20110629 Katharina Hagena

Page 1

CULTURE

mercredi 29 juin 2011

10

La saveur des souvenirs Véritable best-seller en Allemagne, Le goût des pépins de pomme, de Katharina Hagena, désormais en format poche (édit. Le Livre de Poche) balaie le passé de trois générations de femmes.

Il nous a quittés

Thierry Martens, historien de la BD Le Belge Thierry Martens, rédacteur en chef du Journal de Spirou de 1968 à 1978 et historien de la bande dessinée, est décédé à l'âge de 69 ans. Rédacteur en chef de Spirou, où il avait succédé au mythique Yvan Delporte (décédé en 2007), Thierry Martens avait aussi été le «Monsieur Album» des Editions Dupuis, avant de prendre sa retraite en 2006. Thierry Martens était aussi un expert et un historien de la BD, co-auteur notamment en 1980 d'une Histoire de la bande dessinée en France et en Belgique. Il était également le scénariste de séries à succès comme Natacha, Archie Cash, Aryanne ou encore Vincent Murat, le plus souvent sous son pseudonyme principal, Yves Varende.

■ A l'occasion du décès de sa grand-mère, Iris la narratrice rejoint sa mère et ses deux tantes dans la maison familiale située à Bootshaven, au nord de l'Allemagne. La lecture du testament lui apprend qu'elle est l'héritière de cette ancienne demeure de campagne. Les lieux de son enfance dont elle reprend peu à peu possession réveillent en elle des souvenirs enfouis au sein des entrailles de la maison, derrière les parcelles du grand jardin et jusque sous les pommiers de ce dernier. La saveur gustative et olfactive de la pomme, symbole par excellence du récit illustrée sur la planche botanique de la couverture du roman, exhale d'émouvantes réminiscences de la mémoire familiale. «Depuis toujours, dans notre famille, comme ailleurs, le destin se manifeste en premier lieu sous la forme d'une chute. Et

d'une pomme», confie la narratrice qui se remémore les histoires vécues ou racontées sur sa grand-mère et sa défunte sœur, sur les amours de sa mère et de ses tantes, et surtout sur la mort tragique de sa cousine dont elle fut un témoin direct. Ce dernier événement constitue d'ailleurs la pièce finale du grand puzzle du passé, dont la trame sera souvent entrecoupée par l'intrusion du présent pour

redonner un second souffle à la narration. Car la description de l'aménagement de la maison, l'évocation sensuelle des effluves et arômes du jardin, ainsi que l'apparition soudaine d'un ancien du village et d'un ami d'enfance n'auront de cesse d'offrir de nouvelles orientations aux souvenirs de la narratrice. Tout en finesse et en sobriété, cette histoire s'inscrit dans la thématique de la mémoire et de l'oubli, soulignant le poids de l'héritage aussi bien personnel, que national ou simplement humain. Et pour la romancière allemande se pose sans cesse la question des relations entre mémoire, oubli et vérité. «Peut-être que les vieilles gens n'oubliaient rien mais se refusaient simplement à retenir ceci ou cela. A partir d'une certaine quantité de souvenirs, chacun devait finir par en être saturé. L'oubli n'était donc lui-même qu'une forme de souvenir. Si l'on n'oubliait rien, on ne pourrait pas non plus se sou-

venir de quoi que ce soit». La grand-mère, dont le décès a finalement été le déclencheur de tous ces souvenirs, était atteinte par la maladie d'Alzheimer. Ses tricots devenus de plus en plus informes au fur et à mesure du temps symbolisent la perte graduelle de sa mémoire. Or une telle perte peut parfois s'avérer vitale comme le préconise la narratrice. «Quiconque oublie le temps cesse de vieillir. L'oubli triomphe du temps, ennemi de la mémoire. Car le temps, en définitive, ne guérit toutes les blessures qu'en s'alliant à l'oubli». Un très beau roman joliment ficelé et qui allie avec intelligence l'intensité des événements aux saveurs gourmandes de la nature. ■ Nathalie Cailteux Le goût des pépins de pomme, de Katharina Hagena, traduit de l'allemand par Bernard Kreiss, paru aux éditions Le Livre de Poche (ISBN 978-2-253-15705-2; 286 pages).

Participez à notre jeu-concours, organisé en partenariat avec LIBO, qui chaque mercredi met deux exemplaires du livre de poche sélectionné en jeu. Ce livre est par ailleurs mis en évidence au rayon littérature de la librairie. Pour tenter d'empocher le poche de la semaine, envoyez un SMS au 644 47 avec le code: Voix (espace) Nom (espace) Prénom (espace) Hagena. Les gagnants tirés au sort seront prévenus par retour de SMS et pourront retirer leur exemplaire à la librairie LIBO au 11, rue du Fort Bourbon à Luxembourg. www.libo.lu

