l'Hémicycle - #476

Page 1

Page 1

,

l’Hemicycle

Agora

Admiroir

Emmanuelle Cosse

Gérant-Directeur de la publication : Bruno Pelletier Rédacteur en chef : Thomas Renou

KENZO TRIBOUILLARD/AFP

19:19

KRISTIINA HAUHTONEN

27/01/14

JOEL SAGET/AFP

H476_P01.qxd:L'HEMICYCLE

P. 3

Ruwen Ogien

Christiane Taubira

P. 4

SEAN GALLUP/AFP

P. 13

« Après 10 ans de politique de droite, je promets un changement de cap » Martin Schulz, candidat à la succession de José Manuel Barroso Lire p. 15

FRANCOIS GUILLOT/AFP

Aux Quatre Colonnes

International

Un œil sur l’Europe

Le défi de la réorganisation Les limites d’une droite territoriale Tea Party à la française

Poutine joue ses cartes

Vie privée : l’Europe met à nu les politiques

par Pascale Tournier

par François Clemenceau

p. 5

Édito

par Renaud Dély

La déprime française Les handballeurs français champions d’Europe, le duo Daft Punk qui rafle cinq Grammy Awards à Los Angeles… Divine surprise : la France peut gagner ! Deux de Gérard Leclerc bonnes nouvelles qui n’enlèvent rien à la gravité de la crise que traverse le pays, mais PRÉSIDENT DE LCP qui apportent un peu de réconfort quand une enquête (Ipsos-Steria pour le Cevipof) décrit une France en pleine dépression. La défiance est générale. 4 Français sur 5 estiment « qu’on n’est jamais assez prudent quand on a affaire aux autres », et que leur pays est en déclin. 3 sur 4 ont une mauvaise opinion des hommes politiques qu’ils élisent et des médias qui les informent ! La déprime s’accompagne d’un sentiment de rejet : pour les deux tiers des sondés la mondialisation est une menace et les étrangers sont trop nombreux à vivre chez nous. Enfin, ils sont 74 %

L’opinion

www.lhemicycle.com

p. 6

p.10

à entonner le refrain du « c’était mieux avant », oubliant les progrès enregistrés depuis 50 ans dans tous les domaines : santé, droits sociaux, espérance de vie. La douce France devient le pays le plus pessimiste du monde, avant l’Irak ou l’Afghanistan déchirés par la guerre, ou la Grèce et l’Espagne, premières victimes de la crise économique en Europe. Il y a des raisons à cette profonde dépression. D’abord 40 années de chômage qui nourrissent des sentiments d’impuissance des politiques, et de peur du déclassement. Ensuite la nostalgie d’une grandeur passée. Celle d’une France que nos cartes d’école plaçaient au centre d’un monde qu’elle dominait avec sa langue, sa culture, son empire colonial. Une France – même si elle reste la 5e puissance du monde – aujourd’hui attaquée de toutes parts par la mondialisation : l’État-nation qui se dissout dans l’Europe, le modèle social trop cher, les usines qui ferment et les déficits qui se creusent. Pour renverser la tendance, François Hollande lance le pacte de responsabilité. L’une des clés du succès est le retour de la confiance. C’est justement ce qui manque aujourd’hui.

par Jean Quatremer

p. 11

Au sommaire • Passé-présent : Quand la Nation inventait les départements, par Bruno Fuligni > p. 6 • Faut-il croire aux promesses d’économies du président Hollande ? par Olivier Passet > p. 7 • Un autre regard, le bloc-notes de Patrick Poivre d’Arvor > p. 12

The World’s First Business School (est. 1819)

Here you find real European managers and entrepreneurs Parliament immersion confronting the complexities of Europe in a globalised world Induction Seminar at the European Parliament

NUMÉRO 476 — MERCREDI 29 JANVIER 2014 — 2,15 ¤


H476_P02-03.qxd:L'HEMICYCLE

27/01/14

18:29

Page 2

DR

Agora

DANIEL BOY DIRECTEUR DE RECHERCHE (FNSP) AU CEVIPOF

« EELV ressemble aujourd’hui comme deux gouttes d’eau aux Verts » « Je bois devant vous un verre d’eau précieuse puisque, avant la fin du siècle, si nous continuons un tel débordement, elle manquera… », disait à la télévision René Dumont il y a 40 ans, à l’occasion de l’élection présidentielle de 1974. C’était le premier candidat écologiste français. Il y a 30 ans, le 29 janvier 1984, naissait le parti Les Verts. Entretien avec Daniel Boy, spécialiste de l’écologie politique en France et en Europe. 1974 et 1984, deux années importantes pour les écologistes français ?

Les Verts fêtent aujourd’hui les 30 ans de la naissance de leur parti, et les 40 ans de la première candidature écologiste française, celle de René Dumont. Les anniversaires ne servent pas simplement à déboucher le champagne, ils permettent de faire un bilan, de reconsidérer les échecs, les réussites, ce qui constitue l’identité de leur parti, de réfléchir à l’avenir… Vous dites qu’il est difficile de comprendre l’histoire des Verts français sans se rappeler que ce parti n’a pas toujours été clairement ancré à gauche…

Si l’on considère l’ensemble de son histoire, depuis 1984, la période du « ni gauche ni droite » est brève (de 1986 à 1993). Ce parti sera après 1993 clairement orienté à gauche. De leur côté, les adhérents des Verts se sont toujours positionnés à gauche – même du temps de Waechter. La question était moins celle du positionnement que celle des alliances, que Waechter refusait. Ses adversaires, Yves Cochet et Dominique Voynet, qui souhaitaient une alliance avec un parti de gauche dans l’hypothèse de pouvoir créer une coalition, ont finalement eu gain de cause, et c’est ainsi que les écologistes ont rejoint, en 1997, la gauche plurielle. Depuis cette date, personne n’est revenu sur la nécessité de s’allier avec le Parti socialiste. Grâce à son alliance avec le PS, les écologistes sont à nouveau

au gouvernement, mais une tension demeure.

C’est dans son rapport avec le pouvoir que ces tensions demeurent. Doivent-ils rester dans un gouvernement, dans la mesure où l’accord passé avec le PS n’est pas forcément respecté à la lettre ? La majorité actuelle d’EELV répond par l’affirmative. Ils ne peuvent se permettre d’aller trop loin dans la critique de la politique menée, au risque de connaître le sort de Delphine Batho… Jean-Vincent Placé assure que jamais les écologistes n’avaient été autant écoutés par leurs alliés socialistes au pouvoir. L’accord de 2011 est-il plus respecté que celui de 1997 ?

En 1997, l’accord noué entre les écologistes et les socialistes était d’une modestie incroyable ! Les Verts avaient simplement demandé l’arrêt de Superphénix et du canal Rhin-Rhône. L’engagement du PS a été tenu. En 2011, ils ont demandé beaucoup. Qu’ont-ils obtenu aujourd’hui ? Surtout des paroles, car la transition énergétique n’a pas encore été traduite dans la loi.

Cette professionnalisation a débuté dès l’origine du parti, mais elle est loin d’être achevée. Le mouvement écologiste a de nombreux élus, et leurs profils ne font pas d’eux des novices en politique… Les plus jeunes ont la quarantaine, et ils ont déjà, pour la plupart, exercé des mandats. Il y a eu aussi une professionnalisation du mouvement lui-même, de ses salariés. Ces derniers ne sont pas encore tout à fait des professionnels. Cela tient au fait que ce parti a souhaité, depuis ses origines, faire de la politique « autrement ». Comment jugez-vous aujourd’hui la gestion interne d’EELV ?

La gestion de la minorité d’un parti par la majorité est un problème commun à tous les partis, avec cette réserve que les écologistes, je le répète, ont toujours souhaité exercer la politique différemment. La gestion de ce parti est aujourd’hui classique. La direction actuelle dispose d’une majorité et elle s’en sert. Les règles de gouvernance de ce parti ont été très complexes. C’est toujours le cas ?

Oui, mais c’est une décision de ne pas faire, qui n’est pas comparable au défi de la transition énergétique. Le PS savait bien que l’exploitation du gaz de schiste constituait pour les écologistes une ligne rouge.

Les statuts de 2009 n’ont pas changé grand-chose. Il reste difficile de faire fonctionner la machine EELV. Qu’Emmanuelle Cosse ait été nommée par la seule volonté de Cécile Duflot m’est apparu comme une nouveauté, je n’avais jamais vu cela avant… Rappelons tout de même que cette nomination a été, bien évidemment, actée par une élection.

Le parti s’est-il, avec l’expérience du pouvoir, professionnalisé ?

Est-ce un problème d’avoir des adhérents plus à gauche

Il y a quand même le moratoire sur le gaz de schiste ?

2

L’HÉMICYCLE NUMÉRO 476, MERCREDI 29 JANVIER 2014

que son électorat ?

Ce n’est pas une contradiction insurmontable… Comment analysez-vous la campagne d’EELV à l’élection présidentielle de 2012 ?

Durant cette campagne de primaire, en adoptant une posture très orientée à gauche, Nicolas Hulot a fait le maximum pour montrer qu’il pouvait être le candidat des Verts. Les adhérents l’ont rejeté comme un corps étranger, en raison de ses liens avec les entreprises, de son passé politique : ce qu’il pouvait leur dire ne comptait pas vraiment… On peut pourtant penser qu’il aurait fait un meilleur score qu’Eva Joly en 2012. EELV a payé cher la prise de risque de la candidature d’Eva Joly, mais le score très bas de cette dernière n’est pas significatif, car les écologistes ont toujours fait des scores assez bas à l’élection présidentielle : leur résultat moyen est de l’ordre de 3 %. Ce sont les législatives qui posent un sérieux problème aux écologistes…

Quand des écologistes sont les candidats uniques de la gauche, en vertu d’un accord passé avec le Parti socialiste, ils font de bons scores : entre 20 et 25 %. Quand ces mêmes candidats font face à un socialiste, ils font en moyenne 4 %, ce qui est très faible – et ils n’ont, depuis 1984, guère progressé. Ils ont augmenté leurs scores aux européennes, aux régionales, aux municipales, mais pas aux législatives, cela constitue une sorte de plafond de verre.

Le rejet de Nicolas Hulot était-il le signe qu’EELV a échoué à être un dépassement des Verts ?

Oui, je le crois. Ce n’est pas comme si deux grands mouvements avaient fusionné – personne ne sait ce que représentait réellement Europe Écologie… Ils ont été « greffés » aux Verts, et cela devait d’abord profiter à ces derniers. Et puis EELV a connu ce moment de grâce aux élections européennes de 2009. Les personnalités qui venaient d’Europe Écologie étaient à l’aise dans les médias, et ils furent de bons candidats. Au final, il n’y a pas eu un apport énorme de ce mouvement. La dominante reste verte, et le changement a été modéré : EELV ressemble aujourd’hui comme deux gouttes d’eau aux Verts. Quel est l’avenir d’EELV ?

Il n’y avait pas vraiment d’identité Europe Écologie – il n’y a d’ailleurs pas eu de motion Europe Écologie au dernier congrès de Caen. Quelques personnalités d’Europe Écologie – qui n’était pas à l’origine un collectif pléthorique – ont quitté le navire, mais ce ne fut logiquement pas un mouvement de masse. Peuvent-ils réussir aux municipales ?

Ils sont dans la majorité, et peuvent être pénalisés par une nationalisation du scrutin. Souvenonsnous qu’en 2008, ils avait déjà fait moins bien qu’en 2001… C’est dans les grandes villes qu’il faudra observer leurs scores.

Propos recueillis par Thomas Renou


H476_P02-03.qxd:L'HEMICYCLE

27/01/14

18:19

Page 3

JOEL SAGET/AFP

Agora

EMMANUELLE COSSE SECRÉTAIRE NATIONALE D’EELV

« La création d’Europe Écologie, puis d’EELV, a permis d’installer plus durablement les écologistes dans le paysage politique que ne l’espéraient Les Verts »

Entretien avec la nouvelle secrétaire nationale d’Europe Écologie-Les Verts, Emmanuelle Cosse. Les écologistes fêtent deux anniversaires : les 40 ans de la candidature de René Dumont, et les 30 ans de la naissance du parti Les Verts. Que représentent pour vous ces anniversaires de l’écologie politique ?

Les Verts se souvent singularisés par le désir de faire de la politique différemment, ce qui, de l’avis même d’un ancien secrétaire national, en a fait un parti « ingouvernable ». Est-ce toujours vrai ? S’est-il institutionnalisé avec le temps ?

1974 : cette date marque la naissance de l’écologie politique en France, puisque, pour la première fois, est posée la question de la protection de la planète, de sa sauvegarde. Les Verts ont 30 ans : c’est un jeune parti par rapport aux autres forces politiques françaises ! Cette jeunesse explique sans doute nos difficultés à nous ancrer sur la durée dans le paysage politique. Nous pouvons aussi mesurer nos progrès, si l’on se rappelle le regard porté sur les écolos dans les années 1970.

Il ne faut pas opposer le fait de vouloir « faire de la politique autrement » et le fait de « s’institutionnaliser », c’est-à-dire être présents dans les institutions de manière durable. Je suis heureuse que les écologistes soient aujourd’hui dans tous les strates du pouvoir politique. Faire de la politique autrement, c’est donner par exemple de la place aux femmes en politique. Nous sommes un parti qui est parfaitement paritaire dans toutes ses instances internes. Cette parité n’est pas liée aux résultats électoraux, c’est une parité réelle. Nous avons également tout fait pour que notre parti reste ouvert sur la société, au monde associatif notamment.

L’histoire vous a donné raison sur bien des points…

Quand l’histoire vous donne raison sur de tels dégâts pour la société, pour la planète, vous n’en êtes pas heureux. Ceux qui ont décidé de se lancer avec René Dumont dans cette campagne présidentielle de 1974, ou celles et ceux qui se sont lancés dix ans plus tard avec Les Verts, auraient préféré ne pas avoir raison. Aujourd’hui, nous continuons d’alerter l’opinion sur des situations qui peuvent devenir extrêmement dangereuses, et c’est vrai que c’est un discours qui n’est pas toujours facile à entendre. Le discours catastrophiste ?

C’est toujours difficile d’expliquer aux gens qu’il leur faut changer de mode de vie pour ne pas aller dans le mur. C’est un discours souvent plus complexe que pessimiste, ce n’est pas de la démagogie. Et la complexité n’est pas facile à transmettre.

