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n°26 printemps 2013 gratuit

réseau info-ressources musiques actuelles des Pays de la Loire

disco anti napoleon youkoff papaye deltas

DOSSIER : change de disque ! (ou pas…)


http://tohubohu.trempo.com

En plus de l’annuaire régional (qui recense groupes, assos, festivals, labels…), Les annonces (trouver un musicien, un groupe, une batterie…), Les conférences du réseau à venir…

ce trimestre, retrouvez online  : Interviews artistes profils Farrows Wood

Le Zinor Association Rock’n Dal Festival Teriaki

LES VERSIONS LONGUES (des articles de ce mag) Tanxxx

Photo : Papaye / Jefferson Vassereau


Sommaire

Infos

Brèves . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 04

artistes

Disco Anti Napoleon . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Youkoff . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Papaye. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Deltas. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

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les membres du réseau présentent

PROJETS

Wiseband . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14 Tribu Familia . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15

GÉNÉRATION Y Des projets innovants en Pays de la Loire . . . . . . . . 16 THE NEXT BIG THING

Paroles d’acteurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17

DOSsier

Change de disque  ! (ou pas…) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18

le kit de survie administratif en milieu culturel www.lamallette.org

TRACES ET IMPRESSIONS

Livres du moment . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24 Portrait  : Tanxxx. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25

disques

Dernières sorties musicales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26

PlaylistS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32 Le réseau Coordination  : Cécile Arnoux / T. 02 40 46 66 33 / cecile@trempo.com CHABADA / Jérôme Kalcha Simonneau Chemin Cerclère, Route de Briollay, 49100 Angers T. 02 41 34 93 87/jsimonneau@lechabada.com/www.lechabada.com BEBOP / Julien Martineau 28 avenue Jean-Jaurès, 72100 Le Mans T. 02 43 78 92 30/ crim@bebop-music.com/ www.oasislemans.fr

Photo couverture  : Disco Anti Napoleon – Pierre Ströska Directeur de la publication  : Vincent Priou Rédactrice en chef  : Cécile Arnoux Chroniqueurs/Rédacteurs  : Mickaël Auffray, Lucie Beaudoux-Jastrzebski, Arnaud Bénureau, Sébastien Bertho, Eddy Bonin, Lucie Brunet, Alexis Chevallier, Tanguy Cloarec, Benoît Devillers, Éric Fagnot, Georges Fischer, Marie Hérault, Cédric Huchet, Mag Jil, Johan Legault, Emmanuel Legrand, Gilles Lebreton, Sandrine Martin, Julien Martineau, Vianney Marzin, Chloé Nataf, Emmanuel Parent, Jérôme Kalcha Simonneau, Dorine Voyaume. Secrétariat de rédaction  : Benjamin Reverdy, Amandine Rouzeau. Conception graphique  : DeuxPointDeux.com Impression  : Imprimerie Chiffoleau Tirage  : 7 000 exemplaires – Papier PEFC ISSN  : 2109-0904 Dépôt légal  : à parution Siret  : 37992484800011 Tohu Bohu est une publication de Trempolino, 6 bd Léon Bureau – 44200 Nantes, et du réseau Tohu Bohu, réseau info-ressources musiques actuelles des Pays de la Loire. Prochaine parution  : 18 octobre 2013 Bouclage  : 16 septembre 2013

FUZZ’YON / Benoît Devillers 18 rue Sadi-Carnot, 85005 La Roche-sur-Yon Cedex T. 02 51 06 97 70/ ben@fuzzyon.com/ www.fuzzyon.com LE 6PAR4 / Eric Fagnot 177 rue du Vieux St Louis, 53000 Laval T. 02 43 59 77 80/ eric@6par4.com/ www.6par4.com TREMPOLINO / Lucie Brunet 6 bd Léon-Bureau, 44200 Nantes T. 02 40 46 66 99/ lucie@trempo.com/ www.trempo.com VIP / Emmanuel Legrand Base sous-marine, bd Légion d’Honneur, 44600 Saint-Nazaire T. 02 40 22 66 89/ mlegrand@les-escales.com/ www.les-escales.com

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infos LE MONDE DIPLODOCUS n’est

pas un nouveau journal mais un bien chouette CD pour enfants. Histoires de dinosaures contées par Nicolas Berton, jouées par moult musiciens dont Liz Cheral, Tété, Alexis HK, Mathieu Ballet pour ne citer qu’eux. Un univers musical enjoué et coloré qui plaira aux petiots. lemondediplodocus.free.fr

Après s’être fait féliciter par Ian MacKaye (Minor Threat, Fugazi) en personne pour leur show à Washington, les Angevins de DARIA sont rentrés de leur récente tournée US avec quelques split-45-t (avec Office Of Future Plans) à vendre. lovitt.bandcamp.com

MY STUDIO can be your studio  ! Un studio

d’enregistrement basé à Nantes au sein du Blockhaus DY10, spécialisé dans l’enregistrement de groupes, la gravure vinyle et l’illustration sonore. Tout en analogique ou mi-digital et analogique, avec du matériel allant des années 50 à 80. www.my-studio.fr

« Principe de plaisir », voilà ce qu’il faut retenir du projet de ROCK’N DAL, cette association basée dans le Pays de Retz, qui fêtera ses 25 ans le 1er juin prochain au Pellerin (44). Sous le chapiteau de The Serious Road Trip  : Doucha, Cu 15+, The Endless Summer, et Philippe Chasseloup souffleront les bougies avec vous… www.rockndal.fr

En guise d’œuvre posthume, les KIEMSA proposent un sacré coffret  : deux CD (un live au Ferrailleur et un disque de remixes) et deux DVD (un live – toujours au Ferrailleur – et des bonus). Rest in Power  ! www.kiemsa.com

Décidément, la Mayenne serait une terre propice à l’inspiration folk. Après le succès de John Doe’s Unbelievalbe Suicide en 2009, c’est au tour du projet post folk THROW ME OFF THE BRIDGE de remporter la 6e édition des Émergences, le tremplin musiques actuelles de la Mayenne. Prochaine étape  : les résidences-formations dont les 4 groupes finalistes bénéficieront au cours de l’année 2013. www.lesemergences.com

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Originaire de Mayenne, MAD LENOIR fusionne musique africaine et européenne, instruments traditionnels comme la kora, le n’goni et l’électricité de la guitare, basse, le souffle du saxophone. Un 3e disque vient de paraître. Un avant-goût qui donne envie ici  : www.dailymotion.com/MADbobodioulasso

Lecteurs curieux et avertis, vous pouvez vous abonner au FONDS DOCUMENTAIRE DU CENTRE INFO-RESSOURCES DE TREMPOLINO  ! Documents et magazines consacrés aux musiques actuelles et au spectacle vivant (guides, essais, biographies, BD, discographies, beaux-livres, livres-CD…), sont dorénavant accessibles au prêt du mardi au samedi, 14h-18h30. www.trempo.com/le-centre-information-ressources


INFOs Pour son 50e numéro (eh ouais quand même  !), le magazine TRANZISTOR sort le grand jeu, avec un numéro double et une jolie compilation en guise de pochette surprise  ! Plongée dans l’actualité musicale du 5.3, cette 5e compile rassemble 15 artistes, de l’abstract hip hop délicat de Degiheugi au gros métal qui tâche de Brutal Deceiver. Distribuée gratuitement à 7 000 exemplaires et en écoute sur Dezeer, Spotify ou tranzistor.org dès le 23 mai.

Après une édition maousse et audacieuse du 1er festival de hip hop en plein air en 2012, la team URBANO change son fusil d’épaule et part carrément en tournée à la rencontre de son public. Formule plus légère, mélangeant têtes d’affiche hip hop nationales et groupes locaux, le concept a déjà fait ses preuves à Montaigu et La Roche (85)  ; il doit s’exporter bientôt en région. Stay tuned  ! www.urbano-festival.fr

Le rendez-vous musical nantais pas comme les autres, le festival CABLE# aura bien lieu cette année les 7, 8 et 9 mai prochains. Artistes italiens, français, japonais, allemands, anglais, américains seront les ambassadeurs noise, rock, musique expérimentale, grindcore, électronique, free, drone… Ces « musiques de niche », comme on dit, qu’il est urgent de découvrir si ce n’est pas déjà fait. www.cablenantes.org

KUNBE est la rencontre de certains membres

d’Akeikoi et des Maliens M. Diabaté, S.Coulibaly, M. S. Diabaté. Des enregistrements ont eu lieu à Bamako en 2012, quelques dates dans le coin à venir  : les 24/05 Corsept (44), 13/06 Ferrailleur (Nantes), 21/06 Barakason (Rezé), 5/07 Freigné (49), 7/07 Les Ponts-de-Cé (49), 12/07 Candé (49). soundcloud.com/kunbe-bamako

Pour ceux qui aiment Mc Gyver et la musique, la médiathèque Luce-Courville (Nantes) organise LuluLAB #1 le 20 juin 2013 dès 18h, sous forme d’un show acoustico-expérimental, joyeux, sans limite… Il s’agira d’inventer son propre instrument et de jouer son tube, seul ou en groupe. mikael.pengam@mairie-nantes.fr sylvain.delaboudiniere@mairie-nantes.fr

Il ne se dira plus que la région nazairienne est un no man’s land en terme de studio d’enregistrement. L’INTERZONE, installé à Saint-Malode-Guersac, est prêt à pousser les potards et faire tourner les bandes. Du duo rockab’ à la chorale de chants de marins, tous sont les bienvenus. tiyann@yahoo.fr

9e édition déjà pour le festival des musiques amplifiées et scénographiées du côté du Mans et Allonnes, j’ai nommé TERIAKI. Pendant quatre jours, dans huit lieux différents (du parc au cinéma en passant par La Péniche) pour voir des concerts, ciné-concerts, installations, parcours sonores… dans une veine rock/electro/rap très indé. festivalteriaki.fr

Du 27 mai au 16 juin, Nantes vivra au rythme de la Corée. Le festival LE PRINTEMPS CORÉEN propose concerts, expos, conférences, workshops, rencontres d’artistes d’ici et de là-bas. Musique, littérature, arts plastiques, photographie, art culinaire, films et BD, de quoi vous faire découvrir une culture foisonnante.

Bonne nouvelle ! C’est le quatuor pop folk nantais AFTER THE BEES qui jouera au festival des Vieilles Charrues, après son succès au tremplin de Blain. Une belle occasion de les découvrir.

www.printempscoreen.com

http://afterthebees.bandcamp.com

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Artistes

dISCO aNTI nAPOLEON WHAT CAN DAN  ?

DAN pour Disco Anti NapolEon, signifie en japonais un niveau de maîtrise et d’expérience. Bien vu ! Malgré une expérience pourtant relative (deux ans d’âge), Disco Anti Napoleon a séduit et convaincu, et se retrouve Découverte des Inouïs du Printemps de Bourges 2013 pour les Pays de La Loire. Et on en est pas peu fiers ! Rencontre à quelques semaines de la grande messe de Bourges. Par Cécile Arnoux Photo : Pierre Ströska VOUS JOUEZ UNE MUSIQUE ASSEZ PSYCHÉE, PARFOIS KRAUTROCK ; VOUS EN ÉCOUTEZ, VOUS LES AVEZ DÉCOUVERT COMMENT ? On en écoute oui. On aime le côté hypnotique, répétitif et progressif de ce genre de musique. C’est Renaud le batteur qui nous a fait découvrir le krautrock quand on faisait des pauses durant les répétitions. À la base, on écoutait plutôt Pink Floyd ou d’autres  : on ne connaissait pas le penchant allemand de la musique psychédélique. Ce qui est intéressant dans le krautrock, c’est qu’il y a comme un truc plus alternatif, peut-être moins populaire, ce courant a su se développer alors que l’attention du monde entier était focalisée sur la scène anglaise et américaine. Il en résulte quelque chose de radicalement différent et de révolutionnaire dans la musique, en terme d’explorations soniques, l’album « Tago Mago » de Can en est la plus belle preuve.

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C’EST QUOI LA FINALITÉ DE DAN ? On tache d’abord de créer une musique qui nous plaît  : essayer de faire un compromis de nos goûts pour développer un univers nouveau dans lequel on invite les gens à s’épanouir.

BOURGES, ÇA VOUS ENFLAMME ? QUEL EST L’OBJECTIF ? On ne s’enflamme pas vraiment. Bien sûr on est super contents de participer à ce festival mais on tient à garder la tête froide et à faire tout notre possible pour réussir le challenge. Notre objectif est de donner de la visibilité à notre projet, commencer à rencontrer les personnalités du réseau musical professionnel.


Artistes LE COLLECTIF INCREDIBLE KIDS REGROUPE DES GROUPES, DES PHOTOGRAPHES… C’EST QUOI L’IDÉE ? La réponse est dans la question  : on a envie de tous se rassembler pour donner du poids à nos projets individuels et réunir nos compétences pour créer des œuvres communes.

VOUS QUI ÊTES ASSEZ JEUNES SUR LA SCÈNE NANTAISE, AVEZ-VOUS L’IMPRESSION DE FAIRE PARTIE D’UNE GÉNÉRATION MOTEUR ? On se rend compte qu’il y a un engouement pour notre musique  : on a beaucoup été demandé à Nantes l’année dernière pour jouer dans des cafés, faire des premières parties, etc. Mais on en n’est pas à se dire qu’on fait partie d’une nouvelle génération moteur.

Y-A-T-IL DES GROUPES, COLLECTIFS, LABELS, ASSOS SUR NANTES QUI VOUS MOTIVENT ? Yamoy’ nous a fait découvrir de super groupes lors de leur festival annuel (Soy)  : c’est une asso qui a fait ses preuves et qui nous inspire, nous donne envie de faire aussi bien. 
On apprécie les gars du Set’30 qui proposent régulièrement un rendez-vous hebdomadaire pour découvrir des side projects, des concerts « uniques ». On aimerait bien pouvoir instaurer un système similaire. A Nantes, on est entouré de pas mal d’autres groupes qui nous motivent comme les Von Pariahs qui ont participé au Printemps de Bourges l’année dernière. Les groupes de notre label Fvtvr, comme Pégase et Rhum For Pauline, nous aident aussi à avancer. D’autres projets assez éloignés de notre style musical nous inspirent aussi  : Chausse-Trappe, Gratuit ou encore Mansfield.TYA, groupes du label nantais Kythibong.