Soit dit en passant

Se faire tirer le portrait L'autre jour, l'obligation de se faire «tirer le portrait» pour l'obtention d'un visa et, comme il s'agissait d'un pays qui n'a aucun humour administratif, de respecter strictement l'interdiction de sourire sur pareille photo. Exigence rencontrée à un point tel que c'est notre futur masque mortuaire que nous avons vu sortir du photomaton! A Paris, au musée d'Art moderne, l'exposition Van Dongen et ses remarquables portraits dont les étonnantes couleurs vives – «fauves» – expriment dans leur irréalisme la vérité des modèles appréhendés. Et de nous interroger sur la réalité révélée de ces portraits. Feuilleter un vieil album de photos c'est parfois découvrir, grâce à la confirmation du présent, les signes prémonitoires alors illisibles de la personnalité future du photographié. Bien sûr, il y a de tristes confrontations quand l'innocence souriante de l'enfant a été démentie par une adolescence chaotique aux conséquences néfastes. Nous nous souvenons aussi de la réaction habituelle de refus de se reconnaître de nos élèves lorsqu'ils recevaient les traditionnelles photos scolaires. Et pourtant, le photographe, fort de ses milliers de mitraillages annuels, avait l'art de les décrisper et de saisir l'instant fugace de

leur «apparition personnelle». La photo capte ainsi un moment de la houle permanente de nos physionomies, et cet arrêt sur image, cet arrêt en image, peut être révélateur de notre réalité. Hasard des rafales de photos numériques ou fruit de la patience d'un photographe à l'ancienne, «à l'affût». Le portrait peint, lui, est le résultat conjugué d'un regard et de la mobilisation de moyens techniques, d'un contrat aussi peut-être. Certains peintres ont été courtisans, voire flagorneurs, veillant à magnifier leurs nobles commanditaires. D'autres les ont idéalisés en conformité avec un programme religieux ou idéologique – et nous avons le souvenir d'une exposition consacrée aux portraits des dirigeants de l'époque soviétique, auxquels le temps écoulé conférait une savoureuse dimension ironique. Il y a ceux ensuite qui, toujours réalistes, mais expressionnistes, insistent, soulignent. D'autres ont des comptes à régler et caricaturent. Et il y a encore ceux-là, comme Van Dongen et tant d'autres de sa génération, qui cassent les codes de la représentation pour faire valoir leur «vision» du monde ou pouvoir enfin exprimer la réalité profonde de ceux qu'ils représentent. ■ Stéphane Gilbart

Voyages et mémoire • Forgotten. Lili Lane est une jeune adolescente presque ordinaire, on découvre son quotidien au lycée, à la maison avec sa mère attentive et avec sa meilleure amie Jamie. Sauf que, toutes les nuits à 4 h 33 heures très exactement, sa mémoire s'efface, son cerveau se réinitialise. Tous les soirs, elle rédige un mémo qui reprend tous les événements quotidiens afin de pouvoir les relire au réveil et enchaîner sur un nouveau jour. Elle a même la possibilité de ne pas noter certaines choses pour ne pas se les rappeler. Doit-elle ce soir-là noter qu'elle a rencontré Luke aujourd'hui? C'est le début d'une histoire qui relève plus du thriller que du fantastique, car c'est une véritable enquête sur elle-même que Lili Lane entreprend sans le savoir. Forgotten interroge simplement sur les rôles du hasard dans la vie, dans un univers psychologique particulier bien décrit. • Atlas de Crocolou. Crocolou aime bien voyager et propose aux tout-petits de partir avec lui dans son bel avion jaune découvrir la terre et ses cinq continents. Belle invitation à la géographie. Comme dans un imagier, il y a de quoi se régaler. En prenant appui sur les différentes régions du monde, Ophélie Texier les présente sur des grandes pages cartonnées et illustrées. Les enfants se familiarisent avec les animaux, les maisons, les coutu-

mes et costumes, les musiques... Une foule de vocabulaire s'offre à eux, et ils découvrent aussi des lieux magiques comme le Kilimandjaro, la Tour Eiffel, la grande Muraille de Chine. • L'escargot et l'éléphant est un grand livre à déplier et une belle histoire à écouter. Le chef, Bobofon l'éléphant, convoque par la voix d'Akabia son griot toute la savane à un grand rassemblement. Toute absence devra être justifiée en bonne et due forme! Le jour J, ils sont tous là... sauf Moun'do l'escargot. Quand enfin il arrive, épuisé, l'éléphant est très en colère et attend de vraies explications. Moun'do, penaud, raconte avec beaucoup d'émotions son pénible voyage. L'éléphant attendri annonce publiquement

que désormais, l'escargot porterait des yeux au bout de ses cornes et sa maison sur son dos. Très joli conte africain mis en mot par Manfeï Obin et illustré par Lionel Le Néouanic. Les grandes pages cartonnées offrent un bel univers à tous les animaux entre collages et crayons dans une ambiance colorée. ■ Marie Lempicki • Cat Patrick, Forgotten, La Martinière jeunesse, coll. fiction, 14 ans, 304 pages, 13.90 euros; • Ophélie Texier, Atlas de Crocolou, Actes sud junior, dès 3 ans, 32 pages, 14.50 euros; • Manfeï Obin et Lionel Le Néouanic, L'escargot et l'éléphant, Seuil jeunesse, coll. Petits contes du tapis, 4 ans, 14 pages, 14 euros.


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.