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l’Hemicycle

Agora Félix Marquardt

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Jean-Pierre Chevènement

Admiroir Yamina Benguigui

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par Éric Fottorino

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Gérant-Directeur de la publication : Bruno Pelletier Rédacteur en chef : Thomas Renou

PATRICK ROBERT

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PATRICK KOVARIK/AFP

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Zone euro :

le rêve de Hollande Lire p. 11

Économie

International

La révision des frais de Le fantasme de mandats dans le viseur l’union sacrée

Le taux de chômage, nouvel indicateur de notre goût pour l’autodépréciation

La terre des matriarches

par Pascale Tournier

par Olivier Passet

par François Clemenceau

CHATIN/EXPANSION-REA

Aux Quatre Colonnes

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Édito

par Renaud Dély

Le flou du Président Vous voyez bien que vous voyez mal… Depuis qu’il essaie de se présidentialiser, François Hollande se fait plus rare, mais l’image n’est pas d’Éric Mandonnet pour autant plus nette. La mise à plat de la fiscalité annoncée par JeanMarc Ayrault donne lieu à un embrouillamini institutionnel : jusqu’à quel point le Président et son Premier ministre sont-ils d’accord sur le périmètre et le calendrier de la réforme ? Le 27 novembre, interrogé lors d’une conférence de presse à Madrid,

L’opinion

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le chef de l’État évoque le sujet, sans jamais citer le chef du gouvernement. Le lendemain, lors d’un déplacement à Aubervilliers, il détaille ses priorités du moment et, ce jour-là, c’est la fiscalité qu’il ne mentionne même plus. Difficile de s’y retrouver. Depuis qu’un effort est conduit pour une meilleure maîtrise de la communication présidentielle, la parole se veut plus contrôlée, mais elle n’est pas pour autant plus claire. L’ambiguïté conduit au malentendu, le cafouillage autour de l’annonce de la baisse du chômage l’a illustré. Entraîné dans les bas-fonds de l’impopularité, François Hollande cherche à se préserver, avant de tenter d’illustrer sa réputation de culbuto. Il y a un hic : à la tête de l’État, l’imprécision n’est pas la bienvenue, l’incertitude rime avec l’inquiétude, le doute empêche la confiance.

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Au sommaire • Quand les tireurs fous défiaient la République, par Bruno Fuligni > p. 6 • Quand les collectivités locales jouent les repreneurs d’affaires, par Ludovic Bellanger > p. 10 • Un autre regard, le bloc-notes de Patrick Poivre d’Arvor > p. 14

The World’s First Business School (est. 1819)

For those with real European aspirations Developing real and concrete legislative proposals Induction Seminar at the European Parliament

NUMÉRO 474 — MERCREDI 4 DÉCEMBRE 2013 — 2,15 ¤


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FÉLIX MARQUARDT COMMUNICANT, ÉDITORIALISTE, PRODUCTEUR DE RAP

« La nation, le fétiche de nos gouvernants, leur horizon indépassable, est tombée en désuétude, elle est à bout de souffle » Félix Marquardt s’est fait connaître en 2012 avec une tribune dans Libération intitulée « Barrez-vous ! », dans laquelle il incitait la jeunesse à aller tenter sa chance ailleurs que dans une France qui les méprise. Il vient de publier un guide : Barrez-vous ! Le guide, 99 bons plans pour aller voir ailleurs si t’y es. Soutenu par Daniel Cohn-Bendit, il a lancé en septembre un mouvement pour mobiliser les jeunes pour les européennes de 2014: « Europeans Now ». Après « Barrez-vous ! », vous lancez le projet « Europeans Now », quel est son objectif ?

Les deux initiatives participent d’un même constat, de la même vision du monde. Lorsque nous avons lancé le mouvement « Barrez-vous » avec Mouloud Achour et Mokless, nous ne souhaitions pas encourager au renoncement, nous pensions nous placer parmi ceux qui cherchent de vraies solutions aux prédicaments de ce pays, nous souhaitions mettre le doigt sur des idiosyncrasies gauloises. Après de nombreux entretiens accordés à la presse internationale pour expliquer notre démarche, nous avons constaté que la France n’était pas le seul pays gouverné par une gérontocratie ultra-sclérosée – même si ce phénomène y est particulièrement aigu. Ce malaise concerne toute la jeunesse européenne. Nous assistons au passage à l’âge adulte de la première génération d’Européens dont le niveau de vie est inférieur à celui de leurs parents. Alors que cela devrait nous obliger à nous retrousser les manches et relancer la machine européenne – qui, si elle n’avance pas, tombe-, nous n’inventons pas de projet ambitieux pour l’Europe. J’ai sollicité le soutien de Daniel Cohn-Bendit pour fonder ce mouvement « Europeans Now », dont le but est de mobiliser la jeunesse et l’inciter à se saisir d’un projet européen.

Vous souhaitez « faire passer l’intégration européenne à l’étape supérieure ». De quel type d’intégration parlez-vous ?

Votre mouvement est, dites-vous, « européen, non lucratif, transnational, intergénérationnel, transpartisan et progressiste ». C’est un mouvement de gauche ?

Je parle de conscience européenne. J’aimerais qu’aux prochaines élections européennes, on ne vote plus en tant qu’Allemand, en tant que Grec, que Français, qu’Italien mais en tant qu’Européen. Durant ces quatre dernières années, j’ai fait le tour du monde une dizaine de fois par an, et j’ai acquis une certitude : il faut que l’Europe se réveille. Elle a été assommée par

Ce projet repose sur trois piliers : il doit être postnational, transgénérationnel, et il doit éviter les postures idéologiques.

«

Je m’intéresse aux combats de Daniel Cohn-Bendit depuis de nombreuses années – en 1968, je l’aurais suivi sans hésitation. Je me retrouve

Parmi les politiques français, vous trouverez soit des eurosceptiques, soit des personnes effrayées de perdre leur mandat national, et qui sont, à cette aune, anti-européens. Les premiers, souverainistes, ne croient qu’en l’État-nation. Je pense pour ma part que l’Étatnation a fait son temps. La nation, le fétiche de nos gouvernants, leur horizon indépassable, est tombée en désuétude, elle est à bout de souffle. Cela ne m’empêche pas de respecter l’opinion de ceux qui pensent sincèrement le contraire.

NOUS ASSISTONS AU PASSAGE À L’ÂGE ADULTE DE LA PREMIÈRE GÉNÉRATION D’EUROPÉENS DONT LE NIVEAU DE VIE EST INFÉRIEUR À CELUI DE LEURS PARENTS. ALORS QUE CELA DEVRAIT NOUS OBLIGER À NOUS RETROUSSER LES MANCHES ET RELANCER LA MACHINE EUROPÉENNE, NOUS N’INVENTONS PAS DE PROJET AMBITIEUX POUR L’EUROPE »

la crise, et n’a pas du tout la capacité de rebond de l’Amérique du Nord. Les Européens ont souffert ces dernières années, et notamment dans les pays du Sud : les jeunes Espagnols doivent retourner vivre chez leurs grands-parents… Tout comme leurs parents. L’Europe a aujourd’hui la peur du décrochage, elle est pourtant le plus grand marché du monde, et ses habitants ont un pouvoir d’achat égal voire supérieur à celui des Américains.

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Quelle a été l’implication de Daniel Cohn-Bendit dans votre projet ?

Vous n’exagérez pas un peu ?

aujourd’hui dans son discours, que l’on qualifie de libéral-libertaire. C’est le plus européen d’entre nous. Cet homme a montré que le mandat européen signifiait quelque chose, qu’il est plus important que n’importe quel mandat national. Imaginez-vous que l’on va envoyer à Strasbourg Nadine Morano, car elle se serait découvert une pensée européenne? Les partis français présentent des personnalités qu’ils ne peuvent caser ailleurs, ils méprisent les institutions européennes.

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J’ai notamment beaucoup de respect pour Jean-Pierre Chevènement, qui est l’un des derniers intellectuels de la classe politique française : c’est un homme de principe. J’ai moins de respect pour les autres, qui disent aimer le projet européen, mais qui ne s’y investissent pas. Ceux-là sont convaincus que l’intégration européenne, que l’accroissement du pouvoir de l’Europe induiraient forcément une perte de leur pouvoir. Tous ceux qui se sont fait une place au niveau

national ou local, et qui refusent de perdre leurs positions. Il suffit de voir la levée de boucliers des élus devant des réformes territoriales, lorsqu’on veut supprimer un échelon local, alors même que cela ferait économiser énormément d’argent au pays ! Qu’avez-vous fait concrètement, depuis la création d’« Europeans Now », en septembre ? Est-ce que ça ne patine pas un peu ?

Oui, ça patine un peu… Nous y allons lentement, certes, mais sûrement, nous ne sommes pas encore entrés dans la campagne. Et nous n’avons pas reçu d’aide de la part de la Commission européenne, ni du Parlement européen. Quelles actions allez-vous mener ?

Notre tribune a été publiée dans 23 pays, le même jour. Nous avons des idées pour inciter les jeunes Européens – c’est-à-dire les plus Européens d’entre nous – à voter aux élections de 2014. Rien qu’en France, en Grande-Bretagne et au Portugal, il y a dix millions de jeunes pas ou mal inscrits. Comment allez-vous vous y prendre ?

Des fêtes vont être organisées dans les villes européennes de plus de 500 000 habitants : les jeunes en possession de leur carte d’électeur pourront y accéder gratuitement.

Propos recueillis par Thomas Renou


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JEAN-PIERRE CHEVÈNEMENT PRÉSIDENT D’HONNEUR DU MOUVEMENT RÉPUBLICAIN ET CITOYEN

« L’Allemagne n’est pas encore mûre pour une réorientation de la construction européenne » Le sénateur du Territoire de Belfort est l’auteur de 1914-2014: l’Europe sortie de l’histoire? Selon lui, avec la commémoration de la Grande Guerre, il ne s’agira « que de justifier la mise en congé de la démocratie qui vit encore dans les nations, au prétexte cent fois ressassé de sauver l’Europe de ses démons ». « Il faut plutôt œuvrer au rapprochement des nations postnationalistes, et reconstruire, à partir d’elles, une volonté politique européenne », écrit-il. Déniez-vous le fait que le « besoin » d’Europe est une réaction à la Première Guerre mondiale ?

Les immenses souffrances endurées pendant cette guerre sont à l’origine d’un « besoin d’Europe », qu’avait exprimé Romain Rolland dès 1914. Sa revue, fondée en 1920, s’appelle d’ailleurs Europe. Il résulte de l’incompréhension des peuples quant aux tenants et aux aboutissants de cette guerre un besoin de dépassement, mais certainement pas parce ce conflit aurait été décidé par les nations – aucune nation ne voulait réellement la guerre. En réalité, la Première Guerre mondiale fut une guerre préventive, bêtement déclenchée par les cercles des classes dirigeantes de l’Allemagne de Guillaume II – je dis « bêtement » parce que l’Allemagne n’avait aucun intérêt à la déclencher, c’était une puissance industrielle alors extraordinairement dynamique. Cette guerre dont les causes profondes sont à rechercher dans la modification de l’équilibre des puissances induit par la première mondialisation, celle d’avant 1914, a été déclenchée par un petit groupe de décideurs, pas par les peuples, qui ne doivent pas être mis en accusation. Ce « besoin d’Europe » a été fourvoyé dans la construction d’une Europe économiciste, technocratique et inféodée. Économiciste, parce que l’on a prétendu construire l’Europe en choisissant pour base le marché ;

technocratique, parce que l’on a d’emblée confié le monopole de la proposition à une Haute Autorité devenue la Commission européenne ; inféodée, parce que les deux guerres ont fait passer l’hégémonie d’un côté à l’autre de l’océan Atlantique et que l’Europe s’est faite sous tutelle américaine, à l’ombre de la guerre froide. Cette transition s’est faite lentement : en 1919-1920, les États-Unis refusent de ratifier le traité de Versailles, et ne donnent pas à la France la garantie que Wilson avait promise à Clemenceau, ils se retirent dans leur isolationnisme prudent. Les conditions de la Seconde Guerre mondiale sont créées par le fait que l’équilibre de Versailles dépendait de cette garantie américaine, et cette garantie va manquer. Encore aujourd’hui, on accrédite la thèse de Hitler, selon laquelle cette Seconde Guerre mondiale est une conséquence du traité de Versailles alors que les élites allemandes ont, en fait, tout simplement refusé la défaite de 1918. Selon Joschka Fisher, le traité de Versailles n’était pas trop dur, il était trop doux.