À TERME, COMMENT VOUS VOYEZ LE GROUPE ? VOUS AVEZ DES AMBITIONS PRÉCISES ? On aimerait bien devenir testeurs de pédales d’effet   ! 
Non, plus sérieusement on a envie de tourner, de faire un maximum de concerts, rencontrer plein de gens, découvrir d’autres groupes. On aimerait bien faire des dates dans d’autres pays  : USA, Japon, Australie, et dans le reste de l’Europe  : ce serait génial. On compte aussi sortir un album, mais pas directement dans la foulée du Printemps de Bourges, cela fait presque un an qu’on y travaille, on veut vraiment perfectionner le mixage au maximum. Il sortira certainement à la rentrée 2013. Entre temps, on aura peut-être le temps de sortir un deuxième EP.

LE CHOIX DE DEUX TITRES POUR CE PREMIER EP, C’EST UN CLIN D’ŒIL AU 45 TOURS ? Pas vraiment, on a surtout voulu choisir deux morceaux qui donnent envie d’écouter l’album, sans tout donner dès notre première sortie.

VOUS AVEZ ÉTÉ GâTéS AVEC UN ARTICLE ÉLOGIEUX DE JD BEAUVALLET DES INROCKS, ÇA NE VOUS MET PAS TROP LA PRESSION ? Nous sommes très flattés par le texte écrit par JD Beauvallet. On essaye de garder de la distance par rapport à tout ce que les gens peuvent dire et écrire sur nous pour rester focalisés sur une ligne musicale qui est la nôtre.

SI JE VOUS DIS KRAFTWERK, NEU, MERCURY REV, TAME IMPALA, ANIMAL COLLECTIVE, ÇA ÉVOQUE QUOI POUR VOUS ? Kraftwerk et Neu, on les écoutait chez Renaud, on apprécie beaucoup ces deux groupes. Mercury Rev, on n’a jamais trop écouté, même si on sait qui il est. On a beaucoup écouté Suicide. 
Tame Impala, ce fut notre révélation 2010 et leur dernier album nous laisse penser qu’ils vont encore plus loin dans leur musique. Animal Collective, on apprécie leur capacité à se renouveler sans cesse et à donner des shows spectaculaires. On aime bien se faire découvrir des groupes entre nous.

dan

Blue Lawn

Fvtvr Records – 2013

Tout juste deux morceaux pour découvrir la galaxie DAN. C’est peu mais les deux titres sont suffisamment « tubesques », surtout le premier « Blue Lawn », pour attiser nos sens, et nous suffire de peu justement pour aimer ou adhérer. Comme le font si bien des groupes tels qu’Arcade Fire ou les Flaming Lips, DAN compile les sons, construit des mélodies et créer quelque chose d’enjoué, de complexe, de profondément mélodique, de collectif. Des relents de rock progressif ou krautrock, des touches psychédéliques, l’idée que le groupe se fait de la musique va puiser dans des ressources musicales que le temps ne gomme pas. Ces tourbillons sonores, ces boucles lancinantes, le jeu musical jubilatoire, la force des morceaux, tout concourt à affirmer que Disco Anti Napoleon est une nouvelle étoile de la constellation où gravitent déjà depuis quarante ans Neu  !, Animal Collective, Mercury Rev et bien d’autres. Levez les yeux, c’est la plus petite étoile mais elle brille puissamment  !

Cécile Arnoux

www.facebook.com/discoantinapoleon

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Artistes

YOUKOFF ANIMAL POLITIQUE

YOUKOFF EST UN RAPPEUR ALLONNAIS (72) SINCE 1996. RAPPEUR, MAIS AUSSI MILITANT ASSOCIATIF ET PERSONNAGE POLITIQUE, CE GARÇON CONSACRE SON TEMPS À L’ENGAGEMENT. À LA SCÈNE, SUR DISQUE OU DANS LA VIE, SA SPÉCIALITÉ EST DE CRÉER LA POLÉMIQUE. ENTRETIEN AVEC YOUKOFF À L’HEURE OÙ ARRIVE SON DEUXIÈME ALBUM « L’OUBLI POUR MÉMOIRE ». Par Julien Martineau Photo  : DR Peux-tu te présenter ? Youkoff, artiste rap depuis 1996. Avant, j’avais un groupe qui s’appelait Faz Realist. Un peu comme des jeunes qui se dépensent en faisant du sport, nous avions décidé de faire de la musique, sans forcément se prendre au sérieux. Il y a cette notion d’éducation populaire très importante dans mon parcours. Un an après le début, le groupe FFF est passé à la salle Jean-Carmet à Allonnes. À la fin de chaque concert, ils organisaient un bœuf avec des musiciens locaux et nous sommes montés sur scène. De fil en aiguille, ils nous ont invité à faire leur première partie à L’Olympia. Ça a été ma première « grosse claque » et c’est cela qui nous a donné envie de nous structurer  : monter une asso, se produire de manière professionnelle… Puis le groupe a splitté en 2002 et j’ai continué en solo.

Et à partir de là ? Je me suis rapproché du groupe La Rumeur, avec qui j’ai sorti un maxi « Le Mur aux Mille Blessures », et en 2005, en pleine période de révolte des quartiers populaires, j’ai sorti mon premier album solo «  Le Silence est Cri ». On a vendu 5 000 albums, mais on a très peu tourné. Bref. Ensuite, j’ai fait une pause, puis composé ce nouvel album et me voilà.

Comment s’est déroulée l’écriture de l’album ? J’ai mis 2 ans et demi à l’écrire. Je me suis notamment entouré du joueur de oud Ahmed Jebali. C’est un très grand musicien et ça a été un grand honneur de jouer avec lui. Il a créé toute la ligne mélodique de l’album. Je voulais qu’il crée le lien entre l’Orient, l’Occident, le Maghreb, la France… En gros   : mon histoire, mais aussi celle de La France puisqu’elle a été bercée par des vagues successives de migration des peuples   : Espagnols, Italiens, Polonais, et enfin

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Maghreb et Afrique. Pour autant, ce n’est pas un album qui s’adresse uniquement aux Français issus de l’immigration ou à ceux issus des quartiers populaires. C’est un album qui s’adresse à la France. J’ai d’abord sorti le titre « Le Pire est à venir » pour annoncer que j’étais en rupture avec ce que j’avais fait avant, sur la forme. Je voulais que cet album se lise comme un livre, se regarde comme un film… et cela prend beaucoup de temps à créer. Ensuite, je voulais enregistrer l’album avec des musiciens et pas seulement avec des outils numériques. J’ai mis du temps à m’adapter à eux. J’ai l’habitude de jouer avec des machines mais les instruments donnent tellement de relief à ma musique que j’ai dû moi aussi donner plus de relief à mon interprétation. Enfin, 2 ans et demi car nous sommes un label indépendant et que faire les choses dans l’indépendance, ça prend du temps…

La notion d’engagement est criante dans l’album, on y sent aussi une certaine rage. C’est un côté que je ne ressens pas en discutant avec toi. C’est une réflexion que l’on me fait souvent. Moi, je trouve que l’album est bourré d’espoir. Une des


Artistes particularités du rap est d’être dans la provocation. Si tu y vas avec des pincettes, très vite tu peux être considéré comme quelqu’un de démagogique. Donc oui, je vais au bout de mes idées mais ce n’est pas pour me mettre les gens dos ou diviser. L’objectif est bien de rassembler mais il faut bien interpeller, sinon ton discours n’est pas entendu. Cela permet de créer des problématiques. Je crois que tu ne peux pas les créer uniquement en suscitant la polémique.

Les notions de rassemblement et de diversité existent aussi via les featurings, et ton équipe ? Je n’ai invité aucun artiste rap sur l’album. On n’a pas besoin d’aller chercher des pointures pour faire buzzer un truc. Il s’agit de relations humaines avant tout… Ensuite, il faut parler de l’équipe de la Baraka Prod. Elle est indissociable du développement de mon projet. Je pense notamment à Aqua2fana à la vidéo, à Léo qui s’occupe du booking, Will qui a mixé et réalisé l’album… C’est une grosse famille qui s’est créée autour de ce projet là.

sortir de ce réseau pour toucher d’autres personnes. Pourquoi pas Youkoff avec Brigitte, par exemple  ?

Comment ça se vit la résistance, ton engagement quand tu ne fais pas de la musique ? J’ai la particularité d’être élu à la Ville d’Allonnes  : je suis conseiller municipal aux droits et à la citoyenneté des jeunes. Quand je fais de la musique, je fais du rap politique. Et dans ma vie, je suis un homme politique. Voilà mon engagement. Je ne sais pas si être engagé à travers ses textes est suffisant… Prendre le micro c’est aussi prendre ses responsabilités. D’autant que le rap est une musique largement écoutée par les jeunes. Alors il faut être en capacité d’expliquer ce que l’on dit dans ses textes. Je ne demande pas à tous les rappeurs d’être des hommes politiques, il y a d’autres formes d’engagement comme l’engagement associatif par exemple… Être en adéquation avec ses mots, c’est important.

C’est une vraie volonté d’être en autoproduction ? C’est à la fois un choix et par dépit parce que je pense qu’aujourd’hui, signer en maison de disque est très compliqué  : les gros labels ne font plus de développement selon moi. Je ne suis pas dans cette dynamique là… Et puis je me rends compte que travailler de manière indépendante implique de travailler avec des gens qui croient en ton projet. Du coup, leur point de vue est très intéressant et apporte beaucoup.

YOUKOFF

Comment est constituée ton équipe et quels sont les objectifs à venir ? On a quelqu’un qui s’occupe du booking en interne, on travaille aussi avec une attachée de presse. Après, le disque est aujourd’hui un outil de promotion. Ce qu’il faut développer, c’est la scène. C’est assez complexe de démarrer sur ce point, c’est assez verrouillé car les maisons de disques ont compris que le disque n’était plus vraiment rentable. Aussi, elles se lient aux grosses boîtes de booking pour imposer jusqu’à leurs premières parties aux artistes confirmés. Alors quelle place reste t-il pour les artistes indépendants  ?

Ce n’est pas vrai pour tous les plateaux… Le hip hop fait partie de ces esthétiques qui ont développé un fort réseau, non ? C’est vrai que c’est une chance. Quand tu marginalises une personne ou une esthétique musicale, elle s’organise par ses propres moyens pour se développer. La culture hip hop a apporté de nouvelles choses et notamment un réseau événementiel. Il y a quelques semaines, je jouais à Stereolux via l’association Pick Up (NDLR – festival HIP OPsession). Mais, je voudrais bien

L’Oubli pour Mémoire

La Baraka Prod – 2013

C’est donc huit ans après son premier album que Youkoff revient avec une actualité discographique. huit ans de travail, de rencontres, de réflexions et de combats qui l’amènent à sortir « L’Oubli pour Mémoire ». Ici, l’incisif rap de Youkoff est accompagné de productions hip hop plutôt classiques, mais bien léchées, aux accents orientaux. Côté discours, c’est bien vers la dénonciation liée aux thèmes français de l’immigration, de la délinquance que Youkoff se tourne. Un rap engagé, qui ne se contente pas de cracher mais bien de proposer des perspectives notamment collectives. Il faut dire que dans la vie comme dans sa musique, l’Allonnais sait s’entourer, du oud d’ Ahmed Jebal aux chants de Lola Baï ou de Sarah Bessie. « L’Oubli pour Mémoire » sort en totale indépendance sur son propre label La Baraka Prod, association également organisatrice du festival Crev’ La Dalle.

Julien Martineau

www.youkoff.com

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Artistes

papaye

DEUX MANCHES ET UN TAMIS PLEIN

LE VINYLE ET LE CD « TENNIS » SONT DANS LEUR VALISE POUR UN PÉRIPLE QUI TRAVERSERA FRANCE, ANGLETERRE, ALLEMAGNE, BELGIQUE, HOLLANDE, ITALIE, POLOGNE, SUISSE ET SLOVÉNIE DU 19 MARS AU 7 AVRIL 2013. VINGT CONCERTS DURANT LESQUELS PAPAYE PRÉSENTERA DONC CE SECOND DISQUE FRAÎCHEMENT SORTI SUR KYTHIBONG. PAROLE À AYMERIC, UN DES trois MOUSQUETAIRES. Par Cécile Arnoux Photo  : Vincent Pouplard Papaye est un concentré musical de Pneu + Room 204 + Kobra ?

le partager. Et puis partir à l’étranger, c’est un peu aller (la plupart du temps) à la rencontre de l’inconnu avec toujours plein de surprises. On aime bien les surprises.

À mon sens, pas du tout. Chaque groupe que tu cites est certainement relié à un univers assez proche mais a sa propre personnalité résultant d’une jonction de jeux et d’influences de différents membres. C’est un peu comme en cuisine avec les différents mixs d’ingrédients que tu peux faire, il est sûr que chacun a sa propre particularité, mais, mélangés à d’autres on obtient une variété de saveurs. Celle de Papaye est plus exotique que les autres.

Pourquoi cette tournée alors que le disque ne sort que le 24 avril ?

La tournée européenne s’est bien passée ? Oui bien qu’un peu éreintant, car 20 dates sans day-off dans dix pays. Mais des retrouvailles, des rencontres, des échanges enrichissants sur les différentes cultures. On a eu un très bon accueil que ce soit bondé ou pas, que ce soit dans un squat en Europe de l’Est ou dans un club italien. Les gens venaient assez souvent nous voir après le concert, tout sourire et repartaient avec un disque sous le bras. Je pense que c’est bon signe, non  ? En tout cas, c’est un peu ce qui nous anime, c’est le gros bonus de la musique, faire ce que l’on aime et

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Pour essayer de faire court, on était censé tourner en novembre dernier aux États-Unis pour défendre un peu le premier album « La Chaleur » comme nous n’avions jamais joué là-bas, mais le projet est tombé à l’eau sur cette période. Nous avons donc décidé de la déplacer en mars-avril. Puis à nouveau, pour des raisons logistiques nous avons dû renoncer à partir là-bas. Ayant réservé cette période dans nos plannings respectifs, nous avons donc décidé de transformer cette tournée en tournée européenne et comme du coup nous venions d’enregistrer « Tennis », nous nous sommes dit en commun accord avec le label (Kythibong) qu’on allait le presser au plus vite. Nous tournons donc avec les disques sur nous mais il ne sortira officiellement qu’en avril. Ce qui n’est finalement pas si éloigné et qui ne porte pas vraiment préjudice, le label n’ayant pas de distributeurs exclusifs dans les pays que nous visitons.


