Collège Lucie Aubrac (Givors)

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Graines de lecteurs RĂŠcits

Collège Lucie Aubrac - Classe de 6e - Amandine Mestrallet


Histoires écrites par une classe de 6ème du collège Lucie Aubrac (Givors) Avec l’aimable collaboration d’Alex Cousseau



Papa poulpe


Anthéa et Angelo vivent sur une plage de Santorin. Le jour de leur treizième anniversaire, ils vont découvrir un trésor qui va tout changer.

CHAPITRE 1 ANTHEA Le jour de notre naissance, mon frère et moi nous sommes regardés droit dans les yeux. On ne le savait pas encore, mais lui et moi serions aussi différents que nos cheveux le laissaient paraître. Lui le brun, et moi la blonde. Lui, Angelo, toujours dans l’ombre, timide, aimant lire et écrire. Moi, Anthéa, toujours dans la lumière, ne supportant pas de rester en place. Le jour de notre naissance, notre père est parti. Depuis ce jour, je l’attends. Dans mes yeux verts brille la lumière de l’espoir : je sais qu’il n’est pas mort ! Je sais qu’il est blond comme moi, grand et fort comme les princes grecs qui reviennent au bout d’un long voyage… Il tuera tous les monstres sur son passage et quand il reviendra, nous serons riches. Nous serons riches d’un père. Le jour de notre naissance, ma mère était heureuse et inquiète à la fois. Depuis ce jour, nous habitons une petite maisonnette au bord de la mer sur l’île de Santorin. Avec ma mère et mon frère, nous pêchons des poulpes et des poissons que nous vendons. Comme le faisaient nos ancêtres, nous mettons des vases en terre cuite au fond de l’eau, les poulpes aiment se cacher dedans. J’aime plonger mes bras dans l’eau fraiche pour sortir les vases lourds et sentir mes muscles se contracter. J’aime découvrir la surprise qui se cache à l’intérieur. J’aime sentir les mouvements de la mer et les vagues qui m’éclaboussent légèrement. Je me sens libre comme une plume dans le vent.


CHAPITRE 2 ANGELO Je suis né un mardi, avec ma sœur jumelle Anthéa. C’était une journée d’été ordinaire. Pourtant, les mouettes ne criaient pas comme d’habitude. Elles volaient plus rapidement et semblaient apeurées. Je suis né un mardi, et mon père a disparu ce jour-là. Je ne l’ai jamais vu, mais dans le village, on raconte qu’il était le meilleur pêcheur de poulpes de la région ! Je suis né un mardi, et depuis j’habite une petite maison blanche aux volets bleus, près de la mer à l’eau turquoise, comme la couleur de mes yeux mélangée à celle des yeux de ma sœur. Anthéa ressemble beaucoup à mon père, c’est notre mère Alix qui le dit. Elle joue toujours dehors, dans l’eau ou sur la terre. Je ne la vois pas souvent. Moi, je n’ai pas beaucoup d’amis et je préfère m’isoler. J’aime voyager dans les livres et imaginer que mon père en est le héros. J’aime m’envoler dans mes pensées, car souvent, les gens ne me comprennent pas. J’y rejoins mon père, je partage avec lui ses aventures en mer. Malgré notre séparation, ensemble, nous sommes de courageux pirates. CHAPITRE 3 ANTHEA CACHE-CACHE A l’aube de notre treizième anniversaire, nous nous réveillâmes heureux et tristes à la fois. Notre mère était partie tôt pêcher le poulpe pour le vendre au marché pas très loin de chez nous. Angelo et moi sortîmes jouer sur la plage. Celle-ci est rouge et noire. Il y a longtemps, la lave est descendue vers la mer, elle a refroidi. Grâce à l’usure de l’eau, du sel et du vent, elle s’est transformée en sable noir. Quant aux grains rouges, personne ne sait d’où ils viennent, ni pourquoi ils ont cette couleur. Cela reste inexplicable. Il y a aussi d’imposants rochers noirs qui proviennent du volcan. La mer, bleue et verte, fraîche et peu salée, accueille une multitude de poissons multicolores et des poulpes appétissants. Le matin, le soleil illumine de mille feux ce sable chaud, presque magique.


