans ses « terres, quelquefois à Besançon, rarement à Paris et à la cour, « où il était toujours reçu avec distinction » . I l mourut à l'âge d e quatre-vingt-dix ans, e n 1702, et fut enterré dans l'église de Baume où on lui éleva un magnifique tombeau sur lequel on grava cette épitaphe latine : /talus et Burgon dus in armis, Gallu s in .4Ibis, In Curia reclus proes byter, Abbas adest.

Ce qui peut se traduire ainsi : « Guerrier en Haiie et en Bour­ « gogne, diplomate en France; dans son Chapitre, prêtre « correct, tel fut l'Abbé qui repose en ce s lieux. » A cette épitaphe un peu trop louangeuse qui donne néan­ moins un raccourci assez exact de la vie de ce seigneur de Chaiges, il paraît opportun de joindre les réflexions de Saint­ Simon qui fait de lui l e portrait suivant : « Il avait partout beaucoup d'équipage, bonne chère, une « belle meut e, grande table et bonne compagnie. Il ne se « contraignait point sur les demoiselles, et v i vait non seule: « ment en grand seigneur e t fort craint et respecté, mais à « l'ancienne. mode, tyrannisant fort ses terres, celles de ses « abbayes, et quelquefois ses voisins, surtout chez lui très « absol u . Les intendants p l i a i ent l es épaules, et par ordre « exprès de la cour, tant qu'il vécut, le laissaient faire et « n' o sa i e n t le cl:oquer en rien, ni sur les impo si t i ons, qu'i l « r égl a i t à peu p r ès comme bon lui semblait dans toutes ses « dépendances, ni sur ses entr ep rises, assez souvent violentes. « Avec ce s mœurs et ce maintien qui se fa i s a it craindre et « respecter, il se p lai sait à a l le r quelquefois voir les Chartreux , « pour se gaudir d'avoir quitté leur froc. Il j o uait fort b i e n à « l'hombre et y gagnait si souvent codille que le nom d'Abbé « Codille lui en resta. Il vécut de la sorte, et t ouj ours dans « la même licence et dans la même cons i déra ti o n ... »

M. LEROY, Dir e deur hon oraire d'éroie p ublique.


- li .-

A

LE CHATEAU DE JUVISY 11 y a près de neuf siéc,es que des moines bâtisseurs constrUi­ saIent à JUVISy un monastère qUI allaH <levelllr le cœur du vIllage, à l'enuroit même où s'elevait l'ancIen Hôtel <le V Il.e, détrUIt par les bombes dans la nuit du 1l) au 1 Il aVrIl l !l44. En eitet, c'est à la fin du XI' sIècle que les mOIlles <le .vlar­ moutiers-les-Tours viennent s'établIr sU1' l e sol de notre COIll­ mune actuelle. Au pied de la « montagne » (1), à proximite Ul'S marais bordant la SeIlle et l'Orge, ils élèvent leur monastere, une petIte chapelle, et commencent l'assaullssement de la vallee. Peu à peu, les hommes se groupent autour de la communauté religieuse, les maIsons se constrlllsent: le vlJJage est créé. Ces moines de Marmoutiers restent longlemps les véritatJH�s seigneurs de Juvisy; et ce n'est que sous le règne de Charles VI qu'Ils cèdent le temporel de leur s droits aux seigneurs laïques. Dès lors, une parllC du vaste domaine ecclésiastIque devlCnt le bien du seigneur laïque, qui établit Sa demeure seIgneuriale à l'emplacement du monastère primitif. Cependant, le véritable château de Juvisy n'apparaît que sous ROSSIgnol des Hoches, premier seigneur haut justicier du vil­ lage. .En 1610, Messire Antoine Rossignol des Roches; président de la Chambre des Co�ptes, conseiller du roi, achète à la famille de l'Hospital la terre de Juvisy et fait agrandir et res­ taurer le château dans le style Louis XIII. Ce château, formé d'un corp� de bâtiment central flanqué de deux ailes, était surtout remarquable par les tableaux qui ornaient deux plafonds. Celui de l'oratoire de la châtelaine, attribué à Lesueur, représentait la Vierge guidée vers le ciel par la Sainte Trinité. L'n, autre appartement, situé dans le bâti­ ment central, possédait également un magnifique plafond où l'on reconnaissait :\11"" Rossignol des Roches, la « divine Châte­ laine », personnifiant la Providence c t entourée du .Temps et des Parques. Plusieurs chroniqueurs attribuent également cette peinture à Lesueur; c'est une erreur, car c'est à Coypel que nous devions cette merveille, détruite malheureusement lors du terrible bombardement de 1944. La cour d'honneur s'étendait jusqu'au canal d'Orge, qui s'élargissait en face du château, formant de s bassins sur lesquels pouvaient évoluer des barques. Au delà de l'Orge, une allée seigneuriale, bordée de tilleuls, permettait de gagner le « Che­ min de Lyon ». Courtisan accompli, favori de Richelieu, le seigneur Rossi­ gnol des Roches reçoit plusieurs fois, en son château, le roi Louis XIII. En effet, le monarque vient à Juvisy le 12 août 1632, le 19 juin 1634, le 19 juin 1635 et le 12 juillet 1636. Si ce seigneur sut plaire à Louis XIII, il gagne également la faveur' de Louis XIV et cherche à attirer le Grand Roi à Juvisy. Espère-t-i! que Louis XIV fera de Juvisy son « Versailles »? Peut-être. Mais ce n'est tOtit au plus qu'un rêve de courtisan, car aucun document historique ne nous autorise à affirmer que Louis XIV voulut établir sa résidence royale à Juvisy. (1) C'était ainsi que l'on désignâit I,e coteau autrefois.


