AR34 magazine voyageur

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le el le u v mu No or F

numéro spécial

iran Ispahan la bleue chroniques de téhéran désert du grand kavir portfolio  les derniers nomades botswana

l’okavango au galop

franche-comté 8 bonnes raisons de l’explorer

ENTRETIEN

catherine poulain la louve de mer

LL13134 5,90 e - RD 13134 --2424 - F:F:5,90 € - RD

13134 F: 6,30 e LL13134 - 34-34- F: 6,30 € - RD- RD

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oct-nov 2016 Numéro 30Numéro 34 — Hiver — 2015-16 www.ar-mag.fr www.ar-mag.fr


édito — carnet

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L’heure de l’iran

Directeur de la publication Michel Fonovich mfonovich@ar-mag.fr

rédactrice en chef Sandrine Mercier smercier@ar-mag.fr

Direction artistique Florine Synoradzki & Julie Rousset d’après une maquette d’Albéric d’Hardivilliers

grand-Reporter

Numéro 34 octobre / novembre 2016

michel fonovich

Christophe Migeon cmigeon@ar-mag.fr

Directeur de la Publication

COMMUNITY MANAGER Anne Chabot

E

stagiaireS

t si vous alliez passer vos vacances en Iran ? Au temps de l’ultraconservateur président Ahmadinejad, beaucoup auraient trouvé l’idée saugrenue. Maintenant qu’il n’est plus là, à faire peur à tout le monde en aboyant à tort et à travers, beaucoup se disent : pourquoi pas ? Qui lui succède en 2013 ? Le modéré Hassan Rohani. Sous sa houlette, l’Iran signe en juillet 2015 avec le Conseil de sécurité des Nations Unies, un accord historique sur son programme nucléaire. L’évènement marque l’heure du dégel avec l’Occident. C’est tout juste si l’on ne chante pas : « Voici venu le temps de l’amour, le temps des copains et de l’insouciance. » Les grandes entreprises reniflent les bonnes affaires, les voyageurs curieux qui n’avaient pas osé jusqu’à présent, sentent que c’est le moment d’aller voir ce qui se cache derrière les clichés qui associent exclusivement l’Iran avec l’apocalypse, la tyrannie, et le malheur. Certes, le pays ne s’est pas débarrassé d’un seul coup de fâcheuses manies qui rebutent l’individu attaché à la liberté et ne se servant d’un fouet que pour battre des œufs,

Alexia Prunier & Anna Lefour

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mais les mollahs sont quelquefois plus mollassons qu’il y paraît. Ils ont compris qu’ils devaient composer avec une jeunesse se plaisant à repousser les limites. En Iran, tout est interdit, mais tout est possible. Dans les rues, dans les cafés, dans les caves, dans les appartements de la grise Téhéran, A/R a rencontré des Iraniens qui ne se privent pas d’agir comme bon leur semble en prenant néanmoins quelques précautions et ne craignent pas d’exprimer leurs points de vue avec insolence et humour. Dans le désert du Grand Kavir, il y avait moins de monde, mais plus de chameaux, lesquels blatéraient sans se soucier de leurs voisins. À Ispahan, on a vu que du bleu. À l’heure de quitter l’Iran, on était triste. Pour se consoler, on s’est promis d’y retourner.

Image de couverture : © Jeremy Suyker

internet:

Illustration : Vivian Jolivet

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n°34 / octobre — novembre 2016


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carnet — Sommaire

N°34 octobre / novembre 2016

P.34

dasht-e kavir : le grand désert Randonnée chamelière dans le désert du Grand Kavir, qui rappelle par ses plaines sablonneuses, ses massifs lunaires, et ses montagnes rongées jusqu’à l’os, tout le grandiose des paysages du Sahara.

carnet

P.46

téhéran : chroniques urbaines Chaotique, austère et polluée, telle est la réputation peu flatteuse de Téhéran. C’est pourtant dans cette mégalopole de 15 millions d’habitants que bat le cœur de l’Iran moderne. Il serait dommage de ne pas aller prendre son pouls.