L’armistice de 1918 avait été sollicité en fait par l’état-major, par le biais du dernier gouvernement de l’Allemagne impériale, le gouvernement de Max de Bade, qui considérait qu’une trêve sur la base des 14 points de Wilson, donnerait à l’Allemagne le temps de respirer, de se refaire et finalement de se

reprendre. Ces élites allemandes, c’est l’alliance des junkers de l’aristocratie militaire et des industriels de la Ruhr de l’Allemagne de l’Ouest, ils refusent la défaite mais demandent une trêve. Les nazis étaient-ils les seuls à critiquer le traité de Versailles ?

Non, mais ils ne seraient pas arrivés au pouvoir sans la crise économique des années 1930. Ils vont opérer une surenchère sur les résultats de la Première Guerre mondiale. C’est de ce point de vue que l’on peut dire que la Seconde Guerre mondiale est la continuation de la première. Adolf Hitler va reprendre de nombreux thèmes que l’on peut retrouver dans la littérature pangermaniste d’avant 1914 : la conquête d’un empire colonial à l’Est de l’Europe, jusqu’à la mer Noire, refoulant très loin les Slaves. Mais l’hitlérisme est ainsi une rupture fondamentale dans l’histoire allemande. C’est l’avènement d’un parti totalitaire et la fin de la démocratie. Les dirigeants de 1914 étaient-ils conscients de déclencher une guerre mondiale ?

Non, ils ne pouvaient s’imaginer l’horreur d’une guerre de quatre ans et demi, une guerre qui a causé la mort de 11 000 000 de personnes. On ne doit pas incriminer le peuple allemand, même s’il s’est laissé très facilement convaincre que la guerre était nécessaire.

« Le nationalisme, c’est la guerre », disait François Mitterrand. Vous voulez remettre ces nations au centre du jeu, pour reconstruire « une volonté politique européenne »…

Il faut distinguer la nation et le nationalisme. La nation, c’est le cadre de la démocratie et de la solidarité. Le nationalisme, c’est une maladie de la nation. C’est une volonté d’expansion nourrie par des frustrations diverses. Ce sont des dirigeants inconscients et non les nations qui ont déclenché la Première Guerre mondiale. Cela doit nous servir de leçon : des guerres préventives bêtement déclenchées par des dirigeants inconscients, cela existe encore, comme l’illustre celle de George Bush en Irak. Le résultat fut le contraire de celui qu’il recherchait : il a donné à l’Iran l’ascendant sur le Moyen-Orient. Les Allemands pensent-ils comme vous, eux qui, constatant l’échec d’une politique nationaliste, se sont tournés vers l’Europe pour avoir enfin des rapports pacifiés avec leurs voisins ?

L’Europe doit être constituée dans le prolongement des nations, et non contre les nations. C’est une erreur qu’illustre la monnaie unique. Nous avons juxtaposé des économies nationales très différentes et nous constatons aujourd’hui que cela ne peut pas marcher. Nous ne pouvons que retarder une crise qui est inéluctable. L’Allemagne est confrontée à une

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contradiction énorme : elle a le souci de sa compétitivité sur les marchés extérieurs, en dehors de l’Union européenne ; en même temps, elle impose aux pays de l’Europe du Sud des politiques disciplinaires qui aboutissent à des situations de sous-emploi de leurs facteurs de production et, notamment, de leur main-d’œuvre avec des taux de chômage qui peuvent atteindre plus de 25 % en Grèce et en Espagne, et 50 % chez les jeunes : ce n’est pas tenable. Soit l’Allemagne joue un rôle de locomotive mais elle renonce un peu à sa compétitivité, soit elle est contrainte de provoquer la dissociation de la zone euro – les pays de l’Europe du Sud ne pouvant plus accepter la désindustrialisation et la paupérisation auxquelles les a conduits une politique économique de stagnation à perte de vue. Comme Marcel Gaucher, vous dites que François Hollande sait où il va, mais qu’il ne veut pas le dire. Qu’en est-il sur le plan européen ? Que proposez-vous ?

Il faut un sérieux réaménagement de l’euro. Je crois beaucoup à la nécessité d’un travail en commun entre la France et l’Allemagne, mais il faut que ce travail se fasse sur des bases saines. L’Allemagne n’est pas encore mûre pour une réorientation de la construction européenne, que François Hollande a appelée dans ses vœux pendant la campagne électorale.

Propos recueillis par T.R.


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Aux Quatre Colonnes

La révision des frais de mandats dans le viseur a déontologue Noëlle Lenoir a émis vingt propositions dans son rapport. Mais une seule est montée en épingle. Il s’agit de la baisse de 40 % de l’indemnité représentative des frais de mandat des députés (IRFM) cumulant leur fonction avec un mandat d’exécutif local. La somme correspondant à ces réductions serait transférée pour les deux tiers sur les crédits collaborateurs et pour un tiers sur l’IRFM des autres députés. « Il s’agit de rétablir une forme d’équité entre les parlementaires et de préparer l’application de la loi sur le non-cumul des mandats, qui demandera une logistique et des moyens humains à la hauteur », explique-t-elle. Si le président de l’Assemblée nationale Claude Bartolone va consulter les présidents de groupe, cette mesure choc a peu de chances d’être adoptée au bureau. Dans les couloirs du PalaisBourbon, la mesure ne fait pas du tout l’unanimité. Certains pointent avec perfidie le profil de Noëlle Lenoir, qui travaille à la fois dans un cabinet d’avocats d’affaires et siège dans plusieurs conseils d’administration. « Son CV serait-il adapté à ses fonctions de gardienne des règles de la déontologie ? », faiton remarquer. Les députés en ont surtout assez de cette culture ambiante du soupçon qui les vise en premier. La loi sur la moralisation de la vie politique, mal vécue dans son ensemble, a laissé des traces. Selon eux, cette modula-

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JACQUES DEMARTHON/AFP

3 questions à

CHRISTOPHE SIRUGUE PRÉSIDENT DU GROUPE DE TRAVAIL SUR LES LOBBYS

tion de l’IRFM alimenterait la machine à défiance qui bat déjà son plein contre les élus. À droite, ce sentiment d’injustice est particulièrement marqué. Christian Jacob, le patron des députés UMP, est catégorique : « C’est une proposition qui n’a pas de sens et est totalement démagogique. Elle contribue à nourrir l’antiparlementarisme ambiant. » Le député UMP Philippe Gosselin partage le même sentiment : « Cela peut mériter réflexion mais cela entretient la suspicion autour des moyens alloués aux parlementaires. On demande aux députés de faire toujours moins, parce qu’ils ont toujours trop. Quand cette spirale va-t-elle s’arrêter ? À force de vouloir la transparence, on va bientôt être invisible. » L’élu du Nord-Pasde-Calais Denis Fasquelle préfère manier l’humour pour décrire le ras-le-bol ambiant : « Il faudrait désormais qu’on remplace notre mallette de députés par une robe de bure, un tas de cendres et un fouet pour se faire pardonner d’être élu. » À l’UDI, les propos sont plus nuancés et les positions plus divisées. Le député UDI Jean-Christophe Lagarde demeure critique : « La déontologue est restée dans la théorie et n’a pas pensé aux conséquences pratiques. Un député-maire aurait le droit d’aller voir les électeurs de sa ville mais pas ceux du reste de sa circonscription ? On fait fausse route. » Son collègue Charles de Courson est au contraire satisfait par cette proposition. « Depuis quinze ans, je demande un système de contrôle, qui

Que pensez-vous du rapport de la déontologue et, en particulier, de sa proposition visant la baisse de 40 % de l’indemnité de frais des députés qui cumulent ?

Il était important que Noëlle Lenoir délivre son analyse et explicite son rôle. Sa proposition de baisser de 40 % l’indemnité de frais en est une parmi d’autres. Je ne sais pas si le bureau s’en saisira. Je suis favorable à ce que l’on retravaille la transparence de l’IRFM qui a déjà été baissée de 10 % en début d’année. Mais je comprends aussi les réticences de mes collègues et leur sentiment que toute façon, on n’en fera jamais assez.

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DANIEL MIHAILESCU/AFP

La baisse de 40 % de l’indemnité des frais de représentation, telle que la préconise la déontologue Noëlle Lenoir, est loin de faire l’unanimité chez les élus. En toile de fond, un ras-le-bol de la culture du soupçon qui les entoure. Par Pascale Tournier

Noëlle Lenoir pourrait être sous-traité par la Cour des comptes », rappelle l’élu UDI avant de poursuivre : « De son temps, le président de l’Assemblée nationale Philippe Séguin avait déjà émis l’idée d’un système à points déterminés par des critères de taille de circonscription et de population. Mais

cela n’a jamais abouti : ce sont les gros cumulards qui tiennent le pouvoir à l’Assemblée nationale, pas les petits élus de province ! » Sur les bancs des socialistes, le ton est aussi plus nuancé. Olivier Falorni s’interroge sur l’urgence de faire appliquer cette mesure, alors qu’en

La déontologue souhaite également que les députés fassent la déclaration – non publique – de leur appartenance à un club parlementaire et de la source de financement de celui-ci.

vons particulièrement le prêt des salles. Encore récemment, le Club Mer et Océan s’est réuni à la questure. Celui du foie gras devait aussi se tenir dans les salons de la questure, il s’est finalement retrouvé en dehors de l’Assemblée nationale. Plus gênant, l’invitation de fin novembre lancée aux députés pour un week-end thématique sur la protection sociale et tous frais payés dans un hôtel cinq étoiles à Deauville. J’ai immédiatement alerté mes collègues de l’inconvenance de cet événement et prévenu le cabinet du président Claude Bartolone.

C’est un sujet sur lequel nous avons beaucoup échangé avec Noëlle Lenoir. S’il n’est pas question d’interdire les clubs parlementaires pour des raisons de liberté d’association, on reste attentif à ces rassemblements ainsi qu’aux groupes d’études, qui peuvent être des moyens détournés pour les lobbys de jouer de leur influence sans transparence. Ainsi, nous sui-

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2017 la loi sur le non-cumul entrera en vigueur. « J’aurais préféré qu’on se penche davantage sur la question des incompatibilités de fonctions, notamment celle d’avocats d’affaires, avec un mandat de député », fait remarquer l’élu de Charente-Maritime. Le député d’Indre-et-Loire et animateur de la Gauche populaire Laurent Baumel reste également dubitatif : « Les mesures en faveur d’une plus grande transparence visent à recréditer la fonction du politique. La vraie question est de savoir avant tout si nous obtenons des résultats. » Le député PS de Paris Christophe Caresche dit ne pas comprendre le sens la proposition : « S’agit-il de moraliser l’IRFM ? D’autres propositions comme le contrôle semblent plus efficaces. S'agit-il d'augmenter le nombre de collaborateurs ? Je ne suis pas pour. Nous sommes déjà trois dans 10 m2. Dans le cadre de la loi sur le non-cumul, l’augmentation des moyens des députés passerait plutôt par une réduction de leur nombre. » Le député du Cher Yann Galut reste aussi prudent sur la faisabilité juridique d’une telle mesure : « Il ne faudrait pas détourner l’utilisation des moyens locaux à des fins nationales ». Le cofondateur de la Gauche forte préfère recentrer le débat sur le renforcement du crédit collaborateurs : « Dans la perspective du mandat unique, l’enveloppe dédiée aux collaborateurs ne suffit pas. Il faudrait aussi un vrai statut pour les collaborateurs pour mener un travail législatif de qualité. Ici, notre fonctionnement au quotidien est fait de bric et de broc. »

Depuis le 1er octobre, de nouvelles règles encadrant les députés et les représentants d’intérêts sont entrées en vigueur. Sont-elles bien acceptées ?