-1' Cependant, un jour, le carrOSie du roi débouche de la magni­ fique allée de tilleuls et pénètre dans la cour du château: le « Hoi Soleil» est l'hôte de son conselller. Il passe la nUlt dans un beau pavillon que Hossignol des Roches vient de faire constrUll'e à l'extrémité de l'aIle méridionale du château. L'ar­ chitecture 1 de ce « Pavillon Louis XIV » contraste avec celle, un peu sévère, du château. La façade, ornée de bustes antiques, porte de nombreux motifs encadrés de coquillages et de petItes pierres blanches . UJlIoescalier, copié sur celui de Fontainebleau, conduit à un grand salon somptueusement décoré de fresques à l'italienne représentant des scènes de la Mythologie. Le roi ne couche qu'une nuit dans ce pavillon construIt, dIt-on, à son intention. En 1 (jt;3, Ro ssignol des Roches meurt, et son épouse gardera le domaine jusqu'en 1690. Un an après la mort du premier seigneur haut justicier de Juvisy, « Mademoiselle », nièce de Louis XIV, épouse le duc de Savoie. Après la cérémonie, « Monsieur », son père, l'accompagne en carrosse jusqu'à Juvisy, où ils passent la nuit au château; le lendem a in, la princess e poursuit sa route vers la Savoie. En 1706, Antoine Portail, président au Parlement, achète le domaine de Juvisy qui, en 1717, devient la propriété de Louis de Brancas, Grand d'Espag n e, chevalier de la T oison d'Or, lieutenant général du roi et au gouvernement de Provence. Puis, jusqu'en 1791, se succèdent le s seigneur Coupart de la BloUerie, François Pajot, et me.;sire Claude-.Tean-Baptiste Bro­ chant de Villiers, dernier seigneur et maître incontesté de Juvisy; dépossédé par la révolution. A prè s le départ de messire Brochant, l e château est acheté par M. Poujaud; puis, en l'an VII, par M. Sevennes. Enfin, sous le Premier Empire, en 1807, le domaine comprenant le château, le parc et, les terres, 'devient la propriété du comte Gustave de Monttessuy, ancien secrétaire du roi, munitionnaire général aux Invalides. Le comte reçoit à Juvisy une nombreuse société, nouvelle noblesse impériale, artistes; et, dans les salons du château, M. Louis de Monttessuy, frère du comte, brille par son esprit. De nombreuses fêtes sont données à l' « O rangerie », construite p rè s du château et touchant le mur de l ' église. Isabey, le peint re du cabinet de Napoléo n , est souvent l'hôte des maîtres du château. Après. la mort du comte de MonU essuy , le domaine revient à son fils, Rodolphe-Auguste-Gustave, dont l'épouse, Pauline­ Madeleine-Ximénès de Helfenstein, comtesse d e Montt essuy, s e r a la de'rnièr e prop riétaire. De 1857 à 18,59. ce vieux château h is tori que est une fois de plus restauré. La comtesse de Mon ttes s uy , ap r ès la m o rt de son mari, habit e le château durant de lon�ues années et, à la fin d u XIX· siècle , la propriété est morcelee et vendue. La mun icipalité de Juvisy achète le château en 1900. Dep ui s la création de l'école l aïqu e , la questio n des bâtiments scolaires était une des plus a r d u es à r ésoud re. Le nom b re des enfants augmentant sans cesse, les b ât im e n ts de la ru e d es Ecoles (rue Vin ot) devaient constamment être agrandis. De plus, en 1897, la vieille mairie ne répondait plus ltux besoins nouveaux, Mais, ava nt d' entreprendre des n ég ociatio n s, le Cons eil muni­ cipal veut connaître l'avis de s habitants et, en 1898, « s ou m e t à réf é r en d u m le proiet relatif à l ' ac quisit ion du château ». L e texte de ce référendum est a dre s sé à t ou s les citoyens: «, Le