Ancienne présidente d’Act Up, vous venez de ce monde associatif.

Oui, à EELV, nous venons de milieux très divers. C’est une richesse, nous ne sommes pas un parti monochrome, qui marche au pas. Notre mode de fonctionnement est le résultat de cette pratique politique différente : la minorité est représentée dans l’ensemble des instances, et elle a le droit de s’exprimer. Cela peut produire parfois une instabilité qui créé des difficultés à travailler sur le long terme, et donne cette image brouillonne à notre parti. Cela explique aussi pourquoi les Verts n’ont pas toujours été clairs sur leur positionnement politique… Le « ni droite, ni gauche » d’Antoine Waechter…

Ce positionnement a été clarifié en 1993-1994, quand les Verts ont décidé de s’ancrer à gauche, même s’ils sont restés très ouverts. Vos adhérents sont plus à gauche que votre électorat…

Il reste à définir précisément ce qu’est la gauche. Les dernières élections ont montré que des gens aux opinions différentes peuvent voter EELV. Nous sommes aujourd’hui clairs sur notre positionnement à gauche, mais, contrairement aux autres partis, nous mettons l’écologie au centre de notre réflexion, ce qui suscite l’adhésion d’une sphère plus large que celle de la gauche. Quelque chose a changé chez les Verts, note Daniel Boy. Vous avez été annoncée comme la future secrétaire nationale avant même votre élection.

Il a été annoncé en septembre que j’allais défendre la motion de Pascal Durand (il ne souhaitait pas se représenter). Personne n’a annoncé que j’allais être élue, excepté les médias. On peut d’ailleurs s’interroger sur les raisons qui poussent les médias à choisir les vainqueurs ou les vaincus deux mois à l’avance d’un congrès… Vous avez affirmé que vous ne deviez pas votre place à Cécile Duflot et Jean-Vincent Placé.

J’ai ma propre existence politique, depuis plus de 20 ans. Je ne suis pas la création d’une personnalité ou d’une autre. Daniel Boy note que les écologistes ont progressé dans de nombreux scrutins, mais pas au plus important : les législatives. Vous ne parvenez pas à dépasser les 5 %, hors accord avec le PS…

Je conteste ce chiffre. Jamais Les Verts

n’ont été présents dans l’ensemble des circonscriptions, contrairement à un parti comme le PCF – on sait bien que c’est une force. Peser dans un scrutin majoritaire sans alliance est extrêmement compliqué. C’est la raison pour laquelle, depuis fort longtemps, nous militons pour un scrutin proportionnel aux législatives, qui permettrait de représenter l’ensemble des forces politiques. Introduire la proportionnelle, c’était l’un des points des accords passés avec le PS en… 1997.

Absolument. Et c’est à nouveau l’un des points de l’accord de 2011 avec les socialistes. Avez-vous bon espoir de voir François Hollande le faire ?

Le président de la République a répété plusieurs fois qu’il fallait introduire une dose de proportionnelle, j’ai donc bon espoir qu’il le fasse. Tout le monde va y gagner. La proportionnelle oblige les forces politiques à assumer leurs responsabilités, et à cesser les postures politiques pour travailler des compromis durables. Vous avez rejoint le mouvement écologiste par le biais d’Europe Écologie. EELV devait être un dépassement des Verts. Quand les adhérents des Verts ont refusé la candidature de Nicolas Hulot (dont on peut imaginer qu’il aurait réalisé une meilleure campagne qu’Eva Joly), n’était-ce pas un mauvais signe pour ce mouvement ?

Les adhérents n’étaient pas les seuls à participer à cette primaire ouverte: 32000 personnes se sont exprimées. Je viens effectivement d’Europe Écologie. EELV a réuni de nombreuses personnalités engagées dans le combat pour l’écologie, pour créer un grand rassemblement, pour avan-

NUMÉRO 476, MERCREDI 29 JANVIER 2014 L’HÉMICYCLE

3

cer. Une question se pose: comment les écologistes peuvent-ils peser sur l’élection présidentielle? Nous avons fait par exemple un bon score avec la candidature de Noël Mamère, en 2002, mais le candidat de gauche a été exclu du second tour. Cette élection n’est pas dans la culture parlementariste des écologistes…

Notre parti milite depuis longtemps pour une VIe République. Nous ne sommes effectivement pas très à l’aise avec le mode de scrutin de l’élection présidentielle, cette élection d’un homme ou d’une femme providentielle. Quel est l’avenir d’EELV ?

La création d’Europe Écologie, puis d’EELV, a permis d’installer plus durablement les écologistes dans le paysage politique que ne l’espéraient Les Verts. L’enjeu était là. Nous avons tourné une nouvelle page de l’histoire des écologistes, mais je ne nie pas ce problème avec l’élection présidentielle. Vous réussissez mieux aux européennes et aux municipales. Ces deux élections se dérouleront cette année, comme la présentation de la loi sur la transition énergétique. Au-delà de ces anniversaires, 2014 est une année cruciale pour EELV.

Absolument, ces élections vont, je l’espère, nous permettre de créer un meilleur rapport de forces que celui né de la présidentielle de 2012. 2014 est aussi une année cruciale pour la France. La loi sur la transition énergétique ne sera pas votée pour faire plaisir aux écologistes. Cette loi va créer une mutation profonde, une économie verte, de nombreux emplois.

Propos recueillis par T.R.


H476_p04.qxd:L'HEMICYCLE

27/01/14

18:29

Page 4

Agora Éducation

« L’introduction d’une morale laïque à l’école est un projet confus philosophiquement et dangereux politiquement » Lors de ses vœux à la presse, le 22 janvier, le ministre de l’Éducation nationale Vincent Peillon a indiqué que l’année 2014 serait celle de la mise en œuvre des réformes entrées en vigueur. Le philosophe Ruwen Ogien nous livre son regard sur plusieurs de ces mesures. qui quittent l’école sans diplômes en France, aux déficits dans la transmission des savoirs de base, ou aux violences scolaires, et s’opposer sur l’explication de ces données. Pour les uns, ce qui les explique, ce sont les inégalités économiques et sociales de départ que rien ne permet de compenser par la suite. C’est aussi l’inégalité des moyens matériels qui sont investis, les élèves les plus riches étant beaucoup mieux dotés que les plus pauvres. Ces inégalités se traduisent concrètement par le manque de ressources (en termes de formation, d’équipement, et même de rétribution) des enseignants qui sont exposés au plus difficile: non seulement instruire, mais aussi aider à compenser toutes sortes

Vous aviez expliqué votre opposition à l’introduction d’une morale laïque à l’école dans un ouvrage, La Guerre aux pauvres commence à l’école : sur la morale laïque. Pourriez-vous rappeler les raisons de cette opposition ?

Le ministre de l’Éducation, Vincent Peillon, a affirmé qu’il serait « intransigeant sur la laïcité », et qu’il ne tolérerait pas « qu’à l’école un professeur puisse être en difficulté sur l’apprentissage

Pour voir ce que ce projet a de rétrograde, il suffirait de faire une expérience de pensée afin de le comparer à un projet similaire qui aurait pour objet le contrôle de la consommation d’alcool ou de nourriture nuisible à la santé, ou au temps passé sur Internet. Imaginons que les lycéens soient aussi obligatoirement « soumis, périodiquement, et au moins une fois par an, à un examen médical de dépistage de produits alcoolisés ». Imaginons que cette procédure

«

JE PRÉFÈRE LES EXPLICATIONS PRAGMATISTES, CELLES QUI INSISTENT SUR LES DIFFICULTÉS MATÉRIELLES (PAS ASSEZ DE PROFESSEURS, PAS ASSEZ DE DÉBOUCHÉS, ETC.) AUX PROBLÈMES MORAUX (PAS ASSEZ D’AUTORITÉ, DISPARITION DU GOÛT DES HUMANITÉS, ETC.) »

KRISTIINA HAUHTONEN

Mon but, dans ce livre, était de montrer que le projet du ministre de l’Éducation nationale était confus philosophiquement et dangereux politiquement. Confus philosophiquement. Le projet contient trois difficultés philosophiques majeures: - il ignore les objections, discutées depuis l’Antiquité, relatives à la possibilité d’enseigner la morale par des cours et des examens notés ; - il ne distingue pas suffisamment la question du juste (comment entretenir des relations équitables avec les autres?) et celle du bien (que faire de sa propre vie ?) ; - il accorde un crédit excessif à la raison dans sa possibilité de justifier l’adhésion aux valeurs de la République. De ces trois points de vue, il ne se distingue nullement des projets de ramener la morale à l’école, défendus par les ministres précédents (de droite). Il soulève les mêmes questions : - est-il possible d’enseigner la morale à l’école ? - est-il souhaitable d’enseigner la morale à l’école ? - quelle morale, et pour qui (les élèves d’Henri-IV ? Les lycéens des zones d’éducation prioritaires ?) Ce projet est aussi dangereux politiquement : on peut voir ces annonces dans une perspective plus large, comme un nouvel épisode de la guerre intellectuelle contre les pauvres, celle qui vise à les rendre entièrement responsables de l’état de dépossession dans lequel ils se trouvent. Cet état ne serait pas une conséquence du fonctionnement d’un système économique et social qui ne cesse de produire des injustices, mais de la supposée « immoralité » des pauvres.

Éric Ciotti propose que les lycéens soient « obligatoirement soumis, périodiquement, et au moins une fois par an, à un examen médical de dépistage de produits stupéfiants ». Une bonne idée ?

RUWEN OGIEN PHILOSOPHE de [la théorie de] l’évolution ou de la Shoah ». Qu’en pensez-vous ?

On ne peut pas reprocher au ministre de l’Éducation d’être intransigeant sur la liberté l’enseigner la théorie de l’évolution ou la Shoah. La question est de savoir s’il devrait l’être aussi sur l’enseignement du créationnisme ou des théories du complot juif au nom du pluralisme. Jusqu’à présent, dans les grandes démocraties, les écoles publiques ont eu tendance à ne pas mettre ces enseignements sur un pied d’égalité. À juste titre. Un enseignement pluraliste ne signifie pas la transmission de n’importe quoi, mais de conceptions raisonnables entre lesquelles

4 L’HÉMICYCLE

les membres de la communauté scientifique n’ont pas tranché. Vincent Peillon vient de présenter sa réforme de l’éducation prioritaire, qui concerne 20 % des écoliers et collégiens. Depuis une trentaine d’années, la France a échoué à donner les mêmes chances scolaires à ses enfants issus de milieux défavorisés – ce constat vient d’être rappelé par l’enquête Pisa de l’OCDE. Cette réforme est-elle suffisante ?

On peut parfaitement reconnaître la validité des données Pisa relatives au nombre important d’élèves

NUMÉRO 476, MERCREDI 29 JANVIER 2014

de handicaps sociaux. Pour d’autres, les causes de ces phénomènes sont morales et psychologiques : perte d’autorité des enseignants, effondrement du goût de la connaissance et de l’effort, manque de discipline, etc. Il y a donc une opposition entre deux explications, qu’on peut appeler « pragmatiste » d’une part et « moraliste » de l’autre. Personnellement, je préfère les explications pragmatistes, celles qui insistent sur les difficultés matérielles (pas assez de professeurs, pas assez de débouchés, etc.) plutôt que sur les problèmes moraux (pas assez d’autorité, disparition du goût des humanités, etc.) Elles ont au moins l’avantage d’être moins psychologisantes, et de laisser entrevoir des solutions concrètes. Relevant que, selon l’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies, la France est, après la République tchèque, le pays où la consommation de cannabis est le plus élevée chez les 15-16 ans, le député UMP

soit étendue aux produits de consommation extrêmement gras ou sucrés ou au temps passé sur Internet, etc. Ce sont des projets qui sont envisagés par de nombreux responsables politiques. Mais il y a des limites au paternalisme et à la surveillance généralisée, même lorsqu’ils concernent des mineurs. Il me semble que ces projets franchissent ces limites. A-t-on eu raison de supprimer la note de vie scolaire ? Son abandon a été salué par les syndicats d’enseignants et les fédérations de parents d’élèves…

Les syndicats d’enseignants et les fédérations de parents d’élèves ont eu raison. Les appréciations globales des personnes comme la « note de vie scolaire » qui évalue la conformité des élèves aux règles disciplinaires, sont toujours causes de préjugés qui vous collent à la peau durant toute la scolarité, et même plus tard. C’est une sorte de « marquage à vie » injuste.

Propos recueillis par T.R.


H476_p05.qxd:L'HEMICYCLE

27/01/14

18:32

Page 5

Aux Quatre Colonnes

Le défi de la réorganisation territoriale Si les députés de la majorité acceptent les grandes lignes de la réforme voulue par François Hollande, à droite, on ne manque pas de souligner les volte-face du gouvernement depuis 2012. Par Pascale Tournier

A

JACQUES DEMARTHON/AFP

Questions à

OLIVIER DUSSOPT DÉPUTÉ PS DE L’ARDÈCHE, RAPPORTEUR DES TROIS PROJETS DE LOI SUR LA DÉCENTRALISATION

de s’adapter. L’émergence de nouveaux acteurs comme les métropoles implique aussi de repenser les articulations entre tous les lieux de décision locale. » Chez les écolos, qui ont toujours prôné la suppression du département au profit de la région, on applaudit des deux mains le choix du Président à vouloir redessiner la carte de France. Les deux porteparole du groupe EELV François de Rugy et Barbara Pompili sont prêts à « favoriser un mouvement des réformateurs pour contrer celui des conservateurs ». Car, quand il s’agit de rentrer dans le détail, là les choses se corsent. Les barons du PS expriment bien des réserves au débat ouvert par le chef de l’État. Réduire le nombre de régions ? « Une vieille idée technocratique », s’exclame Alain Rousset, le président de l’Association des régions de France. Effacer de la carte les départements liés à des métropoles ? Le président PS de la région Îlede-France Jean-Paul Huchon n’y est pas favorable globalement. Pour sa part, le député et animateur de la Gauche populaire Laurent Baumel émet des doutes sur les économies qui pourraient être réalisées. « On flirte avec l’idée théorique que le personnel des collectivités territoriales est pléthorique. Ce n’est pas là où l’on va trouver 50 milliards d’économies. »

Qu’avez-vous pensé des annonces du président de la République ?