Il est trop tôt pour dresser un bilan. Nous le ferons en mai prochain. Pour le moment, l’Assemblée nationale a adapté son système informatique. Les nouveaux formulaires d’inscription sur le registre des représentants d’intérêts sont disponibles. Quelques réticences me sont rapportées: certains clients de lobbyistes n’ont pas envie que leur nom apparaisse sur le fichier. Mais globalement, cela a l’air de bien se passer.

Propos recueillis par P.T.


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Petits papiers La réforme fiscale Les bons et les détend l’atmosphère mauvais élèves de la démocratie locale Si les contours de la réforme fiscale, la méthodo-

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Tout ça pour ça…

ALAIN JOCARD/AFP

Le ministre de l’Agriculture, Stéphane Le Foll, l’a confié à un dirigeant socialiste : il regrette de s’être battu, à l’échelon européen, pour réussir à repousser d’un an l’abrogation du taux réduit de TVA sur l’activité des centres équestres. La mesure aurait dû intervenir le 1er janvier 2013, alors que le « ras-le-bol » fiscal en France n’était pas encore à ce point intense. Elle suscite aujourd’hui des protestations tous azimuts.

Spoils system à la française

Copé pense à… 2022 Selon un soutien de Nathalie Kosciusko-Morizet, Jean-François Copé se montre plus virulent que François Fillon contre la candidate UMP aux municipales à Paris. « Avec le retour de Nicolas Sarkozy en 2017, Fillon et Copé savent que c’est foutu, constate l’élu parisien. Mais en 2022, tandis que François Fillon sera sans doute en dehors de la course, Jean-François Copé y croit et affrontera vraisemblablement NKM, Valérie Pécresse ou Bruno Le Maire. » Un proche du président de l’UMP délivre à peu près la même analyse : « À court terme, la victoire de NKM lui sert. Sur le long terme, beaucoup moins. »

RAYMOND ROIG/AFP

logie et le pilotage ne sont pas encore définis, l’interrogation sur le support législatif le plus adéquat est aussi de mise. « Faut-il faire une série de lois ou une loi de programmation ? », se demande-t-on dans les couloirs de l’Assemblée nationale. L’annonce a, en tout cas, eu le mérite d’apaiser le groupe socialiste, qui n’hésite pas à parler d’un acte II de la mandature. L’annonce de la réforme a eu un effet sur le vote des retraites. En deuxième lecture, onze députés socialistes seulement se sont abstenus contre dix-sept lors de la première lecture. Ce climat plus serein revêt-il un caractère durable ? « Je ne prends pas le pari, confie le porte-parole du groupe Thierry Mandon. Pour des raisons structurelles, les turbulences ne disparaîtront pas totalement. On doit s’habituer à des comportements différents. On assiste à un changement de génération des députés, qui pour beaucoup ne cumulent pas d’autres fonctions exécutives. On voit là les premiers effets de la loi sur le non-cumul », avertit l’élu de l’Essonne.

Depuis 2011, l’association nationale des élus locaux d’opposition, fondée par Clotilde Ripoull, conseillère municipale d’opposition à Perpignan, remet des bonnets d’âne à des élus condamnés par le tribunal administratif pour non-respect des droits de l’opposition, et des bonnets de Marianne à ceux qui, au contraire, soignent la démocratie locale. Parmi les lauréats de la première catégorie, on recense le sénateur-maire UMP de Rambouillet Gérard Larcher, le maire UMP de Mantesla-Jolie Michel Vialay, le maire de Barcarès Alain Ferrand. Les bons élèves sont en revanche la sénatrice EELV Hélène Lipietz, auteure d’une note sur les droits de l’opposition dans le cadre de la réforme des collectivités territoriales et l’ancien député UMP Jean-Pierre Giran. Ce dernier a rédigé un rapport, en février 2012, pour le président de la République, préconisant 42 propositions pour améliorer le fonctionnement de la démocratie locale. Neuf d’entre elles s’appliquent au champ de la communication.

Le changement des directeurs du Trésor et du Budget à Bercy n’a rien d’une chasse aux sorcières. Le porte-parole du groupe PS Thierry Mandon décrypte : « À cause du système du quinquennat qui raccourcit le temps utile, le gouvernement doit accepter d’appliquer le spoils system à l’américaine. Il faut changer les directeurs des administrations pour s’appuyer sur des gens qui partagent votre vision. » Un an et demi après la victoire, mieux vaut tard que jamais.

Un parfum IVe République au Sénat Selon un membre du gouvernement, le rejet du budget en première lecture au Sénat n’était ni un accident, ni une surprise mais reste une difficulté. « Une espèce de parfum IVe République flotte au Sénat. Il n’y aucune majorité positive mais une majorité négative incapable d’apporter un texte alternatif », confie-t-il. NUMÉRO 474, MERCREDI 4 DÉCEMBRE 2013 L’HÉMICYCLE

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Édito

Le fantasme de l’union sacrée

L’opinion de Renaud Dély

’est peut-être parce que l’on s’apprête à commémorer le souvenir de la Grande Guerre et de cette année 1914 qui vit droite et gauche unir leurs forces et serrer les rangs derrière le dra-

C

majorité, telles celle du député PS Pascal Terrasse, le relaient. Cette incongruité en dit long sur le doute qui s’est emparé de nombreux esprits socialistes quant au cap suivi par l’actuel gouvernement. L’hypothèse de bâtir un gouvernement d’union nationale est pourtant l’archétype de la fausse bonne idée. C’est un mirage qu’il convient de dissiper urgemment. D’abord parce que nos institutions n’ont rien à voir avec celles de notre voisin allemand. Notre régime présidentiel, ancré sur la désignation tous les cinq ans d’un monarque républicain et, dans la foulée, d’une majorité parlementaire nette grâce au mode de scrutin uninominal majoritaire à deux tours, interdit le rassemblement des deux camps, vainqueurs et vaincus, au sein d’une même équipe. Le fonctionnement même de notre État, de tradition jaco-

bine et centralisée, est aux antipodes de celui de la République fédérale d’Allemagne où le poids des Länder est un contre-pouvoir à un Bundestag désigné à la proportionnelle. Surtout, par-delà ce fossé institutionnel, c’est pour des raisons éminemment politiques qu’il faut combattre ce fantasme de l’union nationale. Il s’agit d’un projet fumeux, et surtout dangereux. Depuis une trentaine d’années, le gouvernement de la France ne souffre pas d’antagonismes trop profonds mais, au contraire, de pratiques trop proches. Attention, on ne parle pas là du choc des mots, toujours violent, entre une droite qui se veut « décomplexée » et est accusée par ses adversaires d’être « lepénisée », et une gauche qui se prétend « social-démocrate et réformiste » et se trouve repeinte en « archaïque » par le camp d’en

face. Les actes au pouvoir, en revanche, sont souvent similaires, voire jumeaux. Depuis le « virage de la rigueur » impulsé par François Mitterrand en 1983, puis l’échec du « printemps libéral » esquissé par Jacques Chirac en 1986, les actions de la gauche et de la droite se sont considérablement rapprochées. Les marges de manœuvre de nos gouvernants se sont réduites à mesure que la mondialisation avançait. Pour en réguler les conséquences, il demeure pourtant des choix clairs à faire et des nœuds à trancher. Plutôt que de chercher une introuvable union nationale qui ne fait qu’alimenter le dangereux syndrome TINA (There is no alternative), c’est la grandeur d’une politique qui ose que droite et gauche doivent réinventer. Sous peine de servir l’extrême droite trop heureuse d’accabler l’UMP et le PS sous le même opprobre.

SIDONIE MANGIN

DAVID IGNASZEWSKI/KOBOY/FLAMMARION

peau tricolore pour combattre le Kaiser. C’est plus sûrement parce qu’outre-Rhin, cette semaine, la CDU d’Angela Merkel et le SPD de Sigmar Gabriel ont fini par s’entendre sur un programme de gouvernement pour former de nouveau une « grande coalition ». En France, en tout cas, l’humeur est à l’union sacrée. Et si le PS et l’UMP se donnaient la main pour gérer le pays ? Et si un gouvernement de « techniciens », venus de tous horizons et mûs par la même volonté de sortir la France de la crise, remplaçait l’équipe Ayrault ? Le mythe du gouvernement des « hommes de bonne volonté » est une antienne connue qui revient hanter nos débats politiques à intervalles réguliers. Le projet naît toujours dans le camp qui est dans l’opposition, écarté des affaires, et donc en l’occurrence à droite. Il est plus rare que quelques voix de la

Passé-présent

Quand les tireurs fous défiaient la République e concept de « loup solitaire » est récent dans le vocabulaire policier, mais non la réalité qu’il recouvre. Machiavel déjà, qui symbolisait la force par le loup, l’opposant à la ruse du renard, écrivait il y a cinq siècles dans Le Prince que la meilleure façon de réussir un complot consistait à le réaliser seul. La République française, très tôt, s’est trouvée visée par des « tireurs fous » qui pensaient, au moyen d’un acte de violence individuel, changer le cours de l’histoire. C’est ainsi que le 10 décembre 1887, au palais Bourbon, Jules Ferry est demandé par un visiteur : redevenu simple député des Vosges, l’ancien président du Conseil va le voir sans méfiance. Pensant rencontrer un de ses électeurs en déplacement dans la capitale, il se retrouve en présence d’un nationaliste exalté, Aubertin, qui est venu armé d’un revolver. Grièvement blessé, le père de l’école laïque souffrira de ses blessures jusqu’à sa mort, en 1893.

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Assassinat de Jean Jaurès le 31 juillet 1914. En novembre 1902, la salle des Pas-Perdus retentit encore de plusieurs coups de feu, tirés par un

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aliéné qui arbore un uniforme de fantaisie : putschiste sans troupes, Louis Mouric est vite ceinturé par

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les huissiers, sans avoir le temps de faire des victimes. Le 4 juin 1908, c’est au Panthéon qu’est défiée la République. Alors que Zola entre au temple des grands hommes, deux coups de feu perturbent la cérémonie : Alfred Dreyfus est blessé au bras par le journaliste antisémite Louis Grégori – qui sera toutefois acquitté par la justice… Moins de trois ans plus tard, le 17 janvier 1911, c’est l’hémicycle lui-même qui est visé ! En cette première séance de l’année, les députés viennent d’élire le nouveau bureau de la Chambre. Aristide Briand, président du Conseil, est assis au banc du gouvernement. Soudain, une double détonation part des galeries du public. Briand s’est baissé à temps, mais son voisin, Mirman, est blessé à la cuisse : haut fonctionnaire au ministère de l’Intérieur, ce dernier est aussi un ancien député, déjà rescapé de la bombe que l’anarchiste Vaillant avait lancée en séance le 9 décembre 1893… Le tireur ?

La concordance des temps de Bruno Fuligni HISTORIEN

Auguste Gizolme, ancien greffier de la justice de paix, immédiatement arrêté : un déséquilibré, qui n’a pas de revendications politiques, mais se révèle atteint d’un bizarre délire de persécution dans lequel Briand est la cause de tous ses malheurs… Cet homme que l’insensé Gizolme a voulu éliminer vivra toutefois jusqu’en 1932, sera vingt-cinq fois ministre et onze fois chef du gouvernement – un record de longévité ministérielle toujours inégalé. Le tireur fou le plus célèbre, lui, n’a pas manqué sa victime : il s’agit de Raoul Villain, l’homme qui tue Jaurès le 31 juillet 1914. « Si j’ai commis cet acte, c’est parce que M. Jaurès a trahi son pays », déclaret-il. « J’estime qu’on doit punir les traîtres et qu’on peut donner sa vie pour une cause semblable. Je ressens un profond sentiment du devoir accompli… » Lui aussi sera acquitté, en 1919. Il n’est pas anodin qu’en France, le centenaire de la Grande Guerre s’ouvre par celui d’un assassinat politique.