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Conseil municipal a décidé l'acquisition

du

château

et

de

8.000 rn't de terrain y attenant, moyennant le prix. de -70.000 fr.

La mairie sera installée dans le bâtiment central; l'école des filles dans l'aile droite; le presbytère, le logement du secrétaire, le bureau du percepteur, salle de justice de paix, garde-cham­ pêtre dans l'aile gauche. Une place de 8.00U m" de surface, une rue percée au coin de la Grande-Rue et de la rue de la Mairie; une autre ouverte en face de la mairie actuelle (rue des Ecoles ou rue Vinot) et descendant jusqu'à l'Orge complé­ 'teront l'ensemble des travaux d'utilité communale dont le plan général a été arrêté par le Conseil. Tel est l'ensemble du projet sur lequel nous vous appelons à émettre votre vote. » Le vote a lieu le JO juillet 1898; les Juvisiens acceptent la réalisation du projet et, en 1900, le château devient propr.iété communale. . Les aménagements sont rapidement exécutés et, en 1901, l'éCOle des flUes et �a nouvelle mairie sont inaugurées solennel­ lement. Pendant quarante-trois ans, le s appartements des anciens seigneurs de Juvisy abriteront les services municipaux de notre vieille cité; mais, dans la nui t du 18 au 19 avril 1944, le « château de Juvisy » devait s'écrouler en grande partie sous les bombes alliées. Louis LAMARQUE, Directeur 'de l'école Jean-Jaures, Juvi'Sy.

(26, avenue Frédéric-Merlet.)

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� ';'H1S'410.v{" LES CHASSES ROYALES ET SEIGNEURIALES ET LES PAYSAN?cm.� o

DANS LE SU D DE PARIS Avant l'abolition du régime féodal, proclamée pendant la révolution par ]' Assemblée Nationale en 1789, les paysans avaient de nombreux motifs de se plaindre non seulement des impôts particulièrement durs qui les accablaient, mais encore e t surtout des multiples inh ibition s et deffences qui les empê­ chaient de cultiver leurs terres en toute liberté et sécurité. L'une des charges qui pesa, sans aucun doute, le plus lourde­ ment sur les communautés rurales des environs de Paris, était le droit de chasse qu'avaient le roi, la famille royale et les seigneurs sur les terres leur appartenant ou sur lesquelles s'étendait leur juridiction.

LES CAPITAINERIES Depuis une épo que fort reculée, la chasse, considéré e comme une occupation noble et réservée aux seuls gens de qualité, avait do nné -peu à peu naissance à toute un e organ i satio n admi­ nistrative qui, pour les plaisirs du roi et de's sei gne u rs , détour-