Cela va dans le bon sens et même plus loin que les trois textes du projet de loi sur la décentralisation. Si la clause de compétence générale n’est pas supprimée, les régions seront renforcées dans leurs prérogatives, les pouvoirs de chaque niveau territorial clarifiés. La notion de solidarité entre territoires sera consolidée. François Hollande a aussi ouvert le chantier du pouvoir réglementaire local. De quelle manière les collectivités pourront-elles assurer la déclinaison locale des normes en fonction des moyens de leurs territoires, sans déroger au principe d’égalité ? La question

« Une vieille idée technocratique » Alain Rousset, président de l’Association des régions de France

JACQUES DEMARTHON/AFP

lléger le millefeuille territorial ne sera pas un vœu pieu. L’exécutif affiche sa détermination. Quatre jours après le coup d’accélérateur du président de la République, le ministre des relations avec le Parlement a confirmé la semaine dernière la présentation d’un nouveau projet de loi en Conseil des ministres, entre le 2 et le 15 avril. Les deux volets de l’acte III de la décentralisation, élaborés avec peine par la ministre de la réforme de l’État Marylise Lebranchu, mais qui n’avaient pas encore été votés, partent directement à la poubelle. Mais peu importe. Dans la majorité, ce nouveau cap est plutôt bien perçu sur le principe. « Il y a une fenêtre qui s’ouvre, un effet d’aubaine, une opportunité à saisir », a déclaré devant la presse parlementaire le député PS Jean-Jacques Urvoas. L’élu du Finistère plaide déjà pour la création d’une « Assemblée de Bretagne » regroupant la région et les quatre départements bretons. Pour le député PS Thierry Mandon, chargé du conseil de la simplification, voulu par le chef de l’État, les collectivités n’auront de toute façon pas le choix. « Il n’y a pas à tortiller, tout le monde doit faire des économies. La situation financière ne va pas s’améliorer pour les collectivités, elles vont être obligées

Face à la levée de boucliers des caciques socialistes, la droite ricane : « Qu’ils s’entendent entre eux. » Mais le scepticisme reste surtout de mise. Après les paroles, on attend les actes. « Just do it », ironise le député UMP du Nord Gérald Darmanin. « François Hollande dit vouloir s’attaquer au millefeuille territorial, mais il ne dit pas où, quand, comment. Cela reste flou », note de son côté le député UDI Yves Jégo. « C’est encore une opération d’enfumage pour occu-

per l’opinion publique », tacle le patron des députés UMP Christian Jacob. Sur les rangs de l’opposition, la méthode employée est aussi montrée du doigt. « Le découpage de la France en grandes régions ne se décrète pas », tance le député UDI JeanChristophe Fromantin. Les élus de droite soulignent aussi les changements de pied qui entament la crédibilité de la majorité pour agir. « Comment affronter ses opposants internes, alors que c’est le même gou-

du principe d’égalité et la notion de fédéralisme seront au cœur des débats.

Certains, même dans vos rangs, le contestent.

Faut-il passer de 22 à 15 régions, comme certains au PS le proposent ?

Il ne s’agit pas d’avoir une approche comptable en déterminant le nombre de régions qu’il faut rapprocher mais de poser le cadre, qui facilite ledit rapprochement. Les conférences territoriales de l’action publique (CTAP) qui vont être mises en œuvre, avec la loi de modernisation de l’action publique votée en décembre vont trouver toute leur utilité. Est-il possible de faire véritablement des économies ?

Si on regarde le coût réel du personnel employé par la région, cela représente 4 % de toute la fonction publique territoriale. Et quand on enlève le personnel lié aux lycées, on tombe au chiffre compris entre 1 et 2 %. Les économies sont à réaliser plutôt du côté de la mutualisation des services entre les différents niveaux territoriaux. S’attaquer au millefeuille, ce n’est pas seulement s’en prendre aux quatre niveaux (commune, intercommunalité, département, région) mais aussi aux syndicats intercommunaux (Sivom, Sivu), opérateurs d’État… pour éviter les doublons. Le premier texte a mis en place le coef-

NUMÉRO 476, MERCREDI 29 JANVIER 2014 L’HÉMICYCLE

5

vernement qui a enterré l’instauration du conseiller territorial voulu par Nicolas Sarkozy ? », s’interroge le député UMP Damien Abad. Le Premier ministre Jean-Marc Ayrault veut fusionner les départements limitrophes à Paris. Cette idée, le sénateur UMP Philippe Dallier peut en revendiquer la paternité, avant que l’amendement ne soit rejeté au Sénat, le 2 octobre à la demande du gouvernement. Autre exemple cité : la clause de compétence générale, qui devait être supprimée dans le premier volet de la loi sur la décentralisation. Elle a aussi été remise dans la version finale à la demande des sénateurs. Pour le député UDI François Sauvadet, l’abandon des deux derniers textes sur la décentralisation au profit d’un nouveau projet de loi révèle un « aveu d’amateurisme » et une « improvisation permanente » de la part de l’exécutif. Si le débat ouvert par François Hollande divise moins les députés de l’opposition que le pacte de responsabilité, des différences de points de vue existent néanmoins. Lors du petit-déjeuner du comité politique de l’UMP, mardi dernier, Jean-François Copé, qui souhaite la suppression des départements, a été accueilli fraîchement par Jean-Pierre Raffarin. Le sénateur du Poitou-Charentes a lancé au patron de l’UMP : « Ton idée. C’est une connerie. » Ambiance.

ficient de mutualisation des services (CMS). Il doit servir de critère pour répartir les dotations de l’État. On ne trouvera pas les 15 milliards d’euros manquants, mais cette clarification va simplifier la vie des gens et leur faire gagner du temps. Le président de la République aura-t-il le pouvoir de mener cette réforme alors que les barons socialistes ont déjà manifesté leur désaccord ?

Beaucoup parlent de vœu pieu de la part du Président. Les mêmes avaient affirmé qu’on n’arriverait pas à boucler la loi sur les métropoles.

Propos recueillis par P.T.


H476_p06.qxd:L'HEMICYCLE

27/01/14

17:16

Page 6

Édito DAVID IGNASZEWSKI/KOBOY/FLAMMARION

Les limites d’une droite Tea Party à la française L’opinion de Renaud Dély a droite française est parfois étrange. Elle dénonce, tempête, s’indigne des pièges que la gauche lui tend. Et elle se précipite à pieds joints dedans… Bizarre, vous avez dit bizarre ? Cette propension à incarner une forme d’opposition viscérale et hystérisée a parfois quelque chose de pavlovien. La dernière illustration en date de ce comportement n’est pas la moins spectaculaire. Résumons l’affaire. L’UMP reproche à François Hollande de rouvrir sur des ques-

L

Étonnant, non ? Ainsi a-t-on vu le groupe UMP à l’Assemblée nationale se déchirer copieusement une nuit durant autour de la suppression de l’expression « situation de détresse » dans la loi Veil. Plusieurs élues femmes, de l’UMP, ont approuvé le gouvernement en déplorant le retard et le conservatisme de leurs collègues masculins tandis que 19 autres députés UMP, dont quinze mâles, présentaient un amendement pour dérembourser l’IVG ! En fait, enivrée par le souvenir des défilés massifs des opposants au mariage homosexuel, la droite française hausse le ton. Elle rêve de redescendre sur le pavé au risque… de renouveler la même erreur stratégique. Car en succombant à une périlleuse radicalisation sur ces questions de mœurs et de famille, l’UMP

court le risque de s’éloigner un peu plus chaque jour du centre de gravité de la société française. Sur le mariage homosexuel, comme sur les réformes confortant l’égalité hommes-femmes ou sur la nécessité d’améliorer la législation sur la fin de vie dans la dignité, il est, c’est vrai, de profondes et sincères réticences qui se font entendre au sein d’une frange de la société française. Il est du devoir du gouvernement de les entendre et de les respecter. Mais pour autant, c’est bien une nette majorité de l’opinion qui est favorable à davantage de tolérance et à l’ouverture de nouveaux droits. En se braquant comme elle le fait sur ces sujets, la droite française prend à rebrousse-poil une grande partie de son propre électorat. Par ses atermoiements, le début de campagne

chaotique de Nathalie KosciuskoMorizet illustre d’ailleurs toutes les difficultés que rencontre l’UMP lorsqu’elle doit pratiquer un tel grand écart entre bobos libérauxlibertaires et cathos ultra-réacs. L’UMP a gagné la bataille des idées sur le terrain économique et fiscal comme l’illustre la mue socialelibérale de François Hollande. Elle est en train de perdre la décisive guerre culturelle sur le terrain sociétal. Outre-Atlantique, le Tea Party a rongé l’identité du Parti républicain jusqu’à favoriser la réélection aisée de Barack Obama. En laissant naître et prospérer en son sein une sorte de Tea Party à la française, voué à demeurer aussi excessif que minoritaire, l’UMP se condamnerait, elle aussi, à demeurer durablement dans l’opposition. SIDONIE MANGIN

tions sociétales des débats susceptibles de mettre à mal l’unité du pays. Elle l’accuse de heurter les consciences et de vouloir opposer les Français les uns aux autres. C’est ainsi que ses parlementaires se sont mis à tirer à boulets rouges tant sur le projet de loi sur l’égalité hommesfemmes porté par Najat-Vallaud Belkacem que sur les velléités élyséennes de revoir la législation sur la fin de vie. Ils fustigent des leurres mis en œuvre par le gouvernement pour masquer son échec économique. Ils s’alarment d’un rideau de fumée qui n’aurait d’autre but que de détourner les yeux des Français des efforts exigés par le pouvoir sur le plan fiscal. Et ce faisant, la droite tombe dans le piège qu’elle prétend dénoncer en alimentant une polémique qui la divise et sert ses adversaires.

Passé-présent

Quand la Nation inventait les départements a réforme territoriale ? Elle est à l’ordre du jour en décembre 1789, quand les membres de l’Assemblée nationale constituante terminent cette année pour le moins chargée par ce nouveau chantier, qui aboutira au décret du 15 janvier 1790. Mirabeau, Siéyès ont leurs idées sur la question, mais c’est à Jacques-Guillaume Thouret, député de Rouen et avocat, qu’il reviendra de présider le comité chargé de remplacer les anciennes provinces par une division plus rationnelle du territoire. Un petit prodige, ce Thouret, qui a plaidé sa première affaire à dix-neuf ans et si bien rédigé les cahiers de doléances rouennais qu’ils ont directement inspiré plusieurs articles de la Déclaration des droits de l’homme. Membre du comité de Constitution, Thouret vient de convaincre ses collègues de décréter la suppression des ordres religieux. Il entend faire de même avec les provinces. Le projet initial a la beauté de l’utopie : « La France sera divisée en

DR

L

JACQUES-GUILLAUME THOURET (1746-1794) 80 carrés, appelés départements, tous égaux, de 324 lieues carrées, divisés

6 L’HÉMICYCLE

en 9 communes de 36 lieues carrées, divisées en 9 cantons. » Avec Paris,

NUMÉRO 476, MERCREDI 29 JANVIER 2014

la carte compte ainsi 81 départements, soit 9 × 9. Ce damier très conceptuel ignore si complètement les réalités géographiques que le comité doit revoir ses plans : la France comptera finalement 83 départements, de formes très variables en fonction des cours d’eau et du relief. S’agit-il, selon les mots du constituant Target, de faire en sorte « que de tous les points d’un département, on puisse arriver au centre de l’administration en une journée de voyage » ? Contrairement à ce que veut la légende, cette préoccupation d’ordre pratique n’est qu’incidente : le vrai motif est politique. Si certaines provinces, comme le Nivernais ou le comté de Foix, étaient de taille modeste, la France de l’Ancien Régime comptait aussi de vastes entités, comme la Normandie, la Bretagne ou l’Aquitaine, dont les particularités juridiques et les prérogatives féodales avaient pu tenir en échec jusqu’au pouvoir du roi. Le Dauphiné et la Navarre constituent

La concordance des temps de Bruno Fuligni HISTORIEN

même des États autonomes, des monarchies dans la monarchie qui pourraient ignorer les lois françaises. En ces temps de Révolution, les lois votées par les élus de la Nation n’auraient guère de portée si de puissants pouvoirs locaux pouvaient faire obstacle à leur application. C’est donc en vue de garantir l’universalité de la loi démocratique qu’a été inventé le département – comme le déclare explicitement le comité Thouret : « Ce n’est qu’en effaçant les limites des provinces qu’on parviendra à détruire tous ces privilèges locaux, utilement réclamés lorsque nous étions sans Constitution, et qui continueront à être défendus par les provinces, même lorsqu’ils ne présenteront plus que des obstacles à l’établissement de l’unité sociale. » Thouret, cependant, fut fort mal récompensé de son apport décisif à la cohésion nationale : considéré comme tiède sous la Terreur, il finit guillotiné le 3 floréal an II (22 avril 1794). On n’est jamais assez jacobin…


H476_p07.qxd:L'HEMICYCLE

27/01/14

19:09

Page 7

Économie

DR

Faut-il croire aux promesses d’économies du président Hollande ?