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Économie

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Le taux de chômage, nouvel indicateur de notre goÝt pour l’autodÊprÊciation

L’opinion d’Olivier Passet DIRECTEUR DES SYNTHĂˆSES ÉCONOMIQUES DE XERFI

ans notre nouveau contexte de poussÊe aiguÍ de sinistrose, une bonne nouvelle est nÊcessairement suspecte. La messe est dite, la baisse du chômage du mois d’octobre ne peut être une vraie baisse. Il y a soit

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manipulation, soit artefact. Les commentateurs ne laissent donc que peu de chances Ă ce dernier point statistique, qui ne peut, bien ĂŠvidemment, faire tendance. Ce bon principe a pourtant ĂŠtĂŠ allègrement oubliĂŠ quand il s’est agi de commenter le dernier point de croissance. Prenons dès lors un peu de distance. Que nous disent les chiffres rĂŠcents ? Premièrement, que le cĹ“ur du chĂ´mage est sur un plateau depuis trois mois et rĂŠgresse mĂŞme très lĂŠgèrement. C’est ce qui ressort d’un simple lissage qui dilue Ă la fois la portĂŠe du dernier point et les accidents statistiques, tels que la panne SFR, qui avait dĂŠfrayĂŠ la chronique en aoĂťt. Deuxièmement, cette baisse tient effectivement pour beaucoup Ă un basculement de certains chĂ´meurs vers de l’activitĂŠ rĂŠduite, CDD et intĂŠrim. La hausse significative des demandeurs d’emplois en activitĂŠ rĂŠduite (de catĂŠ-

gorie B et C dans le jargon de PĂ´le emploi) en tĂŠmoigne sans ambiguĂŻtĂŠ. Cela doit-il conduire Ă dĂŠprĂŠcier le rĂŠsultat prĂŠcĂŠdent ? Non, car c’est la dĂŠmonstration que peu Ă peu, comme d’autres pays, la France a su bâtir des instruments de transition du chĂ´mage vers l’emploi ; sur la base de petits jobs, certes. Mais aucun pays n’a trouvĂŠ mieux jusqu’ici. Notamment l’Allemagne. Troisièmement, le rĂŠsultat d’octobre ne relève pas de l’artifice des emplois aidĂŠs. Les emplois d’avenir montent en puissance doucement. On en dĂŠnombrait 48 000 Ă fin septembre. Mais ce bilan doit ĂŞtre nuancĂŠ car d’autres statuts rĂŠgressent simultanĂŠment, notamment l’alternance. Le stock des emplois aidĂŠs a en dĂŠfinitive augmentĂŠ probablement de moins de 20 000 sur un an. C’est peu et cela ne peut expliquer Ă lui seul l’inflexion observĂŠe du chĂ´mage. Le gouvernement concentre certes le tir en

fin d’annĂŠe pour se rapprocher de son objectif. Mais l’activation de ce type de dispositif en dĂŠbut de reprise est lĂŠgitime. C’est lĂ que l’arme de l’emploi aidĂŠ est la plus efficace et ne se transforme pas en trappe de chĂ´mage dĂŠguisĂŠ pour les populations cibles. Si l’on s’interroge maintenant sur les tendances de l’emploi qui sous-tendent ce rĂŠsultat, l’embellie est ĂŠgalement perceptible. La dĂŠgradation de l’emploi ralentit. Pour ĂŞtre juste, elle mord encore de manière importante sur l’emploi permanent, tandis que l’intĂŠrim redĂŠmarre. L’Êconomie française reste de fait en restructuration et continue de dĂŠtruire de l’emploi salariĂŠ marchand au rythme de -80 000 par an environ. C’est un net ralentissement, sans ĂŞtre une stabilisation encore. Les donnĂŠes dont on dispose sur les embauches confirment aussi ce lĂŠger mieux au troisième trimestre. Enfin, la variation du chĂ´-

mage va essentiellement dĂŠpendre de ce que fera la population active. Sa hausse en 2012, de l’ordre de 300 000, a ĂŠtĂŠ d’une ampleur inattendue, liĂŠe au rallongement de la durĂŠe de cotisation dĂŠcidĂŠe lors de la prĂŠcĂŠdente rĂŠforme des retraites de 2010. Ce mouvement, paradoxal en pĂŠriode de chĂ´mage de masse, explique les trois quarts de la hausse du chĂ´mage de 2012. Il suffirait que ce mouvement cesse pour que la cible gouvernementale soit atteinte. Or c’est bien ce qui semble se dessiner aujourd’hui. En dĂŠfinitive, la situation s’amĂŠliore bel et bien sur le front du chĂ´mage et de l’emploi. Le pari de François Hollande se jouera en revanche sur le tapis vert de la population active. GagnĂŠ ou perdu, cela ne changera rien aux tendances de fond, et donnera essentiellement matière Ă ceux qui aiment jouer l’amplification mĂŠdiatique.

URGENCE ŠTed Aljibe / AFP

PHILIPPINES

Les ĂŠquipes de MĂŠdecins du Monde dĂŠployĂŠes sur le terrain se mobilisent pour venir en aide aux centaines de milliers de personnes sinistrĂŠes. 1RV DFWLRQV GâXUJHQFHb GĂ’OLYUHU OHV VRLQV SULPDLUHV DVVXUHU OH VXLYL GH IHPPHV HQFHLQWHV GH MHXQHV PĂ‘UHV et de leurs nouveau-nĂŠs et prĂŠvenir les ĂŠventuelles ĂŠpidĂŠmies.

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Š Lâm Duc Hiên

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On est tous MĂŠdecins du Monde.

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À la tribune

La santé, un secteur clé de notr n 2011, le montant des dépenses de santé s’élevait à plus de 240 milliards d’euros*, soit près de 12 % de la richesse nationale, ce qui fait de notre système de santé l’un des plus coûteux au monde. Dans le contexte budgétaire actuel, très largement contraint, la maîtrise des dépenses de santé et, plus largement, le redressement des comptes de la Sécurité sociale, sont devenus non seulement une priorité politique mais aussi une nécessité pour assurer la pérennité de notre système de santé et de protection sociale. Cet état de fait a tendance à occulter une autre réalité : les industries de santé constituent en France une filière stratégique et un levier majeur de notre compétitivité. En effet, les entreprises françaises de la santé ont des atouts très forts à faire valoir au sein de la compétition internationale : le vieillissement de la population et les progrès techniques tirent vers le haut les besoins en matière de santé, d’une part, et la France dispose d’une médecine et d’une recherche d’excellence qui permettent à notre pays de viser l’une des meilleures places mondiales, d’autre part. Ajoutons enfin que le secteur de la santé est source de création d’emplois pérennes, souvent hautement qualifiés et bien rémunérés (78 % des salariés des industries de santé ont au minimum un niveau bac, contre 44 % dans les autres industries). Les industries de santé françaises emploient 300 000 personnes et génèrent un chiffre d’affaires annuel de plus de 75 milliards d’euros.

Le rôle central de l’innovation La double transition, épidémiologique et démographique, que connaît la France va conduire à une forte augmentation de la demande de santé dans les années à venir. Les industries de santé devront alors s’adapter à cette double transition, innover pour proposer des solutions qui répondent mieux aux besoins des populations. L’innovation, parce qu’elle génère des gains de productivité importants, pourra permettre de concilier l’exigence de qualité des soins avec les contraintes qui pèsent actuellement sur nos finances publiques. Elle seule rendra possible le développement d’une offre de soins plus efficiente et moins coûteuse tout en améliorant la qualité de la prise en charge des patients. Enfin, elle pourra générer des économies en supprimant, par exemple, des examens complémentaires, en

KENZO TRIBOUILLARD/AFP

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diminuant la durée de certaines hospitalisations, en transférant au domicile des malades des soins initialement prévus en établissements hospitaliers, etc. Pourtant, le foisonnement des innovations dans le secteur de la santé (e-santé, médicaments, dispositif médicaux, télémédecine,

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l’innovation au travers des achats des établissements hospitaliers. Cela passe par l’organisation de forums d’échanges entre acheteurs et entreprises à l’instar des Meet the Buyer Events organisés au Royaume-Uni et par l’orientation des achats hospitaliers vers les entreprises innovantes.

L’INNOVATION, PARCE QU’ELLE GÉNÈRE DES GAINS DE PRODUCTIVITÉ IMPORTANTS, POURRA PERMETTRE DE CONCILIER L’EXIGENCE DE QUALITÉ DES SOINS AVEC LES CONTRAINTES QUI PÈSENT ACTUELLEMENT SUR NOS FINANCES PUBLIQUES »

imagerie, biomarqueurs…) fait face aujourd’hui à un contexte économique et réglementaire contraint, rendant difficile l’accès au marché de solutions innovantes. Dans un contexte international de plus en plus concurrentiel, les performances des différentes industries françaises de la santé s’érodent et les jeunes entreprises, confrontées à un écosystème peu porteur, quit-

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tent notre pays pour des terres plus accueillantes. Ces difficultés trouvent leur explication dans trois causes majeures : des difficultés d’accès au marché pour les innovations ; la faiblesse des investisseurs late stage et enfin, l’absence de gouvernance coordonnée du secteur en France. Pour

répondre à ces défis, l’Institut Montaigne a formulé une série de propositions.

Favoriser l’accès au marché pour les innovations L’accès rapide au marché constitue un élément clé du développement des entreprises innovantes. Deux axes nous semblent devoir être privilégiés. Stimuler, tout d’abord,

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Plus fondamentalement, la situation française se caractérise par un important décalage entre la rapidité des évolutions technologiques et la lenteur des processus administratifs. En effet, les procédures d’accès au marché mais aussi de remboursement par l’Assurance maladie sont extrêmement complexes. Du fait de la multiplicité des instances (Agence nationale

de sécurité du médicament, Haute Autorité de santé, Comité d’évaluation économique et de santé publique, Comité économique des produits de santé, etc.), les délais d’entrée sur le marché sont imprévisibles et le plus souvent longs. Les entreprises ont besoin de visibilité, d’un cadre réglementaire stable et de règles transparentes en ce qui concerne l’enregistrement et la prise en charge de leurs innovations. Afin de ne pas pénaliser l’innovation, il est aujourd’hui nécessaire de simplifier les conditions d’accès au remboursement en France. Cela implique, dans un premier temps, de mener une réflexion avec les autorités de santé sur l’évolution des critères d’évaluation de l’innovation à dix ans pour garantir aux entreprises davantage de visibilité et de transparence. Transférer au Comité économique des produits de santé (CEPS) la responsabilité du processus d’inscription au remboursement des dispositifs médicaux innovants permettrait d’harmoniser le système d’accès au marché. Enfin, il serait opportun d’inscrire de manière transitoire sur les listes pertinentes donnant accès


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À la tribune

otre compétitivité au remboursement par l’Assurance maladie les produits, services ou actes présentant un intérêt pour la santé publique, en termes organisationnel ou budgétaire.