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naît les terres de culture de leur véritable destination et les transformait plus ou moins en terrains de chasse: c'étaient les Capitaineries qui avaient pour objet de « protéger » le gibier et de luvoriser su' reproduction. Les Lapllallleries, englobant généralement une grande forêt (tiénart, Hougeau, Fontainebleau, Séquigny...), constituaient à la fois une cIrconscription territoriale, un organisme admmis­ tratif et judiciaire, et un service destiné à assurer le fonction­ nement des chasses royales et seigneuriales. Leur origine remonte à François 1"r qui les créa par un édit du mois de mars 1515; mais elles ne furent véritablement organisées qu'une vingtaine d'années plus tard, car la plus ancienne passe pour être celle dl' Fontainebleau, établie par une ordonnance de 1534. Au cours des années, le nombre des Capitaineries de chasse s'était beaucoup accru, soit par suite de diverses autorisations royales, soit simplement parce qu'un çertain nombre de seigneurs s'étaient arrogé ce droit. l'our mettre fin à ces· abus, Louis XIV ordonna à tous les officiers de chasse, dans sa Grande Ordonnance du mois d'aoùt 1669 sur les Eaux et Forêts, de justifier des titres d'érection de leuq, Capitaineries. Seules furent exceptées de cette mesure les huit Capitaineries royales de tiaint-Germain-en-Laye, Fontainebleau, Chambord, du Bois de Boulogne, de la Varenne-du-Louvre, Livry, Vincennes et Compiègne. Un arrêt du Conseil d'Etat du Roi, en date du 13 janvier 1698, rangea la Capitainerie de Corbeil parmi les Capi­ taineries réservées, en même temps que celles de Monceaux, Blois et Halatte. Une déclaration royale du 12 octobre 1699 y ajouta la Capitainerie de Limours et en supprima environ doixante-dix; parmi ces dernières, on peut citer les e:apitaine­ ries de Longjumeau et Longboyan, de Séquigny, de Montlhéry et de Dourdan (1). En dehors des forêts, quelques grands domaines étaient spé­ cialisés dans l'élevage du gibier de choix. L'un des plus' renom­ més dans notre région était la « Faisanderie » du Parc de Vil­ leneuve-le-Roi qui faisait partie de la Capitainerie royale de la Varenne-du-Louvre; c'est là que sc pratiquaient les é lèves de faisans, de perdr ix gr ises e t de p erdrix rouges sur une superficie de 320 arpents. Mais, ce qui coùtait le plus au paysan, c'était la p lantat i o n de

remis es tant vate s que seches a u milie u mêm e de ses héritages .

En efret, pour assurer l a protection du gibier ailleurs que dans les forêts et les Faisanderies, les Officiers des chasses enle· vaient aux cultivakurs des portion,> de leurs terres pour les transformer en remises de chasse,. sans aucun égard au droit de propriété (2) . Ces remises, qui servaient de refuge à une quan­ tité innombrable de gibier et causaient la ruine des terres voisines, étaient dites seches lorsqu'elles étaient exemptes de toute végétation; le plus souyent, elles étaient vates, c'est-n-dire qu'on y plantait des joncs, des troènes, des genêts et autres (1) Robert de COURCE.L, La Forêt de Sénart, Etude historique, 1 vol., Paris, 1930, chez E. Champion. (Mémoires de la Société d'Histoire de Paris, tome L.) (2) On peut se rendre compte de la multiplicité des Remise� en consultant les Plans de l'Intendance de chaque paroisse, étâblis de 1781 à 1785 (Arch. Dép. : Athis Ct N° 7; ,Mons CI! N° 75; Juvisy Cl! N° 215'; Savigny C3 N° 12; Viry et Châtillon ca N° 95) et Iii Carte de, Chasses de l'Ingénieur Berthier (A.D. : Salle de lecture).


arbustes. De form e carrée oli r e ctangul a i r e el l e s p ouv a i e n t avoir u n e ét endue vari a n t de que l q u e � <I r e s à plus i e u r s hec­ tares (1) et port a i e n t le nom du lieu-dit o ù el·l es étaient établ i es : Remises de la Couture, de Vall i ère, du M o n e t , des Faisans (Vi i ­ len euve-Ie-Roi ) , d e la Jus t i ce , d u Para dis, des F r o i d e s Bou i l l i e s ( At his- M o n s ) , des Cent Arp e n s , d e s 1 8, o e s 28 ( Juv i s y ) , d e s C aill es, d e l a M a ri n i è r e (Savi gny ) . Enfin, tous ,les S ei gll e ll r � avai ent 1(> d ru J t e x c l u s i f d e c h a s s e r d a n s l'ét e n o u e d e leur j n s t i ce, m ê m e f, i l e t e r r ; loin' d e i e u r Seigneurie n 'éta it p O l llt comp r i s d a n s u n e C a p ita i n e r i e . En consé q uence, l 'Article X d'un R è gl c m e n t d e p o l k e d e l a l' I'évôté Moy e n n e et B a s se Justice d e J u v i sy-sur-Orge, i n date du 22 décembre 1 730, faisait « in h i b i tions e l deffen res il tOIlS lew .