Artistes C’est Éric Pasquereau de Papier Tigre et Patriotic Sunday qui signe votre bio. Pourquoi l’avoir choisi ? C’est votre fan ultime ? Hahaha. Je dirais plutôt que c’est nous qui sommes fans de lui. C’est juste un très bon ami que nous apprécions énormément, nous aimons sa verve et ses tournures anglaises parfaites. Il comprend notre univers, d’où tout ça découle. C’était le biographe parfait.

Ce 2e disque, vous l’avez conçu comment par rapport au 1er  ? Un peu différemment, certes. La première chose que l’on pourrait dire à ce sujet est que celui-ci a été un poil plus réfléchi dans sa composition. Une seconde manière de faire les choses. Le premier a été composé et enregistré en quelques mois, brut de chez brut, nous n’avions pas fait un seul concert. C’était très plaisant, dans l’impulsivité et la fraîcheur. Depuis, il y a eu des tournées, alors pour «  Tennis  », nous nous sommes un peu plus penchés sur les compositions, nous avons un peu élargi notre champ, tenté de garder notre personnalité tout en essayant d’être un peu plus aventureux et accessibles aussi. On s’est penché sur les prises de sons, plus investi dans le mix, l’agencement des choses. C’est agréable cette progression et je pense qu’on va pousser la chose un peu plus par la suite.

Le tennis  ? Les chiens, Vous aimez ? Énormément. On a pas mal flirté avec le tennis dans notre enfance. On s’y remet tout doucement ces derniers temps histoire de ne pas rouiller. Franck est le plus au taquet, il regarde Roland Garros chaque année. Et les chiens c’est sympa non  ?

Est-ce que vous pourriez signer sur un autre label que Kithybong ? On pourrait complètement être sur un autre label. La preuve est que c’est déjà arrivé, le premier album était une co-production Kythibong/Africantape. Nous sommes pour multiplier les rencontres donc nous n’avons rien contre ça. Après, on ne nous propose pas spécialement une signature. Et puis il y a un très bon côté à être chez Kythibong, parce que j’en fais partie notamment. On connait tous parfaitement le fonctionnement, on est facilement réactifs. On a une visibilité sur tout ce qui se passe et si une chose va de travers et bien je n’ai pas besoin d’aller loin pour blâmer quelqu’un. Et puis mine de rien, on se sent assez proches, que ce soit humainement ou musicalement, des autres groupes du label. Confort.

Pourquoi cette forme d’ironie dans vos titres nommés en français ? Je ne vois pas vraiment d’ironie dans nos titres. Ce sont plutôt des résultats de boutades entre nous ou des alliances de mots qui nous parlent, nous font marrer. Rien de bien important, la musique l’est. Et pouvoir jouer avec les noms c’est le bon côté de la musique instrumentale.

Le côté instrumental apporte quoi pour vous ? Ça n’apporte rien. Ce n’est ni une règle, ni une chose décisive ou décidée dès notre rencontre. Nous avons commencé à jouer sans prendre de chant en compte. Les morceaux se sont construits comme ça et nous nous sommes rendus compte au final que l’espace pour le chant était restreint. Nous sommes restés sur cette base. Et en même temps, nous chantons à trois sur le morceau « Grapes » du nouvel album. Comme quoi… pas de règle.

26 minutes pour 13 morceaux, c’est la marque De fabrique de Papaye le condensé, un côté un peu punk ? Sûrement, sans le vouloir. Nous composons nos morceaux sans nous dire qu’ils doivent rentrer dans un format radio. Le disque est fini quand on le sent fini et effectivement les morceaux dépassent rarement les deux minutes. Je trouve que ça convient très bien avec l’énergie de certains morceaux. Faire court plutôt que tomber dans la redite. Comme des petites grenades pop.

papaye

Tennis

Kythibong / La Baleine 2013

Voilà un disque qui porte plutôt mal son nom. Vu la rapidité des échanges, on aurait personnellement plutôt opté pour « Ping Pong ». Sur les treize titres de « Tennis », seule une petite poignée dépasse (de pas beaucoup) les deux minutes. Heureusement, Papaye n’a pourtant pas tout misé sur la célérité d’exécution. Ce second disque garde en effet suffisamment de pop en lui pour accrocher l’auditeur non-musicien et/ou non-initié (ce qui n’est peut-être pas toujours le cas sur scène), notamment grâce à des riffs de guitare ultra-sexy qui vous arrachent le polo Lacoste sans vous demander votre permission. Le trio math-punk tourangeau-nantais dégage une bonne humeur contagieuse qui donne envie de baisser le short du N°1 mondial, de soulever les jupettes des ramasseuses de balles ou de rouler une galoche à Nelson Monfort  ! Vivement Roland Garros tiens  !

Kalcha

www.friendlypapaye.com

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Artistes

IL EST UN ESTUAIRE

Espace de l’entre-deux, plus vraiment le fleuve, puisque celui-ci se disperse en plusieurs bras, pas encore l’océan ; le delta est un territoire à part. Et c’est sur cette zone fluctuante que se retrouvent deux musiciens de la scène angevine (Richard Bourreau, violoniste de Lo’Jo et Vincent Erdeven, clavier de Zenzile). Guitare, violon et kora se répondent et se mêlent sur le premier album de Deltas, comme une invitation à naviguer sur le Nil, le Mississippi ou le Mekong. Rencontre avec Richard. Par Emmanuel Legrand Photo  : Nadia Nid El Mourid Quelle est l’histoire, la genèse du projet ? Richard  : Ce projet est né il y a 4 ans environ. Nous avions alors, Vincent et moi, nos enfants dans la même école, le déclencheur a été tout simplement la directrice de l’école qui nous a demandé de jouer pour la fête de fin d’année. Déjà dans les années 90, nous partagions (Lo’Jo et Zenzile) les mêmes locaux de répétition et nous avions déjà, à cette époque, joué ensemble. Nous avons naturellement et assez rapidement trouvé des liens et des envies communes.

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Sur cette musique, aux sonorités très africaines, on n’est pas étonné de te retrouver, Richard. Par contre le lien avec l’univers musical « habituel » de Vincent est moins évident. Quand je joue de la kora je n’ai pas forcement l’Afrique en tête  ! Que je le veuille ou non, ma culture est avant tout française et européenne. Pour trouver une mélodie, je peux partir d’une image que je me fais de l’Afrique  ; mais il y en a bien d’autres… Quant aux idées musicales de Vincent,


Artistes elles sont porteuses d’imageries et donc très motivantes pour se placer dessus  ! Vincent est allé plusieurs fois en Afrique, avec Zenzile ou avec moi. Ce vécu commun nous relie.

Quel est votre mode de composition ? Partez-vous dans des bœufs ou bien est-ce très écrit ? Avez-vous chacun un rôle précis ou bien êtes-vous sur un mode d’échanges, de partages ? Je fais le constat qu’on procède un peu de la même façon à chaque fois, mais plutôt par instinct. Vincent amène une mélodie, une grille d’accords, voire un morceau quasiment composé  ; et je place la kora dessus, plutôt en mode improvisation. Au fil des répétitions, je fixe ce qui nous semble le plus accrocheur, le plus mélodique et on construit alors petit à petit le morceau. Au fil du temps, quand on les joue sur scène, l’improvisation reprend le dessus et nous cherchons à nous surprendre l’un l’autre. L’enregistrement a été réalisé par Jérôme Pinson (DJ de Vendas Novas et sonorisateur occasionnel de Lo’Jo)  ; en partie chez Vincent et en partie à La Fontaine-du-Mont (la maison de résidence de Lo‘Jo).

Vos morceaux sont traversés par l’idée de fleuve  : delta, Loire, Mekong… vallée du Tunka (Sibérie). Un hasard ou une conséquence de la proximité d’Angers avec la Loire ? Bien sûr la Loire y est pour quelque chose, mais le fleuve Niger aussi. Je trouve que les deltas amènent une atmosphère particulière à la musique. Il suffit de penser au delta du Mississipi  !

Quel avenir pour Deltas ? Vous vous êtes faits plaisir et c’est terminé ou bien ce premier album appelle une suite ? Nous avons déjà des morceaux en préparation…

Envisagez-vous des concerts de Deltas ? Quand ? Où ? Comment ? Oui, partout où on voudra bien nous inviter.

Vous sortez le disque chez Kazamix, un label inattendu qu’on connait plus dans le « dub cowboy hawaïen ». Comment s’est faite la connexion ?  Là encore, le fait d’être de la même ville nous a rapprochés. Les goûts musicaux de Fred Kazamix sont éclectiques et je pense qu’il privilégie l’aventure humaine.

Ce qui semble vous lier au sein de Deltas (Vincent, Richard ainsi que le musicien malien Andra Kouyaté) ce sont aussi les cordes : violon, guitare, kora, n’goni N’goni basse. Y a-t-il une recherche particulière sur le son, les textures, les atmosphères propres aux cordes ? Le son est le plus acoustique possible, pour faire ressortir le coté précieux, fragile et sensible.

Au vu de vos CV respectifs, on pourrait se dire que Deltas est un groupe de musiciens… pour musiciens. J’espère bien que nous ne sommes pas comme ça. Ce qui me touche le plus dans la musique c’est la simplicité. La performance musicale ne m’intéresse pas  !

DELTAS Deltas

Kazamix Records – 2013

Bien évidemment, on recherche dans Deltas des références aux deux groupes où œuvrent Richard Bourreau et Vincent Erdeven. Et force est de constater que la musique de Deltas est bien loin de Zenzile ou Lo’Jo (quoique…). Nous sommes ici embarqués dans une sorte de blues acoustique africano-oriental contemplatif. Les sept morceaux invitent inévitablement à la méditation. L’auditeur sent son esprit flotter, comme porté au fil de l’eau. La grande cohérence de l’ensemble, le soin apporté à une production chaleureuse, font de ce premier album un disque que l’on écoute du début à la fin. Fait rare en ces temps où règne le zapping frénétique de fichiers MP3. Se détachent néanmoins des moments de bravoures tels « Mékong Song » avec son violon extrême oriental et le n’goni de Andra Kouyate.

Emmanuel Legrand

www.kazamixrecords.com

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PROJETS

L’INTRO DU DOSSIER DE PRESSE LAISSE RÊVEUR : « REDONNER LE POUVOIR AUX ARTISTES ». COMMENT ? AVEC UNE PLATEFORME INÉDITE REGROUPANT SOUS UN SEUL CHAPEAU UN ENSEMBLE DE SERVICES JUSQU’ICI ÉCLATÉS SUR LA TOILE. LA START-UP YONNAISE WISEBAND PROPOSE AUX GROUPES MAIS AUSSI AUX LABELS INDÉPENDANTS UNE SOLUTION GLOBALE POUR GÉRER LEUR MERCHANDISING ET RENOUER UNE RELATION DIRECTE AVEC LEURS FANS. WISEBAND ? C’EST QUI ? C’EST QUOI ? Ni plus ni moins qu’une évolution de Yozik, plateforme de diffusion et de vente de musique et produits dérivés sur le web, lancée en 2006 par Henri-Pierre Mousset (par ailleurs boss du label Yotanka). Déjà utile mais pas assez intuitive, avec, il faut l’admettre, un nom rappelant plus une marque de yaourt qu’une interface sérieuse ouverte sur l’international… Avec désormais une utilisation facilitée, un panel de services supérieur à la portée de tous, Wiseband démocratise des outils jusque-là dispatchés. Distribution numérique instantanée sur les plateformes de vente actuelles, mise à dispo d’e-boutiques pour les sites web des groupes et les réseaux sociaux (vente de MP3, de disques et de merch en tous genres), outils de création de newsletter, de gestion de mailing, de fabrication (disques, tee-shirts, affiches…), gestion de stocks et envois aux acheteurs, accès transparent aux chiffres de vente, paiement mensuel… Une offre unique en France et en Europe, auquel l’utilisateur peut souscrire à la carte, à un tarif abordable et avec des marges peu gourmandes. Que demande le peuple  ?

POUR QUI ? POUR QUOI ? « Internet a permis une diffusion exceptionnelle de la musique sans que les artistes aient pu en tirer bénéfice », explique Tanguy Aubrée, responsable com’ de Wiseband. On leur propose une reprise de contrôle de cette diffusion, avec des moyens pour sensibiliser le public sur sa conso de musique, le piratage. L’auditeur peut acheter

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sur le site du groupe plutôt que sur les plateformes de vente habituelles, ça lui donne le sentiment de soutenir directement les artistes ». Le fameux « direct to fans » permet de générer et ancrer une relation directe, à long terme entre les artistes et leur public. À l’heure de la crise du disque, du crowdfunding, développer une communauté de fans sur le web peut payer. Zenzile a ainsi pu financer son nouvel album par la vente du coffret « 5+1 Box Set » (réédition de ses anciens albums + inédits).