L’opinion d’Olivier Passet DIRECTEUR DES SYNTHÈSES ÉCONOMIQUES DE XERFI oins 18 milliards de dépenses publiques pendant trois ans, c’est l’arme de François Hollande pour baisser la pression fiscale, réduire les déficits et restaurer la compétitivité française. Est-ce suffisant ? Peuton réduire la dépense sans sacrifier

M

l’avenir ? Sans séisme politicosocial ? Revenons d’abord sur l’objectif de baisse de François Hollande, 53 milliards en 3 ans. En première approximation, cela représente 2,5 % du PIB et cela permettrait de faire revenir le poids de la dépense publique à 54,2 % du PIB au lieu des 56,7 % prévus pour cette année. Mais dans le langage gouvernemental, la baisse est mesurée par rapport à un sentier de hausse spontanée des dépenses. L’annonce présidentielle pourrait donc plutôt ramener la dépense publique à 55 % du PIB en cas de faible croissance. Si la croissance se mettait de la partie, le gouvernement pourrait espérer voisiner la cible des 53,5 %. C’est sans aucun doute une inflexion significative, importante du point de vue politique. Mais c’est aussi un ajustement dont l’ampleur ne remet en cause ni la taille ni les grandes fonctions de l’État. Le poids moyen de la dépense publique était de

53,5 %, rappelons-le, dans les années 2000. Le projet, tel qu’il se dessine, n’est rien d’autre qu’un plan d’économie. Une correction normale après une phase de soutien exceptionnel à l’activité. L’effort sera dilué, le Président promettant d’aller chercher l’économie dans « toutes les dépenses, toutes les politiques, toutes les structures » : dans les quelques abus de la protection sociale qui ne dépassent pas le milliard. Dans le fonctionnement des ministères et dans une optimisation du fonctionnement de notre millefeuille territorial. L’ajustement est sévère, mais le projet reste très en deçà d’une réforme en profondeur de l’État. Contrairement à ce qui est dit trop souvent, nos principaux gisements d’économie ne sont pas dans nos dépenses de fonctionnement, qui ne sont pas plus élevées qu’ailleurs. Nos organisations sont néanmoins inefficaces, moins au détriment des coûts que de la qua-

lité : problèmes d’accès, files d’attente, lourdeurs procédurales, déficit présentiel, faible gratification des compétences. L’urgence est d’abord de monter en gamme, car l’inefficacité publique a un coût qui ne prend pas nécessairement la forme de l’impôt. Cette révolution ne se fera que si l’État devient un fer de lance dans l’usage des technologies de l’information. Cela signifie de changer les process, de mutualiser l’information beaucoup mieux que cela n’est fait aujourd’hui. Pas seulement au service du contrôle et de l’impôt, mais pour un fonctionnement plus fluide et sans doublon des institutions, à tous les niveaux. La pyramide des âges au sein de l’administration peut être un atout, puisque ce sont les moins qualifiés qui partent en retraite. Encore faut-il que l’État repense son fonctionnement et y adosse les compétences nécessaires. On aurait tort, enfin, de sanctuariser la protection sociale dans le

cadre de cette réflexion. Certes, la protection au sens commun, c’est d’abord de la redistribution, de la réparation sociale. Mais c’est aussi un investissement à travers l’éducation, la santé, la dépendance qui agissent aussi sur la répartition du revenu. Si l’on se fie aux expériences étrangères, on constate vite qu’il y a eu beaucoup d’illusion d’optique dans la réduction de la taille de l’État. En revanche, partout, la protection sociale, et notamment le partage entre dépenses de réparation et d’investissement, ont été au cœur des repositionnements, notamment en Suède, modèle de référence pour François Hollande. La politique de l’offre prônée par le Président s’annonce pour l’heure comme un simple plan d’ajustement, une dévaluation fiscale financée par des économies à tout va. Elle méritera véritablement son nom si elle se double d’une véritable stratégie de l’offre publique.

Suivez l’actu de vos élus en ligne Flashez ce code

Je tape www.lhemicycle.com/noselusenligne et je l’ajoute à mes favoris L’icône de l’appli apparaît alors sur l’écran de ma tablette ou de mon smartphone Je recherche mon élu

Je suis mon élu sur les réseaux sociaux

NUMÉRO 476, MERCREDI 29 JANVIER 2014 L’HÉMICYCLE

7


H476_p08.qxd:L'HEMICYCLE

27/01/14

17:12

Page 8

15es Assises de l’énergie

« La transition énergétique : une opportunité de développement pour les collectivités territoriales » La loi sur la transition énergétique, prévue au printemps 2014, est en cours d’élaboration. Cette réforme constitue le thème central des débats des 15es Assises de l’énergie (du 28 au 30 janvier), qui sont organisées par la communauté urbaine de Dunkerque (CUD), la communauté d’agglomération de Grenoble-Alpes Métropole et l’Ademe, en collaboration avec Energy Cities. Entretien croisé avec le sénateur-maire de la Ville de Dunkerque et président de la CUD, et Bruno Léchevin, président de l’Ademe.

CUD

Michel Delebarre : Les Assises de l’énergie des collectivités locales réunissent plus de 1800 participants issus des collectivités, du secteur de l’énergie et des représentants des grandes instances. Ces Assises constituent un rendez-vous essentiel qui permet notamment aux élus territoriaux de s’informer et de se sensibiliser sur la mise en œuvre de la politique énergétique de la France, de présenter la multitude d’expériences et de projets menés en France, et enfin, de contribuer à améliorer la gouvernance de l’énergie en France et à préciser le rôle des acteurs locaux. Lors de cette 15e édition c’est la question de la transition énergétique, en tant qu’opportunité de développement pour les collectivités territoriales, qui sera abordée. Pour ce faire, cinq grands thèmes seront visités : – renforcer les capacités d’action locale ; – inventer une nouvelle gouvernance locale ; – connaître les ressources, les flux et les contraintes de son territoire ; – repenser la question financière ; – aménager le territoire pour réduire les consommations énergétiques. À noter également qu’en marge de l’édition 2014 des Assises, se tiendra le 1er Carrefour des métiers de l’énergie. Bruno Léchevin: La transition énergétique, nous en sommes tous conscients, ne se cantonne évidemment pas à nos frontières et il est primordial d’intégrer au plus tôt sa dimension européenne et internationale. Le premier chantier sera de coordonner plus efficacement les politiques énergétiques ciblant les transports, le bâtiment, les réseaux énergétiques, l’industrie et l’agriculture ainsi que les énergies renouvelables pour générer les effets d’échelle et les synergies propres à faciliter l’émergence de champions industriels. La priorité est à porter sur la prévisibilité et la stabilité des politiques énergétiques ainsi coordonnées, afin de sécuriser les investissements de long terme des acteurs industriels.

JACQUES DEMARTHON/AFP

Quels sont les grands thèmes abordés à l’occasion de ces 15es Assises de l’énergie ?

MICHEL DELEBARRE

BRUNO LÉCHEVIN

PRÉSIDENT DE LA CUD

PRÉSIDENT DE L’ADEME

Dans un contexte de concurrence avec des acteurs extra-européens, certains secteurs sont propices à l’émergence de géants industriels, notamment l’éolien onshore et offshore et les énergies marines. Mais il faut aussi concevoir une coopération à l’échelle des PME et des ETI. C’est notamment le rôle dévolu aujourd’hui à l’Office franco-allemand pour les énergies renouvelables, qui anime la dynamique de coopération à cette échelle sur des sujets comme la recherche et l’innovation, le développement industriel ou les réseaux. Les expériences menées par nos voisins européens sont souvent étudiées lors des Assises de l’énergie. Le président de la République, François Hollande, a annoncé sa volonté de créer un « géant franco-allemand de la transition énergétique »sur le modèle d’EADS. Sur quels chantiers prioritaires devrait se focaliser cette coopération, selon vous ?

Michel Delebarre : Lors des Assises, nous accueillons effectivement, des voisins qui présentent leurs avis et expériences. Mme Evelyne Huytebroeck, ministre du gouvernement de la région de Bruxelles Capitale, viendra témoigner de son expérience pour garantir la performance énergétique des bâtiments et le prospectiviste Philippe Destatte nous parlera de transition

8 L’HÉMICYCLE

énergétique. S’agissant des chantiers en coopération qui pourraient être ouverts avec nos voisins allemands, j’en vois au moins deux, celui du développement des énergies renouvelables en lien avec les réseaux intelligents et communicants et celui du stockage de l’énergie. C’est la piste du stockage de l’énergie – d’ailleurs mentionnée par le président français le 14 janvier – qui paraît la plus propice à une grande coopération francoallemande. Une bonne idée ?

Michel Delebarre : Oui, le stockage de l’électricité et de la chaleur est une innovation majeure à développer dans le cadre de la transition énergétique pour mieux gérer l’intermittence des énergies renouvelables et augmenter leur rendement. Le démonstrateur GRHYD que nous développons sur Dunkerque en est une parfaite illustration. On stocke via l’hydrogène de la production électrique excédentaire pour la réinjecter dans le réseau gaz naturel et ainsi réduire son empreinte carbone (- 8 % de CO2). De telles démarches nécessitent de vraies synergies entre industriels et territoires. Bruno Léchevin : Le stockage de l’énergie est un chantier prioritaire qui pourrait effectivement faire l‘objet d’une coopération francoallemande renforcée sur le long

NUMÉRO 476, MERCREDI 29 JANVIER 2014

terme, notamment sur des technologies comme les stations de pompage hydroélectriques, la méthanation, la production d’hydrogène et les batteries. Les objectifs de nos deux pays dans ce domaine couvrent en effet les mêmes ambitions de flexibilité du système électrique, qui doit passer également par une coopération sur les réseaux (smart grids). À court terme, il faut également soutenir les filières qui représentent déjà une part significative des objectifs énergétiques des deux pays, et qui sont soumises à une forte concurrence industrielle. Je pense en particulier à la biomasse, à l’éolien, au photovoltaïque, et à la géothermie qui peut déjà compter sur une coopération franco-allemande comme à Soultz-sous-Forêts et qui doit continuer à faire l’objet d’un soutien binational. RTE souhaiterait s’allier avec ses voisins européens pour lancer les bases d’une Europe de l’énergie. L’union des réseaux ne devrait-elle pas être le premier chantier ? Le sommet franco-allemand du 19 février pourrait en fournir l’occasion.

Bruno Léchevin : C’est effectivement une très bonne idée. Un développement bien calibré des réseaux en fonction des alternatives (maîtrise de la demande d’électricité, effacement, substitution des usages) permettrait de faciliter la gestion et la mutualisation des énergies renouvelables variables telles qu’envisagées dans les scénarios de transition énergétique des deux pays. Concrètement il s’agirait de rechercher une optimisation entre la pointe de demande en France liée au chauffage électrique par grand froid et la pointe de production d’électricité éolienne en Allemagne. Une telle coopération permettrait aussi la sécurisation des approvisionnements en électricité, leur optimisation économique et le renforcement de l’indépendance énergétique des deux pays. Cette coopération pourrait aussi conduire à l’innovation technologique et au développement industriel dans le cadre de programmes de recherche concertés sur les réseaux intelligents.

Michel Delebarre : Les réseaux de transport sont déjà interconnectés et ils ont un rôle considérable à jouer pour faciliter le transport de l’électricité vers les grandes zones de consommation. Le transport et le stockage de l’énergie électrique font effectivement partie des enjeux qui se jouent à l’échelle européenne, mais il en existe d’autres tels que la chaleur autour desquels nous pourrions coopérer. Dans son rapport remis le jeudi 16 janvier à l’Assemblée nationale, la Cour des comptes a porté un jugement sévère sur la mise en œuvre du « paquet énergie climat » par la France. A-t-on trop privilégié le développement des énergies renouvelables au détriment de la recherche des économies d’énergie, notamment dans les secteurs les plus émetteurs de gaz à effet de serre comme le transport et l’agriculture ?

Michel Delebarre : Je ne pense pas, je suis de ceux qui plaident pour le développement des énergies renouvelables et pour la maîtrise des dépenses énergétiques. Pour atteindre les objectifs de lutte contre le réchauffement climatique, nous devons consommer mieux et différemment. ces objectifs impliquent des changements de comportement et donc une mobilisation de toutes les forces vives. État, régions et territoires ont donc un rôle à jouer dans ce sens. Les propositions des associations d’élus et plus précisément de l’Association des communautés urbaines, sur la montée en responsabilité des collectivités dans le pilotage des politiques énergétiques s’inscrivent dans cette perspective. En procédant ainsi on renforcera les actions engagées en faveur des énergies renouvelables et de la maîtrise des dépenses énergétiques, tout en favorisant le développement d’innovations adaptées à la réalité des territoires. À Dunkerque, nous n’avons pas attendu et, depuis de plusieurs années, avec de nombreux partenaires, nous conduisons des initiatives dans ce sens ; le dispositif Réflexénergie est une bonne illustration de cela.

Propos recueillis par J.T.


H476_p09.qxd:L'HEMICYCLE

27/01/14

17:13

Page 9

15es Assises de l’énergie

« GDF SUEZ a pour ambition d’être leader de la transition énergétique en Europe et l’énergéticien de référence dans les pays émergents » Entretien avec le président-directeur général de GDF SUEZ, qui interviendra le 30 janvier aux 15es Assises de l’énergie à Dunkerque. Quels messages allez-vous porter aux 15es Assises de l’énergie, le 30 janvier à Dunkerque ?

Je serai présent aux Assises de l’énergie pour parler du dynamisme des territoires, d’innovation et de l’engagement de mon Groupe. GDF SUEZ compte aujourd’hui près de 80 000 collaborateurs en France et exerce pour la plupart des activités non délocalisables. Nous attachons une importance cruciale à notre ancrage territorial, à notre implantation au cœur du tissu économique local que nous souhaitons contribuer à développer et à renforcer. Le Nord-Pas-de-Calais est une région pleine d’« énergies » qui est depuis longtemps en pointe dans ses réflexions sur le monde énergétique de demain. Cette démarche anticipatrice, axée sur l’innovation et la recherche de nouveaux modèles, nous la partageons. À l’occasion des Assises, je présenterai notamment le projet innovant GRYDH dont nous sommes le premier partenaire aux côtés de la communauté urbaine de Dunkerque et l’Ademe. Pour la première fois en France, nous allons pouvoir développer à grande échelle un système de conversion d’électricité en gaz. Ce projet vise à produire de l’hydrogène par électrolyse de l’eau, en utilisant de l’électricité issue d’énergies renouvelables et produite en dehors des périodes de consommation. L’hydrogène enrichira le gaz naturel pour être valorisé via les usages habituels du gaz naturel, à savoir le chauffage, l’eau chaude ou encore le carburant. Les producteurs d’énergies renouvelables intermittentes disposeront ainsi d’un nouveau vecteur de valorisation de leur électricité et de réduction des émissions de gaz à effet de serre. GDF SUEZ souhaite être en pointe sur les innovations énergétiques à venir. Le développement concret de ces innovations est absolument essentiel dans un monde énergétique de plus en plus décentralisé et proche des territoires. En ce sens, l’engagement commun des partenaires industriels, de l’État et des collectivités est indispensable. C’est ainsi que nous nous inscrivons dans la transition énergétique.

GDF SUEZ a pour ambition d’être leader de la transition énergétique en Europe et l’énergéticien de référence dans les pays émergents. Quels sont vos atouts ?