Favoriser l’accès au capitaldéveloppement et préserver les sociétés de santé sur le territoire national Les entreprises innovantes dans le domaine de la santé ont besoin d’un temps relativement long pour développer leurs produits. Ainsi, le lancement, la survie et l’essor de ces entreprises dépendent en grande partie de l’accès au capitalrisque, que celui-ci intervienne aux stades précoces de développement de l’entreprise (early stage) qu’aux stades plus avancés (late stage) qui permettent, eux, la validation préclinique et clinique, puis enfin le lancement commercial du produit. De manière générale, ce n’est pas tant la quantité d’entreprises créées dans notre pays que la pérennité de ces dernières qui pose question. En 2009, seulement 66 % des entreprises françaises créées en 2006 étaient toujours en activité, et à peine la moitié au bout de cinq ans. Alors même que la France était le premier pays européen en termes de création d’entreprises avec près de 550 000 entreprises créées en 2011**, l’essentiel des dispositifs d’aide reste encore concentré sur la création d’entreprises. La stratégie des pouvoirs publics et notamment de l’État au travers la Caisse des dépôts et de la BPI a été de se substituer à un manque perçu – mais non étayé – de fonds privés d’amorçage au lieu d’inciter les fonds privés à se porter sur ce type d’investissements. Si cet engagement permet de compenser l’absence d’investisseurs privés en termes financiers, il n’a évidemment pas le même impact sur les autres facteurs de performance de la jeune entreprise. Les business angels anglo-saxons par exemple, apportent en particulier leur expérience professionnelle et leur réseau. Ayant investi leurs propres capitaux, ils sont fortement motivés pour en assurer la réussite. Autre erreur : une forme d’incapacité constatée en France à choisir entre le souhait de faire émerger des fonds d’amorçage de taille suffisante pour développer un haut niveau d’expertise, d’une part ; irriguer l’ensemble des territoires d’autre part. Enfin, c’est sans doute dans le capital-risque late stage qu’il existe un vrai déficit de fonds, ce qui entrave la transformation des TPE et PME en ETI.

Il est donc aujourd’hui urgent d’orienter préférentiellement une part des capitaux de l’État pour irriguer le secteur santé et attirer des équipes étrangères innovantes. Cela passe par l’orientation prioritaire des capitaux de la BPI vers des fonds de capital-développement et de capital-transmission sectoriels dans le secteur de la santé. Cela passe également par l’utilisation du capital d’amorçage et de capital-risque early stage ainsi que des différentes mesures incitatives dont nous disposons (comme le crédit d’impôt recherche ou le statut de la jeune entreprise innovante) pour attirer en France des équipes étrangères innovantes à un stade où elles sont encore mobiles.

ne se préoccupent pas suffisamment du marché industriel de la santé. L’absence de concertation institutionnalisée, quant aux besoins de santé susceptibles d’être couverts par les industriels de santé, limite toute vision partagée d’une stratégie à mener. Si le Conseil stratégique des industries de santé (CSIS) et le Comité stratégique de filière des industries et technologies de santé (CSF Santé) tentent de créer une vision globale en associant l’État, les industriels et les partenaires sociaux, ce dialogue reste encore trop peu efficace. De plus, l’ensemble des parties prenantes ne siège pas au CSF Santé. C’est par exemple le cas de l’Assurance maladie. L’ambition de la France dans le

secteur de la santé a été rappelée avec force par le ministère du Redressement productif qui l’a inscrite parmi les 34 plans de reconquête industrielle. Elle est également définie en adéquation avec la stratégie nationale de santé. Le ministère de la Santé devrait alors jouer un rôle central et assurer le copilotage stratégique du secteur de la santé au côté du ministère du Redressement productif. La concertation entre ces deux entités devrait permettre de décliner les trois objectifs du secteur de la santé que sont la qualité du système de santé, la compétitivité des industries et la maîtrise des finances publiques. Fort de ce portage politico-administratif, la politique du secteur de la santé disposerait alors des

moyens nécessaires pour soutenir pleinement l’innovation et contribuer durablement à la croissance et à l’emploi. Institut

Montaigne Ce texte reprend les principaux éléments du rapport « Santé : le pari de l’innovation, une ambition au service de nos finances publiques et de notre compétitivité », publié par l’Institut Montaigne en décembre 2013. Ce rapport est le fruit de la réflexion d’un groupe de travail présidé par André-Michel Ballester, CEO du groupe Sorin et Roberto Gradnik, CEO de Stallergenes.

* DREES, « Les comptes nationaux de la santé en 2011 », 10 septembre 2012. ** Cour des comptes, « Les dispositifs de soutien à la création d’entreprises », décembre 2012.

Améliorer la cohérence de la gouvernance du système de santé L’une des difficultés rencontrées pour faire du secteur de la santé un secteur clé de la compétitivité française résulte de l’absence de portage politico-administratif unique d’une filière des industries et services de santé, telle qu’il peut exister pour l’industrie de la défense par exemple. En effet, la stratégie de santé doit poursuivre un triple objectif : un objectif de santé publique, un objectif budgétaire et un objectif de compétitivité. Or, trois entités gèrent ces objectifs de manière quasi indépendante : le ministère du Redressement productif, le ministère de la Santé et l’Assurance maladie. Aucun acteur public ne dispose à ce jour d’un mandat pour couvrir l’ensemble des objectifs de la stratégie de santé. Le secteur de la santé se caractérise non seulement par un pilotage à deux têtes entre, d’une part, le ministère des Affaires sociales et de la Santé et, d’autre part, l’Union nationale des caisses d’assurance maladie (Uncam) mais aussi par l’implication d’un grand nombre d’acteurs que sont les diverses agences, instances et commissions. Cet éclatement de la gouvernance est inefficace et nuit notamment à l’innovation. Alors que l’industrie de la santé est largement tirée par une demande financée par de l’argent public, le volet demande ne rentre dans le champ de compétence d’aucun des acteurs responsables de la politique industrielle. Il existe un manque de concertation évident entre d’une part, les acteurs responsables de la politique industrielle qui traite uniquement les aspects stratégiques et le soutien à l’offre et, d’autre part, les acteurs côté demande qui

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Initiatives Développement des territoires

Quand les collectivités locales jouent les repreneurs d’affaires

vec 52 222 défaillances d’entreprises sur les dix premiers mois de l’année, soit une progression de 4,2 % en un an, les PME-PMI en appellent désormais aux collectivités locales pour survivre. À Carcassonne, les salariés de l’usine de crèmes glacées Pilpa se sont tournés vers la communauté d’agglomération afin de financer, en partie, leur projet de Scop. « Carcassonne n’est pas une ville particulièrement riche, mais Pilpa fait partie de son patrimoine économique », justifie un responsable de la collectivité. « Il s’agit d’aider les entreprises du territoire et de maintenir notre outil industriel pour sauver l’emploi », souligne René Escourrou, vice-président de Carcassonne Agglo qui a accepté le principe de préempter les terrains de l’usine. Une compétence juridique appliquée par Marseille Provence Métropole. L’institution a racheté au printemps le site Fralid (qui fabrique notamment les infusions Éléphant) à Gémenos, dans les Bouches-duRhône. Des acquisitions réalisées pour « créer une situation nouvelle », estime le président (PS) de la communauté urbaine de Marseille, Eugène Caselli. Il espère « naturellement que des solutions de reprise de

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Questions à

l’activité seront trouvées à l’issue du travail important de revitalisation du site et de recherche de repreneurs potentiels que mène aujourd’hui le gouvernement avec le concours des collectivités territoriales ». Malgré des budgets contraints, le rachat de bâtiments ou de terrains industriels en crédit-bail est une pratique devenue courante pour les collectivités afin de soutenir des entreprises en mal de trésorerie. Le rachat d’actifs est en revanche plus rare. À Bar-sur-Aube (Aube), la ville avec la communauté de communes ont créé un précédent en devenant propriétaires d’un parc de machines pour fabriquer des canapés. « Un tel montage ne s’est jamais fait. Mais pour sauver une centaine d’emplois, la ville pouvait bien faire cela », explique son maire (PRG) René Gaudot. « La loi nous autorise à reprendre uniquement des murs et des terrains, pas du matériel », rappelle l’élu. Le tribunal de commerce de Meaux a accepté l’opération. « C’est un montage inédit mais il nous permet de limiter la catastrophe, de conserver l’activité et des emplois », poursuit le maire qui vante « un geste fort dans une région qui a perdu toutes ses usines ».

DR

VICE-PRÉSIDENT CHARGÉ DU DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE ET DE L’EMPLOI À L’ADCF, PRÉSIDENT DE LAMBALLE COMMUNAUTÉ, MAIRE PS DE LAMBALLE (FINISTÈRE)

Une SEM portée par la région Poitou-Charentes Au cœur de la réindustrialisation des territoires, l’Eure a racheté au papetier finlandais M-Real l’usine d’Alizay, avant de la revendre au Thaïlandais Double A. Une opération de portage innovante, que tempère pourtant le président (PS) du conseil général de l’Eure, JeanLouis Destans. « Chaque cas de réindustrialisation est spécifique. Ici je suis intervenu parce qu’il y avait un vendeur et des acquéreurs avec des projets industriels, qui s’étaient simplement fâchés. Sans vrai projet, je

n’aurais pas intercédé. Cette intervention souligne l’intérêt de la clause de compétence générale pour notre collectivité. Sans elle, notre intercession, qui relève des domaines économique et d’aménagement du territoire, n’aurait pu se faire. Nous n’avons pas vocation à exploiter une entreprise. » Les interventions des collectivités locales ne suffisent en effet pas toujours à changer la donne. Ségolène Royal en a fait l’expérience avec le groupe Heuliez (Deux-Sèvres) placé en redressement judiciaire. Le conseil régional de Poitou-Charentes a voté cet

automne en faveur de la création d’une société d’économie mixte (SEM). Un ultime recours pour soutenir l’entreprise, déjà sauvée par la région en 2009 grâce à une entrée dans le capital puis à une avance remboursable. Pour la présidente (PS) régionale, « seule la région peut maintenir à flot Heuliez en attendant une éventuelle commande. Il y a un contexte transitoire à aménager. Il faut tenir en attendant ». Et d’expliquer : « Une SEM portée par une collectivité territoriale et propriétaire de l’outil de travail, c’est une grande première. » Pour les collectivités engagées, le risque financier de telles démarches est néanmoins réel. En Lorraine, l’échec du projet d’avion à hélices, le Skylander, a coûté quelque 20 millions d’euros à la région. « Est-ce bien le rôle d’une commune de se substituer aux banques ? », s’interrogeait l’an dernier un conseiller d’Hirsingue (dans le Haut-Rhin) dont la commune avait proposé de reprendre en lease-back l’outil de production de l’entreprise de textile Virtuose. « Si nous ne le faisons pas, personne ne le fera à notre place », estimait alors son maire (DVG) Armand Reinhard.

Ludovic Bellanger

« Mutualiser les actions pour limiter les risques » Quel est le rôle des collectivités dans le développement entrepreneurial local ?

LOÏC CAURET

KENZO TRIBOUILLARD/AFP

Confrontés à un niveau historique des défaillances d’entreprises, les maires et les présidents des intercommunalités multiplient les initiatives financières. Avances remboursables et subventions à l’investissement pour les uns, prises de participation et rachats de sites pour les autres, les mesures sont censées amortir l’impact social de la crise économique sur les territoires.

La compétence économique constitue souvent la première raison d’être des intercommunalités. Les modes d’intervention ont évolué dans le temps, d’abord avec la création de zones industrielles, puis de pépinières d’entreprises. Aujourd’hui, nous allons encore plus loin avec la GPEEC (gestion prévisionnelle des emplois, des effectifs et des compétences) des territoires. La territorialisation de l’emploi, des compétences et des métiers est une nouvelle fonction que beaucoup de collectivités prennent désormais

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en charge. Elle permet de lever des freins comme la mobilité ou le logement. Une collectivité peut aussi initier des idées liées à l’économie coopérative ou circulaire. Quelles sont les limites des interventions de sauvetage d’entreprises ?