UNE ASSISE RÉGIONALE OUVERTE SUR LE MONDE Historiquement basé en Vendée, Wiseband a choisi de rester en région, tout en possédant des relais à Nantes, Paris, en Angleterre, Allemagne et Espagne. Et fait le pari qu’on peut développer une start-up à La Rochesur-Yon, sans être dans une capitale européenne. Un ancrage régional proche d’un réseau musical dense, entre les voisins du Fuzz’Yon, Trempolino, les autres structures nantaises, angevines, les médias… Autant de prescripteurs potentiels auprès d’un vivier de groupes tout aussi dense, afin d’aller à leur rencontre, cerner leurs attentes et les besoins de demain. Lancement officiel  : 20 avril 2013 www.wiseband.com

Par Benoît Devillers Logo : Wiseband


PROJETS

TRIBU FAMILIA

POUR LE FESTIVAL LES ARTS’BORESCENCES COMME POUR LA SAISON ESTIVALE DE CONCERTS « L’ÉTÉ DES 6 JEUDIS », L’ASSOCIATION TRIBU FAMILIA MISE SUR DES VALEURS D’ACCESSIBILITÉ ET DE GRATUITÉ POUR FAVORISER LA RENCONTRE ENTRE LES ARTISTES ET LES PUBLICS. UNE RENCONTRE BASÉE SUR DES PROPOSITIONS ARTISTIQUES SOUVENT HYBRIDES ET INCLASSABLES, TRANSFORMANT AINSI LA VILLE DE MAYENNE EN UN JOYEUX CABINET DE CURIOSITÉS ARTISTIQUES. Chaque début d’été, l’association Tribu Familia investit le parc bucolique du château de la ville de Mayenne pour y dresser le festival Les Arts’Borescences que la structure organise depuis 2006. La marque de fabrique du festival est de proposer des formes artistiques peu explorées sur le territoire  : « Après l’arrêt de La Rue Fait Des Scènes en 2004, nous avions envie de reprendre le flambeau et de proposer à nouveau un festival sur la ville de Mayenne. La création des Arts’Borescences a été motivée par l’envie de proposer un évènement culturel populaire mais néanmoins exigeant dans les formes qu’il proposait. À l’époque, les arts de la rue et les autres formes dites des arts populaires n’étaient pas aussi développés sur le département…  », rappelle Laure Denis, la coordinatrice de la structure. Marionnettes, musiques actuelles, arts de rue, cirque et autres curiosités sont au programme de cet événement gratuit et familial  : « Dès la première édition des Arts’Borescences la gratuité a été au centre du projet. L’idée étant de favoriser la mixité des publics… La gratuité permet également de proposer une programmation axée sur les découvertes, nous ne faisons pas la course aux têtes d’affiches. ». L’enjeu est d’interpeller le public dans son rapport à l’espace et au spectacle  : « Le partenariat que nous avons depuis plusieurs

années avec le musée du château de Mayenne nous permet de développer ce type de formes en proposant aux compagnies ou groupes des créations ou adaptation in situ. Nous souhaitons favoriser la création, proposer un terrain de jeux et de spectacle moins classique que le rapport frontal, désacraliser le musée et l’ouvrir à différentes disciplines ». Le soutien à la création locale tient une place importante dans le projet artistique du festival, à l’image du dispositif d’accompagnement scénique mis en place avec les studios musiques actuelles du Conservatoire de la ville de Mayenne. C’est le projet indie folk de Quentin Sauvé, alias Throw me off the Bridge, qui bénéficiera de ce « grand atelier » cette année. « L’ouverture des studios musiques actuelles a motivé la mise en place du dispositif avec cette envie de proposer à un groupe de la scène locale neuf jours de résidence accompagnés de trois à quatre concerts, dont un sur le festival. L’originalité de ce partenariat repose sur la mutualisation de moyens entre un lieu pédagogique et une structure de diffusion ». Une démarche partenariale que la structure tente d’appliquer aussi dans l’animation de la saison estivale  : « L’été des 6 jeudis » dont elle s’est vue confiée récemment l’organisation. Autour de ce rendez-vous musical, Tribu Familia propose, en partenariat avec plusieurs acteurs locaux, des ateliers d’écriture, des showcases, des concerts dans les bars. Un bel été 2013 est annoncé du côté du Nord Mayenne, il sera forcément riche en émotions artistiques et en rencontres culturelles. www.artsborescences.com www.etedes6jeudis.com

Par Eric Fagnot Photo : David Rolland Tohu bohu

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Génération y

DES PROJETS INNOVANTS ENQuandPAYS DE LA LOIRE la technologie se fait musique

Les technologies évoluent de plus en plus, le monde est de plus en plus connecté et les pratiques, qu’elles soient musicales ou d’un tout autre domaine, changent et s’adaptent à cette nouvelle vision du monde, ce changement de Civilisation dont certains parlent. La musique vit une métamorphose permanente, dans ses fondements même, notamment depuis qu’internet a pris une place si importante dans nos vies (surtout la mienne). La technologie musicale se nourrit d’innovations permettant de créer de nouveaux outils, mais aussi de nouveaux services. Ces nouveautés permettent aux artistes comme aux porteurs de projets culturels de « rénover » leurs pratiques, leurs actions, mais aussi d’offrir des services innovants qui facilitent l’accès à l’industrie musicale, elle-même en profonde mutation. Des porteurs de projets ont ainsi présenté leurs initiatives lors d’un workshop de la semaine thématique Welcome to the Machine (autour des nouvelles technologies musicales et des usages innovants), organisée en mars 2013 à Trempolino. Retour sur ces projets – forcément différents. Les pratiques artistiques sont en pleine évolution, comme on peut le voir avec des projets comme la Crystall Ball de Naonext, ou encore les capteurs acoustiques d’Ischell. Dans ces deux projets  : deux approches bien différentes, l’une orientée musique assistée par ordinateur, l’autre cherchant a rendre

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encore plus fidèle la restitution du son acoustique. Par le biais d’une interface midi et de capteurs optiques sensibles à la distance et à la vitesse, la Crystall Ball permet, grâce aux mouvements du corps humain, de « piloter » à la fois des sons mais aussi des effets, de la lumière ou encore des vidéos. Une approche totalement novatrice, et pas besoin d’être voyant pour contrôler cette interface  ! À l’opposé, les capteurs acoustiques d’Ischell offrent aussi une vraie révolution car ils permettent d’amplifier des instruments tels que des guitares, des harpes, des violoncelles… tout en conservant un son acoustique parfait. Aucun larsen ou bruit parasite, la clarté des sonorités est vraiment impressionnante. Deux modèles, deux conceptions de la musique qui trouvent ici des applications novatrices, avec pour seul objectif d’offrir aux artistes des moyens toujours plus performants. De nouveaux outils, mais aussi de nouveaux services qui émergent et permettent aux artistes et aux amateurs de musique une expérience innovante. Wiseband, plateforme «  multi-services  », offre aux artistes de nombreux moyens pour diffuser et vendre leur musique. Wiseband centralise les différents services qui peuvent être apportés à un artiste ou à un label, en une seule et même interface (cf. page 15). Mais la technologie n’aide pas seulement les artistes, elle offre aussi aux amateurs de musique de nouveaux moyens d’écoute, notamment avec Sounderbox. Partager sa musique dans un bar ou un festival, en l’ajoutant sur une playlist collaborative depuis son téléphone devient possible grâce à cette nouvelle application. Chaque personne peut proposer sa musique et également influer sur son déroulement par un système de vote. Improvisez vous DJ pour une soirée, et prenez le contrôle  ! Toutes ces initiatives régionales montrent à quel point la technologie fait partie de notre vie et de notre territoire.

Par Alexis Chevallier Photo : la Crystall Ball, William Jezequel/Idîle


The next big thing

PAROLES D’ACTEURS UN CASTING D’ACTEURS DE LA RÉGION QUI NOUS CONFIENT CE QU’ILS ATTENDENT IMPATIEMMENT POUR CES PROCHAINES SEMAINES… PIERRE LOECHNER

TANGUY AUBRÉE

J’attends que les gens de Saint-Nazaire se bougent un peu plus. À part le Beach Art Center et nous, ça manque de dynamisme en musique indé. J’aimerais que des assos se regroupent pour investir des lieux (comme l’ancien cinéma Les Korrigans…), que les assos et les structures plus établies comme le Théâtre, le Vip… collaborent davantage.

Le nouveau Depeche Mode et le Daft Punk, le Disquaire Day le 20 avril qui marquera pour moi le lancement officiel de Wiseband.com  ! J’aimerais voir le soleil débarquer en force, sortir ma guitare un peu plus souvent et que mes voisins arrêtent de me casser les noix parce que j’écoute de la musique un peu trop fort… Si on peut même plus se lâcher le samedi soir…

RESPONSABLE MY LITTLE CAB RECORDS, OHM STUDIO (SainT-NAZAIRE)

CHARGÉ DE COMMUNICATION WISEBAND (LA ROCHE-SUR-YON)

DENIS POULIN

MAZARIN

Monter une tournée d’artistes devient de plus en plus difficile, c’est comme bien réussir son jardin au printemps, il faut un peu de chaleur, d’envie, de risques, afin que les graines semées puissent un jour voir le jour. J’attends juste que la terre se réchauffe, le plus naturellement possible, même si depuis deux jours, j’aperçois de loin des éoliennes à côté de chez moi…

Je souhaiterais un buzz énorme pour Mazarin, un maximum de soleil en Mayenne, une tournée marathon en Amérique Latine, gagner quelques millions au loto, une ascension du Kilimandjaro ou chopper la nationalité russe, mais il semblerait que si tout se passe bien, fin mai, je sois encore papa…

RESPONSABLE PLUS PLUS PROD, MANAGEMENT, TOUR (NANTES)

STEVEN NARFA LE FAOU

DJ COLLECTIF LES MIXTAPES DE L’APÉRO (ANGERS)

On attend avec impatience le soleil et le retour des terrasses de cafés. Alors que l’hiver nuit gravement à l’apéro, nous réclamons la libération immédiate du printemps  ! Tous ensemble, invoquons les pouvoirs d’Ebo Taylor et de Jorge Ben pour une résurrection des beaux jours. Amen.

NATHALIE LEGEAY

RESPONSABLE ÉLASTIQUE À MUSIQUE (Le MANS) Voir le Magnéto sortir de sa période d’hibernation et avancer concrètement sur les musiques actuelles en Sarthe, revoir le soleil plus de deux minutes par semaine, entamer la période festivalière par le Primavera Sound de Porto fin mai et la terminer par le festival Teriaki au Mans.

CÉLINE COULANI

CHANTEUSE DUSTY (ANGERS)

On attend les CD de notre EP « We are Dusty », d’avoir les moyens d’en sortir une version 45-t. On attend de trouver la recette de la simplicité absolue, de manger un curry et que deux et deux fassent enfin cinq.

MUSICIEN (LAVAL)

LAURE DENIS

COORDINATRICE FESTIVAL LES ARTS’BORESENCES / L’ÉTÉ DES 6 JEUDIS (MAYENNE)

Les festivals de cirques, contes musiques… qui reviennent avec le printemps et le soleil (normalement  ?!) Et bien sûr l’été, qui annonce Les Arts’Borescences et l’Été des 6 jeudis. Bref j’attends que la pluie s’en aille  !

VIVOU

BATTEUR OUTRAGE (Le MANS)

J’attends une politique en faveur de la jeunesse, le retour du soleil et les barbecs en tongs, de savoir quel accueil sera réservé à notre nouvel album et aux concerts, que le secteur musiques actuelles au Mans ait les moyens de travailler correctement et que les innombrables rockeurs sarthois s’exportent à leurs justes valeurs.

MARION

BÉNÉVOLE AU FUZZ’YON ET ANIMATRICE RADIO GRAFFITI (LA ROCHE-SUR-YON)

Voir le nouveau pôle culturel de La Roche sortir de terre, savoir si Graffiti va enfin avoir de nouveaux studios, écouter le prochain Loïc Lantoine, voir Roberto Fonseca aux Escales de Saint-Nazaire et adopter bientôt un petit cochon vietnamien.

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DOSSIER

CHANGE DE DISQUE ! (OU PAS…) À quoi ça sert de sortir un disque en 2013 ? LE BOOM D’INTERNET ÉTAIT CENSÉ TOUT BALAYER SUR SON PASSAGE. MAIS, EN 2013, SI LE NUMÉRIQUE A EFFECTIVEMENT TRANSFORMÉ LE PAYSAGE ET LES USAGES, IL SE VEND ENCORE DES DISQUES EN FRANCE. DU CD AU DIGITAL, EN PASSANT PAR LE BON VIEUX VINYLE, TOHU BOHU TENTE DE FAIRE UN ÉTAT DES LIEUX DU MARCHÉ ET DES PRATIQUES. EN DONNANT LA PAROLE À CEUX QUI COMPOSENT, ÉDITENT, VENDENT DES DISQUES… OU EN ÉCOUTENT, TOUT SIMPLEMENT. Par Damien Le Berre Illustrations : Gaelle Duhaze – perditacorleone.canalblog.com longue plage musicale, avec ses cinq titres par face. Le fameux 45 tours apparaît quant à lui en 1950, et accompagne l’expansion du rock’and’roll. En 1963, Philips frappe un grand coup avec la cassette magnétique, qui rend possible la copie privée. Le Compact Disc, développé par Sony et Philips toujours, voit pour sa part le jour au tournant des années 80, et connaît son âge d’or jusqu’à la fin des années 90. Et enfin, le changement de siècle amène le bouleversement que tout le monde connaît  : en 2001, le MP3 explose et la musique se dématérialise dans des fichiers et sur les ordinateurs. Les heures du disque en tant qu’objet sont comptées, entendon alors.

