l'Hémicycle - #475

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l’Hemicycle

Agora Hervé Morin

Gérant-Directeur de la publication : Bruno Pelletier Rédacteur en chef : Thomas Renou

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LUDOVIC WEYLAND

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JEAN-CHRISTOPHE VERHAEGEN/AFP

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À la tribune

Mego Terzian

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Michel Lesage

P. 3

FABRICE COFFRINI/AFP

P. 11

Les limites d’une puissance moyenne Lire p. 8

FRANCOIS GUILLOT/AFP

Aux Quatre Colonnes

Passé-présent

Un œil sur l’Europe

Pacte de responsabilité Des paroles contre réforme fiscale et des actes

Quand les Français découvraient le centre de l’Afrique

La crise de la zone euro, une crise grecque mal gérée

par Pascale Tournier

par Bruno Fuligni

par Jean Quatremer

p. 4

Édito

par Éric Mandonnet

p. 6

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a mené campagne sur la baisse des déficits, en évitant trop de promesses inconsidérées. Et qu’une fois au pouvoir, après quelques mois de flottement, il a engagé lors de sa première conférence de presse une politique Rompant avec l’exercice convenu des vœux de l’offre avec les 20 milliards du CICE pour les entreprises, présidentiels, François Hollande a surpris : et donné la priorité à la négociation contractuelle. il a annoncé une baisse de la dépense Mais François Hollande avançait masqué, avec des allerspublique et des impôts, dénoncé des abus retours. La profondeur de la crise et le manque de résultats l’obligent à assumer sa politique sociale-démocrate. de Gérard Leclerc à la Sécurité sociale, et appelé à un pacte de responsabilité avec les entreprises… Il désarçonne du même coup l’UMP, avec la fameuse PRÉSIDENT DE LCP Voilà qui n’appartient pas vraiment au triangulation – quand votre adversaire reprend vos mots bréviaire de la gauche, et qui n’a d’ailleurs guère été mis en œuvre et votre politique – avec le risque pour elle de se laisser par des gouvernements de droite. S’agit-il pour autant d’un tournant entraîner dans une surenchère libérale. Il reste à François social-libéral ? N’est-ce pas plutôt, du fait d’une crise plus profonde Hollande à dire comment il baissera impôts, dépenses que prévue, une mise en cohérence entre les convictions de François publiques et charges des entreprises, et surtout à passer Hollande, son discours et ses actes ? Certes chacun se souvient de aux actes. Puis à vérifier que les résultats arrivent enfin. ses diatribes contre « la Finance, son seul ennemi », de la taxation Et cela sous le regard hostile de sa gauche : L’Humanité à 75 % des plus hauts revenus, ou des hausses d’impôts. Mais il ne Dimanche met à sa une Pierre Gattaz faut pas non plus oublier que le candidat aux primaires socialistes avec le masque de Hollande…

La vraie nature du Hollandisme

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Au sommaire • Entretien avec Pierre-Alain Muet > p. 4 • Un autre regard, le bloc-notes de Patrick Poivre d’Arvor > p. 9 • À la tribune : Métamorphose numérique et développement durable des territoires par Gilles Berhault et Francis Jutand > p. 10

L’opinion

www.lhemicycle.com

The World’s First Business School (est. 1819)

ESCP Europe

The True European Business School

Working on one of the major issues of the Union’s financial crisis Induction Seminar at the European Parliament

NUMÉRO 475 — MERCREDI 15 JANVIER 2014 — 2,15 ¤


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JEAN-CHRISTOPHE VERHAEGEN/AFP

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HERVÉ MORIN DÉPUTÉ DE L’EURE

« En Centrafrique, les soldats français ont encore du travail, un long travail devant eux… » Selon le président du Nouveau Centre, qui fut ministre de la Défense de 2007 à 2010, le gouvernement a commis deux erreurs avant de lancer l’opération en Centrafrique : d’abord celle de ne pas avoir réussi à réunir une coalition européenne, puis celle de ne pas avoir assigné à cette opération un « objectif clair ». Les groupes UMP et UDI ont demandé que soit créée une mission d’information sur l’opération menée en Centrafrique, et celle-ci a été refusée en conférence des présidents. Un commentaire ?

Nous avons besoin, sur les questions de défense – comme sur d’autres questions –, d’un maximum de transparence. Par rapport aux autres grandes démocraties, la France n’est déjà pas un modèle en matière de contrôle parlementaire des opérations extérieures. La situation a un peu changé grâce à la révision constitutionnelle de 2008 – il faut un vote du Parlement pour prolonger une opération au-delà de quatre mois d’intervention –, mais rappelons que dans de nombreux pays européens, ce vote est un préalable à toute opération extérieure. Une mission d’information nous aurait permis d’avoir une meilleure analyse de la situation, une analyse sereine, comme savent la faire les parlementaires des commissions de la défense et des affaires étrangères. Je regrette donc que nous n’ayons pu obtenir la création de cette mission d’information. Vous étiez favorable à cette intervention en RCA. Quel regard portez-vous sur l’évolution de la situation ?

Un regard inquiet. J’étais favorable à cette opération, au nom de la responsabilité qui est la nôtre dans cette région du monde, pour empêcher les guerres civiles et les crimes de masse. J’avais vu deux défauts, dès l’origine de cette intervention, mais j’en avais sous-estimé l’impact.

Le premier défaut ?

Nous n’avons pas tenté de mener cette intervention dans un cadre européen. Nous sommes seuls, et au moment où se pose la question d’un renforcement de notre présence militaire, on voit bien que personne en Europe n’est prêt à nous aider. L’Allemagne, disiez-vous récemment, ne veut pas assumer ses responsabilités dans le domaine de la défense…

Il n’y a pas que l’Allemagne en Europe, il y a 27 pays susceptibles de nous aider. Au Tchad, en 2008, durant la crise du Darfour, nous avons mené une opération avec une dizaine de pays européens, et sans les Allemands. Ne considérons pas que tout passe par l’Allemagne. Il a manqué une initiative majeure de la France pour convaincre ses partenaires européens de conduire une telle opération en RCA. Deuxième défaut ?

Il manque à cette opération des perspectives politiques. Au Mali, nous avons lancé une opération avec un objectif bien identifié : restaurer un État, et assurer une transition démocratique. Nous sommes allés en Centrafrique sans un objectif clair. Résultat : nous sommes aujourd’hui pris entre les feux de la Séléka et des anti-balaka, dans un conflit qui prend un caractère religieux. N’avoir aucune perspective politique rend pour nos forces armées l’exercice très compliqué. A-t-on sous-estimé le caractère confessionnel de cette guerre civile ?

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Probablement, comme on a menti sur la durée de l’intervention. J’ai toujours dit que contrairement à ce qui était affirmé, on n’y était pas pour six mois mais pour très longtemps. La République centrafricaine est un pays plus grand que la France et personne ne pouvait penser que nous allions être capables, en quelques semaines, d’y reconstruire les fondations d’un État qui a disparu. Nous allons devoir rester encore très longtemps en RCA. Des années ?

Oui, c’est clair. Je rappelle qu’il a fallu cinq années pour créer un état civil et des listes électorales en Côte d’Ivoire…

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central depuis longtemps, et le Sud connaît de nombreux séparatismes. D’un côté, il y a des musulmans qui s’imaginent que nous allons favoriser les chrétiens, et de l’autre des chrétiens qui ont le sentiment que nous ne prenons pas vraiment la décision de désarmer les milices. Nos soldats sont pris en tenaille, et je leur renouvelle un message de soutien. Nous les avons transformés en gendarmes mobiles, une mission à laquelle ils ne sont pas préparés, même s’ils ont connu une situation assez similaire en Côte d’Ivoire. Ils doivent vivre une épreuve terrible, faire preuve de la force sans commettre l’irréparable, dans un climat d’hostilité, de haine : ils doivent ressentir un très

IL EST NÉCESSAIRE DE TROUVER UN CHEF D’ÉTAT RASSEMBLEUR AFIN DE PERMETTRE AU PAYS D’ALLER VERS UNE UNITÉ »

Vous avez déclaré que nous sommes aujourd’hui l’otage d’une « situation pourrie »…

Le putschiste – aujourd’hui démissionnaire – qui a remplacé un putschiste n’était pas plus recommandable que son prédécesseur. Nous ne disposons d’aucun schéma politique qui nous permette de faire évoluer la République centrafricaine vers un régime stable et démocratique. Ce pays n’a pas connu d’unité depuis une vingtaine d’années : le Nord n’est plus sous l’autorité de l’État

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grand sentiment d’impuissance, et cela doit être extraordinairement difficile. Les démissions du Président et du Premier ministre centrafricains, Michel Djotodia et Nicolas Tiangaye, constituent une bonne nouvelle ?

Oui, mais il est nécessaire de trouver un chef d’État rassembleur afin de permettre au pays d’aller vers une unité. La nomination d’Alexandre-Ferdinand Nguendet à la présidence par intérim pendant

15 jours ne semble pas pour l’instant être gage de retour au calme dans les rues de Bangui. Les soldats français ont encore du travail, un long travail devant eux… A-t-on les capacités pour un déploiement de forces plus efficace ?

Nos moyens sont limités. Nous avons actuellement plus de 8 000 hommes en opérations extérieures. Sur le long terme, cela s’avère encore plus difficile, et il va falloir très clairement mettre l’Europe et la communauté internationale face à leurs responsabilités, car la France ne peut assumer seule cette nécessité de renforcer les forces sur le terrain. Quelle doit être l’ampleur de ce renforcement ?