Entretien Catherine Poulain Actus Adresses Shopping La vie en bleue Archi New Tate Modern / Londres Musique Cinéma Livres Micro fiction Le Guide du queutard Mieux vaut être trans que gay Agenda Du vélo, du beau boulot Est-ce bien raisonnable de…

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Partir

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Botswana L’okavango au galop

Les marais de l’Okavango ressemblent à un paradis terrestre. Pour se fondre dans le paysage, il faut jeter les clés du 4x4 et découvrir la vie foisonnante du haut d’un cheval.

merci à tous nos Contributeurs :

Julien Blanc-Gras / Laurent Delmas /Jean-Luc Eyguesier / Sophie Gallé-Soas / Antonio Fischetti / Philippe Fusaro / Nicolas Leblanc / Kares Leroy / Marion Liautaud / François Mauger / Matthieu Pinon /Bertrand Rieger / Jeremy Suyker / Albert Zadar

octobre — novembre 2016 / n°34

Ispahan La ville bleue Dasht-e Kavir Le grand désert Téhéran Chroniques urbaines Botswana L’Okavango au galop Suède En passant par la Scanie Japon Hiroshima, métropole grandeur nature

30 34 46 56 68 70

Durable Actus Tendances Quand reviennent les cigognes Carte postale Connaissez-vous Gap ? Franche-Comté Tableau en 8 chapitres Portfolio Les derniers nomades d’Iran Horoscope infaillible

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carnet — Entretien

catherine poulain La louve de mer Dix ans passés sur des chalutiers à pêcher le flétan ou la morue en Alaska. Dix ans à jeter des filets dans l’océan glacé et des mots sur des carnets. Catherine Poulain en a rapporté un premier roman à la fois épique et poétique : Le grand marin. Larguons les amarres !

Entretien réalisé par

Sandrine Mercier Photos

geoffroy mathieu

octobre — novembre 2016 / n°34


Entretien — carnet

Vous avez des mains de travailleuse plutôt que d’écrivain. Pouvez-vous les décrire ?

Mes mains ont dégonflé en treize ans, mais elles restent rugueuses et pleines d’arthrose. J’avais des mains de pianiste, mais je suis contente d’en avoir fait des mains d’ouvrière, comme si j’étais sortie de la condition à laquelle on me destinait. Il y a un tatouage au bas du pouce. C’est une mouette qui peut voler quand je remue le pouce. Il vous manque un bout de doigt.

Je l’ai perdu en relevant une ancre. Je voulais le faire sécher pour le porter autour du cou, mais à l’hôpital ils l’ont jeté à la poubelle. Il suffisait pourtant de le saler — on sale bien la viande — alors, pourquoi pas un bout de doigt ? Vous avez une petite voix très douce. Comment arriviez-vous à vous faire entendre sur le bateau ?

La voix, c’est l’image de nous. Quand je suis à l’intérieur, je ne sais pas quoi faire de mon corps, je ne me tiens pas bien droite, je suis un peu voûtée. À l’extérieur, au contraire, mon corps se déploie et ma voix fait pareil. Avec les troupeaux ou sur les bateaux, elle peut devenir très puissante. Je peux rugir, on m’entend très loin. Pourquoi l’Alaska ?

On imagine toujours une contrée extrêmement sauvage, très peu peuplée, et ça l’est. Il y a des loups, des ours, toute cette faune qui me faisait rêver et trembler lorsque j’étais enfant. Pour les Américains, c’est une légende : la Ruée vers l’or. Encore aujourd’hui, les gens y viennent pour refaire leur vie, trouver une vérité. C’est « The last frontier ». Plus le droit de se tromper. « Il faut trouver l’endroit qui soit le bon, quitte à y trouver la mort », c’est ce que dit le personnage. Avez-vous trouvé la vraie vie sur le bateau ?

Le bateau est vivant, c’est comme un ventre qui porte tout le monde. Quand ça se passe mal, c’est vite l’enfer parce que c’est fermé, mais on espère retrouver une certaine unité par le travail extrême. Ça devient alors simple, brut, physique. On a quitté un monde qui se perd et s’épuise en vain. Sur l’océan, le mouvement est

total, constant. On travaille le jour comme la nuit, il n’y a plus d’heure, plus de règles terriennes. Le bateau est comme un monstre qu’il faut nourrir sans cesse tandis que la mort rôde.

C’est vrai. Pourquoi faut-il aller si loin, se forcer si fort pour se sentir vivant ? Je ne sais pas. Quand le corps est épuisé, on a le bonheur de sentir la volupté de l’exténuation, le bonheur de s’allonger enfin un moment, de tomber les bras en arrière complètement. Ressentir ce corps qui fait mal, qui se laisse aller comme un enfant au sommeil. Il faut aller dans les extrêmes.

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article sur moi publié dans le journal local, dans la vieille maison de famille du Sud-Ouest. L’article disait que je retournerais pêcher. Ce sont des reliques d’un temps du rêve et de l’apprentissage. Avez-vous conscience d’être une aventurière ?