« Franchement, tu écoutes encore de la musique sur cylindre  ? ». Voilà peut-être le genre de réflexion qu’aurait pu faire un mélomane dans les années 1930. Quand les premiers disques (en shellac, le vinyle n’apparaissant qu’après-guerre) ont remplacé les tubes cylindriques recouverts de cire qui avaient été mis au point 50 ans plus tôt. Car la révolution du MP3 au tournant des années 2000 n’est que la dernière d’une longue liste dans l’histoire des supports musicaux depuis 1880. Jugez plutôt. En 1930, le 78 tours autorise pour la première fois un large public à accéder à la musique enregistrée, jusqu’alors réservée à une élite aisée. Quatre ans plus tard, le 33 tours permet de couvrir une

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RESISTANCE PHYSIQUE « On nous a dit depuis le début que la révolution numérique allait tout balayer, mais j’ai toujours pensé que l’objet physique resterait. Et plus de dix ans après le vrai développement de la musique sur internet (qui correspond à l’arrivée de l’ADSL et du haut-débit), le physique est toujours là et bien là… » Le constat est de Philippe Couderc, fondateur du label bordelais Vicious Circle il y a tout juste vingt ans. Et il est exact, comme le montrent les chiffres de 2012 rendus publics par le SNEP (Syndicat national de l’édition phonographique). Certes, dans un marché français de la musique enregistrée qui recule encore de 4,4 % – alors qu’au niveau mondial la courbe des ventes s’est inversée (+ 0,3 %) pour la première fois


DOSSIER depuis 1999* – le numérique emmené par Spotify, Deezer et iTunes (streaming, abonnements et téléchargement légal) est en progression de 13 %. Certes, le physique recule dans le même temps de 11,9 %. Mais si la bascule s’est faite dans plusieurs pays (dont les États-Unis), le digital ne représente à l’heure actuelle, contrairement aux idées reçues, que le quart du marché hexagonal.

fait pour le livre, il y aurait encore aujourd’hui autant de disquaires que de libraires indépendants. Sans parler du problème de la TVA à 19,6 % qui crée une charge très dure à surmonter. » * Le marché de la musique s’est contracté de 43 % sur cette période.

« Attention, je ne suis pas contre le numérique. Ce dont j’ai envie, c’est que les gens puissent découvrir la musique. Mais l’industrie du disque s’est trompée – ou nous a trompés – en sous-estimant a priori le rapport physique des gens à une œuvre culturelle. Et en négligeant du coup le disque et ses réseaux de distribution », poursuit Philippe Couderc. « En sabordant l’offre physique, on a aussi évidemment sabordé la demande. Et cette erreur a mis en difficulté beaucoup de petits labels comme le nôtre et provoqué la quasi-disparition des disquaires indépendants. » Malgré tout, des disquaires indé il en reste. Environ 200 sur les 3  000 du début des 80’s. À Nantes, Anthony Chaslerie est l’un d’entre eux. Après des débuts à Black & Noir il y a une quinzaine d’années, il a ensuite tenu le magasin Box Elder au Lieu Unique et officie depuis 2005 derrière le comptoir de Mélomane. S’il pointe lui aussi l’industrie du disque du doigt (« Quand on sait ce que coûte un CD et combien il était vendu dans les années 90, on peut se dire qu’il y a eu un beurre incroyable de fait, et donc un retour de bâton logique »), il n’oublie pas non plus d’égratigner les pouvoirs publics. « Je pense que si l’État avait mis en place le prix unique pour le disque comme cela a été

PORTRAIT D’UN DISCOPHILE Franck est le rêve incarné de tout disquaire. quand il rentre de son travail à l’Opéra Graslin, ce sont près de 5 000 disques qui l’attendent à la maison, plongée dans le monde d’un passionné, un vrai.

sionne essentiellement dans trois endroits   : à Mélomane, à Atout Sud, et à AKA, pour l’occasion, à Bouffay. Je n’ai jamais téléchargé un disque et j’ai dû acheter simplement deux fois sur internet, car j’aime le contact avec le disquaire.

Je fonctionne aussi par périodes  : en ce moment j’écoute beaucoup d’électro, que je ramène de Berlin. L’ensemble est classé par ordre alphabétique, tous styles mélangés. Sauf pour le classique, l’opéra et le jazz, qui sont à part.

« Je possède environ 4 000 30 cm (le format classique d’un album en vinyle – NDLR) et 1 500 45 tours, ce qui représente un peu plus de deux murs. J’achète un ou deux disques par semaine, soit un budget de 100 à 200 euros par mois. J’ai acheté le premier en 1974  : « Rock Your Baby », un 45 tours du chanteur de soul funk George McCrae. Le dernier, c’est un coffret de Led Zeppelin. Je m’approvi-

Au niveau des styles, je suis très éclectique, sans a priori, à l’exception de la variété que je n’ai jamais aimé depuis que je suis enfant. Ça va du vieux blues rural des années 20 à Napalm Death, en passant par la country, la musique contemporaine… Et la pop évidemment, puisque mon groupe préféré reste les Beatles. Même si j’ai plus de références des Beastie Boys, avec cinquante albums.

J’adore l’objet vinyle. Il faut dire que j’aime aussi énormément la peinture et la photo. Et la pochette d’un vinyle permet de faire le lien avec la musique, sans avoir besoin d’une loupe pour déchiffrer les notes. On fait attention à un vinyle par rapport à un CD, qu’on peut perdre, prêter et ne jamais revoir. Et ça ne me dérange pas de me lever pour changer de face, au contraire. »

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DOSSIER

LE DISQUE ET LA LOI Les chansons sont là, l’album est prêt à escalader les charts, ne reste plus qu’à faire fabriquer l’objet. Chloé Nataf, chargée de développement des musiques enregistrées à Trempolino, rappelle les quelques obligations légales requises avant de lancer la machine. « Quand on veut faire fabriquer un disque, il y a obligation de passer par la SDRM (Société des Droits de Reproduction Mécanique) qui dépend de la Sacem (Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique). Il faut leur déclarer les morceaux pour pouvoir lancer la fabrication, quels que soient la quantité et le support. Le fabricant ne pourra de toute façon pas opérer sans l’autorisation de cette société civile. Si le groupe n’est pas sociétaire de la Sacem, c’est gratuit. Dans le cas contraire, c’est payant, un peu moins de 10 % du prix de gros hors taxe. Mais un jeune groupe peut également s’autoproduire sans passer par un fabricant, en dupliquant simplement des CD vierges. Il n’y alors aucune formalité particulière. Il paye bien ce que l’on appelle la taxe de copie privée, mais celle-ci est comprise dans le prix d’achat du support. »

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HUILE DE COUDE ET DIY La petite boutique est-elle pour autant condamnée  ? Pas sûr. Yann Boucaud est chef des ventes chez le distributeur La Baleine, basé à Niort. Son métier  : « Être une sorte d’entonnoir qui écrème la masse des sorties internationales pour le marché français. Avec une politique de choix éditorial, en faisant une sélection de disques, avant de les mettre en vente, que ce soit chez les disquaires ou sur les sites de vente en ligne comme Amazon. » Et il a observé un phénomène surprenant. « Il y a bien une réduction du linéaire flagrante chez les grosses enseignes comme la FNAC. Mais parallèlement, il y a aussi des ouvertures de disquaires à taille humaine. À Paris, j’ai par exemple fait cinq créations de compte sur le dernier trimestre. C’est donc une vraie tendance. Parce qu’il y a encore chez les gens un vrai besoin de discuter de musique. » Pour preuve, le succès de l’opération Disquaire Day, le 3e samedi du mois d’avril. Le principe  : disques en éditions limitées et miniconcerts dans ou devant les boutiques. Un vrai besoin de fabriquer du disque, aussi. Que l’on retrouve chez les micro-labels, qui partagent avec les disquaires la précarité économique, chevillée à un esprit résolument Do It Yourself. « On ne sort pas des disques pour devenir riche », rigole Anthony Chaslerie. Outre sa casquette de disquaire, il est l’un des trois activistes à la tête du label Kythibong qui a produit une trentaine d’albums depuis 10 ans (dernier en date  : le deuxième Papaye). « On se rembourse d’abord sur les frais de pressage, qui sont de l’ordre de 4 € pour un vinyle, deux fois moins pour un CD. On fait ensuite moitié-moitié avec les artistes. Ce qui nous permet d’avoir un peu de trésorerie pour le pressage suivant. Certains disques ne sont pas et ne seront jamais amortis, d’autres dégagent un peu de bénéfice, mais tout est réinvesti. » « Heureusement que je suis intermittent parce que ça serait très compliqué de vivre du label à l’heure actuelle », confirme Frédéric Bellanger. Le guitariste de La Ruda est également à la tête de Kazamix,


DOSSIER sept signatures au compteur, dont Deltas qui vient de sortir sa première galette. « Ça se fait à l’huile de coude mais j’aime le côté artisanal, fait à la maison, de la chose. Je suis content de faire sortir de leur disque dur les projets d’amis musiciens, projets qui n’auraient, sinon, pas forcément existé. » Le coup de main pour les amis est également à l’origine du — joliment nommé — label angevin Des Ciseaux Et Une Photocopieuse, une quinzaine de références depuis 2011. « On l’a créé pour sortir l’album des Nantais The Attendants. C’était juste un moyen d’aider les copains. On le faisait déjà en organisant des concerts, c’était juste une façon d’étendre la démarche », explique Florent Allain, par ailleurs chanteur du groupe punk Wank for Peace qui sort ses propres disques sur le label. Une dimension «  familiale  » que On and On revendique depuis sa création en 2001. Si le label avait déjà connu un gros succès (disque d’or) avec Place 54 de Hocus Pocus, il est récemment passé dans la cour des très gros avec le désormais célèbre « Tetra ». « On atteint les 200 000 ventes. On ne s’attendait pas du tout à l’ampleur que C2C a pris et ça représente évidemment un gros volume de travail », explique Yann Nedelec, qui est de l’aventure depuis les débuts. Entre le EP et la sortie de l’album, On and On a conclu un accord de licence avec la major Universal. Ce qui n’a pas été sans faire grincer quelques dents. « Une partie des gens pense qu’on leur a vendu notre âme et que l’on a fait des concessions commerciales. Mais quand on a signé avec eux, l’album était fini  ! », se défend Yann, « il y a toujours cette césure indé/major. Alors que je pense que lorsque tu signes sur Pias, Naïve ou sur Universal, le but est le même  : être exposé le plus largement possible. Mais c’est sûr que l’image, elle, n’est pas la même. Pourtant, on reste indé, avec notre autonomie artistique. Il n’y a aucune ingérence de leur part, que ce soit au niveau musical ou de l’artwork. »

PLUS-VALUE DE L’OBJET ET NOUVELLES TÊTES L’artwork, justement. « Illustration », dans la langue de Gainsbourg. Le plaisir d’avoir de beaux objets entre les mains. « Des trucs qu’on a envie de collectionner. Des sur-pochettes, des choses qui se déplient, qui se plient, qui s’affichent…  », dixit Florent de Des Ciseaux Et Une Photocopieuse. On peut sans doute y voir une explication du retour d’un autre donné pour mort  : le vinyle. Si la galette reste malgré tout une niche comparée au CD, « il existe un vrai phénomène de reprise, depuis quelques années », avance Olivier Misura, responsable de la distribution dans le Grand Ouest pour Pias. « À un moment, il avait même disparu des précommandes. C’était vraiment pour les spécialistes et les gens qui mixaient. Alors que là, sur le dernier Mogwai par exemple, je ne dois pas être loin du 50/50 entre vinyle et CD. Ce retour a un peu surpris tout le monde. Les usines de fabrication se retrouvent même prises de court. Aujourd’hui, il y a un délai de trois à quatre mois pour presser un vinyle. » Chez Mélomane, il représente 70 % du chiffre d’affaires. Et Anthony a sa petite explication. «  Les labels font maintenant de plus en plus souvent quelque chose d’intelligent et d’indispensable  : ils insèrent dans le disque un coupon pour télécharger l’album. Beaucoup de gens me demandent s’il y a bien ce coupon avant d’acheter le vinyle. Numérique et vinyle ne sont donc pas incompatibles. Les gens écoutent d’abord sur Internet, achètent le vinyle avec coupon MP3, gardent le disque pour la maison et se servent du MP3 en voiture ou dans un baladeur. »

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DOSSIER Même s’il ne représente que 10 à 12 % de ses ventes, Stéphane Gagnon est lui aussi témoin de cette bonne santé insolente du disque à sillons, qui l’a poussé à augmenter le rayonnage dédié dans son magasin. Après avoir expliqué la spécificité de la région (« L’Ouest a toujours été très dynamique au niveau musical, donc au niveau du marché du disque, avec une concentration très importante de lieux de vente »), le responsable disques à l’Espace Culturel Atout-Sud de Leclerc à Rezé dresse un portrait-robot de l’acheteur. « Les maisons de disques ciblent d’un côté la génération des quadras, avec énormément de rééditions chiadées (inédits, packaging luxueux…) pour le 20e ou le 30e anniversaire d’une sortie. C’est du marketing mais elles essayent au moins de le faire correctement. Et depuis quelques années, au-delà des fans de musique qui continuaient à en acheter, on a également vu arriver une nouvelle clientèle. Celle de la génération qui avait abandonné le CD assez vite, et qui découvre le côté « objet » avec le vinyle. » Des publics différents, mais également des styles de prédilection. « Le rock indé et le folk sont depuis longtemps très attachés au vinyle, analyse Chloé Nataf, responsable des musiques enregistrées à Trempolino. En électro, même si l’on a connu une époque du vinyle roi, il est moins sûr que cela perdure. Car il existe plus de services performants qui permettent de télécharger en très bonne qualité le ou les titres pour pouvoir mixer. La chanson et le métal sont historiquement moins vinyles, le CD y reste très prépondérant. En ce qui concerne le hip hop, il faut faire une distinction entre ceux qui téléchargent ou achètent du CD à 10 €, le prix fréquent des grosses productions  ; et le hip hop « de trentenaire » à la Oxmo Puccino ou Hocus Pocus, qui reste attaché au bel objet. »

TOHU BOHU SUR LES ONDES

vendredi 7 juin Trempolino, de 18h30 à 20h Intervenants (sous réserve de modifications)  : Anthony Chaslerie (label Kythibong, et disquaire Mélomane), Christophe Taupin (disquaire FNAC Nantes), Raphaël D’Hervez (label FVTVR, groupes Pégase et Minitel Rose), Yann Jaffiol (Unfair Records), Olivier Misura (distributeur PIAS). Modérateurs  : Pascal Massiot (Jet FM), Cécile Arnoux (Trempolino / Tohu Bohu). À écouter en direct sur Jet FM. Émission podcastable sur www.la-frap.fr L’émission ouverte au public sera suivie d’un mini live du groupe Ultra Milkmaids.