Si l’on veut créer un électrochoc, il faut envoyer là-bas plusieurs milliers d’hommes supplémentaires. Selon Dominique de Villepin, les batailles menées en Irak, en Libye, en Syrie, au Mali et en Centrafrique sont les batailles d’une seule et même guerre. Qu’en pensez-vous ?

Non, ce n’est pas tout à fait la même chose. L’opération que mène la France concerne des problèmes essentiellement centrafricains. Il peut y avoir bien sûr des liens, et on peut faire une présentation élégante d’une même guerre qui s’étendrait à tous ces pays, mais l’opération française se borne à trouver des solutions aux problèmes de la République centrafricaine.

Propos recueillis par Thomas Renou


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LUDOVIC WEYLAND

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MEGO TERZIAN PRÉSIDENT DE MSF

« Les besoins médicaux et sanitaires sont énormes en RCA, et MSF est déterminée à poursuivre ses activités de secours en faveur de la population centrafricaine » L’une des rares organisations non gouvernementales présentes en Centrafrique, Médecins sans frontières, a décidé le 3 janvier de « considérablement réduire ses activités » dans le camp de la zone aéroportuaire, à Bangui, où se sont entassées près d’une centaine de milliers de personnes, en majorité chrétiennes : la sécurité n’y était alors pas suffisante pour que MSF puisse exercer pleinement ses missions. Depuis, MSF a pleinement repris ses activités dans le camp de M’Poko, à l’aéroport. Son président, Mego Terzian, nous explique la situation. Médecins sans frontières est présente en République centrafricaine depuis 1997. Pouvez-vous rappeler quelle est votre action en RCA ?

MSF gère plusieurs projets : sept qui sont réguliers, à Batangafo, Boguila, Carnot, Kabo, Ndélé, Paoua et Zémio ; et quatre projets d’urgence, à Bangui, Bossangoa, Bouca et Bria. D’ici à la fin janvier, MSF espère pouvoir initier des activités dans les hôpitaux de Bangassou et Ouango. Au total, MSF gère donc 11 structures hospitalières dans le pays, avec des équipes d’urgence mobile. Nous offrons, au total, des soins médicaux gratuits à environ 400000 personnes, nous proposons une capacité hospitalière d’environ 800 lits. Combien avez-vous de personnels expatriés ?

Une centaine, et nous comptons environ 1 100 personnels centrafricains dans nos équipes. Après deux jours de violences intenses, les 1er et 2 janvier, MSF a décidé de restreindre une partie de ses personnels, pourquoi ?

Le 1er et le 2 janvier, nous avons connu une recrudescence des violences dans le camp qui se situe à côté de l’aéroport, où 100 000 personnes vivent dans des conditions très précaires, et où MSF gère un centre de santé (santé primaire, et quelques accouchements). Que s’est-il passé ?

Des violences (avec armes à feux et armes blanches) ont provoqué la mort de deux enfants, et ont blessé

une quarantaine de personnes, qui ont été prises en charge par nos équipes. Des balles perdues ont touché nos centres de santé, et elles auraient pu toucher nos personnels. Nous avons considéré que le maintien d’un dispositif d’importance était alors devenu impossible dans ce camp, et nous avons décidé – momentanément – de restreindre nos activités. Nous les avons depuis reprises, avec une équipe complète, et avons même initié – le 8 janvier – une campagne de vaccination contre la rougeole pour les enfants déplacés âgés de 6 mois à 15 ans vivant dans le camp de l’aéroport.

gés de nous interposer à ces personnes. L’armée française n’y peut rien : ils patrouillent, mais ce n’est malheureusement pas suffisant.

Vous n’avez pas bénéficié d’une protection suffisante ?

Quelle est la situation à Bangui ?

60 % des pays où travaille MSF sont en guerre. Il est rare que nous demandions la protection des forces en présence, et notamment en RCA, où la population connaît notre manière de travailler. C’est, d’une certaine manière, notre protection. Vous n’avez donc pas demandé cette protection à la MISCA ou à l’armée française ?

Non, en dépit de l’augmentation régulière des violences contre les structures hospitalières.

Pourrait-elle assurer cette sécurité, si elle le souhaitait ?

Il n’y a que quatre hôpitaux gouvernementaux à Bangui, et trois structures privées. Oui, nous pensons qu’il serait tout à fait possible de les sécuriser. La mission de l’armée française et de la MISCA est d’assurer la sécurité de la population, mais j’ai des doutes que les effectifs soient suffisants pour y parvenir, au regard des besoins actuels.

Il y a toujours beaucoup de tensions intercommunautaires, même si la situation est incomparable avec la journée du 5 décembre, journée durant laquelle Bangui a connu des manifestations de violences extrêmes – de très nombreux cadavres avaient été amenés dans l’enceinte de l’hôpital communautaire. Malgré la présence de l’armée française et de la MISCA, les violences continuent…

Comment se manifeste cette augmentation des violences dans les structures de santé ?

Aujourd’hui, 15 à 20 blessés arrivent en moyenne chaque jour dans l’hôpital communautaire où nous travaillons, des blessés par armes à feu, armes blanches, par des bastonnades, lynchages etc.

Durant la journée, par exemple, arrivent dans l’hôpital communautaire où nous travaillons des personnes qui tentent de rentrer armées. Nous sommes souvent obli-

Le Président et le Premier ministre centrafricains, Michel Djotodia et Nicolas Tiangaye, ont démissionné. Cela peut-il améliorer la situation ?

Nous ne pouvons pas prédire ce qui va se passer ni comment le contexte, notamment humanitaire et sanitaire, peut et/ou va évoluer. MSF suit la situation de très près. En attendant, nos activités continuent et nos équipes sur place se tiennent prêtes à répondre aux éventuels besoins et urgences qui émergeraient. Les besoins médicaux et sanitaires sont énormes en RCA, et MSF est déterminée à poursuivre ses activités de secours en faveur de la population centrafricaine. Combien y a-t-il de Centrafricains déplacés, selon vous ?

Aujourd’hui, nous pensons qu’il y a au moins 300000 déplacés, uniquement à Bangui. Quasiment la moitié de la ville vit soit dans des camps improvisés ou semi-organisés, soit dans des familles d’accueil. Les personnes qui ont fui leur maison ne veulent pas retourner chez elles. MSF n’est pas la seule ONG à travailler en Centrafrique…

Il y a d’autres ONG françaises, comme Action contre la faim, une ONG italienne : Emergency, et la Croix rouge internationale. Les agences humanitaires des Nations unies tentent d’augmenter les opérations de secours. Les besoins sont énormes, et nous ne sommes pas assez pour faire face à la situation, mais je ne peux pas critiquer l’absence d’organisations non gouvernementales, considérant l’insécurité actuelle en RCA. Doit-on craindre une aggravation de la situation dans les camps de déplacés ?

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Dans certains endroits où se concentrent les populations, comme dans le camp de l’aéroport, le basique, le minimum n’est pas assuré, beaucoup de personnes vivent et dorment dehors ; beaucoup manquent de nourriture, voire d’eau. S’il n’y a pas d’eau, d’hygiène, et d’abri, les conséquences peuvent s’avérer très graves sur un plan sanitaire. De quoi avez-vous besoin pour pouvoir maintenir vos activités et vos personnels ?

Le rétablissement de la sécurité, pour pouvoir organiser notre travail de manière optimale. Les 300 000 déplacés de Bangui se trouvent dans une grande difficulté. Comment voyez-vous évoluer la situation dans les semaines qui viennent ?

Ces dernières semaines, de nombreuses milices se sont constituées, mais sans leader politique, ou militaire identifié. Dès lors, il est difficile pour les Français et la MISCA de réaliser leur mission, et notamment le désarmement des belligérants. Nous comprenons donc qu’il ne soit pas aisé de rétablir un minimum de sécurité. Nous sommes donc assez pessimistes. Nous espérons la protection des structures de santé, des quelques hôpitaux qui subsistent à Bangui (nous ne pouvons pas prétendre agir sur tout le territoire), ainsi que des camps où se sont rassemblés les déplacés, c’est la priorité.

Propos recueillis par T.R.