Ce matin-là, comme d’habitude, nous commençâmes à jouer à cache-cache et d’un coup, Angelo trouva une lettre blanche et rouge, cachée derrière un rocher. La lettre était enroulée dans une bague qui ressemblait à celle de notre mère. Le mot disait ceci : « C’était il y a treize ans. Ce matin-là, je suis allé pêcher comme à l’ordinaire. Au port, un homme mystérieux m’a dit : « je peux t’emmener toi et ta famille en Atlantide ! Tu pourras être plus riche chaque jour et tu connaitras mille bonheurs ! » et moi j’ai accepté. Je voulais le meilleur pour ma femme et mes enfants qui allaient naître. L’homme était d’une taille imposante et d’une apparence maigre. Il portait un chapeau de paille qui assombrissait son visage et son regard était noir et inquiétant. Dans son manteau de laine et son pantalon de cuir, il semblait venir d’ailleurs. Il m’a murmuré à l’oreille : « Je t’emmènerai dans ce paradis à une seule condition : tu dois combattre le Kraken. Comme moi, il vient de loin… Je suis sa trace depuis l’Italie. Il se rapproche de plus en plus et se trouve en ce moment derrière le volcan. » Qui avait bien pu laisser ce message sur le sable ? Qui voulait rentrer en contact avec nous ? Notre père ? Non, c’était impossible ! Tout le village prétendait qu’il était mort ! Quelqu’un se moquait de nous !


CHAPITRE 4 ANGELO ROI DES POULPES Qui avait bien pu laisser ce message sur le sable ? Allais-je pouvoir un jour rencontrer mon père ? Est-ce qu’il nous observait à ce momentlà ? Comme je l’avais imaginé, il cachait un trésor ! Dans ma tête, tout se bousculait. Devais-je dissimuler ce message pour ne pas alerter ma mère ? Anthéa gardait le visage fermé. Son sombre silence m’inquiétait. Un peu plus loin, je trouvai un deuxième message. - Ah regarde, il y a une image Anthéa ! chuchotai-je, surpris et excité à la fois. - Oui, on dirait un poulpe géant..., cria ma sœur en s’agitant. J’expliquai alors à ma sœur qu’il s’agissait du Kraken, une créature que j’avais souvent rencontrée dans des romans et livres sur la mythologie. - Oh ! regarde Angelo, il y a une lettre ! s’exclama-t-elle. - Attends, fais voir l’image. Il est très gros ce Kraken ! - Oui, s’étonna ma sœur, c’est vrai mais il n’a pas l’air méchant quand même... Je la coupai : - Attends Anthéa, si cette image est avec cette lettre, c’est qu’il y a une raison. - Donne la lettre, je vais la lire. Et par la voix de ma sœur jumelle, j’entendis les mots de mon père… Ce Kraken est inoffensif. Si vous le voyez, surtout ne lui faites pas mal. Je suis donc allé derrière le volcan. La mer était de plus en plus agitée et ma barque risquait de chavirer à chaque vague. Et je l’ai vu ce Kraken, de mes propres yeux. Étonnement, des miettes de pain flottaient autour de lui. L’homme m’a tendu un fusil, j’ai tiré. Il n’était pas blessé mais le monstre m’a dévisagé de ses yeux globuleux. Il y avait quelque chose d’humain dans son regard. Alors j’ai pris mon harpon, prêt à le lui lancer dans le bec, mais à ce moment-là, le Kraken s’est mis à fuir. Je l’ai suivi. Plus je m’approchais, le harpon à la main, plus il se détournait.