Notre stratégie présente en effet une double ambition, celle de devenir l’énergéticien de référence dans le monde émergent dans l’ensemble des métiers du Groupe et être leader de la transition énergétique en Europe. Je vous rappelle que GDF SUEZ est aujourd’hui implanté industriellement dans plus de 50 pays, ce qui fait du Groupe, et de loin, l’énergéticien le plus international. Vous le savez, nous étions déjà le premier producteur d’électricité indépendant international et un acteur global dans le gaz naturel liquéfié grâce aux différentes positions que nous avons bâties dans le monde. Récemment, notre conseil d’administration a validé notre ambition de mettre à profit les savoir-faire et l’expertise du Groupe pour décliner cette position sur nos deux autres métiers majeurs: les services d’efficacité énergétique et les infrastructures gazières. En témoigne notre développement récent en Uruguay avec la construction prochaine du premier terminal de regazéification du pays, au Mexique dans les infrastructures de transport ou encore en Chine où nous valo-

«

Gérard Mestrallet,

président-directeur général de GDF SUEZ. PHOTO BERTRAND GUAY/AFP

nouveau monde énergétique. En effet, aujourd’hui, nous ne nous contentons plus de vendre des mégawatts ou des molécules de gaz à nos clients mais nous nous positionnons comme leur véritable partenaire énergétique, en les aidant et en les accompagnant pour trouver des solutions innovantes de maîtrise de leur consommation. 90 000 personnes travaillent aujourd’hui dans ces métiers au sein du Groupe, c’est

celle en faveur des services à l’énergie croît de 2,5 % par an. L’alliance entre Toshiba/Westinghouse et GDF SUEZ au Royaume-Uni est-elle en contradiction avec le discours gouvernemental sur « l’équipe de France du nucléaire » ?

Absolument pas. Pour le Groupe, la préconisation prioritaire est bien

GDF SUEZ SOUHAITE ÊTRE EN POINTE SUR LES INNOVATIONS ÉNERGÉTIQUES À VENIR. LE DÉVELOPPEMENT CONCRET DE CES INNOVATIONS EST ABSOLUMENT ESSENTIEL DANS UN MONDE ÉNERGÉTIQUE DE PLUS EN PLUS DÉCENTRALISÉ ET PROCHE DES TERRITOIRES. EN CE SENS, L’ENGAGEMENT COMMUN DES PARTENAIRES INDUSTRIELS, DE L’ÉTAT ET DES COLLECTIVITÉS EST INDISPENSABLE. C’EST AINSI QUE NOUS NOUS INSCRIVONS DANS LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE »

risons notre expertise reconnue dans le domaine du stockage du gaz naturel. Nous nous appuyons pour cela sur les implantations locales déjà fortes des autres métiers du Groupe. Notre deuxième ambition est d’être leader de la transition énergétique en Europe. Malgré un contexte économique encore incertain, et une demande énergétique en baisse, nous croyons au potentiel du continent européen et nous souhaitons nous inscrire dans la création d’un

une expertise incomparable et qui nous donne de l’avance. Je remarque d’ailleurs que beaucoup de nos concurrents, longtemps sceptiques sur ces métiers, souhaitent aujourd’hui s’y développer rapidement. Rappelons que les enjeux de l’efficacité énergétique sont aujourd’hui cruciaux et qu’ils représentent une vraie tendance de fond en Europe. En effet, chaque année sur le continent, la demande en énergie baisse de 1 à 2 % alors que

la filière nucléaire française. Et nous cherchons en permanence à maximiser les retombées industrielles pour la France afin de favoriser l’emploi. Nous sommes des promoteurs de la technologie nucléaire française en général et, notamment, du réacteur Atmea1 d’Areva. C’est déjà le cas en Turquie, avec le contrat de quatre réacteurs que nous avons gagné avec nos partenaires japonais contre des concurrents chinois et

NUMÉRO 476, MERCREDI 29 JANVIER 2014 L’HÉMICYCLE

9

coréens et ce le sera peut-être à l’avenir dans d’autres pays. Dans le cas précis de notre projet au Royaume-Uni, nous avons lancé un appel d’offres sur les deux réacteurs qualifiés aujourd’hui par les autorités, à savoir l’AP1000 de Toshiba Westinghouse et l’EPR d’Areva. Il s’est avéré que Toshiba/ Westinghouse a soumis la proposition la plus aboutie. Mais je tiens également à rappeler un élément essentiel : les attentes du client. En l’espèce, le gouvernement britannique a choisi de privilégier la diversité des technologies nucléaires pour son futur parc. Aussi, le choix de Toshiba est cohérent avec la préférence du client britannique. Notons que nous allons tout faire pour aider la filière d’équipementiers français. En particulier pour fournir les services nucléaires associés comme la climatisation des réacteurs ou les tuyauteries spécialisées… C’est une tradition de GDF SUEZ d’amener le plus possible de PME françaises sur ses grands projets. J’aimerais enfin également revenir sur la notion d’« équipe de France du nucléaire » qui doit aujourd’hui s’entendre au sens large. Lorsque GDF SUEZ est retenu dans un projet à l’étranger, c’est la France qui gagne et les Français doivent s’en réjouir. Au même titre que d’autres, nous faisons partie intégrante de « l’équipe de France du nucléaire ».

Propos recueillis par J.T.


H476_p10.qxd:L'HEMICYCLE

27/01/14

18:05

Page 10

International

Poutine joue ses cartes À Sotchi, Kiev ou Genève, la diplomatie du Kremlin accentue une politique visant à rendre la Russie incontournable. Par François Clemenceau

«

es affaires Khodorkovski et Pussy Riot n’assombrissent plus les JO de Sotchi, mais la situation en matière des droits de l’homme reste très problématique. » À quelques jours de la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques d’hiver, Tatiana Lokchina, l’une des responsables de de l’antenne moscovite de Human Rights Watch, a mis le doigt où ça fait mal. Selon elle la libération de l’oligarque et des jeunes femmes contestataires, tout comme la remise en liberté des militants de Greenpeace, responsables de l’attaque d’une plateforme offshore de Gazprom, « ont permis aux autorités de se donner une nouvelle réputation dans le monde. Mais cela n’a pas initié une vraie tendance de libéralisation du régime », regrette-t-elle. Autoritarisme, campagnes homophobes et xénophobes relayées par les médias, acharnement policier ou judiciaire contre les ONG étrangères présentes sur le sol russe : ne s’agirait-il là, dans l’espace médiatique occidental que de l’expression de « tropismes et de biais qui ne permettent pas d’éclairer un honnête lecteur sur la situation actuelle en Russie », comme l’écrit Arnaud Dubien, le directeur de l’Observatoire francorusse de Moscou, dans le dernier dossier de la Revue internationale et stratégique intitulé « Défis russes »? L’olympisme ne mériterait sans doute pas une telle politisation. Mais Poutine en a pris le risque. Les Jeux de Sotchi auront lieu. Mieux, ils ne seront pas boycottés comme le furent ceux de Moscou en 1980. À l’époque, pour protester contre l’invasion de l’Afghanistan par l’URSS, les États-Unis et quatre de leurs alliés ainsi qu’une vingtaine de pays musulmans avaient gâché la fête. Pour Vladimir Poutine, le maintien des Jeux olympiques d’hiver sans retrait des nations invitées, est donc un succès en soi. Même contestés, même accompagnés de prises de position critiques, ils permettent au maître du Kremlin d’utiliser l’un des premiers outils de soft power à sa disposition. L’addition sera lourde car la facture a doublé, estimée désormais à 15 milliards de dollars. Et si bon nombre de chefs d’État ne se déplaceront pas (rares sont ceux en fait qui honorent de leur présence de tels Jeux olympiques), Sotchi sera au centre du monde médiatique pendant

L

quinze jours, à condition que rien ne vienne ternir l’ambiance. Les attentats, ou tentatives d’attaque, qui n’ont pas manqué ces dernières semaines, viennent rappeler la fragilité de la sécurité imposée par les autorités russes dans le Caucase.

Espace postsoviétique ? Être incontournable, même sans gloire, voici le nouvel axe. D’autant plus affirmé que l’économie russe vit des moments difficiles. Pour éviter l’isolement, la Russie est prête à payer le prix. Cela vaut naturellement pour les événements que traverse l’Ukraine dans la douleur depuis quelques semaines. En déboursant fin décembre les trois premiers milliards (sur les quinze promis) du plan de sauvetage financier accordé au gouvernement ukrainien, la Russie a réussi, provisoirement, à éviter que cet ancien satellite ne signe un accord d’association avec l’Union européenne. Il ne s’agit pas uniquement d’investir dans un pays en grande difficulté financière mais de maintenir une influence en Eurasie, de défendre stratégiquement un espace. Le qualifier de postsoviétique est contesté par le pouvoir russe et une partie des diplomates européens soucieux de ne pas voir la Russie humiliée par un élargissement de l’Europe jusqu’à ses portes. De là à dire que Kiev choisira l’union douanière

«

Vladimir Poutine, le 24 janvier 2014 à Moscou. PHOTO ALEXEI NIKOLSKY/AFP que Moscou n’y trouve à redire – d’imaginer que la Commission européenne reste sourde. Mais, il est clair que rien ne pourra se faire sans passer par Poutine. N’est-ce pas la présidente de la Commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale, Élisabeth Guigou, qui affirmait le mois dernier vouloir « reparler avec les

tié de son pari sur les dossiers syrien et iranien. Depuis la volte-face de Barack Obama début septembre, avec l’annulation des frappes pour punir le régime de Bachar al-Assad suite à ses attaques chimiques de l’été, la Russie a su accélérer tout en cherchant le premier rôle. Vitesse avec le plan, réussi, de neutralisation et de destruction

SI LA DIPLOMATIE DE VLADIMIR POUTINE A MARQUÉ DES POINTS DEPUIS L’AUTOMNE, ELLE LE DOIT AUSSI EN GRANDE PARTIE À UN RETRAIT AMÉRICAIN ET À UNE ABSENCE DE LEADERSHIP EUROPÉEN »

avec la Russie, comme la Biélorussie et le Kazakhstan, il n’y a qu’un pas que peu franchissent jusqu’à présent. Selon le quotidien Kommersant Ukraine, aucun point du programme de coopération signé par le gouvernement ukrainien le 15 janvier avec l’Union économique eurasiatique n’est de nature à nuire à un éventuel rapprochement de Kiev avec Bruxelles. À condition que la porte de l’Union européenne reste ouverte. Difficile, compte tenu de l’extrême violence exercée par le pouvoir à Kiev contre l’opposition proeuropéenne – sans

10 L’HÉMICYCLE

Russes ». « Cela fait trop longtemps que l’on se fourvoie, il faut davantage de dialogue entre l’Europe et la Russie », affirmait-elle devant la World Policy Conférence de Monaco.

Absence américaine Le Kremlin de Vladimir Poutine ne demande naturellement pas mieux. « La Russie se pose en stabilisateur et veut marquer son autorité sur la scène internationale », souligne l’historienne Hélène Carrère d’Encausse. Sur le plan diplomatique, Moscou a déjà réussi la moi-

NUMÉRO 476, MERCREDI 29 JANVIER 2014

des armes chimiques syriennes. Fermeté en première ligne, avec la capacité de pression nécessaire pour obliger Damas à accepter le principe d’une participation à la conférence de Genève II. Quitte à ce que les termes du mandat de négociation sur « une transition politique » exercée par « une autorité dotée des pleins pouvoirs » soient rejetés par le clan de Bachar. Attention toutefois à ne pas surinterpréter ce « retour » de Moscou sur la scène mondiale. Si la diplomatie de Vladimir Poutine a marqué des points depuis l’au-

tomne, elle le doit aussi en grande partie à un retrait américain et à une absence de leadership européen. Comme l’a résumé le chef de la diplomatie française Laurent Fabius, lors de la cérémonie des vœux adressée aux personnels du Quai d’Orsay, autant l’Amérique a été critiquée pour sa présence massive au Moyen-Orient pendant la guerre d’Irak, « autant son absence totale a laissé un vide ». Un vide que s’est empressée de remplir la Russie. Après avoir multiplié les veto au Conseil de sécurité des Nations unies pour prévenir une forme d’intervention militaire, le Kremlin a choisi de bouger, de s’engager dans une forme d’alternative. En juin 2012, Genève I avait mal fini, chacun repartant chez soi avec sa propre interprétation de la formule de « transition » : sans Bachar pour les occidentaux et les Arabes mais sans préjuger du sort de Bachar, pour les Russes. Avec Genève II, les équipes de Sergueï Lavrov ont voulu tenter une approche de négociation sans préalable. Au risque de voir leurs efforts de parrainage échouer. Se rendre incontournable est une politique. À condition que cela s’accompagne de moyens – c’est, semble-t-il, le cas – et de résultats satisfaisants, ce qui reste à prouver.