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Aux Quatre Colonnes

Pacte de responsabilité contre réforme fiscale Les députés de la majorité ont compris la nécessité pour François Hollande de clarifier son positionnement social-libéral. Ils craignent que la grande réforme fiscale n’en soit fortement impactée dans un sens différent de ce qu’ils auraient souhaité. a majorité va-t-elle encore vivre des forts moments de divisions internes ? En proposant son « pacte de responsabilité » aux entreprises, dont les contours devaient être précisés lors de sa conférence de presse, François Hollande ébranle une nouvelle fois son camp. Pour de nombreux députés socialistes, ce discours a d’abord le mérite de clarifier la ligne du président de la République. « Il veut aller jusqu’au bout de la logique de l’offre », relève le député PS Christophe Caresche. Son homologue, Malek Boutih, partage le même constat. « C’est un tournant opéré en plusieurs étapes et qui a commencé lors de sa visite pour les 150 ans du SPD allemand. Lors de ses vœux, l’angle d’attaque est au moins plus clair. » Dans les couloirs de l’Assemblée nationale, son collègue parisien Pascal Cherki abonde aussi dans le même sens : « Ce n’est pas un tournant mais un approfondissement de ce qui est fait, même si je reste perplexe sur le choix de la relance par l’investissement. » Si François Hollande explique mieux la nature profonde de son orientation politique, reste à savoir s’il va réussir à emporter l’adhésion des rangs de la majorité. Là, rien n’est moins sûr. « Pour le PS, biberonné au keynesianisme et au principe de la redistribution, accepter l’existence

L

3 questions à

d’une crise de l’offre et l’accélération de la rénovation de notre pensée n’est pas naturel. Mais il n’y a pas d’autres alternatives, les socialistes en sont conscients », note Christophe Caresche. Du côté de l’aile gauche, la nouvelle orientation proposée par le chef de l’État a forcément plus de mal à être acceptée. Une forme de perplexité commence à se faire jour, voire de la déception. Lors de la réunion de groupe des députés, Barbara Romagnan est carrément sortie de ses gonds. « Le discours de François Hollande aurait pu être prononcé par Nicolas Sarkozy », a dit l’élue du Doubs en substance, avant de se faire rabrouer par le président de la commission des affaires économiques, François Brottes. Dans les colonnes du JDD, l’ancienne ministre de l’Écologique, Delphine Batho, a aussi dénoncé ce socialisme de l’offre défendu par le chef de l’État dans son discours des vœux. « Un mot a disparu, celui du changement. Il s’agit d’une sorte de tournant idéologique. Pour la première fois depuis le début du quinquennat, cette évolution est assumée. » François Hollande a certes davantage assumé son entrée dans le social-libéralisme, mais n’a pas précisé le chemin qu’il fallait emprunter pour l’atteindre. C’est sans doute là que se nichent les

MEHDI FEDOUACH/AFP

DÉPUTÉ PS DU RHÔNE

« Avec son discours, François Hollande a enterré, à sa manière, la réforme fiscale. » Malek Boutih

fait beaucoup », s’inquiète le député d’Indre-et-Loire. Malek Boutih se montre plus direct : « Avec son discours, François Hollande a enterré, à sa manière, la réforme fiscale. » L’avancée des travaux sur la refonte du système des impôts va en tout cas dans le sens d’un recentrage autour de la situation des entreprises. À l’approche des Assises de la fiscalité, des thématiques concernant les sociétés ont été arrêtées par le comité de pilotage gouver-

nemental. « Pas pour les ménages », reconnaît Christian Eckert, le rapporteur du Budget. Même si le Premier ministre s’est refusé à tout transfert de cotisations d’entreprises sur les familles, le sujet ne semble pas clos. Alors que de nombreux députés voient dans cette remise à plat fiscale un moyen de remettre de la redistribution, le président de la République n’est pas sur cette longueur d’onde. Le débat ne fait que commencer.

Le député PS Pierre-Alain Muet va piloter avec son homologue Dominique Lefebvre le groupe de travail parlementaire du groupe SRC sur la réforme fiscale. La réforme fiscale ne va-t-elle pas déboucher sur des changements a minima, surtout pour les ménages ?

PIERRE-ALAIN MUET

véritables inquiétudes sur les bancs de la majorité. Comment trouver de nouveaux milliards de réductions des dépenses publiques, alors que le dernier exercice budgétaire a montré la limite de l’exercice ? Pour Pascal Cherki, les bornes à ne pas dépasser sont clairement établies : « Si la baisse des charges s’opère par la baisse des prestations sociales ou par le transfert des prélèvements sur les ménages, cela pose un véritable problème. » Pour l’élu parisien, le Président ne saurait pas encore lui-même quelles pistes privilégier : « Il sait qu’il est dans une seringue, mais ne sait pas comment s’en sortir. Il est comme un poisson qui tourne en rond dans son bocal. » Certains craignent une nouvelle pénalisation des ménages, à l’instar du député Laurent Baumel. « Si François Hollande est en train d’écrire le tome deux du CICE, je suis contre », assure l’un des fondateurs de la Gauche populaire, qui reste aussi attentif à la façon dont les choses vont s’emboîter avec la réforme fiscale proposée par le Premier ministre Jean-Marc Ayrault. Car les deux sujets sont évidemment liés. « Baisser les dépenses publiques va forcément induire des arbitrages. Si la baisse des dépenses publiques doit financer le déficit, la réforme fiscale et la baisse des charges, cela

PIERRE VERDY/AFP

Par Pascale Tournier

Le processus devrait aboutir avant l’été. Le dispositif du groupe socialiste sera calé sur celui mis en place par le gouvernement. Des personnalités vont être auditionnées et l’on traitera de façon séparée la fiscalité des entreprises et des ménages. Le Premier ministre a rappelé que cela ne devait se traduire ni par une augmentation des prélèvements, ni par de nouveaux transferts de fiscalité des entreprises vers les ménages C’est la position clairement affirmée par le groupe

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SRC et rappelée par son président, Bruno Leroux. Pour les entreprises, cette réflexion s’inscrit dans le cadre des Assises sur la fiscalité des sociétés qui démarrent en janvier. Pour les ménages, c’est le prolongement d’une première étape importante de la réforme de l’imposition des revenus réalisée dans la loi de finances pour 2013, qui a consisté à imposer de la même façon les revenus du capital et du travail. En sanctuarisant le CICE ou le crédit d’impôt recherche, très contestés sur les bancs socialistes de l’Assemblée nationale,

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François Hollande ne limite-t-il pas l’ampleur du changement ?

Le Président a réaffirmé la logique de la réforme. Il s’agit de simplifier la fiscalité des entreprises et des ménages et de la rendre plus juste et plus efficace. La stabilité fiscale est un facteur important d’efficacité économique et il ne s’agit pas de remettre en cause des dispositifs récemment adoptés, dont les effets ne peuvent intervenir qu’à moyen terme. Du côté des ménages, la question de la modernisation de notre imposition des revenus (par exemple, prélèvement à la source, rapprochement et fusion éventuelle de

l’impôt sur le revenu et la CSG…) est un sujet qui nécessite du temps (plusieurs années pour être mis en œuvre) et de la concertation. Enfin, il faut aussi avancer sur la fiscalité écologique, qui est très en retard dans notre pays. Le Président semble reprendre la main sur le sujet. Ne met-il pas en difficulté Jean-Marc Ayrault ?

Non, car son projet de réforme fiscale a au contraire ressoudé le groupe socialiste, car c’était un engagement fort de la campagne présidentielle.

Propos recueillis par P.T.


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MARTIN BUREAU/AFP

Petits papiers ont montré que nous avions de bons fondamentaux », assure un proche de la candidate UMP à la mairie de Paris, Nathalie Kosciusko-Morizet. « Cela fait 10 ans qu’il n’y a pas eu d’élections intermédiaires pour une gauche au pouvoir. Beaucoup ont perdu le souvenir que, dans ce cas de figure, tout peut arriver, même dans des villes dites imperdables », veut croire un haut responsable de l’UMP.

CITIZENSIDE/JAOUED/IDAMMOU/AFP JOEL SAGET/AFP

Tous derrière NKM !

– personne ne sait pourquoi – du courant modéré d’EELV. Son réalisme actuel ne correspond pas à son caractère fondamental », insiste Alain Lipietz. À la fin de son émission, dimanche, Emmanuelle Cosse a soutenu qu’elle ne devait son poste « à personne » – ce qui a amusé l’assistance. « Elle a de l’autorité », dit d’elle Jean-Vincent Placé qui, avec Cécile Duflot, a réussi à l’imposer à la tête d’EELV. « Dans la période qui vient, il est nécessaire d’avoir beaucoup d’autorité, pour donner une ligne claire au parti, et une cohérence à notre action », poursuit le sénateur écologiste.

Placé vs Le Canard enchaîné

Le nom qui fâche

ALAIN JOCARD/AFP

Nicolas Sarkozy et Jean-François Copé ont déjeuné ensemble le 10 janvier. « Ce déjeuner devait initialement se dérouler avant la trêve des confiseurs, mais il a dû être reporté pour des questions d’agendas. Il a finalement eu lieu et s’est très bien passé », assure un proche du président de l’UMP. Le but de cette entrevue était de pacifier les relations entre les deux hommes, qui étaient tendues ces derniers mois – les petites phrases distillées dans la presse par l’ancien Président ne les avaient pas vraiment améliorées. « Ils n’avaient pas besoin de “pacifier leur relation”, ils sont souvent sur la même longueur d’onde », insiste ce proche de Copé. Parmi les différends entre les deux hommes : François Baroin. « Dès que Nicolas le met en avant, Jean-François entre dans une colère noire », raconte un ténor de l’UMP.