J’ai compris alors qu’il n’était pas méchant. Malgré l’insistance et l’impatience de l’homme qui m’accompagnait, j’ai décidé d’abandonner le combat et repris la direction du rivage. Si vous voulez en savoir plus, allez chercher au pied du grand palmier. - Viens Anthea, on va chercher le message suivant, criai-je. Je commençais à me laisser prendre au jeu… - Pfff… ! Mais quand même je ne comprends pas papa, il aurait pu nous mettre les lettres au même endroit ! Ma sœur avait décidément mauvais caractère…

CHAPITRE 5 ANTHEA COMME UNE MORSURE Le soleil commençait à nous chauffer les épaules. Mon frère et moi faisions le tour du palmier sans succès, quand tout à coup Angélo aperçut un troisième message enseveli dans le sable chaud de Santorin. Un message aussi mystérieux que les deux précédents… Il y avait aussi deux petites figurines en bois qui représentaient mon frère et moi : celle d’Angélo était peinte avec un joli marron doré, pour ma part elle était peinte dans un marron argenté. Un poids creusait ma poitrine. Angélo déplia brusquement le morceau de papier où il était écrit : Mes chers enfants, aujourd’hui c’est votre anniversaire mais malheureusement je ne suis pas présent en ce jour spécial. Il y a treize ans je me suis enfui. Je rêvais pour vous d’une vie heureuse, pleine de joie... mais le jour où je n’ai pas pu combattre le Kraken, l’homme mystérieux m’a ensorcelé. Un serpent s’est enroulé autour de mon cœur… Le doute s’est emparé de moi. L’idée que je ne serai jamais un bon père, l’idée d’être un bon à rien, comme un poison, m’a envahi. Par amour, pour ne pas gâcher votre vie, je suis parti. Et mon cœur est resté vide, asséché par le sentiment de ne pouvoir vous apporter que le malheur. Merci d’avoir lu mes lettres. Votre père.


- Mais pourquoi n’est-il pas revenu ? hurlai-je. - Chut Anthéa, je crois que j’ai compris… A ce moment-là, je vis mon frère s’agenouiller lentement, un sourire aux lèvres, comme pour se recueillir. J’étais hors de moi. Je jetai violemment la petite figurine en bois sur le sable, le visage empli de larmes. Mon frère marmonnait : - Notre père est justement revenu. C’est sa façon à lui d’être là en ce jour si particulier pour nous... Mon frère était décidemment bien trop naïf !

CHAPITRE 6 ANGELO PAPA ? Je ferme les yeux. Je te vois. Je te devine. Tu es là, tout près. Papa ? C’est bien toi ? Ne t’inquiète pas, je te pardonne. Si tu as accepté de combattre contre le Kraken, c’est pour notre bien, et cela montre que tu es un père courageux. Maintenant, je sais un peu mieux qui tu es… même si j’aurais préféré que tu sois un pirate… !

CHAPITRE 7 ANTHÉA PAPA ! Repars ! Repars d’où tu viens ! Nous avons dû nous débrouiller seuls jusqu’à présent, et je me demande si tu nous aimes encore ! Pourquoi n’as-tu rien dit à maman ? Pendant tout ce temps, tout le village a cru que tu étais mort ! Et le Kraken, c’est vrai ou c’est un mensonge ? Pourquoi reviens-tu aujourd’hui ? Pour repartir demain ? Pars…


CHAPITRE 8 ANGELO TEMPÊTE DE L’ESPOIR C’était une nuit de tempête. C’était la nuit de notre treizième anniversaire. Je voyais la mer s’agiter. Les vagues frappaient contre les rochers, le vent sifflait, la pluie tombait à flot, l’odeur des crustacés envahissait la chambre, j’imaginais qu’il y avait mille requins dans l’eau. Dans notre chambre, Anthéa tournait comme une lionne en cage. C’était une nuit de tempête, un poulpe entra par notre fenêtre. Il était tout visqueux et s’écrasa au sol sans un bruit. Curieux et surpris, nous nous approchâmes. Alors, dehors, nous aperçûmes une silhouette sous la pluie battante, vêtue d’un imperméable et d’un bonnet noir. Il portait un vase en terre cuite à la main. Cette silhouette nous semblait familière, sans savoir pourquoi. Elle s’approchait de plus en plus de notre maison. Des frissons se bousculaient sur tout mon corps. Je sentais se soulever une immense vague dans mon cœur. J’étais tel un oiseau qui prenait son envol. Maman lisait tranquillement dans sa chambre. Près de moi, Anthéa tremblait. Les yeux écarquillés, ma sœur restait immobile, peut-être pour la première fois de sa vie ! Dans son poing, elle tenait bien serrée sa petite figurine en bois contre elle.



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