Je trouve que je n’ai jamais rien fait de très exceptionnel. J’ai fait ce que j’avais envie de faire. Toutes ces peurs, la peur de l’homme parce qu’il est plus fort, qu’il est comme « un loup qui va te manger ma fille », c’était insupportable. J’ai rué dans les brancards et je suis allée voir le loup. Combien de vies avez-vous eu ?

« Le voyage doit être un arrachement. Tous mes départs étaient douloureux parce que je ne savais pas si j’allais revenir. » À bord, vous n’avez jamais peur de rien ?

Si, j’ai peur des cris des hommes, de ce qui va se passer, d’une ligne qui pourrait casser, du tintamarre, du boucan, de tout ce qui s’entrechoque, du poisson qui va peut-être passer dans la poulie et tout faire sauter, peur de ne pas comprendre, de ne pas être assez bonne. La peur est là sans arrêt, mais il faut la dépasser. Il faut aller voir ce qu’il y a derrière. Il faut la faire taire parce qu’elle vous empêche de vivre. C’est comme aller toujours plus loin. Vous avez frôlé la mort à cause d’une arête de poisson qui vous a transpercé la main et empoisonnée.

Oui, mais tous les pêcheurs connaissent ça. Les accidents, ça arrive à tout le monde. J’ai gardé l’arête avec un petit

Comme tout le monde, je pense. Tout le monde connaît des phases différentes dans sa vie. Quand je relis mes cahiers, il y a toujours le même fil suivi, c’est la même vie. On peut dire qu’il y a eu une vie après l’Alaska, quand même. J’ai attendu les papiers pour y retourner. En vain. Et puis maintenant, je me consacre à mon travail de bergère saisonnière et d’ouvrière viticole. Comment êtes-vous passée de la mer à la montagne ?

Je suivais une formation pour apprendre à tailler la vigne bien comme il faut et quand j’ai appris que je ne pourrais pas retourner là-bas, un formateur m’a dit : « Tu ferais une bonne bergère, tu devrais t’inscrire pour la session de septembre, bergère transhumante. » L’idée qu’il fallait d’une certaine manière quitter le monde pour exercer ce métier m’a plu. Les brebis réclament d’être à fond tous les jours, c’est total. La nature peut être terrible quand il y a des orages, des loups… Maintenant, je guide des troupeaux l’été dans les Alpes-de-Haute-Provence, autour de l’abbaye de Laverc dans le massif des Trois-Évêchés. Est-ce que vous faites toujours du stop ?

Oui, j’ai commencé jeune, j’aimais beaucoup ça parce que c’est le mouvement. Un camion s’arrête, « Je vais à Amsterdam », et je saute dans le camion. Au bout de 300 km, on tend le bras à un camion qui dit « Je vais à Londres » et on se dit « Tiens, je pourrais aller à Londres ! ». Ça devenait une espèce de folie, tous les peut-être, tous les « Tiens, il suffit de… ». n°34 / octobre — novembre 2016


15-20

NOV. 2016

LA ROCHELLE festival-film-aventure.com

FESTIVAL INTERNATIONAL

DU FILM D’AVENTURE PROJECTIONS – RENCONTRES – LIBRAIRIE – EXPOS

ESPACE ENCAN // MUSÉE MARITIME


partir Ispahan: La ville bleue Dasht-e Kavir : Le grand désert Téhéran : Chroniques urbaines

Photo : © Jeremy Suyker

N°34 octobre / novembre 2016



ispahan LA bleue Iran

Ispahan. Trois syllabes comme trois notes de musique. IS-PA-HAN. Tant de visiteurs sont tombés sous le charme de celle qui fut pendant plus d’un siècle la sublime capitale de la Perse. Pierre Loti fut l’un d’eux. En 1900, le mythique écrivain voyageur traverse le pays du sud au nord. Dans son carnet, il écrit Vers Ispahan, une invitation au voyage à laquelle il est difficile de résister plus d’un siècle après. Certes, Ispahan n’est plus la même, mais elle a gardé de très beaux restes.

Texte extrait de Voyages au Moyen-Orient (Éditions Arthaud)

pierre loti Photos

bertrand rieger



DASHT-E KAVIR, LE RETOUR AU DÉSERT Iran

Dans le nord-est de l’Iran, le désert du Grand Kavir rappelle par ses plaines sablonneuses, ses massifs dunaires et ses montagnes rongées jusqu’à l’os, tout le grandiose des paysages algériens et nigériens aujourd’hui inaccessibles. Un ersatz de qualité au délicieux parfum d’Orient qui emballe les nostalgiques du Sahara trop longtemps privés de désert.