Dans l’entourage de Nathalie Kosciusko-Morizet, on ne comprend pas pourquoi la presse évoque des problèmes entre la candidate UMP à la mairie de Paris et Jean-François Copé, souvent soupçonné de ne pas assez la soutenir et de vouloir éliminer une rivale. « Une victoire de NKM à Paris serait plus gênante pour Fillon que pour Copé ; si NKM est élue maire de Paris, elle deviendrait la patronne de la fédération de Fillon – le point de départ de sa candidature à la primaire pour la présidentielle. Copé et NKM auraient leur fief, contrairement à Fillon. Quand ce dernier est venu à l’inauguration de la permanence de NKM, il a déclaré que Jean Tiberi avait été un grand maire de Paris : vous pouvez mesurer la force de son soutien à notre candidate à cette phrase. Il soutient NKM comme la corde soutient le pendu », poursuit-il. Même analyse, dans l’entourage du président de l’UMP : « Tout le monde s’est focalisé sur la dissidence de Beigbeder, toujours présenté comme “l’ami de Copé”. Regardez dans le 7e arrondissement, dans la circonscription de François Fillon : parmi les dissidents, il y a de nombreux Fillonistes. »

Après avoir révélé en décembre que le président du groupe écologiste au Sénat devait régler environ 18 000 euros d’amendes (une centaine d’infractions routières à l’époque où il était conseiller régional d’Île-deFrance), Le Canard enchaîné s’est à nouveau payé JeanVincent Placé, racontant qu’il s’était contenté de recopier une ancienne proposition de loi (déposée en 2012 par le radical Roger-Gérard Schwartzenberg) rétablissant une circonscription unique pour l’élection des représentants français au Parlement européen. « Quand on partage la même opinion sur un sujet, je trouve qu’il est assez naturel de reprendre un texte, je peux trouver des dizaines de textes recopiés sur ceux proposés par des écolos. » Le sénateur ne cache pas son agacement devant le traitement qui lui réserve le journal satirique : « C’est la rançon du succès, mais je trouve que ça devient un peu répétitif. Je l’ai dit à un responsable du Canard enchaîné : ça commence à ressembler à un acharnement, qui décrédibilise ce petit journal. » JOEL SAGET/AFP

Cosse dans le grand bain Ayrault zappe Valls Manuel Valls a observé de près l’attitude de JeanMarc Ayrault dans la journée du 9 janvier. Pendant que le ministre de l’Intérieur menait sa bataille contre Dieudonné avec un tribunal administratif puis le Conseil d’État comme arbitres. Il a ainsi relevé que, dans son communiqué après l’annulation du spectacle à Nantes – qui donnait raison à Valls –, le chef du gouvernement avait réussi… à ne pas citer le nom de son ministre.

Paris : l’UMP enfin en ordre de bataille ? À Paris, l’UMP y croit : la droite mise sur la forte mobilisation de son électorat et une forte démobilisation de celui de la gauche. « Après le mois difficile de la constitution de nos listes, durant lequel nous avons mangé notre pain noir, on pouvait croire que la candidature de NKM allait dévisser, et ça n’a pas été le cas : les récents sondages

Deux mois après avoir été élue secrétaire nationale d’Europe Écologie-Les Verts, Emmanuelle Cosse a connu sa première épreuve médiatique le dimanche 12 janvier au Grand Rendez-vous iTélé / Europe 1 / Le Monde. Si elle est restée silencieuse depuis deux mois, « c’est qu’elle ne sait pas encore ce qu’elle va faire », assure Alain Lipietz. Ce dimanche, comme lors de son discours d’investiture, elle a été dure avec la politique du gouvernement, tout en réaffirmant que les écologistes avaient toute leur place dans la majorité. « C’est quelqu’un qui a un vieux fond de radicalité (un passé militant à Act Up) et qui a finalement pris la direction NUMÉRO 475, MERCREDI 15 JANVIER 2014 L’HÉMICYCLE

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Édito

Des paroles et des actes

L’opinion d’Éric Mandonnet

«U

ne lutte drastique pour réduire les dépenses publiques inutiles. L’argent des Français est précieux. Chacun d’entre vous le gagne durement. Il doit donc être au service d’un État exemplaire et économe. » Voilà une

mule, « pacte de responsabilité », l’allocution a semblé apporter une clarification sur la ligne suivie. On se souvient que, dans l’une de ses conférences de presse, le 16 mai 2013, François Hollande avait laissé échapper : « Vous me demandez qui je suis ? Ça, c’est une question terrible ! » Dire qui l’on est, dire ce que l’on pense, voilà qui n’est pas anodin. Mais ce propos de la Saint-Sylvestre a-t-il pour autant constitué un tournant ? Dans les faits, les mesures nouvelles ne sont pas légion et même les précisions apportées lors de la conférence de presse du 14 janvier sont d’abord des mots. Mais le verbe n’est pas neutre pour un homme politique. Faire de la politique, c’est parler, disait Philippe Séguin. Peut-on imaginer un responsable muet ? Faut-il souhaiter un dirigeant qui agisse au lieu de s’exprimer ?

Bien entendu, c’est le fossé chaque jour plus important entre les paroles et les actes qui pose problème, et, davantage, qui constitue le cœur de la crise de la politique. Pour rapprocher les seconds des premières, François Hollande, on le sait, a lancé son fameux pari sur l’inversion de la courbe du chômage. À ce stade, il n’est pas gagné. En ce début d’année, une autre actualité relève du même bras de fer. Manuel Valls s’est lancé dans un combat contre Dieudonné. En publiant une circulaire qui vise à l’interdiction des représentations du polémiste condamné pour antisémitisme, le ministre de l’Intérieur a parlé haut et fort. Et après ? « Le rôle d’un responsable politique est de prendre des risques », remarquait Valls quelques heures avant que le tribunal administratif de Nantes se prononce sur l’interdiction du spectacle de

Dieudonné à Nantes. Le 9 janvier, le droit, par les allers-retours entre tribunal administratif de Loire-Atlantique et Conseil d’État, a fait trembler le ministre de l’Intérieur avant que, in fine, le membre du gouvernement le mieux placé dans les sondages voie ses mots suivis d’effets. Pour son plus grand bonheur. L’autre personnalité dorlotée par les enquêtes d’opinion échappe, elle aussi, à ce débat, après en avoir longtemps été la principale victime. Au pouvoir, Nicolas Sarkozy avait payé pour le décalage entre la rupture promise et la politique mise en œuvre. Aujourd’hui, ni parole, ni acte. Et, selon le Top 50 des personnalités préférées des Français réalisé par Le Journal du dimanche et l’Ifop, cela lui profite comme jamais. Ainsi va, de nos jours, la politique : c’est parfois le silence qui lui va le mieux. SIDONIE MANGIN

CHATIN/EXPANSION-REA

résolution forte. Difficile, certes, exigeante, mais claire. C’était dans les vœux présidentiels… du 31 décembre 2012. Le jour où le chef de l’État indiquait aussi que dans le courant de l’année 2013, au même titre que le mariage pour tous, serait traitée la question de la fin de vie. Entre ce que l’on répète, parce que c’est plus facile que de l’exécuter, et ce que l’on avance sans le faire ensuite, les premiers jours d’une année constituent toujours un piège pour le président de la République. François Hollande n’échappe pas à la règle. Son allocution télévisée du 31 dé cembre 2013 a une particularité : elle a marqué les esprits, elle a « imprimé ». Souvent, au cours des derniers mois, le chef de l’État discourait, mais on ne retenait pas grand-chose de ses interventions. Ramassée dans une for-

Passé-présent

l y a un siècle et demi, paraissait en feuilleton un récit d’un genre nouveau qui tenait les petits Français en haleine : Cinq Semaines en ballon, d’un certain Jules Verne. Celui-ci est encore inconnu alors : il s’est essayé sans succès à la poésie, au théâtre, avant d’innover en écrivant ce roman scientifique qui va subjuguer la jeunesse. C’est le premier de ces Voyages extraordinaires que les éditions Hetzel commercialiseront sous de splendides cartonnages rehaussés d’or. Plusieurs générations d’enfants découvriront le monde à travers ces romans, illustrés de fines gravures. En 1863, l’Afrique est encore un mystère pour les Européens. À part le Maghreb et la vallée du Nil, on n’en connaît que les régions côtières. Pour l’intérieur des terres, des explorateurs ont donné des informations ponc tuelles, bien difficiles à relier entre elles. De là l’idée géniale d’une traversée du continent en aérostat : l’Afrique vue du ciel, depuis la

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Quand les Français découvraient le centre de l’Afrique I

JULES VERNE (1828-1905) nacelle du Victoria, nom significatif du ballon qui transporte les trois héros britanniques du

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roman. Le Dr Fergusson, savant voyageur, est accompagné de son domestique Joe et de son ami

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écossais Dick Kennedy, chasseur passionné et fine gâchette. De Zanzibar au Sénégal en passant par le lac Tchad, ils découvrent une nature majestueuse qui semble n’attendre que sa mise en valeur par le colonisateur blanc. Les Africains, quant à eux, apparaissent primitifs et brutaux quand les trois hommes survolent le champ de bataille où deux tribus s’affrontent. Joe, l’homme du peuple, est pacifiste et relativiste : « Ce sont de vilains bonshommes ! Après cela, s’ils avaient un uniforme, ils seraient comme tous les guerriers du monde. » Ses maîtres en revanche, conscients de leur suprématie technologique, placent le débat sur un autre plan. « J’ai une furieuse envie d’intervenir dans le combat », déclare Dick Kennedy en brandissant sa carabine. « Non pas, répondit vivement le docteur ! non pas ! mêlons-nous de ce qui nous regarde ! Sais-tu qui a tort ou raison, pour jouer le rôle de la Providence ? Fuyons au plus tôt ce spectacle repoussant ! Si les

La concordance des temps de Bruno Fuligni HISTORIEN

grands capitaines pouvaient dominer ainsi le théâtre de leurs exploits, ils finiraient peut-être par perdre le goût du sang et des conquêtes ! » Ces controverses humanitaires pourraient se prolonger, mais voici que le chef d’un des deux camps, se vautrant dans les corps de ses victimes, s’adonne au cannibalisme. « Ah ! l’horrible bête ! Je n’y tiens plus ! » s’exclame Kennedy, qui l’abat d’une balle en plein front, renversant le cours de la bataille. Le Victoria s’envole vers de nouveaux horizons, mais ses passagers ont inventé la théorie du droit d’ingérence. Longtemps plus tard, quand les puissances européennes auront colonisé l’Afrique, Jules Verne écrira L’Étonnante Aventure de la mission Barsac : une mission parlementaire qui se rend sur place pour étudier s’il faut reconnaître le droit de vote aux indigènes. Dans ce roman posthume, on trouve cette phrase qui résume une époque et une vision du monde : « Y a bon République ! »