habitans et p ar t i c u l i e rs n'ayan t (Il/C llll dr o i t " de ne pas s ' i m m is ­ c er d'aller à l a c h asse s u r les tenes de c e t t e Seig n e u r i e . d e n'avo ir a u c u n fu s il e t a u tre s ins trum e nts c h e z e ux, à pein e de confiscation d' y c e u x et m êm e d ' (!Js tl'e P O I/I'S ll Î V yS extmo rdinaέ rem en t, s u ivant ln l'ig u e lll' de l' o rd on n an c e e t telle am e n d e q ll ' il appartie ndra » , car Je fait d e chasser causait u n tort préjudi­ c iable et constituait un a t t e n t fl t c on tre les a u t orités et dr o i t s

tant du S eigneur Hau t Justi cier qU é' d u S ei g n e ur Bas el :\'10 y e n Justicier (2),

LES O F FICIERS DES CHASSES - LES GAR DES-C HASSES Cha q ue Capitainerie avait à s a têt e un C apitain e dont dépen­ daient plusieurs lieutenan t s , u n greffier, un pr o cureu r et d e n ombreux gard e s ; c e s derni ers con n a i s s a i e n t d e s d é l i t s d e chasse q u ' il: p ouvaient const ater au cours d e l eu r s tournées e t étaient, d e p ar leurs fo n ctions , e n rapport quot i di en avec l e s paysans q ui l es craignai en t comm e l a peste e n rai son d e leur m orgue et de l eur sans-gêne . ' En outre, les seigneurs n o m m a i e n t eux-m êmes des gardes­ chasses pour l a surveill a n c e d es terres de l eur S eig n e ur i e C 'est ai n si que le 9 avril 1 7 8 2 , un habita n t d'Athis, L ouis-Juillien Noèl, se voit accorder l e s provisions de gar d e-chasse , bois et rivière d e l a t er r e et Sei gn e urie d'A.this-sur-Orge, p a r Messire de Gourgues, Seigneur châte l a i n d e ce lieu (3) . Après avoir entendu plusi eurs tém oin s d o n t Mes!iire .Tea n-Robert Q uil l et. p rieur-curé d'Ath i s , .T ea n - B ap t i s te Pap avoj n e , gar de-chasse des Plai sirs du Roy à La Varenne-du-Louvre, demeurant à Mons, et Guillaume Gary dit Soula d , garde-chasse en f o n ction de l a >

.

( 1 ) A Villeneuve, le R o i 'po s s é dait u n e Rem i s e qui avait plus d'ru n e l ieue de l o n g et traversait t o u t e l a Plain e B a s s e , c'est-à-dire la partic du terroir s'ituée d a n s l e fon d d e ,l a vaHé e d e l a Seine. (2) A cette époque, .Juvisy avait d eux Seigneurs : d'unc p a rt M on ­ seigneur l e Marqu i s de Branca s, Seigheur haut ju stici er, d e l'autre MM. les Directelu r et Supérieur du Gran d S é m i n aire d'Orl é a n s , Sei­ gn eurs moyens, b a s j u s t i c i er s et fonciers d e Juvisy. U n article du Bulletin donn era uItérfeurement une d é fi n it i o n de ces d i fférent s de'g rés de j uridicti on. ni) De 1778 jusqu 'à l a R évolution, M e s s i re Alexis-Fran ç o i s -Joseph d e Gourgne s, Comte de ,C astel Meyran , Seigneur d e Ca stes S a i nt-Juli e n , fut l e dernier Sei,gneur ch â t e l a in d e s « Terres, S e i g n e u r i e e t Chatel­ lenY'el d'Athis-srur-Orge, d e Jean Dupuis ou Pied-de-Fer. d'Avaucourt. de Brétigny-sur-Mons et autres l i eux 'en ,it'� p e n (lants » .