Nous assistons désormais à la reprise de site à travers la préemption de terrain pour conserver l’activité économique d’une friche industrielle : c’est un choix stratégique mené avec les établissements publics fonciers afin de continuer à produire de la richesse. Mais il y a un vrai risque financier pour les

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collectivités. C’est tout le pari du développement ou du sauvetage d’une entreprise. Je pense que dans beaucoup de cas, les collectivités n’ont pas les moyens d’intervenir. D’où l’intérêt de ne pas avancer seul. Il est nécessaire de s’inscrire dans une stratégie de mutualisation des actions à l’échelle des départements et des régions. Une collectivité doit être prudente. Il faut que l’intervention se fasse sur un modèle économique viable. Les collectivités en ont-elles les compétences ?

Elles peuvent accompagner les sociétés, mais elles ne vont pas

créer le marché actuel ou futur. Il faut être réaliste par rapport à l’économie. L’analyser suppose des compétences et l’expertise des régions ou des agglomérations. Ce n’est pas le métier d’une collectivité : seule, elle aura toutes les chances de se tromper sur le plan économique, humain et politique. Une préemption de site, une reprise d’entreprise ou des aides demandent une approche juridique étudiée. La chambre régionale des comptes veille à éviter toute dérive. Nous travaillons donc avec des cabinets de conseil car le droit privé est différent du public.

Propos recueillis par L.B.


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Un œil sur l’Europe

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Hollande veut travailler la zone Euro à la dynamite La chronique européenne de Jean Quatremer

’il y a un sujet sur lequel François Hollande s’exprime avec réticence et parcimonie, c’est bien celui de l’Europe. Le chef de l’État, plutôt que d’affronter son propre parti – profondément divisé par la question depuis le référendum perdu de 2005 sur la Constitution européenne – et de défendre ses convictions face aux Français, a choisi la stratégie de l’évitement. Ce qui permet aux eurosceptiques et aux europhobes, y compris de son propre camp, d’occuper la quasitotalité de l’espace public français. Au point que la France apparaît désormais comme la seconde patrie de l’euroallergie après la GrandeBretagne, comme le montrent les sondages qui placent le FN en tête des intentions de vote pour les européennes de mai 2014. Mais, se défend-on à l’Élysée, François Hollande n’a en réalité rien cédé de ses ambitions de départ. Touche par touche, dans l’ombre, il travaillerait à trouver des majorités d’idées afin de remettre d’aplomb une construction communautaire plombée par dix ans d’inactions économique et budgétaire dont on mesure les conséquences depuis 2010 et par une série de traités calamiteux (Amsterdam, Nice et Lisbonne qui, détail, a omis d’approfondir la zone euro). On fait valoir que les grandes déclarations fracassantes n’ont jamais fait avancer la cause européenne. Dans l’entourage du chef de l’État, on estime ainsi que les résultats du récent sommet franco-italien de Rome du 20 novembre auraient mérité davantage d’attention, les médias s’étant uniquement focalisés sur les déclarations du Président sur la réforme fiscale. De fait, la déclaration franco-italienne contient des propositions de réformes ambitieuses qui complètent celles listées dans la déclaration franco-allemande du 30 mai dernier. Avec la chancelière Angela Merkel, François Hollande avait surtout convenu qu’il fallait démocra-

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tiser la zone euro afin d’instaurer un contrôle parlementaire des décisions européennes qui n’existe pas aujourd’hui, une préoccupation constante de l’Allemagne, jusqu’à présent peu partagée par la France. Avec Enrico Letta, le chef de l’État plaide surtout pour renforcer le volet budgétaire de la zone euro, un sujet plus que délicat pour Berlin. « Avec les élections européennes de mai 2014, on va passer d’une législature de l’austérité à une législature de sortie de crise », veut-on croire à l’Élysée. « Il faut donc s’appuyer sur la présidence italienne de l’Union du second semestre 2014, même si toutes les nouvelles institutions ne seront pas en place, afin de lancer le chantier de l’approfondissement politique de la zone euro. » Hollande et Letta militent pour la mise en place d’une « véritable capacité financière pour la zone euro qui financerait des politiques et des investissements qui ont une incidence majeure sur la croissance et l’emploi et, à titre d’objectif à moyen terme, un outil budgétaire commun permettant d’absorber les chocs économiques dans la zone euro ». Une idée déjà avancée par Herman Van Rompuy, le président du Conseil européen des chefs d’État et de gouvernement, mais enterrée par la chancelière allemande en décembre 2012, le sujet étant jugé trop explosif à la veille de la campagne électorale. Paris et Rome reviennent donc à l’assaut. Mais, plutôt que de créer un « budget de la zone euro » ex nihilo qui prendrait en charge, par exemple, une partie des dépenses de chômage comme le propose Pierre Moscovici, le ministre des Finances, « nous jugeons plus malin de procéder par étapes », explique l’un des proches de François Hollande. « Dans un premier temps, on donnerait une capacité d’emprunt à la zone euro puis, à terme, on créerait une capacité budgétaire en transférant au niveau de la zone euro une recette fiscale. » « L’idée de Moscovici (développée dans une note du Trésor datée du mois d’octobre) est bonne, mais elle est tellement ambitieuse qu’il faudra 15 à 20 ans pour la mettre en place. » Mais pourquoi une « capacité financière » alimentée par l’emprunt serait-elle plus acceptable par l’Allemagne et les pays du Nord qu’un budget de la zone euro ? Car, selon l’Élysée, il ne s’agit pas de mettre en place un transfert financier permanent entre les pays de la zone euro (notamment pour aider les pays victimes d’un choc asymétrique), mais de relancer la croissance dans les États victimes de la crise par

« le biais d’investissements publics qui remplaceraient les investissements privés défaillants ». En effet, depuis que les marchés financiers différencient nettement leurs conditions de prêts selon la vertu budgétaire et économique des États de la zone euro, on constate un fort mouvement de fuite des entreprises vers les pays où elles peuvent se financer à taux bas. Autrement dit, maintenant que les marchés font leur travail, ils accentuent le cercle vertueux des bons élèves (de plus en plus d’investissements et donc de compétitivité) et le cercle dépressif des mauvais (de moins en moins d’investissements). Bref, la sortie de crise attendra longtemps à ce rythme.

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Paris et Rome (qui souffre de cette fuite entrepreneuriale) estiment que cet enchaînement est mortifère pour la zone euro. D’où l’idée, non pas de mutualiser les dettes existantes – une proposition dont Berlin ne veut pas entendre parler – mais d’en créer une nouvelle au niveau de la zone euro, et ce, afin de lui donner les moyens de financer des investissements publics. C’est seulement à terme que cette capacité se transformera en budget permanent afin que la zone euro dispose d’un instrument contracyclique : il pourra être alimenté par un transfert d’une partie ou de la totalité d’un ou plusieurs impôts existants au niveau européen. « Le sujet sera sur la table au

sommet européen de décembre », affirme un proche de Hollande, « car il y a urgence. » On assure aussi à l’Élysée que le chef de l’État n’est pas hostile à une révision des traités, mais… pas tout de suite. Il estime que l’on peut renforcer la zone euro à traité constant en achevant l’union bancaire, en la dotant d’une capacité financière, en créant un poste permanent de président de l’Eurogroupe et en le rendant responsable devant une commission du Parlement européen uniquement composée de députés originaires de la zone euro. Ensuite, « il faudra tout réorganiser en profondeur, mais on le fera quand le temps viendra ».

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International

La terre des matriarches Michelle Bachelet devrait emporter le second tour de la présidentielle au Chili le 15 décembre pour devenir la troisième femme à diriger l’un des trois pays les plus puissants du sous-continent. Ce qui ne signifie pas que le féminisme gagne pour autant du terrain en Amérique latine. Par François Clemenceau e palais de La Moneda, elle connaît. Michelle Bachelet a déjà présidé aux destinées du Chili entre 2006 et 2010. À l’époque, elle était une pionnière. Jamais une femme n’avait été élue aux plus hautes fonctions dans un pays du sous-continent. Certes, en Amérique centrale voisine, une autre femme avait conquis de haute lutte le pouvoir en la personne de Violetta Chamorro. C’était au Nicaragua en 1990. Mais dans cette Amérique latine qui a connu depuis la fin des années 1960 une succession de maîtres mâles au travers de nombreux coups d’état militaires, l’arrivée de Michelle Bachelet à la tête du troisième pays le plus riche du cône sud a créé un précédent. Dans la foulée de son élection, d’autres femmes se sont engouffrées dans la brèche ainsi créée. D’abord Cristina Kirchner en Argentine dès 2007. Beaucoup y ont vu l’effet d’un phénomène dynastique dans la mesure où elle s’était fait élire pour succéder à son époux, Nestor Kirchner. Mais sa réélection en 2010 ne devait plus rien à l’héritage familial. Quant à Dilma Rousseff au Brésil en 2010, candidate du Parti des travailleurs, qui pourrait croire qu’elle ne doit sa victoire qu’à son statut de dauphine du président sortant Lula ? Trois femmes donc, trois femmes de gauche, si tant est que le néopéronisme de Mme Kirchner puisse être qualifié de gauche. Trois présidentes à la tête de plus de la moitié de la population et du PIB de l’Amérique latine. Ensemble, elles dirigeront les trois grandes économies de la région au moins jusqu’en 2015 et auront à négocier avec le reste du monde les grandes réformes du commerce mondial et de la protection de l’environnement. Si Michelle Bachelet n’avait pas été certaine de l’emporter au second tour au Chili, le pays aurait de toute façon vu une autre femme accéder à la présidence. Ironie de l’histoire, l’adversaire de droite de la candidate socialiste est elle aussi une fille de général. Seule différence, et de taille, avec le père de Michelle Bachelet : celui d’Evelyn Matthei a servi Pinochet au sein de la junte au poste de chef d’étatmajor de l’armée de l’air. Fidèle parmi les fidèles, tout l’oppose au général Bachelet, aviateur de for-

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mation également, mais qui travailla aux côtés de Salvador Allende et s’opposa au coup d’état militaire de Pinochet, ce qui lui valu arrestation et torture, tout comme son épouse et sa fille. Michelle a été marquée par ce passé, son orientation de gauche date de ce début des années 1970 lorsqu’étudiante, elle fuit le Chili pour l’Australie puis pour Leipzig et Berlin-Est. Socialiste, médecin pédiatre, elle se spécialise sur le tard sur les questions de défense, ce qui fait d’elle au sein du comité central de son parti, une experte des thématiques de santé publique et de sécurité nationale. Ministre de la Santé puis de la Défense dès le retour de la démocratie, elle gagne la présidentielle de 2006. Un seul mandat à la tête d’un gouvernement paritaire de dix hommes et dix femmes, mais pas de quoi s’avouer vaincue. La voici en 2013 de nouveau sur le devant de la scène. Estce le Chili qui a changé ou elle ? C’est bien la première fois qu’une femme divorcée et agnostique triomphe dans ce pays aux fortes traditions catholiques. Elle a promis qu’elle dépénaliserait l’avortement et tenterait de légaliser le mariage homosexuel. Mais rien ne sera simple. Il a fallu attendre 2004 pour que le divorce fasse l’objet d’une réforme de procédure. Et si aujourd’hui, presque dix ans après, il y a plus de divorces que de

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Michelle Bachelet à Santiago, le 19 novembre 2013. PHOTO MARTIN BERNETTI/AFP En Argentine, c’est peu de dire que Cristina Kirchner a elle aussi tenté d’apporter des réponses de femme moderne aux problèmes d’une société encore très conservatrice. Si en 2010, elle a réussi à faire aboutir son projet de légalisation du mariage entre personnes du même sexe, elle a été extrêmement critiquée par l’opposition de droite mais surtout par l’Église catholique, et notamment par un évêque

pape François au mois d’août dernier pour qu’elle promulgue une loi visant à protéger les victimes de violences sexuelles. Le texte rend obligatoire le traitement d’urgence des femmes violées dans les hôpitaux publics et gratuits et leur accès à des médicaments pour empêcher une grossesse non désirée, comme la pilule du lendemain. La direction de la conférence nationale des évêques du Brésil a déclaré « qu’associer la grossesse à une

IL EST ÉTONNANT DE VOIR QUE LA FÉMINISATION DE LA VIE POLITIQUE EN AMÉRIQUE LATINE A PRIS BIEN MOINS DE TEMPS QUE DANS CERTAINS DE NOS PAYS EN EUROPE OÙ LES QUESTIONS DE SOCIÉTÉ SONT PARFOIS PLUS FACILES À NÉGOCIER DU FAIT D’UNE DÉCHRISTIANISATION INTERVENUE DEPUIS PLUS LONGTEMPS »

mariages, cela ne veut pas dire pour autant que d’autres questions de société passeront comme une lettre à la poste au Parlement où le PS et ses alliés ne disposent pas de la majorité des deux tiers. Tout juste peut-on espérer que l’avortement, interdit en toutes circonstances, y compris en cas de viol ou d’inceste, sera finalement autorisé dans certains cas ou en cas de danger pour la mère.