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Un œil sur l’Europe

La chronique européenne de Jean Quatremer

t si la crise de la zone euro n’avait été qu’une crise grecque mal gérée ? Car, si la première est bel et bien terminée, la seconde risque d’occuper encore longtemps les Européens. Ironie de l’histoire, ce découplage entre les deux crises apparaît clairement au moment où Athènes prend les rênes de l’Union pour six mois. Maintenant que la poussière de la crise est en train de retomber, on se demande comment l’incendie, parti de cette minuscule économie pesant moins de 2 % du PIB européen, a pu gagner le reste de la zone euro au point de sembler menacer, dans ses pires moments, l’existence même de la monnaie unique. Or, en ce début 2014, que constatet-on ? L’euro, que certains voyaient disparaître fin 2011 ou début 2012 (on mesure l’immense stupidité de ces prévisions) est toujours et solidement là : une devise forte, seconde monnaie de réserve au monde et des marchés qui investissent massivement dans l’Union, un havre de stabilité et de prospérité comparé au reste du monde et notamment aux émergents qui sont eux, désormais, au cœur de la tourmente. Trop optimiste ? Les faits sont pourtant là. En décembre, l’Irlande est sortie du programme d’assistance européen et est revenue avec succès sur les marchés : sa dette à 10 ans se négocie même sous les taux britanniques ! L’Espagne, elle aussi, n’a plus besoin de l’aide de ses partenaires, ses banques ayant été recapitalisées et leur bilan nettoyé des créances douteuses. La Slovénie, au bord du basculement, a réussi à redresser la barre à temps sans avoir recours au Mécanisme européen de stabilité (MES). Quant au Portugal et à Chypre, ils s’emploient à revenir sur les marchés le plus vite possible, d’ici à la fin de l’année espèrent-ils. Globalement, les taux d’intérêt des fameux PIIGS (Portugal, Irlande, Italie, Grèce et Espagne)

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ont été quasiment divisés par deux voire trois depuis le pic de la crise, même s’ils empruntent désormais plus cher sur les marchés (200 points de base de plus que le bund allemand, la référence absolue, contre moins de 100 auparavant) : mais l’anormalité était que tout le monde emprunte aux mêmes taux que l’Allemagne, alors que la compétitivité et les finances publiques sont loin d’être équivalentes. Bref, c’est à se demander si la crise n’a pas été un mauvais rêve, la défiance s’étant dissipée aussi vite qu’elle est apparue. Certes, la zone euro s’est profondément réformée afin de ramener la confiance : création du MES doté d’une capacité d’emprunt de 750 milliards d’euros, renforcement de la convergence économique et budgétaire, union bancaire, interventionnisme de la Banque centrale européenne, qui se comporte davantage désormais comme la Réserve fédérale américaine que comme la Bundesbank, etc. En un mot, elle a montré aux marchés que l’union monétaire était une union de solidarité où chacun est soutenu par ses partenaires en cas de pépin. Pourtant, cela semblait aller de soi lors du lancement de l’euro en 1999, et c’est pour cela que les investisseurs ont cru à l’euro. Mais, en 2010, cela n’était plus aussi évident et c’est cela qui a déclenché cette crise coûteuse en termes d’emplois et

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YORGOS KARAHALIS/AFP

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La crise de la zone euro, une crise grecque mal gérée

José Manuel Barroso et le Premier ministre grec Antonis Samaras à Athènes le 8 janvier. Il est clair que si, dès novembre 2009, lorsque le gouvernement grec a reconnu que son déficit public était en réalité trois à quatre fois supérieur aux chiffres officiels, tous les pays de la zone euro avaient fait bloc, la crise n’aurait même pas commencé, les investisseurs ayant la certitude de retrouver leur mise. C’est le doute instillé par Berlin qui a provoqué la crise :

eux-mêmes insuffisants puisqu’un vote doit approuver l’adhésion. Autrement dit, personne n’est mis devant le fait accompli. En ce qui concerne la Grèce (pour ne pas parler du Portugal, de l’Italie ou de l’Espagne), la responsabilité de chacun et donc de l’Allemagne est engagée, et sa vertu outragée (comment, les Grecs ont menti ?) était totalement hypocrite.

EN 2005, LORSQUE LE GOUVERNEMENT GREC DE KOSTAS KARAMANLIS A RECONNU QUE LES CHIFFRES DU DÉFICIT PUBLIC ÉTAIENT MENSONGERS DEPUIS AU MOINS 2002, LA ZONE EURO N’A ABSOLUMENT PAS RÉAGI… SI ELLE L’AVAIT FAIT, LA CATASTROPHE DE 2010-2012 AURAIT ÉTÉ ÉVITÉE »

financiers : en effet, la chancelière allemande Angela Merkel a longtemps estimé que les Grecs devaient assumer seuls les conséquences de leurs erreurs y compris en quittant la zone euro… Ce n’est qu’en août 2012 qu’elle a enfin abandonné cette option du « Grexit », prenant conscience des risques de délitement de l’ensemble de la zone euro et des conséquences géopolitiques que cela aurait pour son pays, qui aurait été rendu seul responsable de cette catastrophe (la disparition d’une monnaie est toujours une catastrophe : imaginez ce qui se passerait si le dollar ou le yen s’effondraient…).

s’il n’y a pas de solidarité et si chacun est responsable de ses erreurs, alors il n’y a aucune certitude d’être un jour remboursé de ses prêts. Donc il faut se désengager des pays les moins sûrs. Et c’est la réaction en chaîne. C’est exactement ce qui s’est passé. Le problème est que la conception allemande d’une union monétaire basée sur la responsabilité de chacune de ses composantes ne tient pas la route : en effet, l’admission dans le club de l’euro est une décision collective des États membres et des institutions communautaires. L’État qui veut adhérer doit remplir des critères objectifs qui sont en

Car, ce n’est un mystère pour personne que la Grèce n’aurait jamais dû adhérer à la zone euro : il a fallu que les États et les institutions communautaires (y compris la BCE) fassent preuve d’un incroyable aveuglement pour laisser entrer dans l’euro ce pays dont on « s’aperçoit » aujourd’hui qu’il ressemble fortement aux États d’Europe centrale et orientale au lendemain de la chute du communisme : clientélisme, népotisme, corruption, administration tentaculaire, secteur public démesuré, ordre juridique byzantin. « On s’est occupés de 70 pays depuis 1945 et je peux vous dire que la Grèce se situe dans les

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5 à 10 % les plus mal administrés que nous ayons rencontrés », raconte aujourd’hui un fonctionnaire du FMI. Une surprise ? Non. Il suffisait d’aller sur place, ce qu’étaient censées faire la Commission et la BCE, pour se rendre compte de l’évidence. On a d’ailleurs la preuve qu’il s’agissait bien d’une volonté de dissimuler la vérité : en 2005, lorsque le gouvernement grec de Kostas Karamanlis a reconnu que les chiffres du déficit public étaient mensongers depuis au moins 2002, la zone euro n’a absolument pas réagi… Si elle l’avait fait, la catastrophe de 2010-2012 aurait été évitée. Bref, la zone euro a payé cher une inconséquence dont elle est seule responsable. Une erreur à 240 milliards d’euros (plus les quelque 60 milliards de dettes grecques rachetées par la BCE sur le marché secondaire). Car la zone euro ne reverra sans doute pas la couleur de son argent, il ne faut pas rêver. Surtout, la Grèce n’a pas fini de l’occuper : « nous sommes ici pour longtemps », explique Horst Reichenbach, le patron de la « Task force » européenne, chargé d’aider ce pays à bâtir un État digne de ce nom. Ce n’est pas en trois ans qu’on efface un siècle et demi de nonÉtat. En 1991, Pierre de Boissieu, alors négociateur français du traité de Maastricht, expliquait en privé que l’Union pourrait « se payer la Grèce » vu son poids économique et qu’elle ne représentait aucun risque. On a vu ce qu’il en était.