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u

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Seigneurie d'Athis, qu i déclarent tous connaître le dit Noèl « pour être de la Religion cath olique, apos tolique et romain e. et de b o nnes vies et m œ zl1's » , le Bail ly Marc-Antoine L aget Bardelin le re çoit en l 'état et office de gar d e- chasse et lui fait prêter le s erm ent « d' observ er les ordonnances et règlemens des eaux et forêts et c e ux du Baillage, e t de v e iller â la garde de la chass e et p êche dépe ndants de c et te Seigneurie, et des déli� qui s'y c ommettrons, d' en faire son raport en notre Greffe, et les affirmer f;inc ères et vérita b les dans les vingt­ quatre heures . . . � A Juvisy-sur-Orge, en plus de s deux gard es-chasse s qui veil­ laient spécialem ent à la prote ction du gibier sur ce terroir, deux jeun es gens, Michel Ros signol et Pierre C a rpentier, sont nom­ més selon la mêm e procé dure en 1780 « gardes de,:; chasses de M. Bro chant (1) dans. la Forêt de Sain te-G enev iève, dite de Sé­ qu ign y, ès lie /lx où le dit Se ign e ur a le droit de chas.�e » .

LES ORDONNANCES DE C HASS E ET LES PAYSANS Les Ordonnances de chasse é t a i ent réglées de tel l e façon que l'activité agricole d ép endait étroitement d e l a vie du gibier. II était défendu· aux c ultivateurs d'échardonne r, de nettoyer leurs grains, d 'ôter l e s mauva i ses herbe s et d e l e u r donner l es façons nécessair es (roulage, h e l'sage . . . ) après l e 1 5 m a i , d e p eu r d ' « effarouche r » l e gibier. Or, i l s e trouvait qu'à c e mom e n t de l 'a nnée le s m auvaise s h erbe s n'étaient pas encore sorties ou ne faisai ent à peine que germ e r ; et, elle s arrivaient en pleine croi s s a n c e lors qu'il n'était plu s possib l e d'entrer d ans l e s cham p s . E l l es étouffa i ent alors l es grains, causaient la stérili t é ct détruisai ent les esp éra n c es dù cultivateur qu i , p ar c e moy en, voyait « la subs istanc e des h o m m es ronsommée de p ré­ féren ce aux an im alIx » . O n n e pouvait également fau ch er l e s p ré s , les l uz e rne s e t les s a i n fo i n s avant le t e m ps prpscrit par les Ord onnanc e s , mêm e l or s q u ' i l s étaien t arrivés à m aturité, sous le p rét exte d'e n dom ­ mager l e s ni d s d 'oise aux ; aus s i , il arrivait souvent que, ne po u ­ v a n t p rofit e r d u b e au temps, l e s foins étaient p e r d u s , qu and ils n'é taient p a s d é j à forte m e n t entamés par l e gibi e r . Les regai ns , provenant d e c es m l- m e s fourrage s , ép rouvaient l e m ê m e SOl't, car l e s gard e s l e s m a rq u a i ent pour l e s ch a s s e s , c'est-à - d i r e que l ' entrée e n était défe n du!" aux l é gi tim e s p ropriétair e s . . :\fon s eu­ lement ces regains ét ai ent perdus pour le c u l tivat e u r p arce qu 'on oub liait presque t oujours de l e s lui p a y e r ; m ais encor e . s 'il était pr i s à traverser s o n héritag e , l e s gard e s lui fais aient vers e r des amende s énorm e s , « étant jU(lcs et parties, n'ayant Lorsqu'après tant d e d'autres supérieu�s qu'ellx-m êmes » . déboi r e s , il obtena i t la p erm i s sion de fau che r et de rentrer ses foins , il fal l ait, auta n t q u 'i l y avait d e nids d e faisans, per drix et autre s oise aux , l aisser unr forte touffe de fourrage « de ln grand e llr d'env iron neuf p ieds carrés. » Po»r faciliter la circulation du gibier, il n'était pe rmis il personne d e s 'enclore d ans son p ropre te rrain sans des auto­ risations particul i è r e s e t très coÎlteuses . Enfi n , on obligeait l (' s

(1) M. Claude-Jean-Baptiste Brochan Ecu yer, Conseil ler Secréta i r e d u Roy, fn t de 1 7 7 7 à 1 789 J e d e rn i er S,edgneur Haut justi ci er d e Juvisy.