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« Si le vinyle vit donc une seconde jeunesse, une époque semble en revanche révolue  : celle de la cohue le jour des « grosses » sorties. « C’est un autre aspect qui a très nettement changé avec le développement d’internet, explique Stéphane Gagnon. Avant, les gens avaient peu de moyens d’écouter les disques en amont. Là, ils vont attendre ce week-end pour acheter le Woodkid, par exemple (entretien réalisé le lundi de la sortie du disque – NDLR), parce qu’ils l’ont déjà entendu sur le web. Les gens sont moins dans l’achat impulsif. Les ventes concentrées sur une grosse journée comme il y a dix ans, c’est fini. Pour le disque, on raisonne davantage sur une échelle d’une semaine. »

UN DISQUE ? POURQUOI ? COMMENT ? Mais pour les artistes, à quoi ça sert, finalement, de sortir un disque en 2013  ? Parce qu’aujourd’hui plus que jamais, le salut financier des groupes passe de toute façon par la scène. Une situation pas si nouvelle, tempère Philippe Couderc de Vicious Circle. « Honnêtement, depuis 20 ans, je n’ai eu aucun artiste qui a pu vivre uniquement de ses ventes. Et je n’en connais aucun sur un label indépendant. Pour les très grosses pointures, c’est différent. Mais pour les artistes signés sur des labels indé, le disque n’a jamais été une source de revenus suffisante. Par contre, il était peut-être plus facile auparavant de trouver des dates de concerts hors actualité. Aujourd’hui, il faut absolument un disque pour tourner. » Le disque est-il alors « une carte postale »  ? L’expression est de Sébastien Boisseau, du label jazz Yolk, qui sévit à Nantes depuis bientôt quinze ans. Pour lui, « le concert c’est l’œuvre ». Mais  : « Le disque représente encore aujourd’hui une étape de référence, comme une matrice «certifiée conforme» à une démarche.  » Ou alors est-il même devenu une simple carte de visite  ? « Il faut être conscient que la musique enregistrée a évolué vers un produit d’appel, reprend Chloé de Trempolino, mais quand un groupe est en développement, il n’a pas


DOSSIER d’obligation de faire un album tout de suite. Il peut sortir un titre sur Bandcamp ou Facebook, voir la réaction du public, en sortir un autre, et entretenir ainsi son actualité dans le temps. Une fois qu’il a le matériau pour un disque, il peut alors se faire plaisir avec un bel objet en auto-production et en édition limitée. Car il est extrêmement difficile pour un groupe qui n’a jamais sorti d’album de trouver tout de suite un label. » Classe Mannequin, quatuor nantais de pop énervée, en est précisément à ce stade de développement  : deux ans d’existence et un cercle croissant de fans conquis sur les réseaux sociaux ou lors des concerts. Et, logiquement, un projet de premier album de plus en plus pressant. « Je pense que le disque permet de cimenter, à un instant donné, le travail de création effectué. De vivre une expérience forte de studio, où le groupe se retrouve, partage, apprend et focalise vraiment toute son énergie dans un même but », se lance Pierre Fouchier, bassiste de son état. « Je suis attaché au format album car il permet d’organiser les morceaux dans une proposition artistique plus large », poursuit Benoît Guchet, le chanteur. « Et de prendre plus de risques par rapport au format single. Pour moi le disque est un but en soi, bien plus que les concerts, même. C’est là que la musique s’offre pleinement et sans parasite, et c’est quelque chose qui survivra au groupe — que les ventes soient là, ou pas. » Espérons tout de même, pour Classe Mannequin comme pour ceux qui continuent de se battre pour faire connaître leur musique, qu’elles le soient. Car on a envie de souscrire à la jolie formule de Philippe Couderc  : « Le disque n’est pas juste du plaisir de consommation immédiat. C’est, au même titre que toute culture non formatée, un moteur qui empêche une société d’être sclérosée. »

BIBLIO EXPRESS

Elaborée par Sandrine Martin Chargée du fonds documentaire au Centre info-ressources Pays de la Loire – Trempolino . BACACHE-BEAUVALLET, M. BOURREAU, M F. MOREAU, Portrait des musiciens à l’heure du numérique, Paris  : Rue d’Ulm, 2011. Coll. CEPREMAP, N° 22. J . BECOURT, Le retour de la K7. Chronic’art, 2012, n°80, p. 40-41. J -F. BERT, L’édition musicale  : Guide pratique du droit d’auteur et de la gestion des œuvres. Paris  : IRMA, 2011. 224 p. J -N. BIGOTTI, Je monte mon label  : Guide pratique du producteur de phonogrammes. Paris  : IRMA, 2011. 288 p. Coll. Métiers de la musique. L. CATALA, Du disquaire à la vente en ligne  : le réseau sur la piste du disque… MCD, 2013, n°70, p. 28-29. COLORS MAGAZINE, A. BENEDETTI (préf.), G. MORODER (préf.), Extraordinary records  : disques extraordinaires. Hong Kong [etc.]  : Taschen, 2009. 431 p. . DUDIGNAC, F. MAUGER, La musique C assiégée  : d’une industrie en crise à la musique équitable. Montreuil  : L’Échappée, 2008. 183 p. . GASCHET, A Ph. MANŒUVRE (préf.), Bootleg  : les flibustiers du disque. Paris  : F. Massot, 2010. 317 p. . LESUEUR, X. PEZET (dir.), D Th. STEFF (dir.), L’histoire du disque et de l’enregistrement sonore. Versailles  : Carnot, 2004. 175 p. . LESUEUR, X. PEZET (dir.), Th. STEFF (dir.), D L’histoire du disque et de l’enregistrement sonore. Versailles  : Carnot, 2004. 175 p. S. MAISONNEUVE, L’invention du disque, 18771949  : genèse de l’usage des médias musicaux contemporains. Paris  : Archives contemporaines, 2009. 277 p  : Carnot, 2004. 175 p. J -T. MATTHEWS (dir.), L. PERTICOZ (dir.), L’industrie musicale à l’aube du XXIe  siècle  : Approches critiques. Paris  : L’Harmattan, 2012. 210 p. Coll. Questions contemporaines. Série Les industries de la culture et de la communication. . TOURNES, Musique  ! : du phonographe au L MP3. Paris  : Autrement, 2011. 188 p.

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traces et impressions SKINHEAD : INSTANTANÉS D’UNE SUBCULTURE BRITANNIQUE Nick Knight, Éditions Le Camion Blanc – 2012 – par Kalcha Si vous avez aimé l’excellent film « This Is England » sorti en 2006, nous ne saurions trop vous conseiller de lire ce « Skinhead », initialement paru en 1982. Ce petit livre nous immerge dans la culture skinhead, telle qu’elle est apparue en Angleterre à la fin des 60’s. Comment un mouvement issu de la classe ouvrière, excroissance de la mouvance mod, et passionné par les musiques noires (soul et reggae), s’est peu à peu retrouvé gangréné par des thèses racistes auxquelles il est malheureusement souvent résumé aujourd’hui  ? Le futur célèbre photographe de mode anglais Nick Knight a shooté tous ces jeunes anglais – blancs ET noirs – dans l’East End de Londres entre 1980 et 1981. Il expose également les grandes caractéristiques du mouvement. Le sociologue Dick Hebdige propose ensuite un essai sur le contexte social, et Jim Ferguson une note quasi-scientifique des évolutions du style vestimentaire. Enfin, Harry Hawke (auteur des notes de pochettes des labels reggae Pressure Sound et Trojan) dresse une discographie sélective pour sautiller tout seul dans son salon.

UNKNOWN PLEASURES, JOY DIVISION VU DE L’INTÉRIEUR Peter Hook, Éditions Le Mot et le Reste – 2012 – par Eric Fagnot Alors que la vague punk déferle sur le Royaume-Uni, quatre lascars de Manchester décident de faire de la musique en créant un son très personnel en rupture avec le punk braillard de l’époque. En seulement deux albums, Joy Divison s’imposera comme l’une des figures essentielles du post punk britannique. De cette aventure météorique, Peter Hook, ancien bassiste de Joy divison et de New Order, en dresse ici un remarquable inventaire. Avec un style direct et souvent drôle, il nous relate comment quatre jeunes gars, munis d’un van pourri et de quelques instruments, partent écumer les pubs et clubs d’Angleterre. La route est bien souvent semée d’embûches  : concerts foireux, matos défectueux, clubs miteux, bagarres générales. Peter Hook cherche à rétablir quelques vérités qui auront de quoi surprendre le fan éclairé. Comme celle d’un Ian Curtis que l’on découvre ici jovial et facétieux, contrairement à l’image arty qu’on peut lui prêter. Un livre témoignage fascinant sur le quotidien d’une époque et de son ambiance tranchante et électrique. À prescrire à tous les adeptes du DIY.

MUSIQUES ACTUELLES : ÇA PART EN LIVE Dominique Sagot-Duvauroux et Gérôme Guibert, Département des études de la prospective et des statistiques/IRMA – 2013 – par Vianney Marzin L’impact des nouveaux usages liés aux technologies numériques sur l’économie de la filière musicale versant « disque », des majors aux indépendants, est connu de tous. Les conséquences côté « scène », des phénomènes de concentration à la fragilisation du tissu d’entreprises artisanales, ont été moins étudiées, moins médiatisées et moins comprises par les citoyens ou les institutions. La bascule, en 2010, lorsque le chiffre d’affaires de la scène est devenu plus important que celui du disque, est en effet aussi récente qu’historique. Le travail d’enquête de nos deux chercheurs est donc salutaire. Ils adoptent un regard systémique sur les évolutions récentes des industries musicales pour étudier comment elles impactent la globalité du secteur, du privé lucratif artisanal, aux structures publiques, en passant par les associations, des créateurs aux organisateurs de concerts, salles et festivals, en passant par les producteurs et développeurs d’artistes. Aux Rendez-vous du Pôle en 2012, ils ont confronté leurs analyses aux points de vue d’acteurs culturels ligériens. Espérons que plus largement, cet ouvrage contribuera à de nombreuses prises de conscience. Conférence sur ce livre le 19 juin à Trempolino, dès 18 h 30.

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FAIRE DANSER LES MORTS Tanxxx, Éditions Même Pas Mal – 2012 – par Benoît Devillers « Du rock & des zombies… » Tanxxx elle-même, dans les premières pages de Faire Danser les Morts, nous fait ce résumé implacable de l’épisode précédent « Rock Zombie  ! ». Ici, c’est la suite des aventures de cette nana qui, après s’être rendue à un concert dément réunissant Helmet, Primus et surtout No Means No, avoir défoncé au passage un public devenu zombie pour s’en sortir, se retrouve à gérer son quotidien dans une société où, malgré le changement de donne, humanité et altruisme ne se conjuguent toujours pas. Les zombies sont partout et comme dans un bon Romero ils « évoluent ». Bien que devenus légumes anthropophages, les groupes continuent à jouer leur musique, qui a le pouvoir de « réveiller » certains morts-vivants. Les hardcoreux, les contestataires mais aussi une tripotée de banquiers, réveillés par l’armée à grands coups de Johnny… Zombies, violence, lutte des classes, Tanxxx fait valser sur fond de Minute Men et d’Unsane des thèmes récurrents de son travail dans cet ouvrage remarquable, tant par le dessin, le découpage des planches que par l’objet lui-même.

TANXXX Comment est venue cette idée de série « Rock Zombie »  ? C’est une obsession pour toi les morts-vivants et le punk haRdcore ? « Rock, Zombie   !  » m’est venu après un concert de NoMeansNo et le revisionnage de Brain Dead à la même époque. J’avais très envie de faire un truc de zombies, parce que les films de zombie à la Romero font partie de ma culture. C’est pas une obsession, non, mais les zombies et le punk rock, ça va autant ensemble que les vampires et le metal symphonique (haha). Y’a quelque chose de vraiment jouissif qui rapproche ces films et cette musique, l’aspect brut, direct, ça hache menu, ça prend pas de pincettes et ça ne laisse pas le choix  : tu te le prends dans la gueule avec un gros sourire ou tu rejettes en bloc (…).

La musique dans ton travail, c’est une réelle influence  ? Je ne sais pas dans quelle mesure mon travail est influencé par la musique, mais avec du recul oui, je crois qu’ils sont très liés  : le côté tranché de cette musique se retrouve dans le noir et blanc sans nuance de gris. J’essaie de faire des images frontales, directes, qui frappent. Quand j’utilise la couleur, c’est avec la même idée en tête  : simples, en aplats, faire une image lisible de suite.