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International

La coupe est-elle pleine pour une puissance moyenne ? Les chantiers diplomatiques de la France en 2014 sont légion. Faut-il les hiérarchiser en fonction de nos seuls intérêts ? Par François Clemenceau es crises ne manquent pas. Souvent, les diplomates avancent ce constat comme s’ils se félicitaient d’avoir à justifier leur surcroît de travail. De fait, de la Syrie à la Centrafrique, en passant par le dossier iranien toujours en négociation, il est clair que la France tente d’être à la hauteur de sa réputation et de ceux qui attendent d’elle des gestes forts. Mais ces mêmes diplomates l’avouent, la marge de manœuvre est faible. Dans « le monde apolaire » que se plaît à décrire Laurent Fabius, nouvelle version du monde multipolaire cher à Hubert Védrine, la France ne pèse en effet plus du même poids que dans le monde ancien. On l’a vu cruellement en septembre dans l’affaire syrienne. Pleinement engagée auprès de l’allié américain pour « punir » le régime de Bachar el-Assad, la France a dû rappeler ses vaisseaux à la dernière minute. Une reculade qu’elle ne pardonne toujours pas à un Barack Obama hésitant. Il faudra donc en 2014 « réinventer » la relation franco-américaine selon le mot d’un proche de Laurent Fabius, alors que François Hollande se prépare à sa première visite d’État à Washington en février. En attendant, Paris participera à la conférence de Montreux-Genève sur la Syrie, si elle finit par se tenir, mais sans en attendre de « miracle ». Fidèle politiquement à une opposition syrienne qu’elle a lâchée militairement, la France a choisi un camp qui l’empêche de jouer le dialogue avec l’ensemble des protagonistes et leurs parrains. Sa relation avec l’Arabie saoudite s’est nettement améliorée. On ne peut pas en dire autant de sa posture face à l’Iran. Surtout, compte tenu du rôle dévastateur du Hezbollah au Liban, où le parti pro-iranien bloque toute formation d’un gouvernement digne de ce nom et fomente des actions de déstabilisation dans le camp sunnite. En fait, la France n’attend rien du parrainage russo-américain de cette conférence Genève 2, pas beaucoup plus de la médiation onusienne de Lakhdar Brahimi. Et plus rien d’Ankara, où le Premier ministre Erdogan s’est laissé emporter dans un soutien à peine masqué aux

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djihadistes, cette Turquie où le président de la République se rendra pourtant fin janvier, ne serait-ce que pour des raisons économiques et pour réparer l’affront de Nicolas Sarkozy. Ce dernier n’y avait consacré que quelques heures lors de son passage en 2011 tout en marquant son mandat d’un refus de négocier plus avant les chapitres manquants de la négociation d’adhésion turque à l’Union européenne.

Tenir son rang Lutter contre la prolifération, tel était également le leitmotiv des Français sur le dossier iranien. Si l’on doit à la France un durcissement du texte de l’accord préliminaire avec l’Iran, négocié avec les autres grandes puissances du groupe 5+1, le résultat doit aussi beaucoup à la volonté des Iraniens de retisser un lien stratégique avec les États-Unis, comme le confirment leurs tractations secrètes au cours de l’été et de l’automne derniers via le sultanat d’Oman. Objectif commun, agendas séparés, dépendance d’Obama vis-à-vis d’un Congrès hostile, il y a des moments où les négociateurs français aimeraient renverser la table afin que chacun prenne ses responsabilités. Mais il faut tenir son rang d’allié malgré tout et rester disponible au cas où, en cas d’échec. Ce pourrait être le cas si la navette Kerry au Proche-Orient entre Israël et les Palestiniens finissait dans l’impasse. Alors il reste l’Afrique. Et dire qu’il y a exactement un an le secrétaire à la Défense américain Leon Panetta, à quelques jours de sa passation de pouvoir avec Chuck Hagel, était resté bouche bée en apprenant de son collègue JeanYves Le Drian que la France allait intervenir le lendemain au Mali. « Seule ? » Oui, seule. Ce pari, cette audace ont marqué les esprits. Quoi qu’en pensent les grincheux et ceux qui voyaient Paris s’enliser dans les sables du Sahel, Serval est un succès. Selon Antonin Tisseron, chercheur à l’institut Thomas More, cette victoire française ne saurait suffire. Elle doit être « consolidée » par la suite du processus démocratique, par une injection massive de capitaux pour

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Laurent Fabius, le 29 août 2013 à Paris. AFP PHOTO / PATRICK KOVARIK relancer l’économie, par une présence militaire africaine aidante, par une mobilité de nos forces spéciales antiterroristes dans l’extrême nord du pays. Mais 2014 sera justement, sur le plan diplomatique et sécuritaire en tout cas, consacré à un redéploiement des forces françaises pour lutter plus efficacement contre les djihadistes au Sahel. Non plus à partir des bases traditionnelles de la vieille relation franco-africaine (Libreville, Dakar…), mais depuis les antennes mobiles et flexibles (au Nord-Mali, au Niger et au Tchad) que l’armée française aura créées comme autant de postes avancés contre la menace terroriste.

Tests de crédibilité En Centrafrique, il y a comme un aveu. À l’Élysée, comme au ministère de la Défense, on reconnaît « des erreurs d’appréciation ». Pas tant sur les effectifs engagés ni sur la nature de l’opération visant « à sauver des vies » mais sur la « complexité » politique de l’anarchie ambiante. S’il est trop tard pour faire marche arrière, il est encore temps de repenser la méthode.

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C’est ce qui a commencé la semaine dernière avec l’éviction du Président Djotodia et de son Premier ministre de transition. Une mise à l’écart initiée par les plus hautes autorités en France et au Tchad et qui devait obtenir une validation régionale par les chefs d’États d’Afrique centrale. Après un mois de tâtonnement diplomatique, qui a dû beaucoup à une coordination médiocre entre le Quai d’Orsay et le ministère de la Défense, le décor politique à Bangui est désormais plus lisible pour entamer la reconstruction de l’État et pour protéger les civils d’un cycle de représailles en spirale. À charge désormais également pour les pays voisins et pour les Nations unies d’accélérer leur prise de responsabilité politique et humanitaire. Ces crises qui se succèdent et perdurent sont toutes des tests de crédibilité pour l’influence relative de la France. Contrairement aux ÉtatsUnis et à leur tendance au repli pour mieux reconstruire leur puissance économique, autre vecteur d’influence avec le poids militaire, la France en souffrance, avec sa croissance insuffisante et son chô-

mage massif, veut continuer à peser sur l’échiquier mondial. C’est toute la difficulté d’une nation porteuse de valeurs dites universelles : vouloir agir en permanence et partout en fonction de ses principes. Encore faut-il donc en avoir les moyens. Le 29 août dernier, Laurent Fabius, devant la conférence des ambassadeurs, admettait que la France « dans cet univers transformé, maintiendra, à l’horizon de 10 ans, beaucoup de ses fondamentaux » : membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, moteur économique et politique, avec l’Allemagne, de l’Europe, nation technologiquement avancée, pilier de la francophonie. Le ministre pointait les zones où notre pays n’avait pas suffisamment avancé ses pions. Afrique de l’Est, Amérique latine, Asie centrale, ExtrêmeOrient, avec plus de 60 milliards de déficit de notre commerce extérieur, la diplomatie économique, que l’Élysée et le Quai d’Orsay veulent mettre en avant, serait l’instrument majeur pour poursuivre cet objectif. Comme si l’on pouvait tout mener de front sans renoncer à ce que l’on est.


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CATHERINE GUGELMANN/AFP

ROLANDO PAOLO GUERZONI

Un autre regard pose beaucoup de questions sur le sens de la vie. Mais l’énergie est toujours plus forte que tout et, dans son torrent, elle emporte notre adhésion.

UN DVD

La Grande Bellezza de Paolo Sorrentino

Chaque semaine, cinq pistes pour s’évader avec Patrick Poivre d’Arvor

UN ALBUM

Reiser par Jean-Marc Parisis (Glénat) Très bel album qui rend un juste hommage à un formidable précurseur dont tous les dessinateurs se réclament aujourd’hui. Ce n’était pas un auteur de BD, c’était un Daumier du XXe siècle qui savait démolir toutes les conventions, toutes les réputations, y compris celles établies par son propre milieu. D’abord, en avait-il un, ce fils de femme de ménage né tout près de Longwy ? Père inconnu, « fils de Boche » lui lançait de temps à autre sa mère. Débuts difficiles dans la presse parisienne où on lui refuse tous ses dessins. Son premier support sera La Gazette du nectar, dont la réputation n’a pas dépassé les portes de Charenton. C’est là qu’en effet se trouvait la régie des vins Nicolas et c’est là qu’il publie ses premiers croquis sous le pseudonyme de J-M. Roussillon. Vint ensuite la rencontre avec Cavanna et en 1960, les débuts d’Hara-Kiri. Cabu, Gébé, Wolinski et bien d’autres rejoindront l’équipe qui va faire des étincelles jusqu’à la création de Charlie Hebdo. La disparition du journal fin 1981 sera un crève-cœur pour tous. Il renaîtra de ses cendres, tout comme Reiser, que personne, à commencer par sa femme Michèle, n’a oublié 30 ans après sa mort.

Maria Agresta Il disait : « Je dessine le pire parce que j’aime le beau. Pourquoi ? Je refuse de m’expliquer là-dessus. Je préfère laisser ça enfoui, mystérieux. Aux lecteurs de le découvrir. »

UN OPÉRA

Les Puritains de Bellini (Opéra Bastille à Paris) Fallait-il ressusciter Les Puritains, créés en 1835 au Théâtre des Italiens par Bellini, qui vivait alors à Puteaux, et jamais remontés à Paris depuis 1985 ? C’est la question qui a agité un certain nombre de mélomanes

lors de cette reprise. De mon point de vue la réponse est oui. D’abord parce qu’il faut renouveler le répertoire et qu’en ce qui me concerne je n’avais pas vu Les Puritains. Juste entendu. Ensuite parce qu’il y a dans cet opéra fort convenu quelques airs magnifiques. Ils n’imprimeront jamais nos mémoires musicales comme ceux des deux chefs-d’œuvre de Bellini, Norma et La Somnambule, mais ils sont de belle facture. Il y a hélas quelques bémols. Le ténor (Dmitry Korchak) est très médiocre et les déplacements du chœur frisent parfois le ridicule. Mais l’héroïne (Maria Agresta) est émouvante et prometteuse.