- 11 auquel il s devaient payer une amen d e s a n s p ouvoi r s 'expliquer ; et, si l'on v o u lait faire v o ir c lair et pro uver les raisons, on doublait l'am e n d e Jusqu'au p o i nt de ruin e r les p au­ vres gens . Louvre

les paysan s à ép iner l e s terres à l eurs frais à différentes é p o qu es d e l ' a n n é e ; et, faute d e le faire, on les a ssignai t au Mai s , le tnal était plu s gra n d auto u r des forêts, p a r s u i t e d e la présence d e « bêtes fau v es » ( c erfs , b i ch e s , chevreuils, s an­ gl iers) qui venaient m a nger l e s jeunes p ouss es ou s e l ivra i en t à des galopades effrénée s à travers l e s culture s . Le 2 6 août 1 753, l es l o cataire s e t p r o p ri é tai r es d e vignes d e Montgeron son t convoqués d'urge n ce d a n s l a s oi r é e p ar lI" garde-messier Fra n ç o i s Heurtaux pour faire l a garde d e s viqnes et empesch e r le dégâ t des b ê te s fauves ; m al gr é c es pr é c au t i o n s , l e garde-messier constate a u petit j o u r que plusie urs biches et

cerfls ont c o uru pendant la n uit dans les v ign es du lieu de Ble ignery q u'ils ont endommagé es. II y avait bie n des g ar d e s-b i c h e s qui veillaient l a n uit à écarter l� gi b i e r de s récoltes, ai dés d'un ou de p l u s i e u r s ch i e n s ; le s gardes-chass es les gê n a i e nt d a n s l e u r mission et tirai ent même sur les chie n s lorsqu'ils s'él oignai ent p our déranger le gibier. En sus de ce s désagréments, l es l o c a l i t és river a i n es d e s forêts s'étaient vues d é p osséd e r p ar l es Se J gn eurs des d foits d'usa/le et de pâtu ra/le qu'ell es avaient dans les bois de temps i m m é­ mori al e t qui tenaient u ne si grand e place d a n s l'exploitation agricole . A v a n t l e XIIIe s i è c] e . la forêt était trè s étroiteme nt a ssociée à ] a vie ru ral e qui lui d e m a n d ai t de satisfa i r e à qu el mles-uns d e ses bes oin s les plus p ressants : ell e offrai t , en effet, aux hab itan ts des l i eux avo i s i n a nt s u n e ab o n d a n c e d e re ss o u r c es, dont n o u s n e n ous faisons plus i d é e à ] 'heure a ctuelle et d ont il s pouvaient disposer, grâ c e à c e s droits confirmés p a r des Edits r o y a u x e t par la C outiim e. La forêt fourn i s s :l i t d'abord u n cert a i n n ombre d e produits i n d u stri el s . où l e b o i s iou:lit le rôl e es se ntiel : bois d e c h a u ffa ge , torch e s . bo i " d e constru cti o n sous forme de poutres. de tra­ verses (car l l' s m a i s o n s en ni erre éta i e n t rares) . d e pl a n ch ettes (nour les tolturl'S ou le r e v êt l' m e n t des m u rs) , f: uwts p ou r con­ sol i d er 1 1" 5 ch e m i n s . Tout u n m on d e d e h o f.� ille u rs p :l rcourait ] a forêt ou v b iHi s s a i t Sl'S hutte s : c h :l rh o n n i e r s . ch ercheurs <'f e c i r e s a u v a ge . fa iseurs d e cen ilre ( f a b r i c a tio n du ' verre e t d u s a von ) . a r r :l ch e u rs iI 'pcorces (pour tan n er 1 1" 5 c u i r s , trpsser ] ps cord es ) . La forêt fou t'n i s s a i t en core u n e fon l e ne p r o il n Ï f s a l i ­ m ent�Tres : d e s fain e s nour e n pxpri m p r l 'h u il e . du m i el . du h on hl o n sauvage ; il e s fruits sauva!!es à l a s a v p ur I\ rre. m a i s très rech er('h�s il une ép o au e olÎ l A tech n i au e n n greffa ge ét :l l t p l'U rén :l n n n e (n om m f's . n o i r f' s , a l i zf' s . n r u n e11 ps . . . ) . A . ces <'fifférents p r o d n i t s . H fInit a i outer l a vi a n n e n e" a n i m �nl X tués à 1 :1 c h :l ss e mIL de m ê m e nn 'n n e Itr:l n d e . qll :l n ti t é de p l a n t e s . entr:l i en t ] 11 1'­ !!pm e n t iI :l n s 1':1 l i m e n fati o n il e s S e i !!n purs . m :l i " a u s s i il a n s c f'll e li e s m :l THln ts sous form e dp soun e s. nI" d é c octi o n s et ne s i ro n s ; S:lns Ollhl ier l e c u i r il e s b N e s ml i é t a i t envové d a n s l e s ta n n p­ rip", urb A i n e s ol1 s p i !!n euri a l f' s l't travaill é dan s l e s ' at el i e r s d l" reliurf' il p s bibli oth è(Jues m onasti ques . La forêt servait avant tout de terrain de p âture et c'ét ai t l à