H476_p11.qxd:L'HEMICYCLE

27/01/14

18:03

Page 11

Un œil sur l’Europe DR

Vie privée : l’Europe met à nu les politiques La chronique européenne de Jean Quatremer *

oute la presse britannique est au courant et en fait des gorges chaudes dans les dîners en ville : D.C., Premier ministre de Sa Gracieuse Majesté, entretient une love affair depuis un an avec une actrice peu connue. Un célèbre humoriste a même quasiment vendu la mèche en direct sur BBC 4. On sait que le chef de gouvernement quitte régulièrement le 10 Downing Street sur son scooter pour rejoindre l’objet de ses désirs dans un petit appartement de Funstreet, tout juste protégé par un agent de sécurité. Shocking, certes, shamefull, même, mais il n’est pas convenable d’enquêter et encore moins de publier quoi que ce soit sur le sujet, n’est-il pas ? On est au Royaume-Uni, le centre de la civilisation, le cœur de la démocratie quand même ! Et puis ce genre de sujet, c’est pour la presse de caniveau. Mais voilà qu’un voyou, un maverik, un magazine people de peu rompt l’omerta. C’est l’étonnement, poli, prudent : comment, un premier ministre conservateur, parangon des vertus

T

Trierweiler, lui qui a déjà menti sur l’état de son couple en 2007 lors de la campagne présidentielle de la mère de ses enfants, mais il serait aujourd’hui en lambeaux. La conférence de presse qu’il a donnée au lendemain de la révélation de sa liaison avec Julie Gayet n’aurait pas été l’aimable promenade de campagne qui a valu à la presse française de se faire moquer par le monde entier : elle aurait tourné à l’hallali (à tort ou à raison, mais les journalistes n’auraient jamais lâché avant d’obtenir des réponses). Ce petit conte permet de mesurer l’extraordinaire singularité française : il n’y a guère que dans l’Hexagone que la « vie privée » des politiques bénéficie d’une telle protection de la part des médias, et ce, malgré l’affaire Dominique Strauss-Kahn qui aurait pourtant dû servir de leçon. S’agit-il du refus d’un voyeurisme malsain ? Du respect de la sphère sacrée du privé ? Ou simplement d’une conception différente du rôle de la presse ? En fait, on doit cette sacralisation de la vie privée à Georges Pompidou qui l’a fait inscrire dans le Code civil en 1970 (article 9), et ce, en dépit des réserves du Parlement français face à ce qui apparaissait alors comme une limitation sans précédent, hors

juin 2000, votée après une vague d’arrestation de grands patrons, interdisant de diffuser des images de personnes menottées ou des informations portant atteinte à la « dignité » des victimes… Autant dire que droite et gauche se sont parfaitement entendues pour verrouiller le droit à l’information et que les médias qui, aujourd’hui, considèrent le droit à la vie privée comme une sorte d’absolutisme moral ont oublié qu’il s’agit d’une pure invention pompidolienne. C’est tout le sel de la situation actuelle, lorsque l’on voit des journalistes de gauche défendre vigoureusement ce que leurs prédécesseurs avaient tout aussi vigoureusement critiqué il y a quarante ans… Or, le monde de 2014 n’a plus rien à voir avec celui de 1970. L’apparition du net a considérablement restreint le cercle d’intimité auquel chacun peut prétendre, que l’on s’en réjouisse ou pas. Chaque citoyen, en utilisant le net et les réseaux de communication mobiles, met en scène sa vie privée, volontairement ou non, et livre aux entreprises et aux États des informations qu’il était auparavant difficile de se procurer sauf en cas d’enquête policière et judiciaire. En outre, les politiques sont mal venus de se

«

ON DOIT CETTE SACRALISATION DE LA VIE PRIVÉE À GEORGES POMPIDOU QUI L’A FAIT INSCRIRE DANS LE CODE CIVIL EN 1970 (ARTICLE 9), ET CE, EN DÉPIT DES RÉSERVES DU PARLEMENT FRANÇAIS FACE À CE QUI APPARAISSAIT ALORS COMME UNE LIMITATION SANS PRÉCÉDENT, HORS PÉRIODE DE GUERRE, DE LA LIBERTÉ D’EXPRESSION ET D’INFORMATION »

valent du premier amendement de la Constitution américaine qui garantit la liberté d’expression et d’opinion. En clair, pour les juges européens, le dit est la règle et le nondit l’exception. Par exemple, le 14 janvier dernier, ils ont confirmé un arrêt de la Cour de cassation finlandaise qui a estimé que l’ancienne maîtresse d’un Premier ministre en exercice était fondée à publier un livre relatant leur relation, mais pas à révéler des détails relevant de l’intime au sens étroit du terme (détails d’ordre sexuel, par exemple). Car, pour les juges finlandais et européens, la vie privée des politiques ressort du débat public dès lors qu’elle révèle leur personnalité et l’adéquation de leur comportement privé avec leur engagement public. Si on choisit de s’exposer, il faut en assumer les conséquences, estiment les juges. Il en va de même en matière de santé, la CEDH ayant annulé l’interdiction en France du livre du Docteur Gubler révélant que François Mitterrand se savait atteint d’un cancer dès fin 1981. Pour la CEDH, les limites à la liberté de la presse doivent être étroitement « nécessaires dans un système

démocratique » et répondre à un « besoin social impérieux ». Depuis, la jurisprudence française s’est adaptée : la presse peut révéler à bon droit le nom de la compagne journaliste d’un ministre, car c’est un élément qui intéresse le débat public, ou encore publier des photos d’une ministre en vacances à l’île Maurice alors que le chef de l’État a demandé aux membres du gouvernement de rester à moins de deux heures de Paris… Il est intéressant de constater que la Cour européenne n’a pas véritablement innové: elle n’a souvent fait que valider la tendance dominante en Europe: en dehors de la France, on estime depuis longtemps que la protection de la vie privée est un droit fondamental, mais que celle-ci s’efface devant la liberté d’information lorsqu’il s’agit de personnalités publiques et que ces informations peuvent avoir un intérêt pour le débat public. Autrement dit entre Torquemada et omerta, il y a toute une nuance de gris que la France commence à (re) découvrir sous l’œil goguenard de ses partenaires. * Auteur de Sexe, mensonges et médias, Plon

Bulletin d’abonnement 1 an (20 numéros*) pour 72 ¤ au lieu de 90,30 ¤ 2 ans (40 numéros*) pour 126 ¤ au lieu de 180,60 ¤ Tarif étudiant : 54¤ pour 20 numéros* Offre valable en France métropolitaine jusqu’au 31/07/2014

J OUI je m’abonne pour 20 numéros à l’Hémicycle, au tarif exceptionnel de 72 ¤ TTC au lieu de 90,30 ¤ TTC.

J OUI je m’abonne pour 40 numéros à l’Hémicycle, au tarif exceptionnel de 126 ¤ TTC au lieu de 180,60 ¤ TTC.

période de guerre, de la liberté d’expression et d’information. Le Sénat de l’époque, pas particulièrement gauchiste et acquis à la culture anglosaxonne, a tenté de limiter la portée de ce texte trop général et absolutiste en demandant à ce que les personnes qui, « par leur propre comportement, auraient permis les divulgations touchant à leur intimité » ne puissent s’en prévaloir. Le chef de l’État, traumatisé par les rumeurs sur les « ballets bleus » auxquels son épouse aurait participé, n’a rien voulu entendre. Ce texte vague, général, sans limites a été appliqué avec zèle par les tribunaux : sexualité, famille, patrimoine, santé, bref, tout ce qui touchait à la sphère du privé au sens large était interdit d’enquête. Pis, ce texte a été complété par toute une série de dispositions, le dernier avatar étant la loi Guigou de

plaindre de ce rétrécissement de la sphère privée, eux qui l’utilisent de plus en plus à des fins électorales : Valéry Giscard d’Estaing, lors de la campagne de 1974, a été le premier à mettre en scène sa famille, la projetant dans l’espace public. Mais à cause de la loi de 1970, c’était un élément du débat public dont on ne pouvait débattre… La France ne pouvait évidemment pas prétendre rester une île dans ce monde de plus en plus ouvert, transparent, communicant. La première digue à céder, dès le milieu des années 1980, a été le patrimoine des élus. Mais il a fallu l’intervention des juges de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), sise à Strasbourg, pour déconstruire l’article 9 du Code civil. Aujourd’hui, la jurisprudence de cet organe du Conseil de l’Europe a doté le continent européen de l’équi-

J OUI je m’abonne pour 20 numéros et je souhaite bénéficier du tarif «Étudiant» à 54¤ TTC. Je joins une photocopie de ma carte d’étudiant de l’année en cours. J Je vous joins mon règlement par chèque à l’ordre de l’Hémicycle. J Je souhaite recevoir une facture acquittée. J Je préfère régler par mandat administratif.

Nom Prénom Société Fonction Adresse Code postal

Ville

Tél. (facultatif)

Fax

e-mail

Date et signature Bulletin d’abonnement à retourner sous enveloppe affranchie à l’Hémicycle, 55, rue de Grenelle, 75007 Paris courriel : abonnement@lhemicycle.com Conformément à la loi informatique et libertés du 6janvier 1978, vous disposez d’un droit d’accès et de rectification pour toute information vous concernant.

NUMÉRO 476, MERCREDI 29 JANVIER 2014 L’HÉMICYCLE

11

* Soit environ un an, en fonction du calendrier parlementaire.

morales, « aurait » trompé sa femme pendant son mandat et « aurait » négligé sa sécurité et donc celle de l’État ? Alors que D.C. se garde bien de démentir, la presse parle néanmoins de « relation présumée »… Même étalée au grand jour, cela reste au fond une affaire privée qui doit être gérée de façon privée et la presse n’est pas là pour le traquer. Retour au réel : évidemment, un tel comportement médiatique serait tout simplement inimaginable au Royaume-Uni. Si François Hollande avait été Britannique, non seulement son idylle aurait été révélée depuis longtemps, lui qui avait annoncé que « moi, président », il ne se comporterait pas dans sa vie privée comme son prédécesseur, lui qui a mis en scène dans Paris Match son amour éternel avec Valérie


H476_p12.qxd:L'HEMICYCLE

27/01/14

17:11

Page 12

Chaque semaine, cinq pistes pour s’évader avec Patrick Poivre d’Arvor

UNE HISTOIRE D’AMOUR

N’oublie pas les oiseaux de Murielle Magellan (Julliard) Le 13 août 2002, une femme écrit dans son carnet: « J’ai vécu plus de cinq ans avec lui. Je l’ai aimé pendant dix-sept ans. J’ai eu des clés mais il m’en manque. La chanson que j’ai écrite il y a quinze ans disait vrai: “Les hommes ont l’air d’un grand point d’interrogation. » Cette femme vient de perdre deux jours plus tôt le père de son enfant, qu’elle a follement aimé, qui l’a follement trompée. Douze ans après, elle se souvient et dépose dans un livre tout ce fatras de souvenirs aussi douloureux qu’exaltants. Elle raconte tout, le sentiment amoureux qui fait vaciller la jeune artiste subjuguée par l’un de ses professeurs (il a vingt ans de plus qu’elle), le ballet des maîtresses, l’amour aveugle, la vie désordonnée d’un don Juan, toutes ses femmes à l’enterrement… Et, tout de suite après : « Moi qui commence la mise à distance. L’anesthésie. Le plan d’urgence. L’adieu. L’interminable adieu. » Voilà, c’est fait. Et bien fait pour les voyeurs que nous sommes. Il aura fallu du temps. Et peut-être ce mot de « roman » à la une de ce beau livre.

UN ROMAN

L’Été des lucioles de Gilles Paris (Héloïse d’Ormesson)

E. ROBERT-ESPALIEU

CATHERINE GUGELMANN/AFP

Un autre regard Gilles Paris a un univers. En trois livres déjà (Papa et maman sont morts, Autobiographie d’une courgette, Au pays des kangourous), il a imposé un monde vu avec les yeux de l’enfance, et donc de l’innocence. Il récidive aujourd’hui avec L’Été des lucioles, plus précisément l’été de deux petits garçons de neuf ans, Victor et Gaspard, au Cap Martin. L’auteur a dû découvrir les lieux à l’occasion du Salon du livre de Roquebrune, ce qui lui a permis de musarder à travers un chemin des douaniers qui plaisait beaucoup à Le Corbusier. Et tout cela transpire tout au long de ces pages pleines de tendresse.

célèbre danseuse approchée pour entrer en contact avec Bob Kennedy, quand il était ministre de la Justice, Moura Boudberg, la belle baronne qui monta un grand complot contre le Kremlin avant d’être retournée et de devenir agent double, Anna Chapman, arrêtée par les États-Unis et échangée contre des agents secrets occidentaux il y a trois ans… On y retrouve également bien entendu l’incontournable Mata-Hari, au destin tragique, mais aussi, plus surprenant, deux femmes de lettres, Elsa Triolet, la femme de Louis Aragon, et Marie Romain Rolland, la seconde épouse du grand écrivain français… Une lecture haletante, cela va sans dire.

UN FILM

Beaucoup de bruit pour rien de Joss Whedon

UN RÉCIT

Trois jours à Oran d’Anne Plantagenet (Stock) C’est l’histoire d’un voyage initiatique, celui qu’entreprend la narratrice en compagnie de son père. Il n’a pas revu l’Algérie depuis quarante ans, comme tant de pieds-noirs qui ont vécu comme un arrachement leur départ à l’Indépendance. Son propre père avait grandi là, et son grand-père aussi… Pour sa fille, l’auteur, le rapport à l’Algérie est plus compliqué. Une certaine fierté tout d’abord, doublée de la nostalgie d’un monde englouti, mais aussi la honte du passé colonial de la France. On sent là l’influence d’un milieu où les colons sont toujours vus comme des profiteurs. « Ils ont fait suer le burnous », disait-on. Mais peu à peu, à mesure qu’avancent le récit et le voyage à Oran qui ne durera que trois jours, les clichés explosent et l’on se concentre sur l’essentiel : les rapports d’une fille et de son père. « J’ignorais si ce voyage, dont j’attendais beaucoup et que j’ai forcé mon père à accomplir

Murielle Magellan avec moi, serait une victoire ou une erreur », écrit Anne Plantagenet. « Il y avait un risque. Je l’ai pris. » Tant mieux pour le lecteur.

UNE GALERIE DE PORTRAITS

Le Roman des espionnes de Vladimir Fédorovski (Éditions du Rocher) J’ai connu Vladimir Fédorovski il y a une bonne trentaine d’années lorsqu’il était en poste à l’ambassade d’URSS. On se plaisait à dire qu’il devait être un espion de l’Est mais on se rendit vite compte qu’il avait aussi un poids politique non négligeable puisqu’il aida Mikhaïl

Gorbatchev à s’engager dans une salutaire perestroïka. Ce petit préambule pour dire que l’homme était tout à fait indiqué pour signer Le Roman des espionnes. La plupart de celles qu’il nous croque sont d’ailleurs russes, que ce soient la star du cinéma muet, Olga Tchekhova, devenue intime d’Eva Braun et d’Hitler (elle informait Staline des agissements du IIIe Reich), Elisabeth Zaroubine, qui a cherché a voler aux États-Unis les secrets de la fabrication de la bombe A, Maïa Plissetskaïa, la

L’histoire de ce film m é r i t e qu’on s’y arrête. Joss Whedon, réalisateur de block busters, ces machines à cash qui font la fortune des producteurs d’Hollywood, termine le tournage d’un film appelé à un grand succès, Avengers. Sa femme lui a réservé une surprise. Elle a demandé à une poignée d’acteurs et à une cinquantaine de techniciens de rester encore avec eux une quinzaine de jours, le temps de tourner un film surprise. Le scénario est bien connu, il s’agit de l’adaptation mot pour mot, ligne à ligne, de la pièce de Shakespeare, Much Ado About Nothing (« Beaucoup de bruit pour rien »). L’action a simplement été transférée à notre époque dans une villa californienne qui se prête admirablement bien à l’adaptation. Grâce au jeu des acteurs qui semblent s’inscrire dans la plus pure tradition élisabéthaine, on oublie vite les conventions théâtrales et on entre avec fluidité dans l’histoire. Tout est juste dans cette adaptation, à l’exception de la dernière minute, un peu molle. Le film est en noir et blanc. Il mérite son label Art et essai.