UN FILM

Casse-tête chinois de Cédric Klapisch

Quel plaisir à l’idée de retrouver une bande qui nous a v a i t enchantés a v e c L’ A u b e r g e espagnole puis Les Poupées russes. Erasmus a du bon, qui avait provoqué il y a une quinzaine d’années la rencontre de ces étudiants venus d’un peu partout. Mais le petit clan a explosé. Ils se sont aimés, séparés, ils ont eu des bébés, ils ont voyagé. Les hasards de la vie les réunissent à nouveau à New York. Cédric Klapisch s’en donne à cœur joie, car il y a beaucoup de courants d’air dans ces existences. On y rentre, on en sort, on claque des portes, on se désire, on se trompe et en définitive on se

Il existe désormais un petit club, voire une secte des adorateurs de La Grande Beauté, plus précisément de La Grande Bellezza, le titre italien du dernier film de Paolo Sorrentino, présenté à Cannes, très apprécié, puis sorti peu après en salles dans une relative indifférence. Depuis, la rumeur s’est amplifiée. Il faut avoir vu ce film qui nous réconcilie avec le cinéma italien, surtout avec celui de Fellini auquel immanquablement il fait penser. Cinquante ans après La Dolce Vita, voici son avatar de 2013. Comme chez son glorieux prédécesseur, une société s’écroule dans d’ultimes éclats de rire un peu forcés et son héros s’ennuie avec classe. C’est le formidable Toni Servillo qui remplace ici Marcello Mastroianni. Un décor tout aussi remarquable : Rome et son éternelle beauté.

UNE FANTAISIE POÉTIQUE

La Demoiselle de papier d’Alexandra Seringe (théâtre Les Feux de la rampe, Paris) Face à sa feuille blanche, un artiste cherche l’inspiration… Parviendrat-il à créer l’héroïne de ses rêves ? Un univers poétique, sans paroles, théâtral et gestuel, où le papier prend vie. Un spectacle de trois petits quarts d’heure, écrit et interprété par une jeune comédienne énergique, Alexandra Seringe.

EIP l’Hémicycle, Sarl au capital de 12 582 ¤. RCS : Paris 443 984 117. 55, rue de Grenelle - 75007 Paris. Tél. 01 55 31 94 20. Fax : 01 53 16 24 29. Web : www.lhemicycle.com - Twitter : @lhemicycle GÉRANT-DIRECTEUR DE LA PUBLICATION Bruno Pelletier (brunopelletier@lhemicycle.com) RÉDACTEUR EN CHEF Thomas Renou (thomasrenou@lhemicycle.com) ÉDITORIALISTES/POINT DE VUE François Ernenwein, Gérard Leclerc, Éric Mandonnet, Éric Maulin, Renaud Dély AGORA Thomas Renou ADMIROIR Éric Fottorino UN AUTRE REGARD Patrick Poivre d’Arvor AUX QUATRE COLONNES Pascale Tournier DOSSIERS Jean-Marc Engelhard INTERNATIONAL François Clemenceau EUROPE Jean Quatremer ÉCONOMIE Olivier Passet INITIATIVES Ludovic Bellanger COLLABORENT À L’HÉMICYCLE Julien Chabrout, Guillaume Debré, Brice Teinturier CORRECTION Maïté Simoncini MAQUETTE David Dumand PARTENARIATS Violaine Parturier (violaineparturier@lhemicycle.com - Tél. : 01 45 49 96 09/06 28 57 43 16) IMPRESSION Roto Presse Numéris, 36-40, boulevard Robert-Schumann, 93190 Livry-Gargan. Tél. : 01 49 36 26 70. Fax : 01 49 36 26 89 ACTIONNAIRE PRINCIPAL Agora SASU Parution chaque mercredi ABONNEMENTS abonnement@lhemicycle.com COMMISSION PARITAIRE 0418I79258 ISSN 1620-6479 Dépôt légal à parution

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À la tribune

Métamorphose numérique et développement durable des territoires ligent « machine to machine ». La métamorphose s’opère à un moment historique de transition : à l’apogée du développement industriel mondialisé et de la société de consommation, et au moment d’une prise de conscience des conséquences en termes de gestion des ressources naturelles en général et d’une nécessaire transition énergétique du fait de l‘épuisement de ces ressources non renouvelables et des conséquences

Par Gilles Berhault, président d’ACIDD – Association communication et innovation pour le développement durable – et du Comité français pour le développement durable, le Comité 21. Auteur de Propriétaire ou artiste ? Manifeste pour une écologie de l’être (éd. L’Aube) et de Développement durable 2.0. L’internet peut-il sauver la planète ? (éd. L’Aube)

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et Francis Jutand, directeur scientifique de l’Institut Mines-Télécom, membre du Conseil national du numérique. Co-auteur et direction du livre collectif La Métamorphose numérique (éd. Alternatives)

a société a engagé une mutation portée par les usages et développement massif des technologies numériques : près de sept milliards de téléphones portables, plus d’un milliard de personnes sur Facebook, et de 200 millions sur Twitter. Le numérique n’est pas qu’une simple transformation de services qui simplifient la vie et ouvrent de nouvelles formes de relations sociales, c’est la naissance d’une nouvelle civilisation avec une transformation en profondeur des fondamentaux de nos sociétés : création de valeurs, économie, démocratie, éducation ; usage et gestion de services d’énergie, de transport, de santé ; transformation de nos modes de vie, de l’habitat et de l’espace public. Internet renforce la capacité de production de connaissances, d’échange et de coopération entre les individus et remet en cause ce

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qui fonde les modèles d’organisation et de liens sociaux. Le renforcement des capacités d’agir des individus et des collectifs débouche sur de nouvelles formes d’implication dans les entreprises et dans l’exercice démocratique, comme les réseaux sociaux d’entreprises, l’économie de la contribution, et la démocratie participative et contributive, qui vont porter le développement humain et durable de nos sociétés. Les nouvelles communications impactent également les modèles de représentation des connaissances et la structuration perceptive et cognitive de l’humain. Les technologies et les services numériques intermédient les relations humaines et sociales et l’interaction avec le monde physique. Ceci pose des problèmes d’évolution conjointe entre les hommes et les machines dans leur dimension d’interface et de traitement intel-

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La métamorphose numérique appelle à l’empowerment des individus et des groupes, c’est-à-dire le développement des capacités d’accéder à l’information, de comprendre et d’agir sur le monde. Ceci conduira, sinon à un renversement, au moins à un équilibrage entre les mouvements descendants des hyperstructures et des organisations anciennes et les mouvements ascendants de la multitude. Et c’est de la synergie entre ces

économie plus localisée devront s’imposer sur tous les territoires dans le partenariat multiacteur inventé depuis près de 20 ans par le Comité français pour le développement durable, le Comité 21. La France a pris une responsabilité d’exemplarité. Elle va assurer la présidence de la Conférence mondiale pour le climat de 2015 (après le Pérou en 2014). 2015 sera l’échéance de négociation de la suite du protocole de Kyoto, c’est

LA FRANCE A PRIS UNE RESPONSABILITÉ D’EXEMPLARITÉ. ELLE VA ASSURER LA PRÉSIDENCE DE LA CONFÉRENCE MONDIALE POUR LE CLIMAT DE 2015 (APRÈS LE PÉROU EN 2014). 2015 SERA L’ÉCHÉANCE DE NÉGOCIATION DE LA SUITE DU PROTOCOLE DE KYOTO, C’EST À DIRE DES ENGAGEMENTS QU’ACCEPTERONT LES PAYS ET TOUS LES ACTEURS DES TERRITOIRES ET DE L’ÉCONOMIE À PARTIR DE 2020. CERTAINS CONSIDÈRENT QU’IL S’AGIT DE LA DERNIÈRE CHANCE, PLUS RAISONNABLEMENT, CE DOIT ÊTRE UN POINT DE DÉPART »

climatiques, auxquelles les technologies apportent des solutions mais aussi contribuent directement par l’obsolescence trop rapide des terminaux et les besoins de stockage de données. Nous avons besoin d’éclairer cette route incertaine et complexe de l’humanité, pour trouver ou retrouver la confiance. Si nous nous inscrivons dans la trajectoire de notre histoire, si nous intégrons le souci de l’éthique – c’est-à-dire notre capacité à anticiper dans une vision systémique du monde en transition –, si nous avons le souci du développement durable et si nous faisons de cette nouvelle opportunité pour le projet humain, l’affaire du plus grand nombre, alors la métamorphose mondiale pourra être à la fois partie prenante d’une transformation positive de la société humaine et une part importante des solutions aux crises multiples en cours. Les territoires urbains rassembleront sous 20 ans une très grande majorité de la population et donc des activités économiques et sociales. C’est là que naîtront et s’expérimenteront les innovations, c’est là que se joueront prioritairement les succès des politiques territoriales, énergétiques et environnementales, mais aussi éducatives et culturelles.