Texte et photos

Christophe Migeon



CHRONIQUES DE TÉHÉRAN Iran Austère, polluée et chaotique, telle est la réputation peu flatteuse de Téhéran. C’est pourtant dans cette mégalopole de 15 millions d’habitants que bat le cœur de l’Iran moderne. Il serait dommage de ne pas aller prendre son pouls.

Texte & photos

Jeremy Suyker

T

rop de bruit, trop de pollution, trop d’embouteillages. Pas étonnant que le voyageur s’attarde peu à Téhéran, préférant le charme antique de Persépolis ou le raffinement d’Ispahan. C’est pourtant dans cette ville tentaculaire – la troisième plus grande du Moyen-Orient – que transparait l’étonnante diversité de l’Iran. Et où cohabitent deux mondes qui s’observent sans se comprendre : l’un tourné vers l’Occident et l’autre nettement plus conservateur et religieux. La ville se scinde en deux parties plus ou moins distinctes : les quartiers du nord de la ville, situés en hauteur sur les contreforts de l’Elbourz, où résident les populations aisées de la capitale. Et à l’inverse le sud qui lui abrite les quartiers plus populaires et industriels. Il est rare qu’un nanti du nord s’aventure au sud du Grand bazar, sur cette terra incognita, réputée malfamée. Autre particularité de la capitale iranienne : s’être libérée de son centre. Ce dernier s’est tellement déplacé en un siècle qu’il a fini par se perdre. Après la révolution, le pouvoir se disperse et les centres se multiplient en même temps que les camps militaires. Aujourd’hui, ils enserrent cette ville dont on se méfie : elle a déjà engendré une révolution et les mollahs aux pouvoirs n’ont pas intérêt à ce que l’histoire se répète.



L’Okavango au galop Botswana

Dans le nord du Botswana, les marais de l’Okavango affichent ce petit air de paradis terrestre où l’homme côtoie encore avec plus ou moins de bonheur ses frères animaux. Pour se fondre dans cette idylle des premiers âges, il faut jeter les clés du 4x4 et découvrir la vie foisonnante du haut d’un cheval.

Texte et photos

Christophe Migeon


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partir — Botswana

L’

Okavango est un perdant magnifique. Après une naissance furtive entre deux rochers des hauts plateaux angolais, il dégringole vers l’ouest attiré par la gravité et le bon sens vers l’Atlantique tout proche, et puis se ravise, se prend à rêver d’un destin de grand fleuve, tente sa chance vers le sud avant d’aller se fourvoyer dans les plaines desséchées du Kalahari. Quand il réalise son erreur, il est trop tard. On

Une agonie grandiose. Les vagues successives des troupeaux arrosent cette oasis improbable comme le flot d’une marée vivante. Une eau couleur de thé coule en silence sur le lit de sable blanc. Les gerris, ces insectes aux longues pattes, champions de patinage, font leur gymnastique entre les carex et les joncs. Sur la rive, une aigrette mouille ses pattes dorées avec des minauderies de comtesse en visite à la campagne. Tout

« Sur un terrain aussi inondé, souvent trompeur, aucun véhicule amphibie n’est capable de rivaliser avec le pied sûr d’un cheval. » n’a jamais vu l’eau remonter les pentes, aussi faibles soient-elles. Il ne lui reste plus qu’à mourir à petites gouttes, en un labyrinthe de chenaux engorgés de papyrus, une mosaïque d’îles boursouflées de termitières et de lagunes fleuries de nénuphars. Une sublime évaporation. octobre — novembre 2016 / n°34

n’est qu’ordre et beauté, luxe, calme et volupté. Il est temps d’y mettre un peu d’ambiance. Le signal du galop est à peine donné que le staccato des sabots martelant la surface remplit tout l’espace. Les chevaux trempés, luisants, entourés de gerbes étincelantes, les muscles

tendus dans l’effort, les yeux à fleur de tête, scrutant les chausse-trappes de l’eau qui dort, semblent sortir d’un tableau de Géricault. Surgis de nulle part, des oiseaux affolés décollent dans des claquements d’ailes désespérés. Entre deux éclaboussures, on a parfois le temps de reconnaître les longs pieds embarrassés des jacanas à poitrine dorée ou la coiffure négligée du crabier chevelu. À dada parmi les hyènes Plus tard tandis que les cavaliers et leurs montures finissent de sécher au petit trot dans le silence vaste et grillé du bush, ils croisent des antilopes couleur châtaigne qui naviguent comme eux entre les îlots piquetés de palmiers dattiers. On reconnaît de loin les gnous, ces Belzébuth fantasques à barbe de chèvre ou les bubales avec leur galop grotesque de cheval à bascule. Des phacochères trottinent, la queue dressée en point d’exclamation avec un air de cochon outragé. Les buffles émaillent la savane de leurs bouses mélancoliques. Soudain,