EIP l’Hémicycle, Sarl au capital de 12 582 ¤. RCS : Paris 443 984 117. 55, rue de Grenelle - 75007 Paris. Tél. 01 55 31 94 20. Fax : 01 53 16 24 29. Web : www.lhemicycle.com - Twitter : @lhemicycle GÉRANT-DIRECTEUR DE LA PUBLICATION Bruno Pelletier (brunopelletier@lhemicycle.com) RÉDACTEUR EN CHEF Thomas Renou (thomasrenou@lhemicycle.com) ÉDITORIALISTES/POINT DE VUE François Ernenwein, Gérard Leclerc, Éric Mandonnet, Éric Maulin, Renaud Dély AGORA Thomas Renou ADMIROIR Éric Fottorino UN AUTRE REGARD Patrick Poivre d’Arvor AUX QUATRE COLONNES Pascale Tournier DOSSIERS Jean-Marc Engelhard INTERNATIONAL François Clemenceau EUROPE Jean Quatremer ÉCONOMIE Olivier Passet INITIATIVES Ludovic Bellanger COLLABORENT À L’HÉMICYCLE Julien Chabrout, Guillaume Debré, Brice Teinturier CORRECTION Véronique Tran Vinh MAQUETTE David Dumand PARTENARIATS Violaine Parturier (violaineparturier@lhemicycle.com - Tél. : 01 45 49 96 09/06 28 57 43 16) IMPRESSION Roto Presse Numéris, 36-40, boulevard Robert-Schumann, 93190 Livry-Gargan. Tél. : 01 49 36 26 70. Fax : 01 49 36 26 89 ACTIONNAIRE PRINCIPAL Agora SASU Parution chaque mercredi ABONNEMENTS abonnement@lhemicycle.com COMMISSION PARITAIRE 0418I79258 ISSN 1620-6479 Dépôt légal à parution

12 L’HÉMICYCLE

NUMÉRO 476, MERCREDI 29 JANVIER 2014


H476_p13.qxd:L'HEMICYCLE

27/01/14

18:04

Page 13

KENZO TRIBOUILLARD/AFP

L’admiroir

La garde des Poètes

CHRISTIANE TAUBIRA Par Éric Fottorino

« Les poèmes sont des armes miraculeuses. » La ministre de la Justice, qui cite Aimé Césaire, a montré l’efficacité de ces « armes » au Parlement. encontrer Christiane Taubira n’est pas une expérience banale. Même au terme d’une journée harassante où elle a accompli les lourdes tâches de son ministère, elle reçoit dans son bureau de la Place Vendôme avec une grâce souriante, imperméable à la boue qu’elle n’a cessé de recevoir ces derniers mois. On se demande quel peut être le secret de cette fière détermination qui n’est jamais arrogante ou agressive, elle dont la figure a été animalisée sans qu’elle reçoive de son camp ni de la classe politique en général de soutiens très appuyés. Sa force est dans le verbe. Quand on lui demande à brûle-pourpoint quelles figures ont marqué son engagement, chez qui « la Garde » – comme l’appelle sa plus proche collaboratrice, diminutif de « garde des Sceaux » – puise-t-elle sa combativité, elle répond simplement: « Je ne ferais de folies pour personne. » Bien sûr, elle ne cache pas son admiration pour le Barack Obama de 2008. « Il a su négocier chaque moment difficile de sa campagne. Son discours sur la race, je le connaissais par cœur ». Mais en réalité, pour qu’elle se reconnaisse dans une personnalité marquante, c’est le nom de Mandela qu’il faut citer. Plus que Martin Luther King ? Assurément oui, répond-elle. « Martin Luther King a suivi un chemin de pasteur. C’est la limite qu’il ne franchissait pas. Bien sûr, j’ai été émue par son “I have a dream”. Mais c’était un prêche à des ouailles, pas une parole contre ses adversaires. »

R

Le regard brillant, le verbe aisé, la gestuelle aérienne des mains, Christiane Taubira est tout à son propos. « Après le massacre de Sharpeville en 1960, Mandela fait le choix de la violence. Il sait que face à un État brutal, on ne lutte pas avec des mots, des discours et des principes. » Elle sera plus empathique avec Malcolm X, « pas dans sa première phase mais dans la seconde, après son voyage à La Mecque, quand il se dégage de la gangue de la race. Il devient alors plus vulnérable, plus intéressant ». Et d’ajouter : « Je me serais davantage retrouvée chez les Black Panthers. Je suis une sensitive, j’éprouve des sensations

«

« Nous ne planterons pas toujours pour que d’autres récoltent le sué doré des fruits mûrs Nous ne jouerons pas toujours de la flûte douce tandis que d’autres se reposent Nous n’avons pas été créés Pour pleurer Éternellement. » Au début des années 1980, Christiane Taubira éprouve le choc des écrits de Toni Morisson, en particulier Song of Salomon, la chanson de Salomon, « un livre que je ne recommande à personne », dit-elle gravement. « Je conseille Love et aussi Sula. Ou encore Home, un petit chef-d’œuvre ».

dure pas très longtemps, l’espace d’un songe, d’un souvenir. Madame Taubira renoue avec le verbe d’Aimé Césaire « C’est lui qui disait cela : les poèmes sont des armes miraculeuses. Aucun sujet ne garde toute sa superbe devant un poème. » Elle récite de longs passages du Cahier d’un retour au pays natal. « C’est un gamin de 26 ans qui a écrit ça ! » lance-t-elle, confondue d’admiration et de gratitude devant ce texte qui la berce et la renforce. « Un poème qui m’émeut est une vérité audelà de nous-mêmes, au-delà de l’instant », poursuit-elle. Et la voilà qui reprend son récit, une manière de

MA TRIBU ME REPROCHE D’ÊTRE NOIR, MAIS AU MILIEU DES COMBATS, NE SUIS-JE PAS PLUS ÉCLATANT QUE L’AURORE ? » Omar Khayam

physiques à distance, je comprends d’abord et j’intellectualise après. » C’est ainsi qu’à la fin de son adolescence, la jeune Guyanaise éprouve une forte affinité intuitive avec les membres de la Harlem Renaissance, ce mouvement intellectuel et artistique de l’entre-deuxguerres qui lutta pour la culture afro-américaine à New York. Elle cite les noms de la romancière Zora Neale Hurston, des poètes Langston Hugues et Countee Cullen, récitant soudain quelques vers de ce dernier qui montent dans le bureau comme une douce mélopée. Les mots pourtant sont ceux de la révolte :

À mesure qu’elle parle, truffant ses propos de vers en anglais, en français ou en espagnol, la ministre de la Justice dévoile son vrai visage qui se confond avec la poésie. « C’est un goût que j’ai eu dès l’école, dit-elle. Avec La Légende des siècles de Victor Hugo, puis Vigny, Baudelaire, des lectures alors obligées. » Plus tard est venu René Char. « Il n’a pas demandé de visa mais il s’est installé en moi », lancet-elle dans un éclat de rire. « Les poèmes me viennent avec les circonstances. Je l’ai juste constaté: ce sont des armes indestructibles. » Elle réfléchit un instant. Le silence enveloppe tout à coup le grand bureau de la Chancellerie. Il ne

psalmodie, de « foule qui ne sait pas faire foule ». Sa voix nue réchauffe l’hiver. On ne peut que l’écouter. J’ai cessé de noter : je retrouverai les paroles dans le recueil original. J’entends la musique de Césaire dans la bouche de Christiane. Il n’y a plus d’étiquette, de protocole, de ministre, mais une femme qui dit le beau et le fort, avec force et beauté, sans affect ni coquetterie : « Partir. Comme il y a des hommes-hyènes et des hommes-panthères, je serais un homme-juif un homme-cafre un homme-hindou-de-Calcutta

NUMÉRO 476, MERCREDI 29 JANVIER 2014 L’HÉMICYCLE

13

un homme-de-Harlem-qui-ne-vote-pas l’homme-famine, l’homme-insulte, l’homme-torture on pouvait à n’importe quel moment le saisir le rouer de coups, le tuer – parfaitement le tuer – sans avoir de compte à rendre à personne sans avoir d’excuses à présenter à personne un homme-juif un homme-pogrom un chiot un mendigot. » Elle poursuit avec « La négraille aux senteurs d’oignon frit (qui) retrouve dans son sang répandu le goût amer de la liberté Et elle est debout la négraille la négraille assise inattendument debout ! debout dans le sang debout et libre » Pour Christiane Taubira, « la poésie vient quand elle veut ». Manifestement elle veut souvent. Voici que survient Omar Khayam et ces quelques vers: « Ma tribu me reproche d’être noir, mais au milieu des combats, ne suis-je pas plus éclatant que l’aurore ? » Elle enchaîne avec Mahmoud Darwich, le grand poète palestinien disparu en 2008 : « La terre nous est étroite. Elle nous accule dans le dernier défilé et nous nous dévêtons de nos membres pour passer ». Encore quelques vers de Lorca (Ode au roi de Harlem), puis quelques histoires de femmes courageuses et fières puisées dans les contes d’Afrique ou du Brésil. Christiane Taubira est à l’évidence une femme de légendes.


H476_p14.qxd:L'HEMICYCLE

27/01/14

17:17

Page 14

À la tribune S’engager pour le développement du Maghreb : un défi et une obligation «

a Méditerranée est au cœur des grandes problématiques de ce siècle: développement, migrations, paix, dialogue des civilisations, accès à l’eau et à l’énergie, environnement, changement climatique… et c’est au sud de l’Europe que notre avenir se joue », disait un ancien ministre des Affaires étrangères. Pour les pays de la rive sud, la Méditerranée est, aussi, un enjeu majeur. Elle communique avec les deux grands océans Atlantique et Indien, et son trafic place la Méditerranée au deuxième rang mondial après la Manche (20 % des pétroliers, 30 % des navires marchands, 120000 navires par an…) Qui le sait? Et puisque l’Afrique doit être le grand continent du XXIe siècle, un grand espace s’ouvrirait… et c’est le Maghreb qui, se positionnant à la proue de l’Afrique, occuperait une position stratégique et économique majeure. L’Europe, la Méditerranée, le Maghreb et l’Afrique (qui comptera d’ici 2050, 2 milliards d’Africains dont un quart de francophones soit 500 millions). On voit se dessiner les limites d’une « grande région Nord-Sud » qui peut peser dans la mondialisation. Elle combinerait les forces des pays du Nord (brevets scientifiques, expérience industrielle, taille du marché…) et les forces des pays du Sud (matières premières et énergie, main-d’œuvre abondante et qualifiée, jeunesse…). Cependant, les pays arabes et musulmans de la rive sud vivent dans l’instabilité consécutive aux révolutions récentes. Ces révoltes ont commencé en Tunisie en 2010 à Sidi Bouzid. Un jeune marchand de fruits et légumes, Mohamed Bouazizi, s’immole par le

L

feu. On venait de lui saisir ses outils de travail, une charrette et une balance. Il conteste, est expulsé et giflé… Ainsi commence une révolution suivie d’une vague de protestations sans précédent, qui va provoquer la chute de régimes autoritaires (Tunisie, Égypte, Syrie) ou des réformes politiques importantes dans certains États: Maroc, Mauritanie, Jordanie et même Algérie. La Syrie est encore en guerre. Ces révolutions ont renversé des régimes corrompus qui ne respectaient ni la démocratie ni les droits de l’homme. Une population jeune et sans emploi va engager sans peur et avec détermination des mouvements de protestation en réclamant : du pain, la liberté et la justice sociale. Les causes sont communes mais les situations ont évolué différemment. Ces révolutions ne font peut-être que commencer. Dans l’immédiat, constatons que dans ces pays musulmans, l’islam s’est positionné politiquement en remportant, d’abord, les premières élections alors que les islamistes n’étaient pas les initiateurs de la révolte. C’est le cas des Frères musulmans en Égypte et Ennahda en Tunisie. Ils ont pris le pouvoir mais n’ont pas répondu aux attentes de la population, ni amélioré le sort du peuple. Et le peuple a mesuré l’incapacité des islamistes à traiter les questions économiques et sociales. Derrière la « modération » il a, aussi, perçu le réel projet pour « l’islam politique » d’annexer le pouvoir. L’islam a ainsi montré qu’il n’était pas un projet de gouvernement. Ces expériences sont donc un échec et la confusion est grande. Cependant un

point de non-retour est atteint. La transition sera longue mais il semble avéré que les dirigeants installés seront jugés sur leurs résultats économiques. Au demeurant, la situation nouvelle de ces États a des conséquences sur les relations avec la France et l’Europe. La stabilité et la croissance de ces pays de la rive sud et notamment du Maghreb constituent des enjeux majeurs; les incertitudes sont grandes. Il faudra savoir apprécier les situations pour mieux les accompagner. Et respecter la volonté et les choix de ces peuples arabo-musulmans pour que triomphent les valeurs de justice et de dignité de l’homme. Dans cette région et pour ces pays, il est aussi essentiel d’affirmer prioritairement la place de la Méditerranée. Cependant la diversité de cette mer est grande. Il existe de fait « des Méditerranée » et la notion de proximité va s’imposer, naturellement, pour plus d’efficacité. Ainsi, pour la France et l’Europe, la partie occidentale de la Méditerranée se structure et positionne déjà le pays dans l’organisation du « dialogue 5 + 5 »: France-Portugal-Espagne-Italie-Malte et pour la rive sud: Mauritanie-MarocAlgérie-Tunisie-Lybie. Ces dix États constituent dès 1990, une « sous-région » et un espace pertinent, qui a été réaffirmé par le président de la République François Hollande en 2012 à Malte. L’intégration de ces pays se fera par l’économie. Elle se construira sur des projets forts et d’avenir qui auront besoin d’un environnement stable et sécurisé. Et, dans cet ensemble régional, le « décloisonnement » et « l’intégration Sud-Sud » sont une condition supplé-

mentaire et nécessaire. À l’évidence « l’unité du Maghreb » est une exigence et suppose que soit réglé, par la négociation entre partenaires, MarocAlgérie-Front Polisario, un conflit gelé depuis 40 ans, celui du Sahara occidental. Une solution équitable s’impose. On estime à deux points de croissance par an le coût du « non-Maghreb ». En conséquence, l’Europe et la France doivent revisiter et même redéfinir leurs politiques afin de devenir les acteurs de ces transformations. Une nouvelle « stratégie de voisinage » doit être impulsée. Des principes nouveaux de partenariat d’égal à égal, devront encadrer l’action de colocalisation des activités économiques. La mobilité et la circulation nécessaires des professionnels, chercheurs, étudiants doivent réorienter les politiques migratoires. Dans le respect des identités, la modernité peut affirmer la place de NTIC et du numérique dans ce développement et certains pays ont déjà marqué leur place (le Maroc). Les collectivités, les entreprises (les PME), la société civile, la jeunesse (en moyenne 60 % de la population a moins de 25 ans) mais aussi les femmes, dont « l’entrepreneuriat » est une force, seront les acteurs de ces transformations. L’éducation, la formation, la culture et la langue véhicule social et économique, (enseignement réciproque du français et de l’arabe) sont des exigences premières.