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sources que naîtront l’efficacité collective et la vraie rupture avec l’économie compulsive de la possession. Dans ce contexte, l’Institut MinesTélécom lance un programme, « Futuring Cities », une démarche innovante qui combine expertise des chercheurs, de sociétés innovantes et des collectivités territoriales. Nous devons croiser synchrone et asynchrone, et mettre la collaboration comme principe. Ce travail expérimental s’appuiera sur des chaires spécialisées sur des thèmes comme : la modélisation du quartier et de la ville de demain ; l’intelligence de l’écosystème de capteurs, de données et de traitement de la ville ; l’espace public et le nomadisme urbain, les services et les usages ; l’économie circulaire et de fonctionnalité ; la gestion du risque et de la sécurité, les réseaux urbains d’énergie, de fluide et de communication. Les questions environnementales et climatiques imposent un calendrier de changements sociétaux et économiques très rapide, pour lutter massivement contre les gaz à effets de serre, diminuer les pollutions et commencer à nous adapter aux conséquences des perturbations du climat. La localisation, l’écoconception, une nouvelle

à dire des engagements qu’accepteront les pays et tous les acteurs des territoires et de l’économie à partir de 2020. Certains considèrent qu’il s’agit de la dernière chance, plus raisonnablement, ce doit être un point de départ. Ce n’est pas qu’une responsabilité pour le président de la République et le ministre des Affaires étrangères, mais pour tous les Français. C’est aussi une grande opportunité collective pour toutes les organisations françaises – publiques et privées – et leurs réseaux de repenser leurs plans d’actions et parfois leurs stratégies, et de contribuer directement à la réinvention d’une économie plus sobre en carbone, mais surtout créatrice de richesse sociétale voire culturelle. C’est une exceptionnelle opportunité pour les deux années qui viennent pour innover et réinventer nos modes de vie et de travail… sur des territoires transformés. C’est le moment d’enrichir nos démarches sur un plan scientifique et culturel, d’inventer et de généraliser les solutions pour le climat. Chacun peut y participer.

Pour en savoir + www.mines-telecom.fr www.comite21.org www.gillesberhault.com


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À la tribune

Politique de l’eau : combattre les idées reçues et proposer des solutions

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Député des Côtes-d’Armor

epuis plusieurs mois, le gouvernement a engagé la politique de l’eau dans une dynamique positive. Plusieurs rapports ont contribué à la réflexion, de nombreux débats ont eu lieu, et l’on ne peut que s’en réjouir. En septembre dernier, la conférence environnementale a consacré l’une de ses tables rondes au thème de l’eau. Les futures lois sur l’agriculture et la biodiversité sont également très attendues. Après avoir remis au Premier ministre mon rapport sur l’évaluation de la politique de l’eau, j’ai été nommé rapporteur d’une proposition de loi pour l’accès à l’eau pour tous. Les lignes sont en train de bouger. Cela entraîne des inquiétudes que je peux comprendre, et j’ai lu ça et là des commentaires erronés sur la vision nouvelle de la politique de l’eau que je propose.

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Mon rapport voudrait « à tout prix prouver que ce secteur est mal géré » ? Pas du tout. Je souligne dans mon rapport que le modèle de l’eau a permis de multiples avancées en particulier sur le petit cycle de l’eau, qu’il a été innovant par son approche, ses principes fondamentaux, sa gouvernance et son système de financement. Mais je constate aussi que ce modèle a aujourd’hui atteint des limites, qu’il est arrivé au terme d’un cycle historique et qu’il doit évoluer. En effet, la qualité de l’eau se dégrade, les conflits d’usage s’intensifient, les principes de l’eau sont peu ou mal appliqués, les pollueurs ne sont pas toujours les payeurs, la fiscalité environnementale est marginale, les structures sont nombreuses et complexes, l’accès de l’eau à tous n’est pas garanti, les besoins de financement sont considérables, les redevances pèsent essentiellement sur les usagers domestiques et de nouveaux défis apparaissent.

Mon rapport traduirait « une prise de position très jacobine » ? Mes convictions, mes propositions et toute mon action d’élu local depuis 30 ans, avec une forte implication dans le domaine de l’eau, prouvent le contraire. J’ai d’ailleurs intitulé volontairement mon rapport : « Mobiliser les territoires pour inventer le nouveau service public de l’eau », car je considère que les collectivités territoriales, en premier lieu les communes et leurs groupements, en lien avec les régions et les départements, sont les échelons pertinents pour structurer une nouvelle gouvernance de l’eau. Celle-ci permettra de prendre en compte l’interdépendance des politiques publiques d’aménagement du territoire et de développement économique, pour rapprocher et rendre plus cohérents les outils des politiques de l’eau, pour apporter plus de lisibilité, de réactivité et de responsabilité, mais aussi plus de souplesse afin de tenir compte de l’histoire et de l’hétérogénéité des structures locales. Cette mobilisation des territoires s’inscrit dans la nécessité d’une impli-

cation plus forte de la puissance publique dans le domaine de l’eau. Ma proposition de création d’une nouvelle compétence gestion de l’eau et des milieux aquatiques affectée au bloc communal s’est d’ailleurs concrétisée dans le projet de loi Modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles voté en deuxième lecture à l’Assemblée nationale. L’implication de la puissance publique, de l’État aux collectivités territoriales, en passant par le Parlement, est réclamée par tous les rapports d’évaluation. D’abord parce que c’est le cadre communautaire européen, très contraint, qui détermine l’essentiel des orientations des politiques publiques dans le domaine de l’eau, avec les directives-cadres (DCE, DCI…). C’est aussi l’État qui doit assurer ses missions régaliennes de police de l’eau et donner à la puissance publique les moyens de la connaissance, de l’expertise, de la recherche et de l’ingénierie indispensables pour agir. L’implication renouvelée de l’État est aussi nécessaire pour faire face aux enjeux du réchauffement climatique, des inondations, de l’accès à l’eau pour tous, de la lutte contre les pollutions émergentes, pour simplifier et rationaliser le « millefeuille » administratif de l’eau, préciser les financements et les rendre plus lisibles, dans un souci de transparence et de véritable démocratie de l’eau.

Au sujet de la gouvernance, il y a un réel malentendu sur la création d’une « haute autorité indépendante ». C’est l’une de mes propositions phares. Aucune autorité ne régule réellement le domaine de l’eau aujourd’hui. Les compétences exercées historiquement au niveau national par les ministères de l’Écologie, de l’Agriculture, des Finances, de l’Intérieur, de la Recherche, de la Santé publique provoquent un morcellement qui fait obstacle à une régulation publique effective du secteur. De plus, les enjeux financiers du secteur de l’eau sont considérables : 23 milliards par an ! Or, de l’aveu même de la Cour des comptes et du Conseil d’État, aucune autorité publique n’est capable d’identifier avec précision ces flux financiers. C’est pourquoi le secteur de l’eau est particulièrement exposé à des conflits d’intérêts potentiels, les mêmes acteurs publics comme privés se trouvant en situation

décisionnaire dans l’attribution et le bénéfice de financements. Il m’apparaît non seulement opportun mais indispensable de créer cette Autorité nationale de l’eau, outil de régulation, de transparence, d’investigation, à l’image de celles qui régulent d’autres secteurs comme l’énergie, les télécoms ou l’audiovisuel. Cette autorité existe dans d’autres pays européens et fait partie des recommandations de l’OCDE. Il ne s’agit pas de créer une structure lourde. Elle serait composée de représentants des corps de contrôle, des autorités juridictionnelles (conseillers du Conseil d’État, de la Cour des comptes, de la Cour de cassation) ainsi que de représentants du Parlement. Contrairement à ce qui est parfois affirmé, le CNE ne peut jouer ce rôle. Ce n’est ni dans ses missions ni dans ses statuts. Le CNE est une instance consultative où sont représentés tous les intérêts catégoriels et où il est difficile de faire émerger de réels consensus au service de l’intérêt général. Les enjeux considérables liés à l’eau nécessitent impérativement de dépasser les approches

restrictives par l’unique prisme des structures, quelle que soit la qualité de ceux qui les animent. Qui peut nier que l’eau, auparavant abondante, est désormais soumise à de multiples tensions, à de multiples pressions ? Que l’eau facile est devenue fragile ? Que l’eau, patrimoine commun de la Nation, nécessite une vision politique de long terme ? C’est le sens de mes propositions qui – j’ai pu le constater – sont largement partagées par les parlementaires, les acteurs de terrain et les citoyens. Je me réjouis également qu’elles soient reprises dans la feuille de route fixée par le gouvernement à l’issue de la Conférence environnementale de septembre dernier : la lutte contre les pollutions diffuses, notamment d’origine agricole, la préservation et la restauration des cours d’eau et des milieux aquatiques, l’amélioration de la gouvernance et de l’efficacité de la politique de l’eau, la garantie de la transparence de la politique de l’eau. Reste maintenant à mettre en œuvre les actions qui permettront d’atteindre ces objectifs.

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* Soit environ un an, en fonction du calendrier parlementaire.

Par Michel Lesage

C’est la réalité et tous ces constats sont partagés par les rapports récents. Ils sont souvent plus sévères que le mien : rapports du Conseil d’État, de la Cour des comptes, du CESE, du Conseil des prélèvements obligatoires, du CGEDD, etc. Autre rapport récent dont on parle peu : le rapport Aqua 2030 issu des travaux menés par une trentaine d’experts et publié le 7 août 2013. Il élabore cinq scénarios d’évolution. Deux de ces scénarios, intitulés « tendanciel » et « à vau-l’eau, la crise », ne permettent pas d’améliorer la qualité de l’eau ni d’atteindre les objectifs de la DCE. La crise se poursuit, voire s’accentue. Le rapport d’Anne-Marie Levraut, du CGEDD, est aussi un rapport très intéressant. Je partage l’essentiel de ses conclusions et de ses propositions : « des pollutions diffuses, notamment agricoles, encore trop fortes. […] Une implication insuffisante et parfois lacunaire des acteurs locaux, des politiques publiques insuffisamment convergentes et coordonnées, des services publics de l’eau et de l’assainissement efficaces mais trop nombreux et trop peu efficients et transparents. Un système d’information sur l’eau fragile et peu accessible aux usagers, un défaut de lisibilité des enjeux financiers, une application perfectible du principe pollueur-payeur et de récupération des coûts ».


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