Botswana — partir

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+

En selle dans la savane Pour prétendre à une équipée à cheval dans le bush, les cavaliers doivent impérativement maîtriser leur monture aux trois allures (pas, trot, galop). La garde-robe se doit d’être sobre, et ne s’aventure guère en dehors du vert, marron, beige ou gris. Penser au chapeau, au foulard pour la poussière, aux lunettes de soleil et surtout à une gourde d’eau fraîche (les selles sont équipées de sacoches.) Les galops dans les cours d’eau ou les plaines inondées ne mouillent pas que les chevaux. Il s’agit d’écouter attentivement les instructions du guide, ne jamais passer devant lui. Le fait d’être sur un cheval ne vous place pas hors du danger. Il est difficile de prévoir les réactions des animaux devant les chevaux. Certaines espèces apprécient peu cette compagnie et préfèrent garder leur distance : lions, buffles, éléphants. D’autres la tolèrent assez volontiers : hyènes, lycaons, girafes, impalas, sitatunga... Mais cela dépend aussi des individus.

n°34 / octobre — novembre 2016


si la Franche-Comté m’était contée Tableau en 8 chapitres

Faisons le compte. Au rayon des frometons, on trouve le comté, le morbier, le mont d’Or. Question charcuterie, la saucisse de Morteau est un beau morceau. Pour s’hydrater, on peut se fier au vin d’Arbois et à l’absinthe. Rajoutez des forêts immenses, des lacs tranquilles, des rivières et cascades espiègles, des villes qui racontent des histoires. Ne pas omettre quelques grands hommes envers qui la Patrie est reconnaissante. Tout cela fait la Franche-Comté.

Texte

Albert Zadar Photos

Nicolas Leblanc


Franche-Comté — durable

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1 au fil de l’eau Région des lacs / Jura

Du côté de la Chaux-du-Dombief et de Menétruxen-Joux – admirez ces noms épais. Avant de les prononcer, il est recommandé de bien les mâcher – entre forêts touffues et lacs sombres, personne ne s’étonnerait de voir passer un orignal. Indéniablement, le pays a quelque chose du Canada. Mais point d’orignal dans le Jura. À la place : un hérisson. Il ne pique pas, mais éclabousse. C’est un ruisseau turbulent qui dans un sous-bois dévale la pente en bondissant de cascade en cascade. Au total, il y en a 31 de la plus modeste à la plus haute (65 m) appelée « cascade de l’éventail ». Pour les voir toutes, un seul moyen : la marche (aller : 3,7 km – dénivelé : 200 m). www.cascades-du-herisson.fr

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Kares Le Roy — portfolio

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Portfolio numéro 34

kares le roy Les derniers nomades Iran

« Il est très compliqué d’approcher les nomades (ashayer en persan) en Iran… parce qu’ils sont difficiles à trouver ! Malgré une centaine de tribus, ils ne représentent plus que 2 % de la population. Seul un jeu de patience combiné avec de bons contacts permet de s’introduire dans leurs camps. Entre les Qashqais, groupe d’origine turque qui pratique l’élevage pastoral, et les Bakhtiaris, groupe d’origine perse aux aptitudes guerrières, l’accueil est compliqué. Renfermés sur eux-mêmes, peu enclins à s’ouvrir à la civilisation moderne, ils envoient balader mon traducteur quand il leur demande si je peux photographier les femmes qui sont restées en retrait. Fusils dans le dos et pipes d’opium à la main, les sourires sont francs, mais les conversations sont sommaires. Toujours un œil sur moi et mon appareil. Il faut savoir se faire discret si on veut les accompagner pendant les grandes transhumances qui rythment leur vie. Invité à partager les repas avec eux sous la tente, je suis systématiquement renvoyé dormir dans mon habitacle à la tombée de la nuit. » Extrait de Ashayer de Kares Le Roy (Amu Darya Éditions)

www.karesleroy.com

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portfolio — Kares Le Roy

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