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argentin, devenu au printemps dernier, souverain pontife. Le pape François, du temps où il était archevêque de Buenos Aires, avait également sévèrement jugé la réforme du droit sur la question de l’avortement lorsque le gouvernement provincial de la capitale avait dépénalisé l’avortement en cas de viol. Au Brésil, Dilma Rousseff s’est retrouvée confrontée aux mêmes pressions. Il a fallu qu’elle attende le départ du

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maladie qui doit être évitée était inadmissible ». Dans ce pays très religieux, aussi bien chez les catholiques que chez les protestants, l’avortement est déjà autorisé en cas de viol, jusqu’à huit semaines de grossesse, quand le fœtus présente une malformation congénitale sévère et qu’il ne survivra pas à la naissance, ou quand la vie de la mère est en danger. Le débat est tellement sensible que pendant la campagne pour l’élection prési-

dentielle de 2010, Dilma Rousseff s’était engagée par écrit à ne pas promouvoir une libéralisation totale. Personne ne lira sérieusement les progrès d’une société en plaçant le curseur sur ces seules questions de société. Mais il est étonnant de voir que la féminisation de la vie politique en Amérique latine a pris bien moins de temps que dans certains de nos pays en Europe où les questions de société sont parfois plus faciles à négocier du fait d’une déchristianisation intervenue depuis plus longtemps. Les femmes sont aujourd’hui partout dans des rôles de pouvoir sur ce sous-continent américain. Cela tient au fait que la dictature avait gelé presque partout toute émancipation des femmes et qu’il y a donc eu une sorte de rattrapage accéléré. Mais cela signifie aussi que la masculinité au pouvoir a beaucoup déçu. Cela ne vaut pas seulement pour les exécutifs mais également dans le domaine législatif. Si la parité et des systèmes de quotas ont été adoptés dans les trois pays les plus importants, l’action de ces femmes au pouvoir reste et restera difficile. Mais les Européens et les Américains du Nord, très en retard également dans ce domaine de la parité, feraient bien de tirer les leçons de ce qui se passe là-bas.


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PATRICK ROBERT

L’admiroir

Elia Kazan, Franz Fanon, Melina Mercouri : le gotha de Yamina Benguigui

YAMINA BENGUIGUI Par Éric Fottorino

La cinéaste d’origine algérienne devenue ministre déléguée à la Francophonie reste fidèle aux « éveilleurs de conscience ». amina Benguigui n’hésite pas longtemps pour affirmer avec force et clarté ses admirations. Attrapée « au vol » avant d’embarquer pour un voyage au Congo, la ministre de la Francophonie parle avec son cœur, même si la tête n’est jamais loin. Ses impulsions sont aussi des réflexions. « À 14 ans, raconte-t-elle, j’ai assisté à la projection du film America, America d’Elia Kazan. Je ne connaissais pas ce cinéaste, mais il racontait une histoire de l’immigration qui me touchait. À l’image, on voyait un héros qui ressemblait à ma fratrie. Quand on quitte son pays, poussé par le besoin et la nécessité, c’est atroce, et le déracinement a des conséquences sur plusieurs générations. » La réalisatrice – on lui doit notamment la série documentaire « Mémoire d’immigrés » et le film Aïcha – parle de sa famille « algérienne et militante », de son père, ancien chef du Mouvement national algérien, le mouvement indépendantiste de Messali Hadj, qui s’opposait au Front de libération national, et qui paya son engagement de plusieurs années de prison après l’arrivée au pouvoir de Ouari Boumediene. Évoquant « la puissance » du film de Kazan, elle revient sur des souvenirs qui peuvent paraître incroyables aujourd’hui. « Je suis née en France. Jusqu’à la fin des années 1970, nous avons vécu assignés à rési-

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dence à Saint-Quentin, en Picardie. » Une mesure discriminatoire que le FLN avait réussi à imposer aux autorités françaises. L’autre nom qui vient aux lèvres de la ministre est celui d’une icône tiers-mondiste : Franz Fanon. « Il incarnait la puissance libératrice. C’était un indépendantiste du verbe. Il était le héros de nos parents, donc forcément le mien. J’étais fascinée qu’un psychiatre puisse ainsi se lancer dans la défense d’une cause, avec fureur et liberté. » Yamina Benguigui sera ensuite marquée par la comédienne et femme politique Melina

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seront les pionniers d’un cinéma porté par les enfants de l’immigration, « un cinéma sans ressentiment, insiste-t-elle, en se présentant comme la première femme issue du Maghreb à avoir suivi cette voie étroite. « Je me suis raccrochée à des modèles », poursuit Yamina Benguigui. Elle sera encore marquée par Le Bal, d’Ettore Scola, ou par le film de Gillo Pontecorvo sur la bataille d’Alger, avec l’évocation sans détour de la torture. Elle se souvient de la lettre de treize pages qu’elle enverra en 1969 à Costa-Gavras après sa Palme d’or à Cannes pour Z (« Il n’a jamais dû

ont préparé l’avènement de Nelson Mandela. » Elle est alors de tous les combats, de tous les espoirs populaires. « Mon cinéma se mêle à la lutte. Il veut éveiller les consciences. » À travers ces rencontres et ses choix, Yamina Benguigui reste fondamentalement la même: « Je ne suis pas encartée. J’appartiens à la société civile. Je ne suis pas dans la rupture quand je fais de la politique. L’exemple de Melina Mercouri en témoigne. Je n’ai jamais changé de route. J’ai agi avec mes outils. » En 2001, elle interpelle le maire de Paris Bertrand Delanoë sur la nécessité de construire en France

ON NE PEUT PARLER DU DÉVELOPPEMENT OU DE LA SÉCURITÉ SANS POSER LA QUESTION DES FEMMES ET DE LEUR RÔLE »

Mercouri. Au départ, elle ne la connaissait pas comme actrice. L’ex-égérie de Jules Dassin était d’abord cette héroïne qui s’était opposée au coup d’État des colonels. « C’était une femme de culture. Une femme grecque, avec sa forte identité. Dans l‘exil, elle fut une figure de la résistance à la dictature. Melina Mercouri sera toujours un modèle pour moi. Réalisatrice et engagée, devenue ministre de la Culture de son pays, socialiste, et aussi lauréate d’un Oscar, d’un César… » À l’évidence, quelque chose se joue là pour la jeune femme. Avec Mehdi Charef et Rachid Bouchareb, ils

la recevoir », s’amuse-t-elle aujourd’hui). Ou de son admiration pour le réalisateur Algérien LakhdarHamina, lui aussi Palme d’or à Cannes pour sa Chronique des années de braise, en 1975. « Tout cela me donnait des signes. C’est à ce moment-là que j’ai démarré. Avec d’autres on se disait qu’on allait faire des films pour dénoncer. » Un tournant s’opère pour elle en 1983, année marquée par sa rencontre avec Danielle Mitterrand. « Je suis vraiment devenue une cinéaste engagée. J’ai tout filmé : les Kurdes, les mouvements du Chiapas, le sous-commandant Marcos, les accords de Marigny entre Pik Botha et l’ANC qui

des cimetières musulmans. « Certains se battent pour les mosquées. Je pense qu’il fallait surtout se battre pour qu’on puisse enterrer nos morts. C’est un symbole d’enracinement. » Un credo puissant chez cette femme qui croit à la notion de terre d’accueil plus qu’aux impasses excluantes de la religion. En 2003-2004, elle jettera toute son énergie dans la bataille pour briser le « plafond de verre » qui discrimine les hommes et, plus encore, les femmes issues de l’immigration. En compagnie de Christiane Taubira, elle sillonne le pays pendant deux ans et demi, multiplie les interventions dans les entreprises et auprès

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des politiques. « Nous devions faire bouger les préjugés car il n’existe pas en France de politique antidiscriminatoire, une affirmative action comme aux États-Unis. Je voulais parler de ce qu’il y a de pernicieux, d’invisible, qui gangrénait la société. Bertrand Delanoë m’a ensuite confié la première délégation en France chargée de la lutte contre les discriminations et pour les droits de l’homme. Aujourd’hui, j’ai le même engagement, je mène le même combat avec la francophonie : j’y ai ajouté les droits des femmes dans l’espace politique. » Une dimension qui préoccupe la ministre quand elle se penche sur les conflits africains du moment. « Au Mali, en Centrafrique, en République démocratique du Congo, le viol est utilisé comme une arme de guerre », dénonce-t-elle. Dans les crises politiques et sociétales aussi, les femmes sont à ses yeux les premières perdantes. « On ne peut parler du développement ou de la sécurité sans poser la question des femmes et de leur rôle », insiste Mme Benguigui. Une question urgente et moderne qu’elle souhaiterait voir aborder dans les plus hautes instances de décision à l’échelon international, les G8, G20 et autres sommets. Comme celui de la Francophonie qui se tiendra à Dakar à l’automne 2014, avec un volet qu’elle est heureuse d’avoir inspiré, sur les femmes, les jeunes et la sécurité.


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CITIZENSIDE/AFP

KRISTIAN DOWLING/AFP

Un autre regard Capitaine Phillips de Paul Greengrass Il y a quelques années, un capitaine américain de la marine marchande, Mark Philipps, se faisait prendre en otage tout en sauvant l’équipage de son cargo au large de la Somalie. C’est son histoire qui a inspiré le réalisateur britannique Paul Greengrass et l’acteur Tom Hanks. Ils ne sont pas d’une absolue fidélité au récit du marin, mais ils nous racontent, comme si on y était, ce qui a pu se passer sur ce cargo et sur ce canot de sauvetage. La caméra, souvent à l’épaule, suit au plus près le héros et cela nous permet de savourer encore mieux le formidable jeu de Tom Hanks, notamment dans une dernière scène étonnante, loin des clichés hollywoodiens.

Chaque semaine, cinq pistes pour s’évader avec Patrick Poivre d’Arvor

UN PORTRAIT

Le Roman de Saint Louis de Philippe de Villiers On croit tout savoir de Saint Louis, mais on ne sait rien, juste une histoire de croisades et de chêne au bois de Vi n c e n n e s . On croit tout savoir de Philippe de Villiers, mais on se trompe souvent en le résumant à son engagement politique. Il se trouve que depuis quelques années, ayant pris du recul par rapport à ces péripéties politiciennes qui ne grandissent pas les meilleurs d’entre eux, Philippe de Villiers a repris sa plume avec vigueur, délaissant les essais souvent acides qui ont fait sa réputation et se concentrant sur des biographies de héros auxquels il aurait aimé ressembler. Après un Charette auquel ce Vendéen ne pouvait que s’identifier, il s’attaque à Louis IX, plus connu dans l’histoire sous le nom de Saint Louis. Là, c’est le catholique qui a parlé, mais pas seulement. En nous racontant à la première personne du singulier l’histoire de cet homme né il y a tout juste huit siècles, l’auteur s’installe derrière lui, sur son cheval, et nous permet de galoper à travers la grande Histoire. Soudain le roi nous paraît familier. « J’ai remonté le filet d’eau vive, nous dit-il. Je n’ai rien inventé. Ni les événements, ni les personnages, ni même l’insolite. Il m’a fallu plonger dans l’époque, en étudier la vie quotidienne dans ses moindres détails, sentir battre les passions, pour faire revivre un Saint Louis de notre temps. » De ce point de vue, l’entreprise est réussie. On s’y croirait.