Mes images sont ma façon de faire du punk rock, moi qui n’ai jamais eu le courage de m’y mettre. Et je serai toujours frustrée de n’avoir jamais joué de guitare ou de basse. J’essaie de retranscrire au maximum ce truc qu’on aura jamais nous autres illustrateurs  : le branchement direct avec le public. Le dessin est une chose solitaire, toujours en décalage avec les personnes qui verront le travail, c’est sans doute la chose la plus frustrante (…)

Tu t’engages publiquement sur certaines causes comme le féminisme, les droits des auteurs indés, la lutte contre le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes… Défendre certains styles musicaux ou les messages portés par les groupes qui apparaissent dans FDLM, ça fait aussi partie de ton engagement au quotidien  ? (…) Le choix d’Unsane et des Minutemen n’a pas vraiment été réfléchi au delà de mon goût pour ces groupes. En y repensant, je me dis qu’ils sont mes deux faces  : Unsane pour la rage, Minutemen pour la joie. Les deux sont l’envie de voir ce vieux monde malade foutu en l’air en chantant, une destruction créatrice. « This Ain’t no Picnic » des Minutemen est le morceau qui résume tout  ; je déteste le travail par dessus tout, ce qu’il implique, ce qu’il génère de malaise, de maladie, de mort, d’aliénation, d’exploitation, de racisme, de sexisme, de fascisme. C’est insupportable, alors entendre D.Boon brailler «I refuse to be a slave», c’est un écho à ma colère, l’incarnation de celle-ci, comme un cri de ralliement. La musique est un défouloir, un moteur, la bande-son de ma petite révolution à moi. Lire l’interview intégrale (ça vaut le coup  !)  : tohubohu.trempo.com

Par Benoît Devillers Photo : DR Tohu bohu

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Disques DOUCHA

BASCHMAK

AP – 2013 www.doucha.fr

Tel un animal étrange et fascinant, la musique de Doucha intrigue. Ce groupe ne ressemble pas à la plupart des combos que l’on croise sur les routes des Pays de Loire. On pense tout d’abord à des chemins tortueux entre les Balkans et le Caucase, en écoutant les biens nommés « Kamtchatka I » et « II ». Colporteurs d’un « Klezmer génétiquement modifié », le quintet s’est abreuvé aux sources de cette musique à la croisée des traditions yiddishs, slaves et tziganes, en a modifié la formule avec des apports rock ou jazz. La voix de Lucile vient s’entremêler aux tourbillons des bois, de l’accordéon, de la scie musicale… Ce chant en langue mystérieuse, d’où surgissent parfois quelques mots de français («  Armille  ») participe grandement à la magie de ce disque, dans les cavalcades épiques comme sur les plages les plus mélancoliques. Emmanuel Legrand

BABEL

LA VIE EST UN CIRQUE

Pypo Productions – 2013 www.letourdebabel.com

Babel Quartet devient Babel en 2012 après un 1er album « L’Évadé » sorti en 2011. À l’écoute de ce 5 titres « La vie est un cirque », on a du mal à se dire que ce groupe n’a que 3 ans d’existence. L’univers est déroutant mais déjà bien huilé. La formation est atypique (chant, violoncelle, clavier, DJ). Alors ne comptez pas sur moi pour décrire leur musique, même eux en sont surement bien incapables. Univers assez rare. À mille lieux de la chanson traditionnelle, pas vraiment world, plutôt hip hop hop hourrah (c’est eux qui le disent). La vérité se trouve sûrement au milieu de tout ça. Une sorte d’opéra rock moderne. À la manière d’un Rodrigue (artiste complet du Nord de la France), Babel se fout des codes et des frontières. Ce cirque n’est qu’un entracte entre la 1re version du quartet et un nouvel album prévu pour 2014. Soyez curieux, procurez vous ce 5 titres. Eddy Bonin

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MANU

La dernière étoile

Tekini Records – 2013 www.facebook.com/manufriends

Huit ans après Dolly, Manu fait toujours cavalière seule pour son deuxième album  : « La dernière étoile », bien qu’accompagnée de Nicolas Bonnière, alias Nikko, ex-guitariste du groupe. Aussi mélodique que poétique, la composition de cette œuvre est massive, la musique marque son emprunte. Elle est contrebalancée par la voix de Manu, douce et aérienne, légèrement spleenétique. Avec en plus une introduction instrumentale, une chanson et le refrain d’une autre en anglais, la cohésion de l’album est parfaite. Voici une berceuse électrique savamment rythmée de 11 morceaux teintés tantôt de blues, tantôt de folk mais surtout de sensualité, de sincérité et d’une séduisante maîtrise des mots. Avec un tel talent, gageons que cette étoile sera suivie de beaucoup d’autres. Lucie Beaudoux-Jastrzebski

ACNÉ 49.9

AP – 2013 acneacne.fr

Sur leur 49,9 rutilante, Simon et Thomas débarquent tout droit du Mans. Un coup de dérapage sec, de la poussière sur les baskets, ils nous livrent leur nouveau maxi de cinq titres… « 49,9 », sortie prévue le 12 avril 2013 pour la soirée Oulala à l’Oasis. Lorsque l’on voit l’effort consacré à l’objet (une jolie jaquette avec une tête de loup dans un écrin en matière pneumatique), on se dit que ces deux Manceaux méritent notre attention. Simon est fan de synthés analogiques qu’il aime tripoter du bout des doigts. Thomas, batteur jazzy, vient du groupe Glück. « Doctor Avalanche », premier morceau de « 49,9 » ouvre le dancefloor. Précis, bien nerveux, on se laisse facilement séduire et entrainer par les sons acides des autres titres. Les eighties ne sont pas mortes, «  Derrick  » — l’inspecteur   ? Derrick May  ? — est en grande forme, les smileys ont plus que la côte sur nos vestes en bluejeans. Dorine Voyaume


disques

BLOWING THRILL S/T

1NAME4ACREW – 2012 www.1name4acrew.com

Blowing Thrill, nouvelle formation issue du désormais incontournable collectif 1Name4aCrew, fait appel à des fidèles de la première heure  : Ellie Dalibert ou Fabrice Louthelier, et à des musiciens plus nouvellement arrivés dans l’aventure  : Émeric Chevalier et Gweltaz Hervé. L’instrumentation atypique laisse place à deux saxophonistes alto, un bassiste électrique et un batteur. Ce premier cri provoque un réel enthousiasme, bien que le meilleur soit sans doute à venir. Le son de Dalibert est de plus en plus personnel et s’affirme sur ses propres compositions avec autant de violence que de poésie  : attention ce garçon risque de faire parler de lui  ! Louthelier catapulte ces 4 pistes avec une énergie débordante et contribue à rendre ce premier EP assez électrisant. Le son de groupe mériterait d’être rôdé sur scène, quoi de plus normal pour une jeune formation  ? Rendez-vous sur scène, donc  ! Sébastien Bertho

1BAND4acrew S/T

1NAME4ACREW – 2012 www.1name4acrew.com

Une bande qui chevauche à cru sur les plaines sauvages du jazz avec des montures de rock où chacun est essentiel et où l’ensemble est naissance  : voilà l’exemple même de collectif qui a le sens du partage et cela lui donne une puissance, une cohésion exceptionnelles. Inutile de disséquer cet octet (ils sont tous bien connus) car l’enregistrement de ce concert au Ferrailleur est une belle démonstration du don de ses talents pour la création collective. Il suffit d’écouter « 1Name you will know by now » pour comprendre la montée en puissance par palier  : chaque instrument a sa phrase en répétition formant la trame d’un tissage sur laquelle s’installent les solos composant les motifs, les deux batteurs unis au cordeau étalonnent la force de l’ouvrage. C’est tout simplement hypnotique et ce parti pris d’une construction crescendo avec des plages galactiques/sidérales vous embarquent dans un imaginaire euphorisant. Lévitation garantie. Gilles Lebreton

PULSAR

BLOWING QUINTET

1NAME4ACREW – 2013 www.1name4acrew.com

À l’aide de saxophones et d’une trompette… d’une contrebasse et d’une batterie, cinq musiciens conjuguent leur énergie au service d’une musique expérimentale répondant à des critères classiques précis et des envolées mélodiques accessibles au public non averti. Il faut ressentir de l’intérêt pour cette abondance de notes qui semblent dissonantes mais qui sont pourtant harmonieuses. C’est ce que l’on appelle du jazz, mais l’agréable pour un novice, c’est que ça groove  ; exemple du très bon titre « Sleep with me ».
Pulsar fait partie des groupes qui donnent envie, à l’écoute de leur disque, d’aller les voir en concert et de ressentir la musique en live  ; de vivre, d’être un élément de l’ambiance chaleureuse provoquée par ce type de musique, d’univers. D’ailleurs, le collectif 1Name4aCrew ne s’y trompe pas. Collectif qui  : « défend un jazz instrumental inspiré des courants contemporains », comme ils disent. C’est réussi. Mag Jil

THE BRUTAL DECEIVER Go die, one by one

Useless Pride Records – 2013 thebrutaldeceiver.bandcamp.com

Les brutaux Lavallois nous avaient déjà bien massacré les esgourdes en 2010 avec une première mise en bouche brûlante, furieuse et groovy au possible. « Go Die. One By One » annonce la couleur en 2013. Ce disque vous agrippe les entrailles dès l’entame du morceau-titre jusqu’aux dernières secondes de l’objet. Les titres s’enchaînent avec une fluidité déconcertante malgré une débauche de violence quasi-constante. Les corps se démembrent aussi vite que l’esprit se congestionne. La production, assurée par Amaury Sauvé (aussi batteur), est tout simplement magistrale. Toutes les subtilités sont audibles. Le death/hardcore de ces gars-là gagne ici en hardcore, chatouillant du « post » parfois, la batterie étalant ses tentacules et son groove persistant, les guitares et basse développant un jeu à la fois véloce, gras et strident tout en parvenant à poser des ambiances de fin du monde plus que convaincantes, tout comme les voix, l’une « growlée » (type death) et l’autre hurlée/scandée, d’une intensité maladive et jouissive. Un disque majeur de l’année. Tanguy Cloarec

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disques

MATHIAS DELPLANQUE

CHUTE

Baskaru – 2013 www.mathiasdelplanque.com

Après plusieurs années de projets sous divers pseudonymes (Lena et son dub lancinant, Bidlo et ses pièces entre électro-accoustique et ambient, son label Bruit Clair, des installations sonores…), Mathias Delplanque livre ce qui pourrait être une synthèse d’un parcours toujours renouvelé, un opus construit à partir de ses performances, où la notion du live est le maître mot. Il y joue des machines, guitare, métallophone, percussions et « divers objets » constituant la magie intemporelle de sept pièces où s’entrelacent et s’entrechoquent nappes aériennes, ambiances mélodiques, bruits amis ou parasites, apparitions fugaces. Ce voyage semble suspendre le temps et l’espace, comme une note tenue, dans une apesanteur à la fois fragile et perpétuelle… puisqu’on l’attend cette chute, haletante, qui ne sera finalement qu’une inéluctable, délicieuse et infinie ascension. Cédric Huchet

VedeTT

VEDETT EP 2

Toboggan Records – 2013 vedett.bandcamp.com/album/ vedett-e-p-2

Aux fortes tendances pop cold électronique, ce deuxième EP des Angevins de VedeTT dégage une atmosphère paisible, reposante et bienveillante. Une voix (souvent doublée) et des chœurs posés délicatement pour sublimer la mélodie, et la magie opère. On se laisse facilement envoûter à l’écoute de « Marry Me », on décolle. Un voyage ensorcelant, hypnotique, les sens en éveils, et la tête ailleurs. Des accents psychédéliques viennent sublimer le tout sur quelques morceaux, « Manoir » notamment, terriblement efficace quand il s’agit de se laisser porter, les yeux fermés… « Messiah », quand à lui, renforce le côté électronique de cet EP avec des nappes synthétiques et une mélodie entraînante et enjouée. VedeTT a le don de la composition percutante, des sons graves qui transcendent, pose des breaks où il faut, intègre des guitares discrètes et une rythmique métronomique. Les curieux pourront jeter un œil sur leurs travaux vidéo, notamment trois clips détonnants. Alexis Chevallier

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LES DELPHES PAQUERETTES

Montenlair – 2013 lesdelfesduo.e-monsite.com

C’est le printemps et les Delphes nous gratifient d’un généreux EP de 30 minutes en huit titres. Si leur musique va vers plus de simplicité, Les Delphes gardent la candeur malicieuse  ; Marc Cormier jongle entre guitare, banjo, samplers, grosse caisse et Delphine Champy, chante au clavier ou dans sa guimbarde. Des chansons taillées par Delphine sur les patrons musicaux de Marc suivant une démarche choisie, simple et spontanée. Les petits dispositifs foutraques du précédent EP laissent place à plus de lisibilité des intentions de ces comptines pour les grandes personnes. Les textes faussement légers, graves parfois, passent de réalisme à surréalisme. De la pochade « Johnny » (Que je t’aime  !) à cette ballade, « Aïcha », sans appel, aux Delphes tout est permis  ! Ces joueurs de mots se jouent de nos maux et c’est jouissif. Voilà de jolis moments cousins de ceux de Mathieu Boogaerts, Albin de la Simone ou la jeune Brigitte Fontaine. Georges Fischer

NOVELS

MIRROR DOG

AP/MVS Anticraft/Believe – 2013 www.novels-music.com/

Le parcours de Novels n’est pas commun. Naissance officielle en 2006, sortie d’une démo en 2007, deux tournées aux USA, des ouvertures pour Deftones, Mass Hysteria ou encore Sepultura et un premier album remarqué en 2010. Plus remontés que jamais, Novels revient avec « Mirror Dog », album qui assoit définitivement leur style, toujours inspiré par les scènes alternatives rock et metal des années 90, quelque part entre Silverchair et Deftones, rien que ça. Novels confirme son caractère multi-facettes, parfois grave et mélancolique, parfois nerveux et criard, il sait aussi être léger et dérisoire. La voix du bassiste est maîtrisée et mélodique, celle du guitariste est écorchée et prend littéralement aux tripes, toutes deux portées par une instrumentation calibrée au millimètre et une production digne des mastodontes américains. Malgré ses ambitions internationales et ses influences, Novels conserve son identité tout en ressuscitant un rock alternatif un peu disparu. Tanguy Cloarec


disques

DIVE INN

Watch away

AP – 2013 soundcloud.com/dive-inn

Anciennement connus sous le nom de Glucoz, les Vendéens de Dive Inn n’en sont pas à leur première passe d’armes. Nouveau nom, nouveau batteur… Attendu au tournant par pas mal de leurs fans de la première heure, le groupe réalise un EP électro-pop de toute beauté, aux ambiances éclatantes parées de rythmes entêtants et de mélodies tubesques. Un son maîtrisé, des synthés old school aux sonorités pourtant très actuelles, des harmonies calibrées d’une grande pureté  : « Watch Away » fleure bon la maturité. Les amoureux de la french-touch s’y reconnaitront. Rien d’étonnant quand on sait que ces enfants chéris de la scène Fuzz’Yonnaise raflent tous les prix dans les tremplins, festivals et autres tours de chant. Ceux là iront loin  : de la Vendée au monde il n’y a qu’un pas que Dive Inn s’apprête à franchir, c’est sûr. On attend la suite avec impatience. Marie Hérault

AL.K13

PREMIERE SOMMATION

AP – 2013 al-k13.blogspot.fr

« Écoutez bien, bande de dépravés, voilà l’homme pour qui la coupe est pleine, l’homme qui s’est dressé contre (…), voilà l’homme qui a refusé »  ; AL K13, le MC nantais, chanteur de Vents d’Ale a choisi d’introduire le premier titre de son premier album solo par cette citation mythique de Taxi Driver. L’homme en question pourrait être AL K13. Son ras-le-bol, son refus, il les exprime à travers des textes caustiques, toujours mortels qui viennent teinter d’un noir militant de sombres et sobres sons. Son constat amer, « le cul posé sur des braises », le poète s’en sert pour inviter l’auditeur à se lever, à s’élever contre l’invasion de slogans proprets cachant mal la violente réalité. « La liberté ça doit se gagner » mais « la vie est courte avant qu’on ne s’écroule », alors bouge-toi maintenant, semble nous dire l’auteur. Ceci est sa première sommation, ceci est sa dernière sommation. Johann Legault