Une Méditerranée des projets est à construire La coopération est déjà forte dans les infrastructures. Elle doit se poursuivre et accompagner les projets qui, à l’in-

La nouvelle donne française en Afrique a politique de la France en direction des pays africains a changé de paradigme. Notre pays a restauré un dialogue respectueux et responsable avec ses partenaires, qui prend la mesure du potentiel immense du continent. La France a mis en place des dispositifs nouveaux, cohérents avec ses politiques et ses valeurs, a clarifié ses positions stratégiques, et défend de nouvelles modalités d’actions. Un dernier effort vers la vision d’une alliance stratégique Europe-Afrique, une véritable coopération et les moyens qui l’accompagnent fonderait une politique totalement nouvelle… mais le quinquennat est loin d’être fini : nous passons de la rupture avec la période précédente, à la définition d’un nouveau cadre. C’est l’intervention au Mali qui frappe d’abord les esprits : fondée sur un mandat international, visant la

L

sécurité de la région, menée en concertation étroite et à la demande des Africains eux-mêmes, elle marque une première rupture avec l’interventionnisme en défense des intérêts franco-français coalisés à ceux de chefs d’États menacés. Dans les premiers mois de l’arrivée au pouvoir de François Hollande, sa participation au sommet de la Francophonie marquée par une distance franche à l’égard de l’hôte congolais avait donné le ton, qui sera rappelé dans les conclusions du récent sommet de l’Élysée : le soutien à la démocratie et aux droits de l’homme est l’aiguillon de notre politique. Voilà un signal fort qu’ont entendu les oppositions aux régimes autoritaires, à l’heure où certains sont tentés par les modifications de constitution pour garder le pouvoir. L’arrivée de François Hollande a permis également de couper le lien nau-

14 L’HÉMICYCLE

séabond entre immigration et développement, ce chantage démagogique mis en place par Nicolas Sarkozy, en supprimant le ministère du même nom. La « cellule Afrique » de l’Élysée a été réintégrée au sein de la cellule diplomatique, une loi d’orientation et de programmation sur la politique de développement et de solidarité internationale sera bientôt votée et un cadre de concertation sur cette même politique en voie d’être créé. Ces différentes actions permettent de normaliser les dispositifs institutionnels de notre politique en direction de l’Afrique, et d’y ajouter la transparence attendue par tous, à commencer par les sociétés civiles du Nord comme du Sud. Enfin, c’est aussi en matière de coopération que les nouvelles orientations peuvent, si elles sont portées plus loin du point de vue conceptuel

NUMÉRO 476, MERCREDI 29 JANVIER 2014

comme du point de vue opérationnel, répondre aux défis d’une relation restructurée. La priorité assumée en matière économique est maintenant pensée de manière intégrée avec la « colocalisation », qui assure le respect du développement de chacune des parties. Elle est aussi accompagnée par une politique de coopération qui dispose enfin d’une finalité, celle du développement durable dans ses dimensions sociales, économiques et environnementales. Ce faisant, par ses priorités comme l’appui aux cultures paysannes, ou la transversalité des politiques de genre, elle cadre aussi les activités sur le terrain économique. Cette refondation, qui a coupé court à la double logique d’indifférence et de prédation, ne pourra être pleinement efficace sans au moins un impératif : porter cette politique au niveau européen et fonder un cadre de par-

Par

Josette Durrieu, Vice-présidente de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées

et

Christian Cambon, Vice-président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées térieur du Maghreb, favoriseront l’intégration comme l’autoroute transmaghrébine, à qui il manque une vingtaine de kilomètres entre l’Algérie et le Maroc pour être achevée. De même doit être réactualisée la création d’une liaison physique entre le Maghreb (Maroc) et l’Europe (Espagne) sous le détroit de Gibraltar… 14 km! Un plan énergie et une « union énergique » doivent être définis. L’énergie est la grande filière « transméditerranée ». Certains États sont producteurs d’hydrocarbures et de gaz (Algérie) et tous disposent d’espaces et d’ensoleillement pour développer les énergies renouvelables et éoliennes. Agriculture et tourisme ont des potentialités fortes et non totalement exploitées. Cependant ces activités doivent inscrire leur développement dans le respect indispensable de l’environnement. Pour accompagner ces projets et les financer, il faut que l’Europe se mobilise et s’organise. Mais il faut aussi « éveiller » les partenaires européens aux enjeux du Maghreb. C’est le rôle de la France qui, par son histoire et son positionnement connaît le mieux la Méditerranée et le Maghreb d’affirmer une « vision lucide et pragmatique » (selon les propos de Sijilmassi, secrétaire général de l’UpM) au service d’un grand dessein qui peut fédérer le Maghreb et conforter ce socle pivot de la « grande région européenne Méditerranée Afrique ».

Par

Capucine Edou, déléguée nationale Afrique, secrétariat international du Parti socialiste

tenariat stratégique d’intégration des politiques à cette échelle. Cela reste un défi quand on constate les difficultés à faire contribuer les Européens aux interventions sur le continent ou encore la frilosité à reporter la conclusion des accords de partenariat économiques : l’enjeu de ce report est pourtant au cœur d’une vision potentiellement nouvelle des relations entre l’Europe et l’Afrique, sortant du simple utilitarisme de la relation pour construire un cadre où le développement de chacun est respecté. Si tant est que la démocratie s’installe durablement dans les pays du continent africain, les perspectives de ce partenariat de long terme auront également beaucoup à apporter à nos sociétés européennes.


H476_p15.qxd:L'HEMICYCLE

27/01/14

18:15

Page 15

À la tribune

ntre le 22 et le 25 mai prochains, les citoyens européens seront appelés à élire leurs représentants au Parlement européen. Ce n’est pas une échéance inattendue : depuis 1979, les élections européennes ont lieu tous les cinq ans. Malgré cette régularité de métronome, le scrutin n’a pas réussi à convaincre les citoyens européens. En 2009, plus de 55 % d’entre eux se sont abstenus. Ils étaient près de 60 % en France. Ce n’est pas une nouveauté : la participation aux élections européennes subit depuis 35 ans une érosion inexorable, alors même que les pouvoirs du Parlement n’ont cessé de croître durant cette même période. Peut-on en déduire que les citoyens méprisent l’Europe ? Non, d’autres scrutins sur les enjeux européens ont suscité des débats passionnés et des participations fortes. On peut cependant saisir une lassitude, une incompréhension. L’Europe est une promesse pour des millions de personnes. Une promesse de paix, de sécurité, d’idéaux humanistes, mais aussi d’impératifs sociaux et de croissance. Si la paix est assurée et son principe ancré dans tous les cœurs, l’Europe n’a pas su répondre aux autres défis. L’Europe n’est plus

E

un foyer de croissance, l’emploi n’y est plus assuré, l’Europe a parfois failli dans sa tâche de protection des droits. L’idée que, ensemble, les Européens seraient plus forts, n’est plus incarnée par l’Union européenne. Face à cette situation, les Européens ont voulu s’exprimer, ont réclamé du changement. Cette exigence pour le projet européen était peutêtre entendue, mais pas répercutée. Le format inédit des prochaines élections européennes change la donne. En effet, le traité de Lisbonne prévoit que, pour la première fois, cette année, les chefs d’État et de gouvernement tiennent compte des résultats des élections dans le choix du candidat à la présidence de la Commission européenne qu’ils présenteront au vote du Parlement. Cette désignation se déroulait autrefois derrière les portes closes d’un conclave réunissant les têtes des exécutifs européens. Elle se fera désormais face aux citoyens, dans le respect de leur vote. Pour le Parlement européen, l’esprit de Lisbonne s’interprète ainsi : le parti qui parvient à fédérer une majorité au Parlement derrière son candidat doit remporter la présidence de la Commission. Cette élection est calquée sur les élections législatives nationales qui recueillent l’attention et les

suffrages des électeurs européens. Pour la première fois, il sera impossible d’invoquer l’inutilité des élections européennes, de clamer que leur déroulement est exempt d’enjeu de pouvoir. Leur issue modifiera l’équilibre des forces, car ces élections donneront l’occasion aux citoyens de choisir l’Europe qu’ils veulent. Ce nouveau processus entraînera des effets positifs en cascade pour l’Union européenne. Il confortera le Parlement européen dans son rôle de contrôle des institutions européennes. L’exécutif européen dont le président sera élu devra répondre de ses actes devant les électeurs et en sera légitimé et renforcé. Ce processus démocratique ne fait pourtant pas l’unanimité. Les dirigeants des États d’Europe ne veulent pas renoncer à leurs prérogatives et préfèrent rester sourds à la voix des peuples. Une offense à la démocratie qu’ils n’oseraient réclamer pour leur propre pays. Mais offrons-leur le bénéfice du doute. Écoutons plutôt ceux qui expriment leur opposition en soutenant que la Commission européenne ne doit pas être politique. Je leur réponds que la Commission est politique depuis de nombreuses années. Mais cela a été une politique entre élites, loin des citoyens et des élus qui les représentent. Aujourd’hui, un lien clair est établi entre les citoyens et les insti-

RAGNAR SINGSAAS/AFP

Pour la première fois, il sera impossible d’invoquer l’inutilité des élections européennes

Par Martin Schulz, président du Parlement européen Cette déconnexion, ou son sentiment, a été aggravée par des hommes politiques nationaux qui ont martelé que l’Europe était définitivement un projet lointain, incompréhensible pour le commun des mortels. Ils n’ont désormais plus d’excuse. Les partis européens et leurs composantes nationales ont comme responsabilité de sensibiliser leurs électeurs, de défendre leur programme politique européen, de présenter des candidats aux élections dévoués à leur tâche de législateur et soucieux d’expliquer leur action à leurs concitoyens. Il est de leur responsabilité de rap-

eux-mêmes prises. Il est temps pour eux de redonner à l’Europe ses lettres de noblesse. Ce scrutin sera aussi l’occasion pour les grandes forces politiques de confronter leur vision de l’Europe, de soutenir une candidature transeuropéenne pour la tête de l’exécutif européen. La montée redoutée des forces populistes au Parlement européen ne peut être une excuse pour se désengager, une échappatoire pour les pays membres et leurs partis pour traiter à la légère ces élections. En ne prenant part aux élections que du bout des doigts, certains espèrent ne pas avoir à payer

«

JE SOUHAITE RÉCONCILIER L’IDÉE EUROPÉENNE AVEC LES ATTENTES DES CITOYENS. ET POUR CELA, JE LEUR PROMETS UN CHANGEMENT DE CAP, APRÈS 10 ANS DE POLITIQUE DE DROITE, MAIS SURTOUT UNE COMMISSION À L’ÉCOUTE DES CITOYENS, À L’ÉCOUTE ET SOUS LE CONTRÔLE DES PARLEMENTAIRES QU’ILS ONT ÉLUS »

tutions européens. C’est une promesse de démocratie à des millions de citoyens : l’Europe ne pourra plus se faire sans eux. C’est un pas important en direction de ceux qui, consciemment ou inconsciemment, sont devenus eurosceptiques. C’est un premier pas nécessaire car je comprends leur scepticisme. Je le partage même. L’Union européenne a perdu de vue son objectif : prendre le relais des États membres pour des enjeux supranationaux – l’économie, l’environnement, l’emploi… Elle s’est aujourd’hui perdue dans des errements administratifs, dans des règlements tatillons. Elle s’est déconnectée des Européens.

peler que le Parlement européen est la voix du peuple européen. Un parlement dont les prérogatives se sont élargies. C’est lui qui s’est battu pour un budget à long terme stabilisé, pour des bonus de banquiers encadrés, pour une taxe sur les transactions financières. C’est lui qui s’est battu pour que la contribution aux plus démunis en Europe soit sanctuarisée. Il est de leur responsabilité de rappeler aux Européens que l’Europe est leur quotidien. Que ce qui se décide à Bruxelles n’est pas le fait d’une oligarchie inconséquente. Ils ne doivent plus accabler « Bruxelles » pour des décisions que leurs dirigeants nationaux ont

NUMÉRO 476, MERCREDI 29 JANVIER 2014 L’HÉMICYCLE

15

les conséquences d’un vote antieuropéen. Il n’en sera rien. D’autant que nous le savons tous, aucune élection n’est jouée d’avance. Je porterai les couleurs des socialistes européens à ces élections. Parlementaire européen depuis 20 ans, je me suis battu pour que mon institution soit connue, reconnue et respectée. Européen convaincu, je souhaite réconcilier l’idée européenne avec les attentes des citoyens. Et pour cela, je leur promets un changement de cap, après 10 ans de politique de droite, mais surtout une Commission à l’écoute des citoyens, à l’écoute et sous le contrôle des parlementaires qu’ils ont élus.


Pour 7,99 € vous soutenez la liberté de l’information

Achetez l’album sur iPad 290x360.indd 1

22/01/14 16:59


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.