UN FILM

UNE PIÈCE

Le Système Ribadier de Georges Feydeau et Maurice Hennequin (Théâtre du Vieux-Colombier, Paris)

Zabou Breitman UN ROMAN

Sulak de Philippe Jaenada (Julliard) « Quelqu’un s’en chargera bien après ma mort. » Voilà ce qu’écrivait Bruno Sulak le 22 janvier 1985 en évoquant une éventuelle autobiographie. Deux mois plus tard il mourait en essayant de s’évader de prison. Et vingt-huit ans après, « quelqu’un » en effet allait le ressusciter : le romancier Philippe Jaenada. Là où il est, le gangster a de la chance : il aurait pu tomber sur pire biographe… Philippe Jaenada est l’homme qu’il fallait : inventif, chaleureux, drôle et tendre. Ses livres sont là pour le prouver, du Chameau sauvage à La Femme et l’Ours. Il n’est jamais là où on l’attend, y compris dans sa vie professionnelle, et il fallait sa faconde

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pour raconter – de manière moins romancée que ne laisse entendre la couverture de son livre – la vie pour le coup très romanesque de Bruno Sulak. Ce jeune homme (il est mort à moins de trente ans) a défié pendant le tiers de sa vie toutes les lois, tous les codes, il n’a cessé de braquer les banques, et de s’évader dès qu’on l’attrapait. Il l’a fait en gants blancs, pourraiton dire, et n’a pas de sang sur les mains. Ce qui nous permet d’accepter sans retenue le portrait plein d’empathie que nous livre Jaenada : un bel hymne à la liberté et la nostalgie du temps où il y avait encore un code d’honneur, même chez les voyous.

UN HOMMAGE

Charles de Gaulle, un destin pour la France de Jean-Paul Ollivier (Larousse) On a prêté au Général ce trait d’humour : « Il n’y a que Tintin et moi ! » Si l’on parle des grands mythes

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fondateurs d’un imaginaire, il n’a pas tout à fait tort. On pourrait y ajouter le Tour de France et je le fais à dessein : le dernier bon livre sur Charles de Gaulle est signé d’un spécialiste du Tour, le journaliste Jean-Paul Ollivier qui a déjà derrière lui de nombreux ouvrages sur le héros de la France libre. Le livre qu’il nous offre aujourd’hui, quarante-trois ans après la disparition du Général, est passionnant parce que, outre ses faits de gloire, vous y découvrirez aussi une centaine de photos et une trentaine de fac-similés qui fourmillent d’anecdotes : les bulletins de notes de ses professeurs (tous élogieux), la photo de sa classe préparatoire à Saint-Cyr en 1908, des tracts, des menus officiels et des lettres personnelles. Pour tous les lecteurs, de 7 à 77 ans, cela va sans dire.

Il y a dans les pièces de Feydeau une mécanique infernale qui ne peut se mettre en place que si l’on choisit les bonnes clés et que si l’on graisse régulièrement les serrures. Une demiseconde de retard et l’effet est raté. Dans le passé, la ComédieFrançaise s’est souvent frottée à cet auteur prolifique, le plus souvent avec bonheur (La Puce à l’oreille, par Jean-Laurent Cochet, La Dame de chez Maxim, par JeanPaul Roussillon, Monsieur chasse, par Yves Pignot, Occupe-toi d’Amélie, par Roger Planchon, Chat en poche, mis en scène par Muriel MayetteHoltz et bien sûr, tout récemment, Un fil à la patte, sous la baguette de Jérôme Deschamps). C’est dire si le défi proposé à Zabou Breitman, dont c’est la première apparition au Français, était de haute volée. Elle le relève magistralement, aidée en cela par une troupe d’exception (Laurent Lafitte, Julie Sicard, Laurent Stocker, Martine Chevallier, Nicolas Lormeau, Christian Blanc). Mention spéciale au décor en abyme imaginé par Jean-Marc Stehlé, disparu l’été dernier.


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À la tribune

Le sens nouveau du mécénat culturel S

monie sociale par un soutien aux systèmes de santé, aux programmes éducatifs, aux élans de solidarité face à l’urgence. De plus en plus, il se déploie au travers de partenariats intégrant société civile, associations, pouvoirs publics, gage d’efficacité et de pérennité. La particularité du mécénat culturel est de ne pas limiter cette démarche d’écoute à la souffrance, et d’élargir le dialogue de ce qui manque à ce qui fait rêver. « S’aimer, ce n’est pas se regarder l’un l’autre, c’est regarder ensemble dans la même direction », disait Antoine de Saint-Exupéry. De cette manière, contempler ensemble une œuvre artistique ouvre la voie à une compréhension plus intime, plus fine et plus douce de l’autre.

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Et davantage encore lorsque cette œuvre parle de l’ailleurs, de l’altérité. Expérience maintes fois vécue chez Total, présent dans tant de pays où la France est vue d’abord comme le plus beau musée du monde. Offrir l’écrin de nos musées aux cultures que nous côtoyons, n’est-ce pas leur donner l’occasion de nous éblouir, de nous enrichir, d’ancrer dans un terreau humain notre dialogue industriel ? La preuve par le rayonnement du département des arts de l’Islam au Louvre, par le cycle d’expositions africaines du musée du Quai Branly, ou encore par les itinérances d’expositions régulièrement orchestrées par l’Institut du monde arabe… Car il est bon que la culture voyage. Mais un tel dialogue ne prend tout son… sens que s’il s’élargit à celles et à ceux que leur histoire personnelle ou collective éloigne de l’expérience culturelle. Ouvrir le musée à ces publics en les prenant par la main, en écoutant leur mémoire, en leur donnant le temps et l’espace de se trouver, de se retrouver face à l’art, d’y découvrir l’écho de leur culture d’enfance, célébrée, mag-

enfants à la pratique artistique, à la connaissance de la culture apparaît de plus en plus, aux artistes comme aux enseignants, comme le vecteur le plus puissant de connaissance de soi, d’expression paisible, sensible et partagée, de sa part d’universel. Les enfants et les jeunes y trouvent une école d’exigence, de rigueur et d’émerveillement, et le mécénat culturel, un magnifique champ d’action. Le mécène finance mais aussi, au besoin, relie les acteurs, soutient l’innovation, propose des synergies, sans jamais, bien évidemment, entrer dans le contenu des programmes. Et la pertinence de cette démarche se renforce lorsque, grâce à un partenariat avec les pouvoirs publics, elle accompagne sous la conduite des acteurs publics et associatifs, des programmes innovants s’adressant aux écoliers des villes et des campagnes. Tel est le sens du partenariat qui lie la Fondation Total aux ministères de la Culture et de la Jeunesse. Dans la foulée d’une convention initiée en 2009 pour financer des programmes innovants d’insertion sociale des jeunes, nous sou-

Par Catherine Ferrant Déléguée générale de la Fondation Total

GLADIEU STEPHAN/TOTAL

ens. Sensation, signification, direction… Si délicieusement polysémique, le mot s’adapte parfaitement à la mue du mécénat culturel. Socle traditionnel d’opérations de prestige de grands groupes industriels, n’estil pas devenu, au fil des ans, un vecteur de compréhension mutuelle, d’apaisement social, de célébration, de sens ? Cette intuition, cette conviction animent la Fondation Total qui, depuis cinq ans, intègre la culture et le patrimoine au cœur de ses programmes. Naturellement, nécessairement, les entreprises prospères dédient des ressources au partage des soucis et des manques qui traversent leurs communautés d’ancrage. Ce mécénat de solidarité contribue à l’har-

d’une œuvre ou à la compréhension de l’image, ateliers d’écriture… Dans tous les cas, il s’agira de proposer aux enfants une triple démarche : percevoir, faire et se souvenir. Certains programmes toucheront des milliers d’enfants et d’autres quelques dizaines, mais éloignés de la ville ou des centres

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L’ACCÈS DES ENFANTS À LA PRATIQUE ARTISTIQUE, À LA CONNAISSANCE DE LA CULTURE APPARAÎT DE PLUS EN PLUS, AUX ARTISTES COMME AUX ENSEIGNANTS, COMME LE VECTEUR LE PLUS PUISSANT DE CONNAISSANCE DE SOI, D’EXPRESSION PAISIBLE, SENSIBLE ET PARTAGÉE, DE SA PART D’UNIVERSEL. LES ENFANTS ET LES JEUNES Y TROUVENT UNE ÉCOLE D’EXIGENCE, DE RIGUEUR ET D’ÉMERVEILLEMENT, ET LE MÉCÉNAT CULTUREL, UN MAGNIFIQUE CHAMP D’ACTION »

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nifiée, n’est-ce pas défier cette « intimidation sociale » que secrète l’image de la grandeur de la France ? Signifier par le geste que chacune, chacun a droit à la beauté et en est une source ? « On m’a dévisagé, on ne m’a jamais envisagé », écrivait Jean Cocteau… Qu’il est beau, et nécessaire, de le faire mentir ! Dans ce contexte, l’accès des

tiendrons dans les deux prochaines années une quarantaine de projets culturels portés par des acteurs locaux, identifiés par les DRAC et proposés aux enfants et aux jeunes, notamment dans le cadre du changement des rythmes scolaires. Pratique de l’opéra, de l’art du cirque ou de la peinture, initiation au théâtre, à la lecture

de création. Chacun d’entre eux invitera les enfants à se regarder autrement et partant, à jeter un regard neuf sur soi, sur les autres, sur le monde. Sur toutes les couleurs de la vie. Sensation, signification, direction… Le mécénat culturel, à l’évidence, a changé de sens. Ou l’a trouvé ?

EIP l’Hémicycle, Sarl au capital de 12 582 ¤. RCS : Paris 443 984 117. 55, rue de Grenelle - 75007 Paris. Tél. 01 55 31 94 20. Fax : 01 53 16 24 29. Web : www.lhemicycle.com - Twitter : @lhemicycle GÉRANT-DIRECTEUR DE LA PUBLICATION Bruno Pelletier (brunopelletier@lhemicycle.com) RÉDACTEUR EN CHEF Thomas Renou (thomasrenou@lhemicycle.com) ÉDITORIALISTES/POINT DE VUE François Ernenwein, Thierry Guerrier, Gérard Leclerc, Éric Mandonnet, Éric Maulin, Renaud Dély AGORA Thomas Renou ADMIROIR Éric Fottorino UN AUTRE REGARD Patrick Poivre d’Arvor AUX QUATRE COLONNES Pascale Tournier DOSSIERS Jean-Marc Engelhard INTERNATIONAL François Clemenceau EUROPE Jean Quatremer ÉCONOMIE Olivier Passet INITIATIVES Ludovic Bellanger COLLABORENT À L’HÉMICYCLE Julien Chabrout, Guillaume Debré, Brice Teinturier CORRECTION Véronique Tran Vinh MAQUETTE David Dumand PARTENARIATS Violaine Parturier (violaineparturier@lhemicycle.com - Tél. : 01 45 49 96 09/06 28 57 43 16) IMPRESSION Roto Presse Numéris, 36-40, boulevard Robert-Schumann, 93190 Livry-Gargan. Tél. : 01 49 36 26 70. Fax : 01 49 36 26 89 ACTIONNAIRE PRINCIPAL Agora SASU Parution chaque mercredi ABONNEMENTS abonnement@lhemicycle.com COMMISSION PARITAIRE 0418I79258 ISSN 1620-6479 Dépôt légal à parution

NUMÉRO 474, MERCREDI 4 DÉCEMBRE 2013 L’HÉMICYCLE

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