LE GROS CUBE FRELON ROUGE

Yolk Records – 2013 www.albandarche.com

QUEEN BISHOP

Yolk Records – 2013 myspace.fr/groscubequeenbishop

Qu’on me pardonne la description de deux albums de jazz en une seule chronique, un compte-rendu de plusieurs pages n’épuiserait pas les multiples dimensions de deux des dernières productions du label Yolk. Queen Bishop est un album hommage à la musique de Queen. Basé souvent sur un puissant rythme binaire et faisant donc allégeance aux démons du rock, l’album synthétise avec aisance les univers de la pop queer et du jazz écrit. La dimension prog et richement harmonisée présente chez Queen se prête parfaitement bien au traitement de l’écriture d’Alban Darche. Avec le Frelon Rouge, trio basse-batterie-sax, retour aux fondamentaux d’une écriture jazz façon Darche dont on reconnaît la patte. Enracinant le son de son propre saxophone dans un growl puissant, le musicien nous rappelle aussi que le jazz est toujours l’expression d’une voix personnelle, fut-elle passée par de multiples patrimoines musicaux du XXe siècle, de la pop anglaise à la great black music américaine. Emmanuel Parent

THYLACINE INTUITIVE

AP – 2013 thylacine.bandcamp.com/album/ intuitive-3

J’ai cru revivre les sensations que procurent les ambient works d’Aphex Twin en écoutant Thylacine. Cette musique composée la nuit, seul dans sa chambre, seul dans sa tête et qu’on écoute le soir à sa fenêtre, en contemplant les lumières de la ville. Le programme est clair  : sons compressés, basses profondes et une rythmique qui combine d’ingénieux assemblages. L’instrumentation évoque parfois l’univers regretté des consoles 16 bits  : le morceau « Belleville » aurait eu sa place dans la BO de la légendaire trilogie « Streets of rage » composée par Yuzo Koshiro. Décidément  ! C’est une musique de réminiscence. Thylacine c’est un quasi-duo. Camille Després intervient sur la moitié des morceaux d’une façon tout à fait singulière. Sa voix emprunte des accents d’Alela Diane en mode… Camille Després. Saluons enfin le travail de sampling de la voix du grand Jacques sur le titre « Ne me quitte pas » revisité ici en version downtempo. Mickaël Auffray

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disques

ULTRA MILKMAIDS Amr

ant-zen – 2013 www.ultra-milkmaids.com

Décidemment, cette mystérieuse et prolifique formation nantaise nous réserve bien des surprises, depuis ses premières inspirations déviant vers une électronica audacieuse et expérimentale, que signe encore une fois le label allemand Ant-Zen. C’est en deux mouvements distincts que l’on plonge dans « amr », album d’une durée total de 30 minutes, où le temps s’étire à l’infini. Guitares célestes, drones vertigineux, ondes synthétiques, constituent ces paysages sonores, couverts de nappes persistantes que l’on ne souhaite pas voir se dissiper. La comparaison facile mais flatteuse avec un Stars of The Lid ou Sonic Boom pourra donner quelques repères aux curieux. Pour peu qu’ils prêtent une oreille, ils seront vite addicts, surtout s’ils font partie des 92 premiers détenteurs de l’exemplaire vinyle, sublimant autant le son que l’objet. Cédric Huchet

LISIDOR

LE COURANT D’AIR AP – 2013 www.lisidor.fr

Une voix tendue et prenante qui fait vibrer des textes déclamatoires, c’est la première sensation qu’on éprouve à l’écoute de l’ouverture (« Pour la vie ») de ce disque. Et puis, tout de suite les charpentes sonores des réalisations signées Benoit Gautier imposent leur irrésistible force de séduction. Les mariages de timbres des cordes pincées (guitares, basse, banjo), frappées (piano) ou frottées (trio à cordes) sont propulsées par un drumming solide et chaleureux. Acoustique, cette musique folk rock habille des textes pleins d’humanité (« Pour la vie », « Brume »). Remarqué aux Chant’Apparts, au Festival de Tadoussac (Québec) et au Théâtre de Cusset, Lisidor trace son itinéraire d’artiste avec talent et conviction comme ce « Courant d’air » auquel il s’identifie dans cette belle chanson qui clôture l’album. Bons vents à lui  ! Georges Fischer

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WOOD S/T

Yolk Records / L’Autre Distribution – 2013 fr.myspace.com/duowood

Le label Yolk se fait de plus en plus discret et sa production discographique plus parcimonieuse. Néanmoins, le label continue de creuser son sillon dans le jazz d’aujourd’hui. Sébastien Boisseau et Mathieu Donarier, deux figures tout à fait singulières et incontournables du jazz hexagonale, nous invitent ici à partager l’intimité d’un duo entte la contrebasse du premier et les clarinettes et saxophones du second. Sans filets, dans le plus grand épurement, l’expressivité mise à nue des deux musiciens donne lieu à un dialogue passionnant sur ce second disque. Tantôt impressionnants de maîtrise, tantôt sensiblement poétiques, les deux complices, une fois lâchés dans l’arène sont comme larrons en foire. La complicité de longue date qui unit ces deux musiciens fait de ce duo un beau moment de musique et d’improvisation. Sébastien Bertho

FAROWS FAROWS

AP – 2013 farows.bandcamp.com

Le premier EP du quintet nantais Farows est fait des mêmes ingrédients qu’un bon film d’auteur. Par-delà une maîtrise formelle certaine, l’album se teinte de lyrisme, de quelques longueurs, peut être pas toujours indispensables, mais est également fait d’audace et d’impertinence. Les 5 plages de cet album oscillent entre un onirisme tout d’impressionnisme vêtu, d’abstraction, et d’instants de lâcher-prise total qui laissent toute leur place aux indéniables qualités instrumentales des musiciens. Si on entend ça et là des influences nombreuses (de Debussy à Truffaz en passant par Benoit Delbecq), la musique de Farows affirme néanmoins une vraie personnalité. Si cet album donne beaucoup de motif de satisfaction, on attend avec impatience que les Nantais transforment l’essai et donnent son envol à cette musique. Pourquoi pas avec des conditions d’enregistrement leur permettant plus de liberté et d’audace  ? Sébastien Bertho


disques FRENCH COWBOY & THE ONE S/T

Havalina Records /Differ-Ant/Idolweb – 2013 www.havalinarecords.net

Dans le coin gauche, The One. Dans le coin droit, French Cowboy. Le temps d’un combat en dix rounds, les deux anciens Little Rabbits s’associent pour se la mettre avec la galaxie rock indé. La victoire est belle, large et sans appel. D’autant plus que les vieux de la vieille auraient pu se la jouer sport loisir. C’est-à-dire continuer de creuser un sillon folk que French Cowboy maîtrise comme personne. Son sens de la mélodie n’est plus à prouver. Avec cet album, French Cowboy & The One se mettent en danger. À l’image d’un groupe de kids, prêts à vendre leur mère pour un tube. Les chansons, vicelardes tant elles semblent familières dès la première écoute, se faufilent dans tous les interstices de la pop music, envisagée ici dans son sens le plus noble. Et les garçons atteignent leur Everest avec « You wanna sing », hit ultime, limite club, émouvant et en français dans le texte. Arnaud Bénureau

ARNAUD LE GOUËFFLEC vs JORGE BERNSTEIN & THE PIOUPIOUFUCKERS MAUVE

Super Apes Records – 2013 superapeslabel.bandcamp.com

Arnaud Le Gouëfflec aime les mots, aime Dominique A et aime Daniel Johnston. Il est aussi scénariste de BD, auteur de romans noirs et fait de la musique rock garage quand il ne donne pas des cours de français. Cette force créatrice donne naissance à « Mauve », un album rock, pop, garage enregistré, avec Jorge Bernstein et les Pioupioufuckers, dont l’album « A Taste of Win » vient de sortir. De drôles de personnages habitent « Mauve ». L’auteur nous présente son Captain America  : L’Homme Élastique ayant le pouvoir de nous faire claquer des doigts et de reprendre la ritournelle dès la première écoute. Il y a aussi « L’Homme à 7 vies », le morceau joue à dix milles à l’heure, tout comme son héros qui se crashe mais renait toujours. On y trouve même un hippie capable d’endoctriner le plus féroce des métalleux dans une ambiance westernienne. Si vous aimez les cabinets de curiosités, les voix séduisantes et les histoires fantastiques « Mauve » est l’album qui vous enchantera. Dorine Voyaume

OUTRAGE

ELDORADO PAGAILLE

AOSP/Socadisc/ Quart de Lune – 2013

L’expérience transpire du début à la fin de cet album. 15 années de rock, ska-punk festif, reggae, d’énergie, de live, de sueur, ça marque   ! Après l’aparté pure rock de « Cour-circuit » et le concept-album « Ryzhom », Outrage en présente un 6e conçu pour la scène  ; éclectique et parsemé de secondes dépaysantes comme les titres « À ma manière » ou « Farouchement indépendant ». Les textes sont à reprendre en cœur par le public, sans difficulté. C’est loin d’être monotone chers lecteurs non avertis. Le festif ce n’est pas que ça. Le rock n’est pas que ça. L’énergie est tout en variances avec des créneaux de repos subtiles embellis par des sons judicieux. Pour les fans, l’album va de soi… pour les novices, découvrir le groupe avec « Eldorado Pagaille » peut s’avérer être LE truc à faire  ! Parce qu’en plus il y a en supplément/cadeau/bonus  : un DVD (1h15 de live anniversaire des 15 ans et des images de 1996 à aujourd’hui). Mag Jil

MARQUEES S/T

AP – 2013 www.marquees.fr

À l’écoute des premières notes du maxi des Marquees, on s’attend à avoir entre les mains un énième groupe synth-pop… mais comme dit le proverbe « Dans un voyage, le plus long est de franchir le seuil ». Et ce seuil, les Marquees le franchissent avec brio. Au-delà des synthés vintages, ils nous servent une pop emprunte du psychédélisme des années 60, mêlée à une base rythmique disco-funk. Clairement, on hoche la tête et on tape la cadence du pied. L’ambiance est chaude et ronde, et on sent la future puissance d’un tube dans le titre « Disco Parade » qui se termine en apothéose avec une chorale d’enfants. Pour un groupe existant depuis un peu plus d’un an, ce premier maxi est une véritable réussite et leur augure de très belles perspectives  ! Chloé Nataf

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PLAYLISTS Disco ANti napoleon – groupe GRATUIT, rien, KYTHIBONG/EGO TWISTER/LES POURRICORDS – 2010 (ROCK)

Gratuit a été un coup de foudre pour nous  : il représente une énergie évocatrice, puissante et mélancolique à la fois. En plus, chanter en français, ça donne un côté poétique.

ARIEL PINK, BEFORE TODAY, 4AD – 2010 (ROCK)

On a adoré tous les albums lo-fi d’Ariel Pink. À nos soirées entre potes, on écoute les hymnes de Pink. C’est une rock-pop superbement écrite et cet album a vraiment cristallisé sa musique, avec un vrai son de studio.

ANIMAL COLLECTIVE, SPIRIT THEY’RE GONE SPIRIT, THEY’VE VANISHED ANIMAL LABEL/ FAT CAT RECORDS – 2000 (ROCK ELECTRO)

Le premier album d’Animal Collective est génial  : de la musique enfantine et avant-gardiste. C’est expérimental, mais c’est très maîtrisé  : les synthés modulaires, les balais de batterie, les hurlements adolescents et le piano mystique.

LAURE DENIS – CHARGÉE DE COORDINATION ET DE DÉVELOPPEMENT, LA TRIBU FAMILIA BABEL, LA VIE EST UN CIRQUE, PYPO PRODUCTIONS – 2013

Comme Oxmo Puccino, Babx… Babel dépoussière la chanson (celle en français). C’est une écriture ciselée, sur le fil mais finalement très simple. Comme un danseur ou un artiste de cirque, c’est un vrai talent de gommer la technique, d’épurer pour arriver à une forme directe et puissante. Avec ce nouvel EP ils ouvrent encore plus leur sphère musicale et confortent leur talent pour associer les mots et les notes !

OH TIGER MOUNTAIN, SING SUZIE, MICROPHONE RECORDINGS/EMERGENCE – 2011 (FOLK)

Y’a un côté classe et éraillé. On l’accueille bientôt aux Arts’Borescences pour un concert à l’ombre des arbres… J’ai hâte  !

MILES DAVIS, KIND OF BLUES, COLUMBIA – 1959 (JAZZ)

Ça a été ma première découverte du jazz. Ça swingue, c’est joyeux et mélancolique à la fois.

TANXXX – AUTEUR MCLUSKY, THE DIFFERENCE BETWEEN YOU AND ME SI THAT I’M NOT ON FIRE, TOO PURE – 2004 (ROCK)

Le titre « KKK Kitchen » donne tout de suite envie d’exécuter une danse frénétique et diabolique, et file une sacrée patate pour affronter n’importe quoi. Mclusky, quoi.

UNSANE, WRECK, ALTERNATIVE TENTACLES – 2012 (HARDCORE)

Parce que si j’aime pas Flipper, cette reprise par Unsane est tout bonnement géniale. J’en dirai pas plus  : Unsane quoi  !

LES THUGS, STRIKE, SUB POP – 1996 (ROCK)

À ma grande époque où j’écoutais beaucoup les Thugs, je prononçais « Les Sssseuguz ». C’était un sujet de moquerie mais n’empêche que ça se prononçait comme ça en anglais ! Pourquoi ce morceau  ? Pour le titre et celui de l’album  : CONVERGENCE mec  ! Parce que ma bande son de révoltée ne sera jamais Manu Chao et que je rêve d’entendre ça en manif’, c’est quand même autrement plus stimulant  !


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