Roselyne Bachelot : Quand la politique veut séduire

Page 1

Roselyne Bachelot-Narquin « Quand la politique veut séduire » Les Idées en scène, 6 mars 2015

Texte écrit par Roselyne Bachelot dans le cadre du débat «Quand la politique veut séduire» Cycle de débats «Les idées en scène» organisé par la Villa Gillet, le Théâtre de la Croix-Rousse et l’Opéra de Lyon Tous droits réservés


Depuis que les hommes exercent le pouvoir, ils ont toujours voulu se mettre en scène. Ils savent qu’on ne peut durablement agir sur les choses sans conquérir les cœurs. La dramaturgie de l’exercice royal poussée à son acmé par Louis XIV à Versailles n’est rien qu’une version prémonitoire de la peopeulisation dénoncée aujourd’hui. Certains pensent que le politique et la politique se dévoient en instrumentalisant les médias, alors que ce sont les médias qui consomment le politique et la politique à leurs propres fins. On a tort de réduire la séduction à une réponse macluhanienne, elle est plutôt une interrogation entre le pouvoir et les attributs du pouvoir, entre l’inter et la rétroactivité dans une société démocratique. Cette réflexion fut entamée par le monde de la culture dès la fin de la Deuxième guerre mondiale et lors de l’explosion de la société de consommation. Le concept de « l’énoncé performatif » est alors l’occasion d’une réflexion féconde sur la capacité de transformer substantiellement le monde par la parole. Des peintres comme Jason Pollock, des musiciens comme John Cage, comprennent la dimension subversive qu’a l’artiste de se voir agissant dans le monde et sur le monde. La « performance », au sens anglais de mise en scène et de séduction, peut alors se voir comme une tentative — désespérée ? — pour réduire la distance entre l’art et la vie, et pour le politique, comme la distance entre la décision et la réalité de la vie des citoyens. On ne jugera plus l’acteur public qu’à l’aune d’une triple approche : la performance opérationnelle, la performance éthique et la performance médiatique. S’invite alors une curieuse histoire de temps, puisque l’œuvre de séduction est évaluée dans l’instantanéité, alors que les deux premières ne sont quantifiables qu’à moyen et même long terme. C’est à la maîtrise de cette torsion que doit être jugé le responsable public, sinon et comme le disait excellemment Michel Rocard, « tout poussera au recrutement de politiques dont la qualification dominante sera l’art de communiquer plutôt que celui de commander ou de gérer. »

Texte écrit par Roselyne Bachelot dans le cadre du débat «Quand la politique veut séduire» Cycle de débats «Les idées en scène» organisé par la Villa Gillet, le Théâtre de la Croix-Rousse et l’Opéra de Lyon Tous droits réservés


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.