Ir tvl 5 lt L. -- 18 - -� ( son principal r ôle économi que : par ses feuilles fraî ehes, ses jeunes pousses, l'herbe de ses sous-bois, ses glands et ses faines, ell e permettai t d 'entretenir facilement un troupeau assez con� S'6C

sidérable. Les villages y envoyaient leur bétail ; les grands Sei­ gneurs y élevaient parfois à demeure de vastes trou p eaux. Petit à petit les Seigneurs, p a r la jalousie de leur gibier, p ri­ vèrent les Communautés rurales de leurs droits, afin de se livrer sans enfraves à leur amusement favori : la forêt finit par deve­ nir uniquement un terrain de chasse royale ou seigneuriale. Les habitants de Viry, Grigny, Saint-Michel-sur-Orge, Roziè­ res, Sainte-Gene viève et Longpont avaient de tels droits d'usage et de pâturage dans la Forêt de S é quigny qui cOQ.sistaient à « faire pâtu rer le u rs b ête s quelc o n que.s dans l a dite forêt et b u isson s adja c ents, en le u r donnant des clail'Ïns, y prendre le b ois-mort et le m o r t- b o is , et enl e ve r les fru its q u i y cro issent. » Ce droit, que les village o i s possédaient depuis une haute anti­ quité, étai t consigné dans un très grand nombre de titres. notamment dans un Arrêt fiu ParlE'm E'nt de 1518, dans plusieurs Jugement s de Cours souveraines et de j uridictions inférieures ; i l fut confir m é pal' Charles IX en 156 1 E't par Henri IV en 1603. A Morsang-sur-Orge, I E' g h abitants é taient d e m ême « en p o s ­ s e s s i o n e t j o u i'Ssan c e de c o u p e r l'h e r b e v erte et s e c he, de c o uper les b o is m orts e t secs, e t de pâturer les b estiaux en t o ute sai­ s on, excepté depuis le 25 avril jus CJ u'a u 25 m ai » ; cette dona­ tion fut confirm ée pOar le Roi Philippe-le-Long en août 1319. par Char l es IX et Henri IV, ainsi que par plusieurs sentences ren d ues par la Prévôté fie Pari s et la P révôté royale de Mon­ tlh éry. D raveil, en bordure de la Forêt de S énart, avai t « l'avan­ tdge inappréciable d'aller c o llp er de l'h erbe dans les b o is p o ur la n o u rriture des bes tiaux. » Or, entre 1760 et 177 0 . toutE'S ces Paroisses se virent dépouil­ lées totalement du d ro i t dont l eurs ancêtres avaient toujours J o ù i, parce que les S E'igneurs le s intimi daient par des procé­ du r e s vi olentt's, des v o i e s dE' fa i t o u des vE'xations de toutes s o rtes . C ' est p o ur cette rai son qUE' l es habitants d e Saint-Michel , de Vi r�' Pl d l' D raveil ne pouvaient plu s élever que le quart des best i a u x d ont ils avaient besoin ; à Morsang, le nombre des vaches q u i accusa i t 150 bêtf-'s cn 1769 étai t tombé à 50 en 1789. En 177 2 , les Morsana i s essayèr ent bien de réagir contre cet état d'esp r i t et l e 1 3 nove mbre p lusieurs habitants de la paroisse s 'en allèr ent coupèr (lu bo i s sec e t m o r t dans la forêt ; mal leur en p ri t , car les gardes l es arrêtèrent sur-le-champ et tuèrent même un j e u ne hom me de 28 ans de deu x coups de fusil . Qua­ o tre personnes furent envoyées en p rison à Melun et y rest èrent <'< chaque q u atr e m o is , don t llll es t m o rt aussitô t apres être s orti de la dite pris o n , et llll a u tre don t la femme es t m o r te, tan dis q u' i l était en prison, ayant été tO Il'S b ien malades . . , c e ' q ui fait q u e dep u is ( 1' temps- là, o n n y lia [las sans crainle ! »

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(A

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